Jeanne ROUILLARD – Karine SARAY – Youmna HALIFA
Dans quelle mesure l’usage de TIC (technologies d’information et de communication) basés sur le multitasking et plus spécialement le Smartphone développent l’efficacité de l’utilisateur au travail ?
On rencontre un effet qui tend à se généraliser à l’ensemble de la population française, le multitasking. Pour bien comprendre cette pratique, il nous faut donc définir le plus clairement possible le multitasking afin de pouvoir en appréhender tous les aspects.
Qu’est-ce donc que cette pratique de multitasking ?
Le multitasking est à l’origine un mot anglophone qui permet de désigner un système d’exploitation multitâche donc capable de faire plusieurs programmes informatiques en même temps. Ensuite, il a été décliné à l’humain depuis l’avènement des technologies pour désigner les personnes qui pratiquent plusieurs activités en même temps. Le multitasking ne concerne pas seulement l’environnement privé mais aussi l’environnement professionnel car de nombreuses entreprises ont développé cette pratique chez les employés pour augmenter leur productivité.
Dans l’environnement professionnel, le mot “multitâche” serait apparu pour la première fois sur les C.V. dans la rubrique compétence des employés de bureau dans le but de paraître plus performant. Encore aujourd’hui on peut voir dans certaines annonces d’emploi que la “compétence” multitâche est recherchée. Le mot “multitasking” a donc pris de l’importance avec le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui nous pousse à faire plusieurs choses en même temps à grand coup de notifications. Depuis l’avènement des nouvelles technologies et notamment des smartphones, les personnes passent de plus en plus de temps sur leurs nouveaux outils. En effet, les téléphones sont devenus de plus en plus évolués jusqu’à devenir de mini ordinateurs dont la fonction n’est plus de simplement passer un appel ou d’envoyer un message, mais bel et bien de pouvoir se connecter à internet, regarder des vidéos, faire des achats et même pouvoir travailler grâce aux partages sur mobile de certaines applications de bureautique telles que la suite microsoft office.
Nous nous demandons donc dans quelle mesure l’usage de TIC (technologies d’information et de communication) basés sur le multitasking et plus spécialement le smartphone développent l’efficacité de l’utilisateur au travail ?
Pour répondre à cette question, nous allons parler dans un premier temps de l’utilité du multitasking et de ses opportunités en termes de gain de temps et de productivité. L’objectif est de comprendre l’engouement actuel pour cette pratique et ses avantages créés par le développement des TIC.
Dans un deuxième temps, nous étudierons les limites du multitasking en termes d’efficacité réelle via l’usage des TIC. Nous verrons que le multitasking a des limites sur le plan émotionnel et fonctionnel du travailleur et change la conception de vie professionnelle d’origine en créant un nouveau modèle de travail réactif mais constant.
I. Utilités du multitasking : l’utilisateur devient multitâche au travail
Ainsi, nous allons, au cours de notre première partie, aborder les deux formes du multitasking en nous appuyant principalement sur le multitasking dans le monde professionnel et sur le multitasking permis par le Smartphone. Nous allons également nous pencher sur un aspect plus psychologique en nous intéressant au fait de changer de tâche pour laisser mûrir une réflexion et y revenir par la suite. Enfin, nous finirons cette partie en traitant du rôle du Smartphone dans la gestion des tâches personnelles et professionnelles.
A. Permet de gérer deux tâches en simultané
1. Gestion de plusieurs dossiers au travail
De nos jours, l’usage des technologies est presque complètement intégré à notre quotidien. De ce fait, les individus, et plus particulièrement ceux qui sont nés avec ces technologies (Digital Natives), sont, ou du moins se disent, multitâches. Selon S. TISSERON, psychologue français, ce phénomène de multitasking s’observe majoritairement chez les jeunes de 15-25 ans. Cependant, cette habitude se transpose dans le monde professionnel de telle sorte qu’il est devenu normal aujourd’hui de travailler tout en répondant à une sollicitation personnelle.
Le contexte du travail aujourd’hui est tel que les employeurs sont de plus en plus enclins à vouloir embaucher une personne capable de gérer plusieurs choses en même temps. En effet, le mot multitâche semble être synonyme de productivité dans le monde professionnel. L’employé fait face à de plus en plus de « situations de dispersion » (cf. Bibliographie 3) et est amené à devoir gérer plusieurs tâches en même temps que ce soit au niveau des dossiers, de son emploi du temps ou encore des réunions. Par situations de dispersion on entend les changements qui amènent l’individu à modifier et reconfigurer son activité (exemple : modifications de dernière minute, téléphone qui sonne…).
