Lisa PAK
Le numérique semble constituer une porte d’ouverture sur le monde des sciences “exactes”, et offre un lien accessible et attrayant pour le grand public. Par la production de nouvelles interfaces, le web change alors les rapports du grand public aux sciences et aux scientifiques.
Aujourd’hui les sciences dites “exactes” sont souvent considérées comme réservées à une sorte d’élite intellectuelle. Elles sont en effet utilisées à l’école pour sélectionner “les meillleurs” élèves et souvent elles divisent: soit on les aime, soit on les déteste. Parfois vues comme compliquées voire inutiles dans le milieu scolaire, elles sont généralement peu appréciées alors que le développement cognitif, critique, et les raisonnements qu’elles enseignent sont essentiels. L’école est le lieu de construction sociale de l’autorité de la science, mais les méthodes d’enseignement actuelles transmettent facilement une image négative des sciences. Formules brutes portants des noms de scientifiques dont on ne nous dit rien de plus, idée du génie scientifique isolé et asocial, les sciences sont abordées sous des angles particuliers qui mettent en place une barrière à l’intéressement. La construction du savoir ou l’histoire des sciences, qui constituent des approches plus douces, sont rarement utilisées. De plus, cette barrière entre la science et le citoyen s’est installée alors même qu’un des principes de la communauté scientifique est le partge des connaissances.
Malgré les ouvertures en 1937 et 1986 du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie, c’est seulement en 2004 que l’accessibilité des connaissances scientifiques est devenues une préoccupation des ministères de l’éducation nationale, de la culture et de la recherche, lorsqu’ils mettent en place le plan national de diffusion de la culture scientifique et technologique. Il existe depuis le début des années 2000 des festivals et des événements nationaux tel que la Fête de la science. D’autre part, l’expertise profane des non scientifiques est de plus en plus reconnues et mise à contribution de la construction du savoir scientifique insititutionnel, notamment en médecine.
Grâce au numérique, il est possible de sortir des milieux scolaires et institutionnels pour aborder les sciences exactes. Le numérique permet à la fois l’élaboration de contenus, ainsi que la diffusion de contenus. À la fin des années 1980 et début des années 1990, des émissions de vulgarisation scientifique destinées aux enfants apparaissent à la télévision (Il était une fois l’espace, Il était une fois la vie, C’est pas sorcier). C’est seulement au début des années 2000 que les émissions de vulgarisation scientifiques pour des cibles plus âgées connaissent un certain succès (MythBusters, On n’est pas que des cobayes). L’aspect esthétique des expériences montrées, et la sympathie dégagée par les animateurs engendrent déjà un lien et un intéressement aux sciences bien différent de ce que peut inspirer un manuel scolaire. Parallèlement, le cinéma véhicule des stéréotypes autour du scientifique : isolé, asocial, a des idées de génie spontanées; la science a un aspect magique et inaccessible. La radio également permet la diffusion d’émissions scientifiques. L’émission “Le monde selon Etienne Klein” (physicien français et vulgarisateur), diffusée sur France Culture et constituée d’épisodes hebdomadaires d’une durée de 6 minutes, connaît un succès non négligeable. Ces émissions conçues pour la radio sont par ailleurs écoutables sur internet, sur le site de France Culture. Un des grands atouts du web est cette libre accessibilité, c’est-à-dire que l’internaute choisi le moment et la durée de son intéressement. Il n’est pas contraint par l’horaire d’une émission, il n’est pas non plus contraint par une durée comme par exemple deux heures de cours de mathématiques. Le web permet d’aborder les sciences comme un loisir, un divertissement sur un temps qui n’est pas imposé.
Nous nous intéressons ici à la diffusion des sciences dites “exactes” sur internet, et plus particulièrement dans quelles mesures le web modifie-t-il les rapports entre les sciences exactes et le grand public.
À l’origine, internet a justement été créé par des chercheurs scientifiques pour améliorer la communication entre eux. Aujourd’hui il se trouve être une plateforme de partage non plus réservée aux scientifiques, mais accessible et destinée à tous.
Il semble qu’il existe aujourd’hui très peu d’écrits sur ce sujet, et encore moins en France. Dans un premier temps, j’ai tenté de répertorier les différents types de sites et de formats qui existent parmis les contenus scientifiques disponibles sur le web. Nous verrons que ces différences impliquent des relations différentes entre le grand public et les sciences, et entre le grand public et les “savants”, ceux qui proposent les contenus. Dans un second temps nous étudierons le cas particulier d’une émission vidéo de vulgarisation scientifique E-penser, qui connaît un succès important depuis sa création il y a seulement deux ans. L’idée est d’essayer de comprendre par quels moyens le concepteur de l’émission arrive à susciter autant d’intéret pour les sciences.
I. Abondance des contenus et diversité des formats
Le web a d’abord permis l’accès aux contenus scientifiques dans leurs formes les plus classiques par la numérisation d’articles et de rapports. Mais aujoud’hui par l’intermédiaire des moteurs de recherche nous avons accès à de nombreux sites de médiation scientifique, ou contenant des informations sur des événements scientifiques relativement tout public. La médiation scientifique consiste à faciliter l’accès aux sciences. Les contenus proposés sont très nombreux et très variés.
