LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Peut-on vivre de YouTube ?

Nathanaël DWORCZAK, Béatrice GUNA, Ayoub El Harti. 

 

YouTube est une plateforme communautaire de partage de vidéos en ligne créée en 2005 par des anciens employés de PayPal. En 2006 Google rachète YouTube pour 1,65 milliard de dollars, c’était le plus gros achat de son histoire à l’époque. Depuis, l’audience de YouTube a fortement progressée, passant de 60 millions de visiteurs par mois a plus d’un milliard d’utilisateurs. Quatre cent heures de vidéos sont téléchargées sur YouTube chaque minute [1]. En 2015 selon Médiamétrie, près de 25 millions d’internautes français consultent chaque mois plus de deux heures de vidéos sur YouTube.

En 2007 la plateforme a créé le programme YouTube Partner qui permet de gagner de l’argent en monétisant ses vidéos. C’est le début de l’essor des “YouTubeurs”. Ce terme désigne un vidéaste qui diffuse ses vidéos sur YouTube, souvent en essayant de générer une rémunération. Le terme de YouTubeur s’est imposé dans le langage courant au détriment de cinéaste web plus adapté. Cela est dû au fait que YouTube est largement leader dans le domaine des vidéos publiées sur le web avec plus de 1,5 milliards de vues, devant Facebook (plus de 800 millions) et Dailymotion (moins de 50 millions) (chiffres de juillet 2016) [2].

Entre 2006 et 2016, de nombreux YouTubeurs ont émergés (Cyprien, Norman, PewDiePie…). Ces success stories ont largement alimenté les fantasmes autour de cette profession. Cependant, il est important de rappeler que seulement 1% des vidéos partagées sur YouTube concentrent plus de 93% des vues. Dans cet article nous nous poserons la question de savoir si il est vraiment possible de vivre de son activité sur YouTube. Nous expliquerons toutes les étapes que l’utilisateurs doit parcourir pour lancer son activité, de la création de sa chaîne à la création de son entreprise. Nous détaillerons ensuite le système publicitaire de YouTube et le financement des YouTubers. Nous détaillerons également les Networks qui aident les YouTubers à se professionnaliser. Ensuite, nous explorerons les algorithmes de YouTube qui trient et classent les vidéos sur la plateforme. Enfin, nous donnerons la parole aux YouTubeurs en analysant des vidéos qui parlent de ce sujet.

I. Lancer son activité sur YouTube

  1. Les premiers pas

La première étape pour lancer son activité sur YouTube et de créer une chaîne avec un titre et une description. Puis de créer les différents visuels (bannières, image de profil). Et enfin, produire sa première vidéo. Il est alors nécessaire de développer des compétences de scénarisation qui prend en compte les spécificités de la plateforme, notamment les formats de vidéos ou l’interaction avec l’audience. Les formats les plus populaires sont les podcasts (court et humoristique), les let’s play (partie de jeu vidéo commentée), les tutoriels, les tests de produits, les chroniques de livres ou films…

Après la scénarisation, il faut filmer avec du matériel vidéo. Les premiers YouTubeurs ont souvent commencé avec des moyens modestes et une qualité vidéo pauvre (une simple webcam). Depuis, de nombreux YouTubeurs investissent dans du matériel de qualité (reflex, fond vert, microphone, éclairage…). Avec le développement des différentes technologies, il est également possible de commencer avec un budget modeste tout en ayant une qualité convenable. Il suffit alors d’avoir un smartphone de milieu de gamme, un mini-trépied, un microphone cravate et en prenant la lumière du jour. Il faut également un logiciel de montage, certains sont gratuits (iMovie, VideoMaker…).

Après avoir posté une vidéo, il faut qu’elle soit vue par les internautes et qu’elle devienne virale. Pour cela il faut que la vidéo soit relayée par des influenceurs, partagée, détournée… Pour augmenter les chances de réussite, le vidéaste peut utiliser plusieurs bonnes pratiques. Tout d’abord un titre et une miniature qui donne envie à l’internaute de cliquer. Pour augmenter le référencement de sa vidéo, il faut également renseigner la description, les tags et les catégories. Il ne faut pas non plus hésiter à partager sa vidéo sur différents réseaux sociaux ou sites web, ce qui aidera à  la propager et à la faire connaître.

  1. Animer sa communauté et monétiser ses vidéos

Il est également conseillé d’inviter les spectateurs à commenter, à aimer, à partager ou à s’abonner à la chaîne. En fidélisant les spectateurs le YouTubeur développe sa communauté. De plus, les abonnés sont les spectateurs les plus actifs. La plupart des commentaires, likes et partages proviennent de ces abonnés. L’interaction avec les spectateurs est donc particulièrement importante sur YouTube. Pour agrandir sa communauté, il est également recommandé de collaborer avec d’autres YouTubeurs. Cette collaboration permet de se faire connaître auprès d’une autre communauté.