Cette notion de multi-activité est confortée avec les TIC qui aident l’employé dans ses tâches quotidiennes et lui permettent d’être plus efficace. En effet, aujourd’hui il est courant de traiter plusieurs dossiers sur son ordinateur tout en répondant à des mails et en envoyant des SMS. Le multitasking est de plus en plus présent au sein de nos habitudes quotidiennes et est un des grands sujets de l’organisation du travail de nos jours.
L’efficience étant de plus en plus mise en avant dans les entreprises, on attend de l’employé qu’il utilise 100% de ses capacités, si ce n’est plus. En effet, il est sollicité constamment et peut, à terme, manquer de temps pour tout gérer. C’est pour cela que le multitasking est autant prisé dans certaines entreprises, il serait un moyen de gagner en efficience. Aujourd’hui, l’individu n’a pas d’autre choix que de devoir gérer plusieurs choses en même temps et d’être connecté quasiment en permanence.
2. Le multitasking du Smartphone
D’un point de vue utilitariste, le Smartphone a permis aux individus d’être plus efficaces. En effet, le Smartphone est vu comme un moyen de répondre à la problématique d’ubiquité notamment. Aujourd’hui, il est possible d’être à la fois à son domicile et ailleurs avec des amis, des collègues et l’individu peut avoir l’impression de pouvoir être à plusieurs endroits en même temps.
a. Une évolution des usages
Le Smartphone offre de nombreuses fonctionnalités qui semblent faciliter les tâches personnelles et professionnelles. De plus, il est vu comme une « technologie innovante (…) libératrice et émancipatrice ». Ainsi, il a permis d’ouvrir de nombreuses possibilités d’épanouissement personnel et professionnel et s’est massivement introduit dans notre quotidien.
Depuis son apparition, la fonction principale de ce dispositif a énormément changé mais surtout évolué. En effet, on est passé d’un dispositif qui permettait de « transmettre la parole à longue distance » à un appareil multitâche qui permet, en plus de la communication à longue distance, le divertissement, l’information, l’assistance, etc. Ainsi, il est possible d’accéder à une multitude de services seulement avec son Smartphone. Du fait de sa multifonctionnalité, on n’hésite pas à lui confier certaines tâches afin de bénéficier de son utilité et de l’efficacité qu’il offre.
Comme on peut le voir dans plusieurs campagnes publicitaires, le Smartphone est considéré comme un compagnon de vie de l’homme. C’est le cas par exemple avec le slogan des publicités de Samsung Galaxy où le Smartphone est désigné comme un Life Companion.
b. Smartphone, objet du quotidien
Ainsi, dès la sortie des premiers Smartphones, on avait l’idée d’un bouleversement de nos habitudes quotidiennes par cet outil.
Nombreuses sont les applications sur les Smartphones qui ont pour but de nous « aider » au quotidien. En effet, les applications d’agenda permettent de gérer son emploi du temps, ses rendez-vous etc. là où les applications de banque permettent de gérer ses comptes bancaires sans avoir à se déplacer. Le Smartphone devient alors un véritable assistant dans le sens où il est possible d’installer presque tout ce dont nous avons besoin afin de gérer notre vie privée mais également professionnelle.
On retrouve donc l’idée que le Smartphone permet d’être multitâche et de gérer plus facilement différentes choses en même temps tout en étant à un seul endroit grâce aux fonctionnalités qu’il offre. Aussi, le Smartphone permet d’être connecté en permanence et donc d’être réactif au moindre problème. De ce fait, il permet à l’utilisateur de pouvoir être plus efficace rapidement.
De plus en plus d’applications sont créées dans le but de le rendre multitâche et par extension de nous permettre à nous aussi d’user de ce caractère multitâche. Le Smartphone permet de faire de plus en plus de choses à distance (ouvrir une porte via un interphone, faire des courses, surveiller sa maison etc.).
Ainsi, le Smartphone est vu comme une opportunité d’efficience dans la mesure où il présente de nombreuses fonctionnalités permettant à l’homme de gérer plusieurs tâches en même temps. Cependant, le multitasking implique également, comme on l’a vu plus haut, la faculté de pouvoir passer d’une tâche à une autre rapidement (task switching).
B. Permet de laisser mûrir une réflexion en passant sur un autre dossier
La capacité de concentration d’un individu est limitée. De ce fait, pour ne pas saturer, ce dernier peut avoir à changer de tâche afin de laisser mûrir une réflexion tout en s’occupant d’autre chose. C’est un aspect très important du multitasking. Dance ce multitasking consécutif, on est plus proche de l’idée de fragmentation que de l’idée de faire plusieurs choses à la fois. C. LICOPPE, sociologue des sciences française, évoque l’idée d’un « zapping » incessant entre plusieurs activités.