Certains proposent des contenus numériques, d’autres sont simplement des vitrines pour diffuser des informations sur des événements scientifiques grand public ou destinés aux plus avertis (Café Bar des sciences, rencontres diverses, festivals, etc ) ou encore à propos de lieux dédiés (Palais de la Découverte, musées, etc). Il peut s’agir également de site institutionnels (centres de recherche, universités, etc). Le contenu peut donc être plus ou moins professionnel, lorsqu’il s’agit d’un site institutionnel par exemple, ou bien plus amateur ou en tout cas plus indépendant. En effet, grâce aux tutoriels disponibles sur internet, il est possible à chacun de créer un site web, ou apprendre à monter une vidéo et la mettre en ligne.
La pluralité des contenus est une ressource capitale. Chaque individu qui propose un contenu va apporter son regard, son point de vue, sa sensibilité. L’apprentissage des sciences nécessitant une ouverture d’esprit à des concepts parfois complexes, il est important d’avoir accès à des approches différentes, pour que chacun trouve celle qui lui correspond et lui permet de comprendre.
1. Les types de contenus
La vulgarisation des sciences “exactes”, c’est-à-dire principalement les mathématiques, la physique et la chimie, nécessite une adaptation au public choisi. En effet il faudra une approche et un langage différents selon qu’il s’agit d’enfants, d’étudiants, ou d’un public plus averti. Sur le web, tous les publics sont servis : enfants, parents, élèves, étudiants, etc…
Nous observons donc plusieurs niveaux, allant de novice à expert pour des avertis ou des internautes ayant acquis un certain intéressement et des connaissances grâce aux autres contenus disponibles sur le web. Il existe aussi des sites visant à la valorisation de la recherche, qui présentent des textes parfois plus techniques, mais tout de même visibles à tous les curieux.
Nous observons également deux ambiances relativement distinctes, parfois conjuguées: ambiance d’apprentissage et divertissement. En effet il existe des sites destinés aux élèves, proposant des contenus explicitement liés au programme scolaire. D’autres contenus sont moins reliés à un niveau scolaire spécifique mais ont un caractère clairement scolaire, en rapport avec les programmes. Il y a aussi des contenus sur des objets plus généraux, moins proches du programme scolaire, mais ayant un caractère académique. Ces contenus peuvent constituer une aide, un complément par rapport aux enseignements scolaires, ou un moyen d’intéresser et d’aller plus loin par rapport au programme. Plus classiquement, il y a des contenus à caractère plutôt informationnel.
En opposition à cela, il existe des contenus à caractère plus divertissant, où les sciences peuvent être abordées plus légèrement, parfois avec humour. Il peut s’agir de mise en oeuvre d’expériences très ludiques, qui montrent parfois des applications amusantes des sciences.
Enfin, il existe des sites dédiés aux parents, enseignants ou animateurs scientifiques, qui répertorient des activités, généralement ludiques, à effectuer avec les enfants ou élèves.
2. Les types de formats et les différentes relations sciences/internautes induites
Le numérique permet une grande variété de formats: artcile écrit, vidéo, audio, jeux, forum. Autant de formats qui sont exploités pour la médiation des sciences sur le Web. Chaque format, de par sa forme et les intéractions qu’il permet, induit une certaine relation entre l’internaute et les sciences, et entre l’internaute et les individus créateurs de contenus.
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Les articles écrits
Les articles écrits constituent peut être la forme la plus classique puisqu’elle se rapproche du livre ou des articles consultables en bibliothèque. Cependant le web va élargir considérablement leur accessibilité. Pour novices ou avertis, les contenus écrits ont plutôt un caractère scolaire ou informationnel, sérieux. Il existe ainsi des sites spécialisés (par exemple http://www.astronomes.com/ ), ou des sites proposant des disciplines multiples (http://www.sciencepresse.qc.ca/ )
Certains sites ne permettent pas à l’internaute de laisser des commentaires. Dans ce cas l’internaute est un simple lecteur, il est intéressé, informé et diverti par le contenu mais il n’est pas en intéraction avec la science. D’autres permettent de poster des commentaires, qui portent majoritairement sur le fond de l’article, parfois sur la forme. Quelques fois l’auteur du contenu répond, souvent les différents internautes discutent entre eux, du fond ou de la forme, sur l’espace des commentaires.
Enfin, certains sites demandent à créer un compte pour pouvoir poster et voir les commentaires. Cela peut à la fois freiner à l’intéraction, ou renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté via la création du compte.
L’auteur semble avoir un rôle de référent scientifique. Dans l’ensemble ce format donne lieu à des échanges sérieux, courtois, relativement froid. L’intéraction y est assez faible ou du moins peu vivace.
