LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Genre et technologies numériques

Jasmine Morvan, Mathilde Mesbah, Camille Clément

Selon Béatrice Borghino, le genre révèle la construction « … de ce qu’est (ou devrait être) une femme ou un homme, le féminin ou le masculin ».
On pourrait définir le genre comme le produit social d’un système d’organisation hiérarchisée du monde en deux parties inégales. Les médias et l’éducation sont des exemples de lieux où sont véhiculés ces représentations stéréotypés des deux sexes.

Le concept de genre qui se trouve être construit socialement, culturellement, historiquement, est donc à différencier du “sexe” qui lui est biologique.

Dans l’idée que les technologies numériques brouillent et transforment les identités sociales, quels liens peut-on faire entre la question très actuelle et controversée des genres et le développement des NTIC ?

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L’ordinateur et le web, représentent-ils un vecteur de reproduction des stéréotypes féminin/masculin ou une résistance au clivage des genres ?

1. La technologie a-t-elle un sexe ?

La forte présence masculine dans les domaines des technologies informatiques.  
Pour saisir les modes d’interactions des femmes avec la technologie, il est nécessaire de prendre en compte ce fait indéniable. Malgré le fait que les femmes soient utilisatrices de nombreuses technologies informatiques et qu’elle utilisent presque autant ces nouvelles technologies que les hommes, elles sont cependant beaucoup moins présentes dans les lieux d’apprentissages des savoirs-faires numériques et ne participent pas à la conception de ces technologies.
Un des premier lieu où s’exerce cette sur-représentation du masculin, est l’enseignement de l’informatique. Malgré l’amélioration générale de la situation des femmes (ouvertures des systèmes éducatifs, accès peu à peu à des métiers initialement réservés aux hommes), il y a une prédominance des hommes dans les filières techniques et scientifiques en général, même dans les pays qui favorisent l’égalité femme-homme. L’éducation genrée des garçons et filles joue sans doute un rôle dans ce clivage : dès la plus jeune enfance, les garçon sont beaucoup plus initiés que les filles aux jeux techniques et outils. Très tôt les petits garçons acquièrent une certaine forme de culture technique .

Cette prédominance s’exercèrent plus particulièrement dans le domaine d’étude de l’ingénierie informatique  En 2002, les DUT informatiques en France comptent 10% de femmes contre 60% en 1980. Un des explications de cette baisse est le renforcement de la représentation sexué de l’informatique avec la démocratisation de l’ordinateur dans l’enseignement et le foyer (Dominique Vellard, 2003). Mais les écoles et les lieux de formation participe également à ce phénomène et une autre explication de cette faible proportion féminine dans l’enseignement de l’informatique est le mécanisme de sélection scolaire.

Puisqu’il y a un écart d’orientation dans les enseignements technologiques entre filles et garçons, on observe mécaniquement une sous représentation des femmes dans les carrières professionnelles liée aux nouvelles technologies. L’on peut parler d’une quasi-exclusion des femmes dans la création et la production des nouvelles technologies où les hommes sont plus nombreux et dominants. Ainsi les Hommes sont majoritaire dans les domaines de l’industrie de l’informatique et l’ingénierie des logiciels : le domaine des nouvelles technologies est vu alors comme un lieu où s’exerce la créativité, l’innovation et donc la domination de l’autre sexe.

 

Une tendance féminine à la réticence vis à vis de l’informatique 
La métaphore de l’automobile comme « passion réservée aux hommes »est souvent exprimé par les femmes questionnés par les sociologues sur leur méconnaissance de l’appareil informatique. Une enquête sur des étudiantes en informatique (aux bons résultats et donc hautement compétentes dans le domaine) a relevé que ces femmes se sentaient moins créatrices et moins doués en programmation que leurs collègues masculins (Sherry Turkle, 1998). Plus qu’un sentiment d’infériorité, cette étude a montré l’expression d’un aversion pour le concept de “machine intime” par ces femmes . La “machine intime” c’est l’idée d’une relation fusionelle homme/machine, c’est une passion pour l’informatique mais aussi pour la machine elle-même et sa logique.
Turkle a ainsi relevé chez ces femmes, un sentiment de crainte et un refus à d’être identifié à cette perception de la culture informatique.

Dans l’idée d’une éducation différencié des filles et des garçons, certaines valeurs et comportement spécifique au sexe de l’enfant vont être encouragés par les parents : les filles plus que les garçons vont par exemple être invité à cultiver leur sensibilité, leur intuition. Contrairement aux valeurs dites “masculines” comme la rigueur ou la logique, ces exemples de qualités féminines vont à l’encontre de la culture technique encouragé chez les garçons pendant que les filles sont poussées à la socialisation.  Cette vision très cliché de l’éducation tend bien sûr à s’effacer de plus en plus, mais ces modèles traditionnels persistent encore dans notre société qui véhicule toujours des stéréotypes masculin/féminin.