1. Le besoin de stimulation du cerveau humain
a. La flexibilité mentale
Les fonctions exécutives sont des processus cognitifs qui regroupent des fonctions telles que la logique, la stratégie ou encore le raisonnement qui nous permettent de garder plusieurs choses à la fois dans nos esprits. Ici, l’homme fait preuve d’une flexibilité mentale, c’est-à-dire de la capacité de changer de tâche et passer d’une activité cognitive à une autre. Cette capacité lui permet de s’adapter à des situations nouvelles et parfois imprévues.
Bien que la notion de multitasking fasse débat et que les avis sont partagés en ce qui concerne les conséquences de ce phénomène, certaines recherches montrent que le fait de changer de tâche rendrait l’homme plus productif. A l’inverse, à se concentrer sur une seule tâche pendant trop longtemps, on risquerait d’être moins attentif et plus stressé. En effet, le cerveau nécessiterait un moment de récupération afin de renforcer ses pensées sur un sujet. C’est notamment le point de vu partagé par David Meyer, professeur de psychologie à l’université du Michigan. L’attention semble donc jouer un rôle important dans le multitasking. En effet, l’intérêt n’est pas de faire plusieurs choses à la fois sans être attentifs mais de porter attention à nos activités.
b. L’attention
L’attention a été traitée pour la première fois par James William, psychologue et philosophe, en 1890. Il a écrit un ouvrage, The Principles of Psychology, dans lequel il a consacré un chapitre entier à l’attention où il précise que c’est un concept connu et utilisé par tous mais qui reste difficile à définir. Ainsi, il en donne une définition qui est aujourd’hui une définition classique: « […] la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement des autres. ».
Pour rester concentré et donc attentif, l’idéal serait de « découper » notre objectif final en « micro-objectifs » de durée limitée ce qui nous permettra d’être davantage attentif à ce que l’on fait et d’être productif et efficace.
c. Stimuler son cerveau pour rester attentif
Passer d’une tâche à une autre nous donne l’impression de pouvoir penser à autre chose et, par la même occasion, revenir sur cette tâche avec des idées nouvelles, une nouvelle réflexion. On retrouve cette idée chez Sam Anderson dans un article qu’il a écrit pour le New York magazine. Il affirme que le cerveau n’arrive pas à se concentrer sur une seule chose pendant trop longtemps. Aussi, il aurait besoin d’être stimulé et de nouveauté afin de pouvoir garder une certaine attention. Attention qu’il qualifie de « paradoxale » étant donné qu’elle a « besoin de distraction pour se construire ». Ainsi, Sam Anderson estime que l’on pourrait être en train d’évoluer vers un « nouveau nomadisme cognitif » qu’il qualifie comme étant une évolution rapide au sein de laquelle l’agitation est considérée comme un avantage.
Le Smartphone a évolué de telle sorte à suivre cette idée dans le sens où il est aujourd’hui simple de changer de tâche sur son Smartphone. Les applications se mettent en arrière-plan et il est toujours possible d’y revenir quand bon nous semble. Aussi, le fait d’avoir en un seul appareil la possibilité de se distraire, de discuter, de se relaxer etc. offre diverses manières de stimuler son cerveau.
On retrouve donc l’idée de passer d’une tâche à une autre aussi rapidement que simplement. Ce passage se fait parfois grâce, ou à cause, d’interruptions que l’on peut qualifiée de volontaires ou de subies.
2. La fragmentation des activités
Quand nous effectuons plusieurs tâches en même temps ou que nous passons d’une tâche à l’autre, nous sommes confrontés à ce qu’on appelle des “interruptions”. Celles-ci peuvent être internes ou externes.
a. Interruptions positives et négatives
Par interruptions externes nous entendons ce qui vient couper notre réflexion contre notre gré comme par exemple la réception d’un SMS ou d’un mail, la sonnerie du téléphone, une urgence imprévue ou autre.
Ce sont des interruptions qui sont, la plupart du temps, perçues comme négatives dans le sens où elles viennent couper notre activité brusquement. Les interruptions internes sont-elles des interruptions faites de notre propre initiative. C’est le fait d’interrompre volontairement une tâche ou une activité pour une durée plus ou moins longue afin de s’adonner à une autre tâche. Selon Czerwinski, Horvitz et Wilhite, presque la moitié (40%) des passages d’une tâche à une autre sont dues à ces interruptions internes.
Ces interruptions sont traitées différemment et si certains trouvent que se sont davantage des perturbations qu’autre chose, d’autres les considèrent comme des ressources positives dans la réalisation des tâches (Hudson, Christensen, J., Kellogg, & Erockson, 2002 ; O’Connail & Frohlich, 1995).