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Les forums et réseaux sociaux
Les forums sont nombreux et souvent bien fournis, en sujets de conversation comme en intervenants ( forum.scienceamusante.net ) . Ils constituent des espaces relativement ouverts, bien que contrôlés par des modérateurs. Il suffit de créer un compte pour pouvoir intervenir et rejoindre ainsi une communauté rattachée à un intérêt commun pour les sciences. Chacun peut prendre la “parole”. Les conversations commencent quasi-exclusivement par une question posée par un internaute. Les répondants tentent de répondre à la question posée, ou interviennent pour dire qu’ils se posent la même question ou une question similaire. Parfois des réponses contradictoires apparaissent, ce qui donne lieu à des discussions. Nous pouvons observer une forme de construction collective de la réponse. Il n’y pas particulièrement de membre référent ou omniscient, même si certains semblent plus avertis que d’autres. Les participants ne sont pas tous en position d’égal à égal sur leurs connaissances scientifiques, mais nous pouvons tout de même observer une certaine équité dans leur statut sur le forum. Les relations sont très humaines, nous observons de réelles discussions, et les participants sont en moyenne plus expressifs que dans les commentaires des sites d’articles. Cela se traduit par une forte présence d’émoticons. L’aspect communautaire est assez fort puisque l’internaute est officiellement membre et qu’il s’engage d’une certaine manière dans les conversations auxquelles il participe.
D’autre part, fait plutôt surprenant, beaucoup des questions posées sur les forums sont des questions d’orientation posées par des collégiens ou lycéens. Cela pourrait traduire un manque d’information sur l’orientation, ou un manque de confiance ou appréhension des dispositifs d’orientation existants.
La médiation scientifique s’étend également sur les réseaux sociaux, avec par exemple la page facebook “1 innovation par jour” (https://www.facebook.com/1-innovation-par-jour-520430624775359/?fref=nf , 189 000 j’aime). Les informations, qui sont souvent des images ou des vidéos, sont beaucoup partagées. Les commentaires sont nombreux et assez expressifs (étonnement, amusement, humour, etc…). Ils sont parfois indépendants, et parfois les internautes se répondent et discutent. Ces pages servent à transmettre des informations mais aussi à générer des rencontres autour des sciences. Pour autre exemple : The Physicsgirls (https://twitter.com/thephysicsgirl, 18000 abonnés) poste sur compte twitter des vidéos réalisées par elle même mais aussi des liens vers des vidéos réalisées par d’autres personnes, comme par exemple What The Physics?! (https://www.youtube.com/channel/UCj1gfrsi8H8zTrmR0ft1Kjw 1200 abonnés, chaîne créée le 15 janvier 2016 )
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Les vidéos
La vidéo sur internet est certainement le format le plus dynamique. D’une part le format en lui même est très attrayant, voire captivant et permet des approches diverses et variées. D’autre part, il est possible aujourd’hui de créer des chaînes de vidéos, auxquelles nous pouvons nous abonner, et sans être abonné il est également possible de poster des commentaires et de répondre spécifiquement aux commentaires d’autres internautes.
Grâce à Youtube, Dailymotion ou le concept des webtv, les vidéos sont facilement diffusables. Notamment sur Youtube, les pages des chaînes proposent, à droite, une série de chaînes similaires. Il suffit donc de trouver une chaîne de vulgarisation scientifique pour en trouver des dizaines d’autres. Les chaînes de vulgarisation scientifique sont aujourd’hui nombreuses. Nous observons que la plupart des chaînes qui connaissent du succès (plus de 10 000 abonnés) ont été créées au début des années 2010.
Là encore nous pouvons observer une distinction entre des contenus proches de l’univers scolaire ou universitaire, et des contenus beaucoup plus ludiques et loins des programmes de l’éducation nationale.
Des approches différentes
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- Le cours classique : des vidéos de cours assez classique, c’est-à-dire que l’intervenant parle à la même manière qu’un professeur en classe, souvent dans une pièce.
- La conférence : vidéos parfois longues, caractère académique.
- Le documentaire : à la même manière d’un documentaire à la télévision, nous pouvons y voir des interviews, des images d’expériences, des visites de laboratoires, des instruments, généralement avec une voix off.
- Démonstrations, expériences : il peut s’agir d’extrait de cours où l’enseignant fait une démonstration
ou des expériences hors du cadre de l’enseignement.
Ce sont des expériences parfois spectaculaires, parfois plus classiques mais qui montrent une application pratique des sciences. Les sciences étant sont souvent considérées comme abstraites ou inutiles, ces expériences sont un excellent moyen d’intéresser l’internaute, et de le divertir tout en lui enseignant des notions scientifiques. D’autre part, certaines expériences sont couteuses ou nécessite beaucoup d’espace ou des conditions particulières, ce sont donc des expériences peu accessibles au grand public. Ces vidéos constituent donc un apport majeur.
- Le tutoriel : principalement utilisé pour les mathématiques et les expériences de chimie et physique réalisables à la maison. En mathématiques cette approche ressemble à une aide aux devoirs.
- Les “top 5”, “top 10”,”fun facts” : il s’agit là de vidéos généralement assez courtes, avec un rythme rapide. Ce sont souvent des choses anecdotiques et faciles à retenir, que l’internaute peut ressortir dans une conversation “dans la vie réelle”.