YouTube Analytics permet de mesurer son audience. A partir de cet outil il est possible de connaître pour chaque vidéo la durée de visionnage, le nombre de vues, les revenus publicitaires, le nombre de commentaires, de partages, de likes… L’analyse de ces données aide à comprendre son audience et à s’adapter selon les échecs et les succès. Il est également possible d’observer le taux de rétention d’une vidéo, c’est-à-dire à quel moment les spectateurs quittent la vidéo. YouTube Analytics permet aussi de savoir si les spectateurs proviennent d’une recherche YouTube ou Google, d’un partage sur les réseaux sociaux ou sur un site web, d’un abonnement ou d’une recommandation…[3]

Enfin, pour monétiser ses vidéos il faut devenir partenaire de YouTube et créer un compte sur AdSense, la régie publicitaire de Google.[4] Il faut également créer une microentreprise pour les légaliser, sous peine d’être condamné pour travail dissimulé. Il est possible de prendre le statut d’auto-entrepreneur si les revenus annuels sont inférieurs à 32 900 euros. Les revenus seront taxés aux alentours de 24%.[5] Si les revenus dépassent les 32 900 euros il faut alors créer une société et les taxes s’élèvent bien souvent au-dessus de 50% avec l’impôt sur les sociétés, les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu.[6] YouTube étant basée en Irlande, il faut également déclarer tous les mois ses revenus sur le site pro.douane.gouv.fr sous peine d’une amende de 750 euros par mois. C’est une obligation de déclaration qui n’entraîne aucune taxe.

  1. Rejoindre un network

Les Multi-channel network, ou plus couramment appelés network, sont des réseaux de chaînes YouTube. Leur objectif est d’accompagner les YouTubeurs dans leurs développements et d’augmenter les audiences et les revenus. Ils peuvent par exemple fournir du matériel audiovisuel et des plateaux de tournage, mais aussi des formations et des conseils, ou encore des financements et des sponsors.[7] En échange de tous ses services, le network prend une commission sur les revenus du YouTubeur. Cette commission varie en général entre 10 et 40%, selon le network, le YouTubeur et le contrat négocié.

Progressivement, les networks se sont imposés comme les intermédiaires entre les annonceurs et les YouTubeurs. Ce sont des acteurs importants dans la structuration du domaine de la vidéo en ligne.[8] Certains sont généralistes et d’autres se spécialisent dans une thématique (jeux vidéo, tutos, mode et beauté…). Ils permettent aux annonceurs de communiquer différemment et sur de nouveaux supports. Le branded content sur YouTube monte en puissance car il est jugé moins intrusif que la publicité traditionnelle. En développant les partenariats entre les YouTubeurs et les marques, les networks renforcent le modèle économique.

Ces dernières années, des chaînes de télévision traditionnelles ont investi dans ces nouveaux acteurs. Par exemple les achats du Studio Bagel par Canal + et celui de Maker Studios par Disney. Le prix des networks est souvent valorisé lors de l’acquisition, malgré un modèle économique qui peine encore. L’objectif est d’accroître la visibilité sur internet et de toucher un nouveau public. La nouvelle génération se détourne de plus en plus de la télévision. Les contenus et la publicité sont en plein bouleversement. Les médias traditionnels investissent dans ce qu’ils pensent être l’avenir. [9]

Les networks représentent pour certains YouTubeurs l’opportunité de se professionnaliser et de se concentrer sur la création. Cependant, il est fortement conseillé de beaucoup réfléchir avant de rejoindre un network. Certains YouTubeurs préfèrent rester indépendants pour différentes raisons. D’autres se retrouvent coincés avec un très mauvais contrat. Avant de rejoindre un Network il faut lire attentivement le contrat, frais facturés, services rendus, durée de contrat, procédure de résiliation… Il ne faut pas non plus hésité à négocier le contrat, le faire relire par un professionnel, faire des recherches…

II. La publicité sur YouTube

  1. Droits d’auteur et monétisation

Tout d’abord, pour monétiser ses vidéos, il faut que le YouTubeur possède tous les droits d’auteur sur l’ensemble du contenu. Le YouTubeur peut inclure des musiques qui sont libres de droit ou composer ses propres sons. Si le son ou les images de la vidéo sont plagiés alors dans ce cas la vidéo n’est pas monétisable. En effet, le YouTubeur ne peut pas demander la monétisation d’une vidéo dont il n’a pas les droits d’auteur car un robot en vérifie le contenu (ContentId). Même la citation ou les paroles d’une chanson protégée par des droits d’auteurs rendent impossible la monétisation. YouTube est très clair là-dessus. Si le YouTubeur demande tout de même une monétisation et que ce dernier détecte du plagiat, il risque de recevoir des avertissements de YouTube ou de se voir retirer sa chaîne YouTube. Il perdra également sa rémunération au profit des ayants droit.