Ainsi, il semblerait que passer d’une tâche à une autre soit une façon de stimuler son cerveau afin d’être plus attentif. Le fait d’interrompre une tâche en cours permettrait de revenir à cette tâche plus tard avec une réflexion plus affinée.
b. Saturation et Lassitude
Dans le monde professionnel, nous sommes souvent confrontés à ces interruptions qui sont, pour la majorité, externes. Cependant, lorsque notre cerveau se lasse d’une tâche, il nous arrive de faire autre chose afin de ne pas saturer. De ce fait, nous nous penchons sur un autre sujet ou dossier avec l’idée de finir la tâche précédente plus tard.
La lassitude est un problème qui survient quand on effectue une tâche pendant un moment que l’on juge trop long. Aussi, pour s’en débarrasser, nous avons tendance à changer de tâche ou à s’interrompre afin de laisser mûrir notre réflexion.
De par les nombreuses fonctionnalités qu’il présente, le Smartphone renforce cette idée. En effet, toutes les activités sont contenues dans cet outil et il ne suffit que d’un ou deux glissements de doigt pour passer d’une activité à une autre. Par exemple, on peut très bien commencer à lire un article sur internet, puis chercher des informations sur ce même article et revenir à l’article en question pour le finir avec des informations complémentaires.
Ainsi, le Smartphone est considéré pour beaucoup comme une technologie permettant de gérer les tâches personnelles et les tâches professionnelles tout en étant à un seul endroit. C’est également un outil qui offre de nombreuses possibilités familiales. En effet, il est plus facile aujourd’hui de “gérer” sa maison et d’être informé de ce qui se passe à l’intérieur en étant à distance.
C. Le Smartphone permet de gérer tâches personnelles et professionnelles : opportunités familiales
I. Le Smartphone dans la sphère familiale
Aujourd’hui, le Smartphone est un outil que l’on retrouve dans la grande majorité des foyers. Ce petit outil a su s’imposer et joue désormais un rôle important dans les différents foyers. Comme on l’a vu précédemment, il est considéré comme étant une opportunité d’efficience dans le monde professionnel. Nous allons voir à présent l’importance qu’il occupe au sein de la sphère familiale.
a. L’illusion d’ubiquité
De part ses fonctions multitâches, le Smartphone offre la possibilité à l’homme d’être à deux endroits à la fois « virtuellement ». En effet, il est possible de nos jours de s’occuper d’une chose concernant son travail de chez soi et l’inverse. Le travail s’invite alors dans la sphère privée familiale grâce au Smartphone. Dans la même idée, la maison s’invite également sur le lieu de travail. On est face à une illusion d’ubiquité.
De ce fait, le Smartphone permet d’amener son travail dans sa maison et sa maison à son travail. Ainsi, nous pouvons garder un œil et continuer à travailler sur quelque chose, ce qui nous rend davantage efficace. Nous passons donc ainsi du temps en famille mais tout en ayant la possibilité de continuer son travail. Il en est de même pour ce qui est de s’occuper de sa maison à distance.
b. Gérer sa maison via son Smartphone
Les Smartphones s’affirment en tant que véritables assistants de vie aujourd’hui. Objet connecté aux fonctionnalités multiples, il ne cesse d’évoluer en proposant de plus en plus de fonctionnalités qui permettent à l’homme d’être plus efficace.
Les applications qui permettent de gérer sa maison à distance sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, il est possible de nos jours d’éteindre sa lumière à distance, de surveiller son système d’alarme, encore de contrôler sa box internet ou sa télévision ou encore faire ses courses. Le Smartphone nous permet donc d’être plus efficaces sur le plan personnel et professionnel sans quitter sa maison.
2. Le Smartphone dans la vie des mères
Nombreuses sont les études sur internet qui traitent de multitasking des mères avec un Smartphone. Nous allons donc observer en quoi le Smartphone est une technologie qui offre de nombreuses opportunités à ces mères, travailleuses ou non. Nous avons choisi de nous pencher sur le cas des femmes car il y a énormément d’études sur internet, néanmoins, nous prenons bien conscience que le Smartphone n’est pas seulement une opportunité pour les femmes au niveau familial.
a. Le besoin de garder le contrôle
Le besoin de savoir que nous avons un certain contrôle sur ce qui nous appartient a toujours été important. Aussi, avec l’évolution des technologies, la question de la sécurité est de plus en plus présente car ces technologies se veulent parfois intrusives. Néanmoins, elles offrent, par plusieurs moyens, des services qui nous permettent de veiller à notre sécurité.
Désormais, même en étant absent, il est possible de surveiller sa maison. Les applications qui proposent cette fonctionnalité sont nombreuses. Aussi, il devient alors plus simple pour une personne devant s’absenter de contrôler et de surveiller sa maison sans y être physiquement. C’est une crainte que l’on peut retrouver chez certaines femmes, mais également chez les hommes. En effet, confier sa maison à quelqu’un d’autre pendant son absence peut susciter de la méfiance.