- Les MOOCs (Massive Open Online Course): il s’agit de cours académiques en ligne gratuit, qui permettent de valider des acquis moyennant finance (délivrance d’un certificat). Ils ne sont pas vraiment grand public mais ne nécessitent pas de prérequis. Tout le monde a accès à un enseignement et à la validation d’acquis grâce à ce dispositif.
- Le cours revisité: il s’agit de genre de cours, mais plus dynamique. L’intervenant est visible et s’adresse directement aux internautes. Ces vidéos sont souvent illustrées par des images, des animations ou des séquences vidéos. L’intervenant est généralement passionné, dynamique, enjoué. Parfois il demande aux internautes de proposer des sujets pour les futurs vidéos via les commentaires. L’internaute se sent alors inclu, il peut participer, devenir acteur dans ce processus de médiation.
- Les mix : utilisent dans une même vidéo plusieurs des approches présentées ci-dessus.
Ces approches impliquent plus ou moins l’internaute. Encore une fois la diversité est nécessaire car chacun sera réceptif à des approches différentes.
Des techniques différentes
Les techniques sont variées et souvent conjuguées : vidéo montrant la personne qui parle, une expérience, voix off, images de synthèse, animations, “draw my life”. Le “Draw my life” consiste à dessiner au feutre sur un tableau blanc, de manière à raconter une histoire.
Évidemment, certains sites proposent des combinaisons de formats et de techniques. Cela rend la vidéo plus dynamique. L’image et le mouvement permette une bonne transmission de l’état d’esprit de la vidéo (sérieuse ou enjoué et dynamique), ce qui aide à appréhender le contenu et véhicule une image positive de la science.
D’autre part, grâce aux indicateurs de visites, d’abonnés, de nombres de vues, de création de compte, et de discussion par les commentaires, les internautes peuvent avoir la sensation d’appartenir à une communauté.
3. Partage et sentiment d’appartenance dans l’intéressement du public
L’internaute peut se sentir plus ou moins proche de l’auteur du contenu, grâce à l’interface commune qu’est le web, voire à la page de diffusion elle-même. Il peut l’être d’autant plus s’il peut s’adresser à l’auteur (ou aux auteurs) du contenu, ou s’il voit l’auteur (par exemple dans les vidéos, ou sur les avatars). L’internaute s’inscrit dans un processus de partage dans lequel il peut recevoir et donner (via les commentaires ou la fonction “partage” sur les réseaux sociaux).
Comme dit précédemment, les indicateurs de vues, d’abonnnés, de commentaires ou de membres, peuvent donner à l’internaute une sensation d’appartenance à une communauté. Le fait de regarder un même vidéo, être abonnés à une chaîne Youtube avec 100 000 autres abonnés, de s’intéresser à un sujet commun, contribue donc à cette sensation. Par exemple pour les vidéos, le fait d’attendre les sorties des nouveaux épisodes et de les regarder au moment de leur sortie, “ensemble”, contribue aussi au sentiment d’appartenance à une communauté. Il existe d’ailleurs des applications pour smartphones qui préviennent l’abonné losqu’une nouvelle vidéo sort.
Nous pouvons donner un autre exemple : numberphile (http://numberphile.com ) un site qui propose des vidéos accessibles à tous et qui aborde les mathématiques sous un angle particulier. Il dégage une forme de passion pour les chiffres (d’où son nom) et les aborde d’une façon très ludique mais qui se réserve peut être aux amoureux des chiffres, bien qu’il puisse aussi attirer la curiosité des “non-amoureux”. Alors, un internaute qui aime les chiffres en dehors du web, et qui découvre ce site, pourra être agréablement surpris d’apprendre qu’il n’est pas le seul à apprécier cela, et qu’il a trouvé un espace commun à d’autres amoureux des chiffres.
Ce sentiment d’appartenance peut ainsi favoriser l’intégration des sciences à la culture de l’internaute. Aussi, dans le cas ou l’internaute s’abonne ou poste un commentaire, il s’engage par traces écrites. La création d’un compte de membre d’un forum, l’abonnement et le commentaire permettent également à l’internaute de s’identifier lui même au sein d’une communauté scientifique, et de s’identifier aux yeux des autres.
4. Le rôle du divertissement et de l’esthétique dans l’apprentissage
Comme nous l’avons déjà dit, grâce au web, l’abord des sciences peut avoir lieu dans un cadre différent du cadre scolaire ou institutionnel. Le mouvement de l’Éducation nouvelle, qui remonte à la fin du 18ème siècle, défend le principe d’une participation active des individus à leur propre formation et privilégie l’épanouissement à la performance. Paul Faucher, pionnier de l’Education nouvelle et fondateur de la collection de littérature enfantine du Père Castor cherche alors à développer chez l’enfant l’habileté manuelle, la sensibilité musicale et artistique, le mouvement et la coordination, le graphisme, la logique et le goût de la lecture. Le développement cognitif serait donc favorisé par le bien-être, l’épanouissement dans l’activité. Aborder les sciences sur le web, sur un temps considéré comme temps de loisir, serait donc un moyen efficace d’intéresser et d’apprendre. Vus la prolifération des contenus scientifiques grand public et le succès des chaînes Youtube, le web semble en tout cas donner une image des sciences plus positive et plus appréciable que les enseignements traditionnels. D’autre part, sensibilité artistique, mouvement, graphisme, logique, sont des éléments présents dans la médiation scientifique sur internet et qui semblent aussi aider à l’ouverture d’esprit et l’apprentissage.