Concernant la publicité sur YouTube, les annonces sont intégrées automatiquement aux vidéos, une fois que la monétisation des vidéos est demandée par le YouTubeur, puis acceptée par YouTube. Les YouTubeurs ne touchent que 55% des revenus net reconnus par YouTube générés par les publicités diffusées par YouTube. Aussi, il faut savoir que l’annonceur paie le YouTubeur que si l’internaute visionne au moins 30 secondes de l’annonce (pour les vidéos dites longues à savoir celles supérieures à 10 minutes) ou s’il regarde l’intégralité de l’annonce vidéo pour les vidéos “courtes” de moins de 30 secondes.

Il existe plusieurs types de publicité [11] :

  • les pubs InSearch (vidéos publicitaires) présentes dans les résultats de recherche de YouTube et qui permettent de promouvoir la vidéo en redirigeant les utilisateurs vers la page de la vidéo ou de la chaîne du youtubeur
  • Les pubs InSlate sont placées avant les vidéos longues qui proposent un choix de 3 annonces à regarder avant, après ou pendant la vidéo YouTube. Le Youtubeur est rémunéré que si l’internaute clique sur l’annonce.
  • Le format InStream est celui qui génère plus de 80% du revenu des YouTubeur, donc il est préférable de l’activer. Mais malheureusement l’internaute a le choix de continuer l’annonce ou de désactiver la vidéo publicitaire au bout de 5 secondes.. La version standard de ce format ne permet pas de désactiver l’annonce mais risque d’en irriter plus d’un.
  • Le format InDisplay : permet de promouvoir sa chaîne ou sa vidéo grâce à des annonces via 3 types de publicités display (bannières, spots vidéo non désactivables et annonces vidéo proposées en colonne droite (hors résultats de recherche YouTube)
  1. Régie publicitaire et placement de produit

Les annonces publicitaires proviennent des campagnes AdWords. Adwords permet d’afficher les vidéos en fonction des mots clés recherchés par l’internaute. AdWords et AdSense sont complémentaires et le prix au clic se base sur l’offre de trafic de AdSense et la demande de trafic de AdWords.

Le YouTubeur a la possibilité de générer du revenu publicitaire via l’outil AdSense, régie publicitaire de Google. Il doit pour cela faire figurer du code AdSense afin de générer des messages publicitaires dans les vidéos. Ce dispositif fonctionne avec JavaScript que s’il n’est pas désactivé par l’utilisateur.  De plus, ces bénéfices sont partagés avec Google.

Les publicités sur Youtube sont de plus en plus rejetées par les internautes. Ces messages publicitaires indésirables et pop up intempestifs empêchent l’internaute de profiter pleinement de la vidéo. Les utilisateurs ont le choix d’ignorer les pubs au bout de 5 secondes et ont l’habitude d’utiliser des bloqueurs systématiques de pubs tels que AdBlock et UBlock qui sont des extensions intégrées dans les navigateurs. Le taux de connexions avec AdBlock activé dépasse souvent les 30%.

Les YouTubeurs se prêtent aussi au native advertising qui consiste à faire une vidéo tout en intégrant un message publicitaire pour une marque. Des YouTubeurs comme le célèbre PewDiePie sont payés pour présenter un produit ou même tester des jeux vidéos en live. En effet, les Youtubeurs donnent leurs avis sur le design, explique l’intérêt du jeu et présente aussi les fonctionnalités intéressantes du jeu. Ce type de pratique est plutôt perçue comme de la publicité dissimulée car les internautes ne sont pas avertis. Il est maintenant obligatoire de faire figurer les sponsors sur les vidéos au risque de perdre son partenariat  avec YouTube.

En cas de non respect , l’article L. 121-6 du Code de la consommation prévoit deux ans d’emprisonnement accompagnés d’une amende de 300 000€ en cas de publicité dissimulée.  En 2015, plusieurs milliers de YouTubeurs se sont fait attraper par la DGCCRF pour le non respect de la transparence imposée par la loi.

L’affiliation représente la relation entre l’annonceur et le YouTubeur . Le YouTubeur  fait les promotions les produits de l’annonceur et si une vente se déclenche, le YouTubeur reçoit une commision.