Néanmoins, le Smartphone d’aujourd’hui permet, grâce à de nombreuses fonctions, de garder le contrôle, d’avoir un aperçu de ce qui se passe. Bien qu’étant vu comme un outil de divertissement, le Smartphone permet également d’organiser, de gérer et de programmer ses journées. C’est en ce sens un outil qui offre aux femmes actives, ou non, de nombreuses possibilités de multitasking.
b. Les femmes et les TIC
Comme nous l’avons vu tout au long de la première partie, le Smartphone s’est immiscé dans notre quotidien. Les femmes tirent pleinement profit de cette technologie qui leur permet d’organiser leur vie qui peut être « occupée ».
Selon une étude de l’observatoire Orange-Terrafemina réalisée en 2014, 73% des femmes interrogées qualifieraient leur Smartphone comme étant réellement utile dans la gestion de leur vie quotidienne. En effet, plusieurs applications facilitant le quotidien de ces femmes ont fait surface. On pense notamment aux applications d’informations pratiques, aux applications bancaires, aux applications de géo localisation. Le Smartphone offre donc un gain de temps important pour les femmes « actives ».
Les femmes au foyer semblent également accorder une place importante au Smartphone dans la gestion de leur vie quotidienne. En effet, nombreuses sont celles qui s’occupent de leur maison, de leurs enfants tout en faisant à manger et en étant au téléphone.
Ainsi, le Smartphone est pour les femmes un outil qui leur permet de garder le contrôle sur une chose même en n’étant pas physiquement présente mais aussi de gérer et planifier leurs journées, leur vie tout en étant occupées avec leur vie de mère.
Conclusion Partie 1
Depuis son apparition, le Smartphone n’a pas cessé d’évoluer et il a su s’imposer au sein de notre quotidien. La majorité des personnes aujourd’hui possèdent un Smartphone. Cet essor considérable est dû en parti au fait qu’il a su évoluer en s’adaptant aux besoins des Hommes de nos jours. En effet, le multitasking est de plus en plus prisé aujourd’hui dans le sens où on estime que la technique nous permet de faire plusieurs choses à la fois. Ainsi, nous avons donc l’idée que la technique nous rende plus efficace de par les fonctionnalités qu’elle propose.
Cette idée du multitasking est très importante dans le monde professionnel où être multitasking est synonyme d’être plus efficace. Le Smartphone accompagne cette idée en proposant de nombreuses applications permettant de faire plusieurs choses à la fois.
Il occupe désormais une place importante au même titre que le multitasking semble être inévitable. En effet, être multitâche aujourd’hui est indispensable dans la mesure où l’on est amené à gérer plusieurs choses en même temps et à être connecté en permanence.
On a donc une vision du Smartphone comme étant une opportunité d’efficience dans le monde professionnel.
On note qu’il y a différentes pratiques du multitasking et que chaque pratique comporte ses avantages et ses inconvénients. Cependant, l’intérêt du multitasking n’est pas de faire plusieurs choses à la fois uniquement mais d’être attentif à ce que l’on fait afin d’être efficace.
Pour se faire, il est nécessaire de s’interrompre lors d’activités trop longues afin de ne pas se lasser. Le Smartphone offre de nombreuses possibilités d’interruption de part les applications qu’il propose.
L’idée du multitasking est également importante dans la vie personnelle. Le Smartphone multitâche permet de nombreuses opportunités en ce qui concerne la gestion de la vie personnelle, des tâches personnelles familiales. En effet, il facilite l’organisation, la planification et la gestion tout comme les fonctions exécutives traitées plus haut. Ainsi, il est énormément utilisé par les femmes, actives ou non, pour ces raisons-là.
Selon, Sherry TURKLE dans Life on the Screen, “Les ordinateurs ne font pas seulement des choses pour nous, ils font quelque chose de nous”. Dans la même idée, on en vient à se demander si le fait d’être multitasking est uniquement synonyme de productivité ou bien si le Smartphone joue un rôle plus important qu’on ne le pense sur nos capacités cognitives.
II. Les limites de ce nouveau concept de multitasking
Malgré cet engouement pour les TIC et le principe de multitasking dans la sphère professionnelle, de nombreux problèmes dus à cette pratique ont été soulevés par des chercheurs en sociologie et en psychologie ainsi que des études réalisées sur des travailleurs. De par l’analyse de ces différents constats, nous allons procéder à la présentation des différentes limites du multitasking par l’usage de TIC. Nous nous appuierons sur des travaux de chercheurs de Sciences humaines ainsi que sur des études réalisées auprès de la population active occidentale. En premier temps, il sera présenté que le comportement multitâche peut être un frein à l’efficacité du professionnel. En second temps, nous mettrons en lumière la problématique du multitasking par les TIC dans la vie privée.