La question de l’expérience esthétique dans les sciences est traitée par Per-Olof Wickman en 2012: “dans la plupart des ouvrages traitant de ces questions, on juge que l’esthétique est une valeur ayant peu de chose en commun avec la raison et la compréhension conceptuelle” . Il semblerait justement que l’esthétique, l’aspect visuel des sciences, soit d’une importance non négligeable dans l’intéressement aux sciences d’une part, et dans la compréhension d’autre part. La visualisation d’un phénomène permet souvent de l’appréhender ou de le comprendre.
Dans le même ouvrage, P.-O. Wickman dit que “de nombreux enseignants s’interrogent sur ce qu’il faut ajouter à l’enseignement des sciences pour que les étudiants la digèrent plus aisément“. Il serait intéressant de s’inspirer du succès de la médiation scientifique sur internet, car même si la compréhension des principes scientifiques par le web est difficilement mesurable, l’intéressement semble prouvé.
Le format vidéo étant le format le plus riche, et ayant un succès facilement mesurable, comparé aux autres formats, nous allons nous intéresser au succès d’une chaîne Youtube de vulgarisation scientifique : E-penser. Le but est d’essayer de comprendre comment ces vidéos attirent et plaisent à tant d’internautes.
II. E-penser : le succès fulgurant d’une émission vidéo
Par cette étude j’ai donc étudié la manière dont le réalisateur se met en valeur sur internet, la manière dont il aborde les sciences, et aussi la réaction du public via les commentaires. J’ai choisi cette émission car elle connaît un succès notable.
bande annonce e-penser 2015 :
1. Le succès rapide d’une émission de vulgarisation scientifique
La chaîne créée et présentée par Bruce Benamran en août 2013 compte aujourd’hui 70 vidéos, 620 022 abonnés et cumule plus de 38 700 000 vues. Bruce B. est un architecte logiciel français, né en 1977. Dans une de ses vidéos FAQ il précise qu’en lançant sa chaîne il espérait atteindre 50 000 abonnés en 2 ans.
Ces vidéos portent quasi-exclusivement sur la physique. Il en publie aujourd’hui une tous les 14 jours, et chacune est visionnée entre 300 000 et 1 600 000 fois. Ses vidéos cumulent en moyenne 100 dislikes pour 10 000 likes.
“Bruce, le Français qui rend la science plus populaire que les chatons de youtube” (L’Expansion)
Il a structuré sa chaîne en plusieurs sections, qui correspondent à des formats différents:
- L’univers : relativité, mécanique quantique, théorie des cordes… (environ 20min)
- L’humain, la vie, le monde… (de 10 à 40 min)
- Les flash e-penser (environ 3min)
- La preuve par vieux, l’histoire des sciences et des scientifiques (environ 10min)
- Quickies, les questions brèves d’e-penser (environ 10min)
- Breaking balls (environ 5min)
- Playlists
À l’automne 2015 il présente la première partie du spectacle d’Alexandre Astier L’Exoconférence. En novembre 2015 il publie son premier livre Prenez le temps d’e-penser, aux éditions Marabout et effectue une tournée de dédicaces. D’après un témoignage, une des dédicaces à Paris aurait eu un succès considérable, en effet l’attente dans la file a été estimée par ce témoin à plus d’une heure.
Depuis son succès, B. Benamran donne également des conférences, filmées puis postées sur le web. Il a fait quelques interventions à la télévision, notamment sur la chaîne Nolife pour la sortie de son livre. D’autres Youtubeurs ont postés des interviews de lui.
Évidemment son émission ne contente pas tout le monde. D’après des témoignages, B.Benramran aurait des explications confusent et compliquerait des concepts relativement simple. Nous observons ici à quel point l’importance de la diversité des contenus et des approches est importante pour intéresser et satisfaire le plus grand nombre.
D’autre part, le succès de cette chaîne peut s’expliquer par une stratégie de communication soignée et forte. Nous étudierons sa stratégie sur le web en dehors de la promotion de son livre car cet événement est ultérieur à son succès.
2. Une stratégie de communication efficace
La stratégie de la chaîne possède tous les éléments d’une stratégie de communication efficace et complète :
Un site internet : http://e-penser.com/
Sa chaîne est présente sur les principaux réseaux sociaux : Youtube, facebook (106 000 j’aime), twitter (92 000 abonnés). Il y poste principalement ses vidéos. Il a également une page wikipedia à son nom (Bruce Benamran) depuis janvier 2015.
Un slogan : “Restez curieux et prenez le temps d’y penser”, qu’il rappelle en fin d’épisode ou qui apparaissent sur les pages associées.
Un logo:
ce logo laisse apparaître son visage, ce qui l’humanise.