  1. La rémunération des YouTubeurs

Le “1€ les 1000 vues” est un mythe, c’est environ plus ou moins 1$ car chaque vidéo a une monétisation différente en fonction de sa durée, du thème abordé (pour le gaming, par exemple, le coût pour mille est très bas). La monétisation se fait aussi en fonction de la période de l’année. En effet, la publicité rapporte plus vers août (retour des vacances) et vers décembre, au moment des achats de Noël. De plus il faut décompter les différents frais et les impôts.

Le partenariat avec les networks permettent aux YouTubeurs de rentabiliser considérablement leurs vues. Les networks sont aussi très intéressants pour les YouTubeurs car ils peuvent protéger les YouTubeurs des droits d’auteurs en contrepartie d’un pourcentage de 10 à 20% de leurs salaires.

Les contenus de vidéo à caractère sexuel, violent, triste (notamment les sujets comme la dépression), ou même la nudité et les discours incitant à la haine et la violence ne sont pas très aimés de YouTube. En effet, ces contenus de vidéo se retrouvent souvent très vite bloqués par YouTube. Récemment Youtube a procédé à un grand ménage, ce qui a eu pour cause une grande perte de revenu pour de nombreux YouTubeurs qui n’ont bien évidemment pas caché leur mécontentement. De plus, il arrive que YouTube retire la monétisation de certaines vidéos dont les sujets abordés sont jugés incompatibles avec les annonceurs de YouTube. La vulgarité fait également parti des choses non appréciées par YouTube. Les YouTubeurs doivent aussi faire attention de ne pas dire de grossièreté, s’ils veulent que leurs vidéos soient monétisables.

La plateforme de financement participatif Tipeee permet aux utilisateurs de verser un “pourboire” aux YouTubeurs. En effet, les internautes “fans” peuvent tipeee un créateur qu’ils apprécient pour soutenir son travail en l’aidant à améliorer son matériel et en lui permettant ainsi de l’aider à vivre de sa passion.

SuperChat est la nouvelle fonctionnalité de YouTube permettant aux internautes de payer les YouTubeurs pour que leur messages apparaissent en surbrillance lors des diffusions en live de jeux vidéos afin qu’ils ne passent pas inaperçus.

Voici la grille tarifaire provenant du site [12] :

Les YouTubeurs usent de leur notoriété pour gagner encore plus d’argent et pour se faire connaître davantage. En effet, ils entrent en contact avec leurs fans en leur proposant des spectacles. Les événements dédiés aux jeux vidéo sont nombreux : Paris Game Week et Japan Expo. Certains YouTubeurs, comme l’humoriste Nathalie Odzierejko, [13] alias Natoo, active sur YouTube depuis 2011, a publié en avril 2015, Iconne, un livre-magazine bourré de photos qui parodie la presse féminine. Son livre rencontre très vite le succès grâce à ses fans principalement. Cette Youtubeuse explique que l’écriture de ce livre, lui a ouvert beaucoup de portes et que maintenant elle est même invitée sur les plateaux télévisées. Des YouTubeurs participent aussi à des scénarios de films et font également des apparitions dans des séries.

III. Les algorithmes de YouTube

  1. Le référencement

Youtube dispose d’une multitude d’algorithmes. Ils permettent de scanner les contenus postés par les YouTubeurs afin de vérifier les droits d’auteur. Il existe également des algorithmes de référencement, de recommandation et de classement des vidéos. Ils trient par rapport aux mots clés tapés par les internautes ou selon les chaînes dans lesquelles ils sont abonnés.

Le bon usage de l’algorithme de référencement de youtube permet d’augmenter la visibilité et le nombre de vues des vidéos. Ce dernier est intéressant pour les youtubeurs car il leurs permettent de générer des revenus plus importants. Donc pour eux, il est primordial d’appliquer les recommandations techniques de youtube afin de référencer au mieux leurs vidéos et attirer ainsi plus de communautés qui s’intéressent à leurs sujets.

Parmi les facteurs qui rentrent en compte dans la définition de positionnement d’une vidéo : le titre, la description complète, et l’ajout de mots clés lors de la mise en ligne de la vidéo, les commentaires, les likes et les partages sur les réseaux sociaux.

  1. Les critères d’évaluation

La première génération d’algorithme de référencement permettait aux youtubeurs de publier ce qu’ils voulaient. Le fait de choisir un bon titre et une miniature attrayante et n’ayant aucun rapport avec le contenu de la vidéo. Cette technique permettait d’atteindre un très grand nombre de vues sans aucun effort tout en étant rémunéré.