A. Le comportement multitâche est un frein à l’efficacité du professionnel
Comme la première partie du dossier l’a présenté, le multitasking est un comportement recherché dans le monde du travail. La capacité de l’employé à réaliser plusieurs tâches rapidement par le multitasking est intéressant pour l’entreprise et laisse à penser que l’employé sera alors capable de jongler entre différents projets et d’augmenter sa réactivité donc sa productivité.
1. Le cerveau humain n’est pas multitâche dans sa configuration
Cependant, des chercheurs se sont penchés sur cette démarche pour étudier la capacité de l’Homme à gérer plusieurs tâches dans un temps restreint. Plusieurs ouvrages et études ont donc émis les limites de la capacité du cerveau humain à être multitâche. Nous étudierons les limites du cerveau humain pour traiter plusieurs actions en simultané et ses limites dans le contexte de changement fréquent de tâches.
a. Le cerveau serait dans l’incapacité de faire plus de deux tâches en simultané
Pour commencer, la capacité de l’homme à réaliser plusieurs tâches en même temps a été questionnée. Le travail des neurologues français Étienne Koechlin et Sylvain Charron, du Laboratoire de neurosciences cognitives de l’Inserm, met en avant l’incapacité du cerveau à traiter plus deux tâches en simultané (Cf bibliographie 9). Leur recherche s’est basée sur une observation du cerveau par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Cette méthode se base sur la mesure de l’oxygénation du cerveau. Ils ont étudié les lobes frontaux, à l’avant du cerveau, qui sont des acteurs de la planification des tâches, du raisonnement et de la cognition.
Cette étude était faite sur des sujets qui devaient réaliser des tâches alors que leurs cerveaux étaient observés. Il en a été conclu que les lobes frontaux s’activent simultanément lorsqu’une personne poursuit deux buts (Goal) en simultané, associés à deux actions (Action). Un lobe frontal peut traiter une action et, lorsque deux actions sont demandées avec chacune un objectif différent (goal), chaque lobe frontal prendra en charge une action. Un lobe frontal ne traite jamais deux actions à la fois. Cette structure duale de l’hémisphère cérébral amène l’idée qu’un être humain n’est pas capable de gérer simultanément plus de deux tâches. La suite de l’étude concernait la réalisation de trois tâches en simultané.
Lorsque les sujets ont eu trois tâches à effectuer, ils se sont montrés moins réactifs et ont commencé à commettre des erreurs. L’analyse de cette situation a démontré que les sujets devaient arrêter une des trois tâches pour mener à bien les deux autres.
Dans sa construction, le cerveau humain n’a donc pas de système de traitement de plus de deux actions en simultané, cette conclusion de recherche peut donc nous amener à dire que l’homme n’est pas, par essence, multitâche.
b. Diminution des capacités du cerveau humain avec le multitasking
L’Homme pourrait par ailleurs rencontrer des difficultés multiples lors d’un comportement de multitasking et la réalisation de plusieurs tâches dans un temps restreint.
D’après une étude de TNS commandée par Hewlett Packard en 2005 (Cf bibliographie 10) mené sur 1 100 anglais, il est neurologiquement impossible de réaliser plusieurs tâches importantes en même temps car les zones du cerveau utilisent alors des conduits et réseaux qui se concurrencent pendant la réalisation des différentes actions. Le système nerveux alterne rapidement les différentes tâches, en environ 1/10 de seconde, mais ce processus diminue la performance globale de 20 à 50%. On observe aussi une augmentation du temps de réalisation de 30% à 200% de la tâche et une démultiplication du nombre d’erreurs réalisées.
Ajoutant une fatigue mentale, le comportement de multitasking diminue aussi le QI du sujet et le temps de réaction de celui-ci devient plus important d’après cette étude. En effet, l’étude montre qu’un individu, qui gère ses messages via des TIC et en même temps son travail, voit son QI baisser de 10 points.
D’autre part, l’étude montre à titre d’exemple qu’envoyez un SMS au volant lors d’un trajet inconnu multiplie par 23 le risque d’accident car le temps de réaction chute de 35%. Le parallèle est donc fait avec la gestion des messages dans le cadre du travail, ce qui amènerait ce temps de réaction diminué à être une problématique dans l’efficacité du travail de l’employé.
c. Difficultés de permutation et de concentration entre deux tâches
L’Association Américaine de Psychologie partage l’idée de l’étude qu’effectuer plusieurs tâches en même temps peut consommer plus de temps au bout du compte et causer plus d’erreurs. L’ASP ajoute que les blocages psychiques durant le passage peuvent prendre jusqu’à 40% du temps de travail effectif d’une personne dans une journée de travail. De plus, le temps de passage d’une action à une autre peut être faible mais « peuvent s’accumuler pour totaliser de longues minutes lorsque des personnes changent de tâche de façon répétée ».