Des déclinaisons de ce logo pour s’adapter aux différents formats du web :
Sur tous ses comptes il garde ces mêmes images de profil et de fond, cela renforce son image et montre une cohérence.
Des génériques courts, en fonction des différentes sections.
Un réseau de collaborateurs : Par le biais des abonnements aux chaînes Youtube et comptes facebook et twitter il s’intègre à un réseau et augmente sa visibilité. Mais ce réseau prend forme également dans l’intervention d’autres Youtubeurs célèbres dans ses vidéos.
Les FAQ : Dans deux vidéos Foire A questions il répond à une sélection de questions posées par les internautes. Ces vidéos mettent en valeur l’intéressement des internautes. Les questions sélectionnées portent sur son parcours scolaire et supérieur, la façon dont il fait ses recherches pour les vidéos, le matériel qu’il utilise pour filmer, pour monter ses vidéos, son appréciation des sciences quand il était élève, son appréciation de l’enseignement scientifique. Cette démarche montre qu’il est attentif à son public, qu’il prend le temps de répondre à ses questions et permet de renforcer la relation qu’il a avec ses abonnés.
Tipeee : Il s’agit d’une plateforme de financement participatif basé sur l’idée du pourboire. Comme Bruce B. le dit dans une de ses FAQ, la constance de la production de vidéos est nécessaire pour qu’une chaîne fonctionne. Mais la conception et la réalisation d’une vidéo demande du matériel et un temps considérable. D’autre part, B.B. apprécie particulièrement son activité et son succès en tant que vulgarisateur scientifique, il avoue ainsi dans une FAQ qu’il aimerait en faire son activité principale. Grâce au site Tipeee.com, il peut solliciter l’aide financière de tous les internautes, qui lui permettra de consacrer plus de temps à ses vidéos. Il augmente là aussi sa visibilité.
Sa stratégie de communication est certes bien ficellée, mais cela ne suffit pas à faire le succès d’une chaîne. Rappelons que les sciences portent une images relativement négative, et sont associées à l’enseignement traditionnel et la sélection des “meilleurs”. Ce succès s’explique donc par le contenu des vidéos, leur forme et leur pédagogie.
3. Pédagogie et didactique scientifique
Voici la description de sa chaîne youtube : Pourquoi bâiller, c’est contagieux ? Qu’est-ce qu’un trou noir ? Comment se forment les arc-en-ciel ? Aristote a-t-il eu raison au moins une fois de son vivant ? Pourquoi 42 ? Docteur qui ? A quoi a vraiment servi Einstein ? Le boson de Higgs ?! Le lolcat de Schrödinger… Restez curieux, et prenez le temps d’e-penser.
Le but est clairement d’attirer la curiosité, d’insciter à se questionner, ce qui constitue un principe essentiel des sciences.
Ses techniques de vulgarisation
Son discours est souvent assez technique mais il explique toujours les termes, souvent par des analogies. Cela permet d’apporter des termes techniques au vocabulaire des internautes. Il reformule ses explications, parfois à plusieurs reprises. Certaines vidéos sont moins abordables aux esprits novices, comme pourraient l’être des collégiens, à moins de visionner la vidéo plusieurs fois.
Il traite surtout de sujet de physique théorique, en commençant par poser une question et en abordant les idées reçues sur le sujets. Par exemple sur la physique quantique, il précise que les scientifiques disent parfois que cette spécialité est trop difficile à expliquer, mais qu’en réalité, eux même ne la comprennent pas. C’est un concept impossible à appréhender pour les novices comme pour les “scientifiques”.
Il traite ces sujets en s’appuyant sur l’histoire des sciences. Dans une FAQ, il précise justement l’importance de l’histoire des sciences, qui permet selon lui de comprendre, et qui constitue une bonne méthode d’introduction d’un cours.
Pourquoi lui faire confiance? C’est une question posée par les internautes, à laquelle il répond qu’il faut aller vérifier les informations par soi même. Et en faisant cela, il inscite à la démarche scientifique.
Il a également un regard très critique sur les scientifiques, les autres vulgarisateurs, et lui même. Cet aspect est important car le sens critique et la notion de doute sont aussi des valeurs fondamentales dans les sciences. De manière implicite, il transmet ces principes. Ce sens crititique permet également un rapprochement avec le public, qui lui aussi se questionne et doute. Il y a en quelque sorte une banalisation positive du doute.
Bruce B. pose souvent des questions comme si quelqu’un d’autre que lui intervenait, il pose la question à la place du public. (“mais dans ce cas, pourquoi … ?”). Le public va alors se sentir intégré à sa vidéo, à son discours. D’ailleurs, il dit généralement “on”, et rarement “je” (pour exprimer des jugements personnels), ce qui inclut d’autant plus le public.
Il fait parfois référence à ses autres vidéos (“on l’avait déjà vu quand on avait parlé de …”), ce qui donne une impression de continuité, comme s’il racontait une histoire, ou bien cela signale l’existence d’une autre video aux internautes qui ne l’ont pas encore vue. Il utilise aussi l’humour.