Bien évidemment, cet algorithme pose problème. En effet, les internautes ne peuvent pas distinguer les bonnes des mauvaises vidéos et s’aperçoivent très vite du temps qu’ils ont perdu à visionner un contenu inintéressant. De même pour Youtube, ces “mauvaises” vidéos provoquent une perte d’argent car Youtube ne sait pas où placer ses annonceurs. Selon Wall Street Journal en 2015 : « la plate-forme vidéo ne parvient pas toujours à générer des profits, pire, elle serait encore dans le rouge ». [1]

La version de l’algorithme avec le système des étoiles datant de 2008 a été remplacée par des pouces bleus et rouges dans la nouvelle version de 2010. L’ancien système de référencement a été jugé comme faible car il classe les vidéos en se basant sur les notes des internautes qui vont jusqu’à 5. Plus la note est élevée plus la vidéo sera bien référencée. En 2010, le pouce bleu qui a remplacé “les étoiles” permet de montrer qu’on a aimé la vidéo mais représente aussi une forme de soutien pour les YouTubeurs. Cette version présente alors un défaut car certains internautes “fans” likent sans même visualiser le contenu parce qu’ils sont très enthousiastes à l’idée de voir que leur YouTubeur préféré a fait de nouvelles vidéos. Par conséquent, le contenu n’est pas jugé important selon Youtube.[2]

Regarder la vidéo dans son intégralité était bien avantagé par l’algorithme de 2011, car cela prouve que la vidéo est de bonne qualité. Depuis, le temps de visionnage est devenu le facteur le plus important. Le fonctionnement des algorithmes n’est pas transparent car YouTube ne veut pas que les YouTubeurs gonflent leur nombre de vues artificiellement par des astuces qui déjouent l’algorithme.

  1. Les évolutions récentes des algorithmes

La modification de 2014 regarde le nombre de vues réalisées dans les 24h, mais également sur le nombre de likes et le nombre de liens externes (liens sur twitter). D’où le fait que les YouTubeurs demandent en général de liker, commenter et partager leur vidéo.

Début 2015, l’onglet tendance fait son apparition, il met en avant les vidéos les plus virales sur YouTube, qui présentent le plus de liens externes (partages sur Facebook, Twitter).

Changement d’objectif en 2016, YouTube souhaite que les internautes passent plus de temps sur la plateforme. Les YouTubeurs qui mettent régulièrement des vidéos sont privilégiés par l’onglet tendance car ils font rester les internautes plus de temps sur la plateforme. YouTube pousse les petits YouTubeurs à augmenter leur audience via l’onglet tendance et recommandation.

Si un YouTubeur fait un nombre de vues anormalement élevé par rapport à son nombre d’abonnée, cela signifie que la vidéo est virale. YouTube récompense ainsi cette vidéo en la mettant en avant dans l’onglet tendance. Tandis que le même nombre de vues chez un YouTubeur connu est considéré comme normal voire faible.

En conclusion, certains YouTubeurs se retrouvent défavorisés par rapport au nouvel algorithme. Certains sont avantagés car ils savent bien comment détourner le système. Le salaire n’est pas toujours fixe à cause de plusieurs critères qui entrent dans l’équation comme l’algorithme qui change tout le temps. Des Youtubeurs déclarent avoir des pertes en terme de visibilité et de nombre de vues.  D’autres sont plus favorisés par l’algorithme, ce qui explique l’instabilité du revenu mensuel.  En effet, le nouvel algorithme de 2016 a suscité beaucoup de mécontentement auprès de la communauté des YouTubeurs. Le numéro 1 mondial PewDiePie a menacé de fermer sa chaîne à l’arrivée de ce nouvel algorithme.

IV. Qu’en pensent les YouTubeurs ?

  1. Le Rire Jaune

Le Rire Jaune est une chaîne YouTube française très connue des jeunes. Elle est tenue par deux vidéastes web qui sont frères : Kevin et Henry Tran qui détiennent actuellement plus de 3,5 millions d’abonnés.

Kevin, l’aîné a fait une vidéo sur YouTube, intitulée “L’argent sur YouTube”. Cette vidéo dure 10:20 et a été visionnée environ 7 millions de fois. Elle a même été relayée par Cyprien, un autre YouTubeur très connu et aussi par Absol. Cette vidéo a récolté un très grand nombre de vues très rapidement et continue sa progression mais plus lentement.

Il explique comment monétiser ses vidéos sur YouTube et les quelques règles à connaître comme la notion des droits d’auteur pour éviter que YouTube ne supprime la chaîne du YouTubeur. Il explique l’intérêt d’un network qui permet aux YouTubeurs d’être protégés des droits d’auteurs, moyennant une commission de 10 à 20 % de ses revenus. Kevin Tran explique qu’il préfère rester chez YouTube car il a vu certains de ses amis YouTubeurs se faire arnaquer par des networks.