 

2 . Des usages et des pratiques sexués des technologies numériques

Une construction sociale des TIC
Si dès les années 60 la femme gagne en autonomie et voit sa condition changée, ce progrès n’instaure toujours pas aujourd’hui une égalité parfaite entre les deux sexes. Il est important de prendre en compte la place des femmes dans l’entreprise et le foyer qui façonnent l’appropriation des nouvelles technologies par les femmes.

Les femmes sont depuis longtemps utilisatrices de technologies sur leur lieu de travail,  à l’image de la standardiste ou de la secrétaire des années 50 posté derrière sa machine à écrire. Il y avait une non-exclusion des femmes vis à vis des technologies mais une limitation de leurs activités à des tâches sous-qualifieés. Hormis les applications informatiques utilisés dans les métiers scientifiques, la secrétaire était un des premiers métiers (féminin, qui plus est!)  où l’on utilisait l’ordinateur et les logiciels de bureautique. Mais est venu la banalisation et l’appropriation de la bureautique par les cadres, qui a cessé alors d’être un savoir-faire spécifiquement féminin.

Depuis la seconde guerre mondiale, l’on assiste à la féminisation de la population active mais également à la féminisation des consommateurs d’objets techniques. Si les femmes ont largement adhéré aux technologies comme le téléphone qui s’accorde au rôle de lien social dévolu à la gente féminine ou encore la radio qui comporte une dimension domestique, l’utilisation des NTIC à leur début étaient majoritairement masculine pour ensuite devenir presque égalitaire durant le développement massif de ces NTIC.
Du minitel, jusqu’à internet, en passant par le micro-ordinateur, l’écart entre le nombre d’hommes et de femmes utilisatrices de ces nouvelles technologies s’est amoindrit au fil du progrès technique.
Cependant, l’évolution de ces statistiques montre l’amélioration de l’accès de femmes aux NTIC mais soulève également une nette plus grande fréquence et durée d’utilisation chez les hommes.
On observe donc une appropriation plus lente de ces technologies par les femmes. Cette appropriation se réalise dans la démocratisation voir la banalisation de la machine qui n’est plus sujet et fantasme informatique, mais qui devient un simple et “ordinaire” objet.
Même dans une utilisation récréative de l’ordinateur et des NTIC en général, ces usages féminins s’inscrivent d’avantage dans une démarche de rationalité (Croenberg, 1992). Le fait que les femmes se livrent moins que les hommes aux hobbies informatiques comme les jeux, mais qu’elles sont majoritaires dans l’utilisation de la bureautique illustre parfaitement cette différence de perception de la technologie.

Le cas particulier des technologies de communication.
Un certain nombre de Gender studies parlent de l’attrait féminin pour la fonction communicationnel des technologies numériques. Une étude sur 24 jeunes internaute a conclu l’utilisation massive d’internet par les femmes pour le courriel électronique et la recherche d’information, au détriment des forums et chats beaucoup moins fréquentés (Josiane Jouet et Messin, 2003) Le mail, utilisé par ces femmes pour communiquer avec un réseau de lieux forts que sont les cercles amicaux et familiaux, est accepté car perçu comme plus intime et personnel.
Devenant support d’activité courante, la technologie devient en quelque sorte invisible aux yeux des femmes qu’y en sont parfois réticente. Un étude sur des internautes filles australiennes met l’accent sur la conception féminine d’internet comme moyen pour des activités, plutôt qu’un jeu ou une technologie à maitriser (Singh, 2001).
Par ailleurs, Les femmes utilisant les réseaux sociaux cherchent d’avantage a entretenir des relations existantes alors que les hommes sont autant intéressés par le maintien de relations existantes qu’à la recherche de nouvelles relations (Muscanell et al. 2012).

Mais cette description de clivage dans les usages des nouvelles technologies ne signifie pas que les frontières entre ces deux modes d’usages soient étanches.
Ils existent bien sûr des hommes aux profil d’usager rationnel associé d’habitude à la figure féminine et inversement, il y a des femmes à l’utilisation ludique et la pratique technique. Parce que les recherches portant sur les hommes et leur rapport à la technologie concernent le plus souvent des fanatiques d’informatique, la sociologue Josiane Jouët a émis l’hypothèse que l’étude d’usagers masculins ordinaires était nécessaire pour affiner la disparité des usages de ces technologies.

 

3. Sexisme et représentations stéréotypés sur les médias numériques

« L’idéal de beauté n’a jamais été aussi grand et important qu’aujourd’hui » d’après Liesbeth Woertman, professeur en psychologie à l’Université d’Utrecht.  Les nouveaux usages d’internet montrent bien un centrage sur l’ego, notamment avec l’apparition des selfis. Cela montre une évolution de la société entre une époque ou on faisait peu de photos et maintenant ou la plupart des gens peuvent prendre une photo sur leur téléphone portable. Les selfies sont le reflet d’un changement de société ou l’apparence prend une certaine importance et l’intimité est montré.

D’autre part, l’accès à la pornographie est de plus en plus précoce. Il est estimé que les premiers images pornographiques sont visionnées par des enfants de 11ans. Ce chiffre est aussi du à la présence d’internet et de son hyper-sexualisation. La construction du rapport à l’autre sexe et des shémas de rapports amoureux de la pornographie montrent le plus souvent une domination claire de l’homme sur la femme. Ces représentations des rapports n’aide en rien à la construction d’une égalité.