Toujours dans un esprit d’ouverture et de partage, il inscite dans les descriptions des vidéos et dans les FAQ, à aller voir d’autres chaînes de vidéos, il propose des lectures en détaillant le niveau et précisant à son goût l’intérêt et la qualité du livre. Ses lectures coneillées vont ainsi du livre théorique de Feynman, à des romans graphiques, en passant par les fables scientifiques. Sa façon de parler, à la fois très polie et familière, ainsi que le fort intérêt qu’il montre pour les sciences, donne envie de suivre ces conseils, rend curieux. Lors d’un témoignage, un abonné m’a dit qu’il lisait des cours de Feynman suite aux recommandations de B. Benamran. C’est d’ailleurs cet abonné, qui m’a fortement inscitée à regarder les vidéos d’e-penser il y a maintenant plus un an.
Une mise en scène qui induit une forme de proximité
À part les deux premières vidéos qui reposaient sur le principe du micro-trottoire (interview de passants dans la rue en filmant), les vidéos sont filmées dans l’appartement de Bruce B. , dans ce qui semble être son salon ou son bueau. Il est debout, face à nous, les jambes ne sont pas apparentes. Cela donne l’impression d’être face à lui. Le fait qu’il soit debout donne un esprit dynamique à son discours. Le fait de voir son lieu de vie apporte une sensation de proximité. Il porte généralement des t-shirt graphiques, humoristiques. Il est à l’aise, naturel. Tous ces éléments donnent un ton convivial à ses vidéos. Dans des vidéos récentes, son visage apparaît en (trop?) gros plan, ce qui peut rendre une impression de face à face.
Il s’exprime lentement, calmement, ce qui permet de bien comprendre et de ne pas se sentir pressé. Cependant, ces nombreux mouvements de bras apportent une forme de dynamisme.
Dynamique visuelle et diversité des formats
Chaque fois qu’il fait référence à un nom, il place une image de la personne sur le côté de la vidéo. Cela permet de dynamiser la vidéo, d’illustrer ce qu’il dit, mais aussi d’humaniser la science à travers des figures humaines, et pas simplement des noms.
Ses techniques de montage évoluent constamment. Sur certaines vidéos il change de plan très souvent, sûrement dans le but de ne pas ennuyer le spectateur. Ces changements constants dans la technique sont signes qu’il cherche à s’améliorer, et sont souvent remarquées par les commentateurs. Voir ces efforts, ces imperfections, permet aussi un rapprochement dans une certaine mesure, dans le sens où, commel’internaute, Bruce B. n’est pas parfait.
Récemment, il met en scène l’intervention de personnes extérieure en utilisant des plans de lui différents, parfois en noir et blanc.
Il multiplie également les formats, peut être pour des raisons pratiques, mais cela permet d’élargir le public. Il propose ainsi des vidéos allant de 3 à 40 minutes.
Maintenant que nous avons cernée les méthodes du réalisateur, nous allons nous intéresser à la réaction des internautes, lorsqu’elle est visible.
4. Réaction et intérêt des internautes commentateurs
Par l’observation des commentaires d’une vidéo, j’ai tenté d’analyser la réaction des personnes ayant posté des commentaires. Après de grandes hésitations, j’ai choisi la vidéo intitulée : Werner Heisenberg – le principe d’incertitude, qui fait partie de la rubrique La preuve par vieux, l’histoire des sciences et des scientifiques.
Cette vidéo est sortie le 8 janvier 2016, cumule 401 000 vues, 23 600 likes, 300 dislikes, et plus de 2600 commentaires. Les commentaires viennent globalement d’un public déjà conquis et la technique est assez stable. Il serait intéressant les commentaires de cette vidéo à ceux d’une de ses premières vidéos. D’un rapide coup d’oeil sur celles de la première année, il a beaucoup de commentaire sur des conseils de techniques (mauvaise qualité du son, de l’image), des compliments sur l’explication ou des questions. Cela montre déjà un certain intéressement et une relation assez amicale, en tout cas ouverte et positive.
Dans un soucis pratique, j’ai choisi d’étudié les 70 premiers commentaires visibles sur la page de la vidéo ci-dessus. Ces 70 commentaires ont perpétués environs 700 réponses, allant de 0 à 46 réponses par commentaires. Cela traduit une communauté active, qui échange beaucoup.
À qui s’adressent-ils ?
Certains s’adressent directement à Bruce (“Bruce”, “tu”), d’autres s’adressent aux autres internautes (“vous””quelqu’un peut…?”), certains semblent s’adresser à eux mêmes ou essayer de montrer leur existence en postant un commentaire. Ce dernier type de commentaire, assez vide de sens, ne reçoit généralement aucune réponse, deux au mieux. Ils traduisent une volonté d’intégration à la communauté. Les deux autres types montrent cette volonté d’intégration mais surtout une participation active à la compréhension, et une attention forte puisqu’ils émettent un jugement argumenté sur la vidéo.
Bruce B. répond assez peu aux commentaires, bien que certaines interventions montrent qu’il s’en soucis. Il répond seulement aux questions ou commentaires sur le fond. La raison de ce silence est certainement le manque de temps.