Dans sa vidéo sur l’argent sur YouTube, Kevin Tran détruit la légende des 1€ les 1000 vues en disant que c’est plutôt 0,80€ , qui a baissé à 0,60€ les 1000 vues en raison des annonceurs qui ont jugé que le moral n’était pas au rdv au moment où a lieu l’attentat Charlie Hebdo.

Il explique pour sa part faire environ 10 millions de vues  par mois avec son frère. “Mais est ce que cela veut dire que la chaîne génère 10 000$/mois c’est à dire 8 000€ /mois? Absolument pas!” Tout d’abord toutes ses vidéos ne sont pas monétisées car il a pas mal de problème de droit d’auteur. Il préfère “mettre des vidéos de Coby plutôt que d’illustrer dans le vide”, ce qui explique qu’il a avec son frère plus d’¼ de vidéos qui ne sont pas monétisées. Il nous faire part aussi des nombreux internautes qui utilisent le plugin AdBlocks qui bloque les publicités en masse et qui ne les avantage donc pas.

Le YouTubeur parle notamment des impôts pour les autoentrepreneur qui doivent environ 23% et pour les YouTubeurs étant au statut d’entrepreneur c’est à dire gagnant plus de 32 800€/ an, “c’est minimum 50% qui partent et plus tu gagnes plus tu seras taxé. Y’a des YouTubeurs qui prennent bien bien”, environ 60% – 65%. Donc avec ce qui reste, une part importante part dans le matériel audiovisuel. “Vous le public, et c’est normal ! Vous voulez toujours de la qualité et du progrès, de la fraîcheur, donc nous on doit investir dans des fonds verts, des trépieds, des lumières, une meilleure caméra, un nouvel objectif, des micros, des déguisements, etc !… Ces dépenses-là, on peut les faire passer en frais de société pour déduire un peu des impôts. Mais bon on déduira pas grand chose !”.

“Avec ce qu’il me reste au final, je me retrouve à peu près dans la même situation que quelqu’un qui touche le smic mais qui n’est pas imposé dessus. A la différence près que, bien entendu, que faire des vidéos sur youtube, c’est pas une labeur, c’est un énorme kiff, c’est du travail aussi, ça demande beaucoup beaucoup de temps et de la rigueur mais on fait ça par passion, et on se marre de ouf quand on fait des sketches.”

En tant qu’étudiant, il est dans une position confortable car il n’a pas de loyer à payer, pas d’enfants à nourrir. Sur le long terme, il nous révèle qu’il est difficile de négocier un emprunt auprès des banques en raison d’une absence de fiches de paie et d’un salaire qui n’est pas fixe. Il n’a aucune garantie que YouTube lui permette de continuer de vivre de ça. Le YouTubeur Kevin se questionne sur son futur. Il se demande s’il est préférable de vivre de son salaire d’ingénieur ou de vivre de sa passion en tant que YouTubeur. Il fait appel aux internautes pour connaître leurs avis et montre que leur soutien est plus important que tout pour persévérer sur YouTube. Il explique avec humour que son diplôme est son “parachute”, que les autres Youtubeurs, pour qui c’est “YouTube ou rien” vivent avec un job à côté ou vivent sur leurs économies.

Kevin explique également dans sa vidéo, que YouTube propose un système de dons pour les fans afin qu’ils puissent aider les YouTubeurs à vivre de leur passion. Kevin parle également des placements de produits qui sont plutôt considérés comme “très mal vu” en France. Il n’est pas favorable au placement de produit car “j’ai jamais accepté quelque chose où j’étais payé, tout simplement parce que la plupart des marques refusent que tu fasses ça de façon discrète. Il (la marque) t’oblige à vendre complètement ‘leur’ image. … Généralement les marques veulent que tu leur fasses une bonne #deepthroat.” Il nous avertit qu’il ne refusera tout de même pas une proposition de placement de produit si elle n’influe pas sur la qualité de la vidéo “que vous rigolez comme s’il n’y avait pas de placement de produit et que vous n’avez pas l’impression d’avoir été utilisé pour me faire faire de la tune. Je vois pas où est le problème.” Il conclut “j’espère vous avoir convaincu qu’on n’est pas plein aux as quand on fait des vidéos YouTube. Et c’est pas non plus de l’argent facile. Vous vous doutez bien que 5 minutes de vidéos ça prend pas 5 minutes à faire !”