d. Dispersion et manque d’efficacité
La sociologue Caroline Datchary, au Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires du CNRS (Cf bibliographie 11), avance le fait que la dispersion est un élément quotidien dans le monde du travail et que la dispersion « est de plus en plus présente au travail mais la situation est assez invisible ». Elle met donc en avant le fait que « les ressources technologiques mobilisées pour neutraliser les situations de dispersion créent des différences entre acteurs ». Les situations de dispersion sont, d’après elle, vécues différemment par les sujets, comme une satisfaction ou une souffrance. Cet acte de dispersion peut donc être un facteur de conséquences physiques, psychiques et cognitives chez certains employés.
D’après elle, « les entreprises sont ambivalentes, un trouble de l’attention est connoté négativement, mais être multitâche est une compétence recherchée ». Cette déclaration montre la contradiction de la méthode de multitasking, appliquée et souhaitée en entreprise.
Pour conclure la partie II.A.1, Le cerveau humain n’est pas apte à réaliser plus de deux tâches simultanées sans être inefficace et perturbé. Ce rapport nous amène à nous interroger sur la naissance et le développement actuel de la méthode de multitasking qui n’est pas du tout représentative des capacités de l’Homme et semble par ailleurs rendre l’employé encore plus lent et peu productif que lors de la réalisation de tâches espacées.
2. Etre toujours connecté, sollicitations et déconcentration
Plusieurs écrits s’accordent sur le fait que le multitasking peut entrainer une dispersion néfaste au travail de l’employé et un manque d’efficacité de la part de celui-ci par des sollicitations et interruptions constantes au cours de la journée de travail.
a. Sollicitations constantes
D’après Didier Pleux, psychologue clinicien, « Multitâche veut dire absence de concentration ». Il ajoute qu’« avec les nouvelles technologies, il y a une hyperstimulation de l’enfant à l’école ou de l’adulte au travail. Il répond à tous ces stimuli au lieu de se concentrer sur la tâche prioritaire ».
Alexandra Bidet met en avant le fait que le salarié est confronté à des sollicitations concurrentes et simultanées au cours de sa journée (Cf bibliographie 12). D’après elle, cette « révolution informationnelle » multiplie les « attracteurs cognitifs » présents dans nos environnements et oblige les salariés à privilégier l’urgent et le rapide sur l’important. Un « attracteur cognitif » est un ensemble « d’éléments matériels et immatériels » qui attire le salarié vers des travaux particuliers. Pour conclure ces propos d’Alexandra Bidet, les outils de communication électroniques et numériques rendent les sollicitations « obstinément présentes ».
Dans un contexte de travail, le salarié est donc dans un contexte de fortes sollicitations extérieures à son travail, ce qui n’est pas recommandable pour réaliser son activité prioritaire correctement.
b. Interruptions
Les interruptions au cours de la journée de travail peuvent aussi être un facteur de perte d’efficacité d’après plusieurs chercheurs.
Dans le travail d’Alexandra Bidet, les effets négatifs des interruptions sont aussi étudiés. A travers un questionnement sur vigilance attentionnelle avec l’approche dominante en psychologie cognitive, elle étudie le multitasking à travers son impact négatif sur la concentration et l’efficacité des travailleurs. D’après ses recherches, les managers de certains environnements de travail étudiés se consacreraient en moyenne trois minutes à une tâche avant d’être interrompus pour, dans plus de la moitié des cas, des sollicitations sans lien avec l’activité en cours.
Vis-à-vis du temps de travail perdu en gestion de mails, l’étude de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) titrée « Comment faire un meilleur usage de la messagerie électronique dans le cadre professionnel » (Cf bibliographie 13) étudie l’impact des mails sur la vie professionnelle. D’après l’étude, il est observé une forte perte de temps de travail pour la gestion de mails, évaluée à plus de 2 heures pour 56% des utilisateurs de la messagerie électronique.
L’étude met en avant par ailleurs que, en plus de ce temps perd en gestion, l’employé met en moyenne 64 secondes pour être opérationnel et concentré sur la tâche interrompue.
L’usage des mails comme moyen de communiquer est donc généralisé en entreprise mais peut représenter une perte d’efficacité chez l’employé. Les outils TIC semblent permettre une activité de multitasking mais semblent avoir des limites dans leur utilisation quotidienne.
c. Habitude de la surcharge informationnelle
Comme autre limite de l’utilisation des TIC au quotidien, l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) a, dans cette même étude (Cf bibliographie 13), mis en avant le problème de surcharge informationnelle avec la messagerie électronique. De par surcharge informationnelle on considère la quantité de mails reçus par les salariés et leur ressenti face à cet afflux.