Une étude mené en 2006 par  l’université du Maryland à montré que les messages tendancieux et sexuels reçus sur les chats été 25 fois plus important avec des pseudo féminins que masculins dans les chats. Internet est aussi un espace de prise de parole anonyme. Les utilisateurs se sentent protégés par cet anonymat qui leur permet de s’exprimer de manière plus franche et parfois plus violente.

Sur le site de rencontre Adopteunmec, il existe une rubrique sexo qui n’est pas présente chez les hommes. Cela donne l’idée que la sexualité est un facteur important pour un homme mais pas pour une femme mais aussi que la sexualité d’une femme doit être conforme à certaines caractéristiques pour plaire.

Google a révélé un vrai problème de société par ces suggestions. En effet. En tapant « les femmes doivent », l’une des propositions est « de faire le ménage ». En écrivant « les femmes ne doivent pas », on vous propose « travailler » ou « voter ». UN Women by Memac Ogilvy & Mather a utilisé les résultats de Google Search pour montrer la récurrence du sexisme en ligne. Ils l’on utilisé pour monter une campagne de communication contre le sexisme appelé “women should”.

Pour lutter contre ces clichés, Fleur Pellerin a saisi avec Najat Vallaud Belkacem le Conseil national du numérique fin 2013 pour “travailler sur l’image des femmes dans le Web”. Fleur Pellerin demande “Comment réagir lorsque les réseaux sociaux ou les jeux vidéo répandent des clichés sexistes, alors qu’il n’y a pas forcément de dépôt de plainte ?“.
Leur pouvoir est néanmoins limité dans un espace d’expression comme internet. Le changement doit se faire au sein des société pour se refléter sur internet. le gouvernement à d’ailleurs diffusé récemment une vidéo pour lutter contre le sexisme dans la publicité.

Les féministes sur internet
Les féministes ont maintenant les moyens de s’exprimer contre les stéréotypes de la pub. On peut penser par exemple a la campagne de publicité “Are you beach body ready” pour “Protein World”, une entreprise qui vend des produits de régime. L’affiche n’a pas été jugée offensante par l’ASA mais a ete largement critiqué sur les réseaux sociaux. Un hashtag #eachbodysready a été suivi, une page facebook “eachbodysready” a été créé et des groupes féministe comme “Osez le féminisme” ont largement diffusé des articles de blogs et de sites féministes protestant contre cette campagne.

Il existe de nombreux sites web feministes et certains peuvent être très influents. On peut retrouver les sites comme sexismeordinaire.com ou osezlefeminisme.fr. Ces acteurs sont aussi présents sur les réseaux sociaux. Leur popularité et leur activité informe des dernieres acualités féministes. De fait il permettent une remise en question régulière de l’image de la place des femmes dans la société mais surtout apprennent à les reconnaitre. Il est vrai que beaucoup de clichés, de fait entrés dans la culture et moeurs communs ne sont pas si facile à reconnaître puisqu’ils font appel à certains codes auquels nous sommes habitué.

 

Publicité
Les publicités appellent souvent l’imaginaire stéréotypé consensuel et un modèle patriarcal qui reste très présent dans nos sociétés qui ne sont donc pas toujours identifiés comme sexistes par l’audience, peut être par l’habitude de voir des images de soumissions, de nudité ou des rôles préconçus.

Le rôle exacerbé de la femme poupée présent sur la toile et dans les médias a un impact fort sur la manière dont les femmes se voient et se comportent. Beaucoup de femmes se projettent par rapport à ces images. Le danger de cette image réside dans le fait que des femmes tendent a atteindre un objectif de perfection du corps et des comportements dit féminin jusqu’à vivre dans un mal être si cet objectif n’est pas atteint. Mais comment atteindre la perfection d’un mannequin photoshopé et jusqu’au cette image est elle dangereuse.
Il faut penser à toute les femmes qui sont confrontés a des problèmes de trouble du comportement alimentaire dans ce cadre de culte de la minceur. L’anorexie est une maladie directement liés à cette image a laquelle les femmes sont soumises.  Les société de produits de minceur poussent à adopter des comportements alimentaires à risque.
Il existe d’autre part un marché important des produits de beautés, programmes minceurs, stages de cuisine.

L’image de la femme va être lié par les publicitaires à certains produits. Cette image a évolué, entre la femme mère de famille dans les années 50′, la pin-up et aujourd’hui la femme fatale sexy, notamment avec l’apparition du porno chic. Les pub n’hésitent d’ailleurs pas a user des codes de la pornographie, majoritairement pour les produits de luxe mais aussi pour des produits plus banal.

Il existe d’autre part des organismes chargés de réguler les publicités comme l’ASA (“Advertising standards authority”) en Angleterre, mais aussi des groupes indépendants qui dénoncent les pubs sexistes comme jesuisunepubsexiste.

 

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