  1. Absol Vidéos

Cette vidéo décrit une méthode pour calculer le salaire des YouTubeurs célèbres. Elle a été vue plus de 800 000 fois et dure près de 18 minutes. Le YouTubeur démarre sa vidéo ainsi :

“Le salaire des YouTubeurs. C’est la question préférée des internautes mais également la plus sensible. Est-ce qu’un YouTubeur à succès gagne beaucoup d’argent ? Certains YouTubeurs ne souhaitent pas s’étendre sur le sujet du fait des clauses dans leurs contrats ou de la peur du rejet d’une partie de leurs publics. C’est pourquoi ce sujet suscite d’autant plus d’engouement car on peut alors s’imaginer toutes sortes de choses. Il n’y a qu’à constater les centaines de sites qui en parlent ou encore le nombre de vues lorsqu’un YouTubeur aborde le sujet.”

Dans un premier temps, le YouTubeur évoque le nombre de vidéos qui parlent de la rémunération des YouTubers. Il déclare que la plupart sont erronées et que celle qui s’approche le plus de la réalité est celle du Rire Jaune “L’argent sur YouTube” mais n’est pas complète.

Il part de la méthode de calcul la plus utilisé, c’est-à-dire 1 euro pour mille vues et l’applique au YouTubeur Squeezie. Avec cette méthode le YouTubeur gagnerait 87 510 euros en un mois. Il liste ensuite tous les points qu’il faut prendre en compte pour calculer le salaire d’un YouTubeur et réduit ce montant à 10 559 euros.

  • Les problèmes de droits d’auteur, le YouTubeur enlève 5% (83 134 euros)
  • 1 000 vues ne fait pas 1 euro mais généralement 1 dollars (74 821 euros)
  • Les types de publicités qui ne s’affichent pas sur téléphone (59 857 euros)
  • 1 000 vues ne fait pas mille publicités affichées mais 700 (41 900 euros)
  • AdBlock qui bloque les publicités (29 330 euros)
  • Le network avec une part estimé à 10% (26 397 euros)
  • L’état et les différentes taxes évaluées à 60% (10 559 euros)

Après avoir effectué ce calcul, le YouTubeur précise que ce montant est toujours faux. Il évoque cinq facteurs qui change tout et qui sont difficiles à calculer.

  • Les sites de financement participatif comme Tipeee
  • Les différents types de vues qui génèrent différents revenus
  • Les produits dérivés comme les t-shirts
  • Les networks et le type de contrat signé

Il dévoile ensuite la stratégie de Mixicom, le network de Squeezie et de la plupart des principaux YouTubeurs Français, par exemple Cyprien et Norman. A eux trois ils cumulent 22 millions d’abonnés et 3,5 milliards de vues. Les vidéos regroupant plusieurs YouTubeurs est une technique très employée par Mixicom pour faire augmenter le nombre d’abonnés de chacun.

“Il faut se mettre en tête qu’à partir d’un certain niveau sur YouTube, c’est très porté sur le business.”

Il montre plusieurs vidéos de YouTubeurs qui ont été créées pour promouvoir des jeux vidéos ou des films. Les placements de produits souvent gérés par les networks. Chris de Poisson Fécond déclare avoir gagner 10 000 euros pour un placement de produit, il avait à l’époque 500 000 abonnés. Actuellement Squeezie à plus de 7 millions d’abonnés. Le YouTubeur parle ensuite de la chaîne Cyprien Gaming comme surement la plus rentable des chaînes YouTube françaises. Elle est animée par Cyprien et Squeezie et fait la promotion d’un jeu vidéo tous les deux jours.

“Je n’ose même pas imaginer l’argent que rapporte cette chaîne, à coup sûr la plus lucrative du YouTube français.”

Conclusion

Le métier de YouTubeur requiert des compétences variées et beaucoup d’engagement. Il ne suffit pas de savoir créer des vidéos, mais aussi de les référencer, de les promouvoir, de gérer sa société… Les networks ont beaucoup oeuvré dans la structuration du secteur de la vidéo en ligne. Ils ont développé de nombreuses chaînes et ont aidé les YouTubeurs à se professionnaliser. Ce sont des réseaux de chaînes qui se positionnent comme des intermédiaires entre les annonceurs et les YouTubeurs.

La publicité est le principal revenu quand on démarre son activité sur YouTube. Son prix peut varier en fonction de la période de l’année ou du thème abordé. Les différents formats de publicité génèrent également des revenus différents. L’utilisation des bloqueurs de publicité s’est largement répandue diminuant considérablement les revenus. De plus, il faut enlever aux revenus les nombreux frais et taxes. La publicité ne suffit pas pour gagner suffisamment d’argent, et de nombreux YouTubeurs l’ont très bien compris, ils font des placements de produits ou des produits dérivés.

Les algorithmes de YouTube trient et classent les vidéos selon plusieurs critères : la durée de visionnage, le nombre de vues, le nombre de likes… Ces algorithmes ne cesse d’évoluer chaque année. YouTube tente d’améliorer sa méthode de classement et de recommandation pour qu’elle soit la plus pertinente possible afin d’inciter l’utilisateur à rester le plus de temps possible sur la plateforme. Chaque changement dans les algorithmes suscitent des mécontentements de la part de ceux qui ont été déclassés.