La fonction du commentaire
15/70 commentaires posent des questions sur le fond. 6/70 apporte une ouverture au sujet.
5/70 sont des critiques négatives.
16/70 portent une appréciation positive de Bruce, de la vidéo, ou de l’émission.
14/70 sont des commentaires neutres sur le fond ou sur sa façon d’expliquer.
4/70 proposent un sujet pour une prochaine vidéo
17/70 comportent (parfois exclusivement) des compliments et des formes de politesse (“Bonjour Bruce”,”salut”,”merci”,”bon courage”,…).
11/70 sont des blagues scientifiques, souvent assez longues.
3/70 sont des commentaires d’expériences personnelles.
A travers ces commentaires s’expriment des jugements de la qualité du contenu, de la qualité des explications de Bruce B., et de son projet. Ils sont majoritairement positifs.
Appréciation globale
Il y a donc des commentaires de compliments, de valorisation, qui participent à la bonne image de la chaîne et ses sujets scientifiques.
Peu de critiques négatives apparaissent dans les commentaires, ce qui ne veut pas dire que les internautes qui ne commentent pas n’ont pas des critiques négatives à exprimer. Je connais personnellement deux fans, l’un dans le milieu de la sidérugie, l’autre en études de littérature, qui avouent que certaines vidéos sont plus ou moins claires que d’autres. Je connais aussi une étudiante en archéologie qui a fait une terminale scientifique et dit ne pas trouver les propos de Bruce B. très clairs, voire “embrouillant”.
La qualité des commentaires
Ceux qui portent sur le fond sont élaborés, bien construit, réfléchis. Bruce B. le dit lui même dans une FAQ, les commentaires sont d’une grande qualité, des questions de qualité, et même d’un niveau orthographique et grammatical de qualité. En effet ils sont formés de phrases complète, le langage est soigné (pas ou très peu de langage “SMS”, raccourci) il y a parfois des fautes mais l’effort est là. Cela constraste avec les commentaires très “légers” des vidéos humoristiques ou de musiques. Cela traduit encore une fois un investissement cognitif, une prise au sérieux. Ils sont très courtois : un bonjour, un compliment puis une question, une critique puis un compliment. Il y a une certaine forme de diplomatie.
Malheureusement Youtube ne permet pas d’avoir des informations sur l’âge et les domaines de prédilection des internautes intéressés (plutôt littéraire? Scientifique? Élève? Travailleur? …)
Si Bruce B. ne convainc pas tout le monde, son fort succès montre qu’il a su révéler la médiation scientifique sur le web. Il arrive a capter l’attention et créer une ambiance de sérieux et de partage autour des sciences. Il arrive plus ou moins directement à transmettre les principes d’esprit critique, de curiosité, de partage, de discussion, propres aux sciences exactes. Il humanise les sciences en les rattachant à des figures scientifiques possédant des caractères humains, des vies. Son approche par l’histoire des sciences, des scientifiques, et de la construction du savoir est, je pense, une des raisons de son succès et une excellente méthode d’apprentissage des sciences, car elle parle à chacun, que l’on ait déjà une sensibilité scientifique ou non. Sa proximité et sa sympathie, l’aspect humain qu’il dégage dans ses vidéos jouent aussi sûrement un rôle important.
L’idée de faire des vidéos lui vient de la découverte de chaînes anglophones. Cependant il n’a pas trouvé la même diversité et la même qualité de vidéos en France.
Conclusion
Le succès récent de la médiation scientifique sur le web est une sorte de retour aux origines du web, puisqu’il visait à répertorier et faire circuler des savoirs scientifiques.
Grâce au web, le grand public a accès à une diversité de contenus considérable. Des formats plus ou moins dynamiques, des approches multiples, l’internaute à le choix et doit pouvoir trouver la combinaison qui lui convient.
En sortant du cadre académique, l’image des sciences a l’occasion de transformer et de devenir moins froide, plus souple, plus sympathique. De plus, une approche plus divertissante est potentiellement assez efficace du point de vue de l’apprentissage. Les commentaires et les forums permettent d’établir un véritable espace d’échange autour des sciences, de curiosité et d’apprentissage. L’image stéréotypée du scientifique s’humanise et devient sympathique à travers les efforts de partage et les outils qu’utilisent ceux qui réalisent des contenus.
Le web apporte donc à la médiation scientifique une dimension sociale, un espace d’échange, une esthétique, et une dimension divertissante.
Aujourd’hui il existe peu d’écrits sur ce sujets, pourtant l’enjeu par rapport à la culture, le développement cognitif et critique, et la question de démocratie technique me semble évident. Il serait donc intéressant de poussée plus loin l’étude de ce sujet.
Alors “restez curieux, et prenez le temps d’y penser”.
SOURCES
La violence de l’enseignement des mathématiques et des sciences, 1997, Trabal P. p105-177
L’expérience esthétique dans l’enseignement des sciences, 2012, Wickman P.-O.
Vulgarisation scientifique, mode d’emploi, 2014, Michaut C.