Peut-on vivre de YouTube ? Tout dépend de la qualité de vie dont nous souhaitons. Il est possible de développer une chaîne en générant quelques revenus tout en gardant un travail fixe à côté. C’est la méthode la plus sûre mais cela laisse moins de temps pour développer son activité. Pour ceux qui veulent se lancer totalement dans cette activité, cela devient beaucoup plus compliqué. Il est possible de générer des revenus suffisant pour vivre mais avec beaucoup d’engagement et surtout de passion. Cependant, ce métier n’est pas stable financièrement. Pour ceux qui voudraient gagner facilement de l’argent rapidement, il existe des placements de produits qui sont essentiellement réservés à une infime minorité, qui sont les plus gros YouTubeurs.

YouTube évolue, ses algorithmes changent et les usages de la vidéo en ligne se développent. Si pour beaucoup, Youtube est l’avenir de la télévision, de nombreux YouTubeurs déplorent la commercialisation qui devient de plus en plus présente et détruit le côté spontané, original et créatif. YouTube est une entreprise commerciale qui cherche à payer ses immenses serveurs et à générer des bénéfices. Cette commercialisation est donc nécessaire, mais ne risque t-elle de nuire à la créativité des contenus ?


Webographie

[1] Olivier Duffez. Plein de chiffres incroyables sur YouTube, 2016. En ligne sur www.webrankinfo.com/dossiers/youtube/chiffres-statistiques

[2] offremedia. Audience vidéo sur ordinateur en juillet : Dailymotion dans le top 3 des brands site, 2016. En ligne sur http://www.offremedia.com/audience-video-sur-ordinateur-en-juillet-dailymotion-dans-le-top-3-des-brands-site

[3] Livre YouTubeur – Créer des vidéos et des millions de vues sur YouTube, de Jean-Baptiste Viet, publié en 2016 par l’éditeur Groupe Eyrolles

[4] Support Google. Principes de base de YouTube Analytics, 2017. En ligne sur
https://support.google.com/youtube/answer/1714323?hl=fr

[5] Support Google. Présentation du Programme Partenaire YouTube, 2017. En ligne sur https://support.google.com/youtube/answer/72851?hl=fr

[6]auto-entrepreneur.fr.(sources : Article 151-0 du Code général des impôts, Article 293 B du Code général des impôts). Le régime micro-fiscal de l’auto-entrepreneur. En ligne sur http://www.auto-entrepreneur.fr/regime-fiscal/index.html

[7]Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre), Ministère en charge des finances. Impôt sur les sociétés : entreprises concernées et taux d’imposition, 2017. En ligne sur https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F23575

[8]Support Google. Présentation des réseaux multichaînes pour les créateurs YouTube, 2017. En ligne sur https://support.google.com/youtube/answer/2737059?hl=fr

[9] AFP sur L’express, L’expansion. YouTube: les MCN ou réseaux de chaînes, accélérateurs d’audience, 2014. En ligne sur http://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/youtube-les-mcn-ou-reseaux-de-chaines-accelerateurs-d-audience_1495859.html

[10]Françoise Laugée sur La revue européenne des médias et du numérique, 2014. En ligne sur http://la-rem.eu/2014/09/16/mcn-multi-channel-network/

[11] Gabriel Dabi-Schwebel sur webmarketing-com.com. La publicité sur Youtube, comment ça marche ? 2014. En ligne sur

La publicité sur Youtube, comment ça marche ?

[12] Julie Lausson sur numerama.com. Avec Super Chat, YouTube vous fait payer pour mettre vos réactions en avant, 2017. En ligne sur http://www.numerama.com/pop-culture/224782-avec-super-chat-youtube-vous-fait-payer-pour-mettre-vos-reactions-en-avant.html
[13] Laurence Benhamou sur lapress.ca. Les youtubeurs remportent du succès en édition, 2015. En ligne sur http://www.lapresse.ca/arts/livres/201505/26/01-4872696-les-youtubeurs-remportent-du-succes-en-edition.php

[14] Rolfe Winkler. Wall Street Journal, 2015. En ligne sur https://www.wsj.com/articles/viewers-dont-add-up-to-profit-for-youtube-1424897967

[15] Absol vidéo. La cause des problèmes YouTube ? 2016. En ligne sur https://www.youtube.com/watch?v=o1s_dZj45EQ&t=864s

[16] Jean-Baptiste Viet. Evolution de l’algo de YouTub, 2016. En ligne sur http://www.webrankinfo.com/dossier s/youtube/nouvel-algo

 

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