En effet, la quantité d’informations fournies dans une journée est qualifiée de « surcharge informationnelle par 70% des managers interrogés. D’autre part, la quantité de mails peut être vertigineuse avec plus de 100 emails reçus par jour pour 38% des salariés.
Ce contexte pousse donc les salariés à consulter leurs boîtes mails toute les heures et pour certains toutes les 5 minutes. Cet afflux d’informations semble donc mettre les salariés dans une situation de veille et de stress constant avec, comme épée de Damoclès, la peur de rater une information importante dans cette quantité d’informations parfois obsolètes.
En conclusion du point II.A.2., être toujours connecté peut donc présenter des risques de déconcentration régulière par les sollicitations extérieures comme nous l’avons vu avec ces différents écrits et études. Le multitasking peut donc provoquer des pertes de temps, un manque d’efficacité chez les salariés. Mais qu’en est-il de la situation de stress provoqué par la méthode de multitasking ?
3. Le multitasking, un facteur de stress ?
Le questionnement sur le stress dû au multitasking semble légitime compte tenu de l’état des lieux fait dans le dossier. En effet, dans la partie II.A.1, nous avons abordé les difficultés du cerveau à réaliser deux tâches en simultané et dans la partie II.A.2., il a été démontré que le multitasking par les TIC peut disperser l’employé et provoquer une surcharge auprès de celui-ci. Il semble donc naturel d’étudier les impacts qu’on ces limites du multitasking sur le travailleur en terme émotionnel et de stress.
a. Les TIC contribueraient fortement au stress au travail
En 2011, le baromètre CFE-CGC a référencé le stress observé avec l’usage de TIC au travail (Cf bibliographie 14). La notion de temps de travail est élargie dans cette étude par l’usage des TIC qui peuvent être utilisés en dehors des horaires classiques de présence au bureau. Par exemple, 25 % des sondés sont équipés d’un Smartphone, 68 % ont accès au réseau à distance, 59% ont un ordinateur portable et 45 % un mobile.
L’impatience des utilisateurs a été décuplée par les TIC dans la vie professionnelle d’après l’étude. Dans un contexte où l’entreprise fournit plus de matériel TIC, le volume d’informations s’accroît et l’impatience des utilisateurs en termes de rapidité de réponse grandit. Les utilisateurs s’attendent à un « retour sur investissement ». Par exemple, le délai de réponse attendu lors d’un envoi de message doit être court pour 85 % des sondés. Cette pratique a fait augmenter considérablement le nombre de messages à traiter pour 82 % des sondés et les tâches à traiter hors des heures et lieux de travail sont décuplées pour 78 %.
Nous pouvons donc conclure que cette situation d’impatience, due à la réactivité souhaitée lors de l’utilisation de TIC, provoque des émotions négatives chez l’utilisateur qui va donc met celui-ci dans une situation de stress.
b. L’usage des TIC augmente la vulnérabilité des individus
Les TIC seraient un déclencheur de stress pour plusieurs raisons selon Abdellatif Salhi, psychothérapeute, professeur de psychologie du travail à l’université de Barcelone.
L’utilisation de ces outils augmente la vulnérabilité des individus qui seront plus susceptibles de faire un burn-out. Cette activité constante serait aussi un déclencheur d’instabilité émotionnelle. D’après ce psychothérapeute, les utilisateurs deviennent Ils nerveux et sensible en utilisant ces technologies.
Nous pouvons observer de réelles limites à l’usage des TIC pour un quotidien de multitasking dans cette partie II.A.3, car les utilisateurs développent des comportements de vulnérabilité et de stress qui n’étaient pas aussi flagrants avant l’utilisation de ces technologies. Le caractère rapide et réactif instauré par l’usage de TIC comme le Smartphone est donc une réalité d’entreprise mais dégrade le bien-être de l’utilisateur au travail et crée des frustrations nocives dans les relations professionnelles de celui-ci.
Pour conclure la partie II.A., ce comportement de multitasking recherché dans le monde du travail a des limites concernant les capacités de l’Homme à appliquer cette pratique. D’abord parce que le cerveau humain n’est pas multitâche dans sa configuration pour traiter plus de deux actions en simultané. Plus largement, la capacité de l’Homme à être efficace dans le contexte de changement fréquent de tâches est aussi discutée. Le multitasking crée donc une dispersion néfaste au travail de l’employé et multiplie les sollicitations et interruptions constantes au cours de la journée de travail rendant inefficace l’employé. Pour finir, les utilisateurs développent des comportements de vulnérabilité et de stress. La méthode de multitasking ne semble pas naturelle chez l’Homme qui ne semble pas être capable de s’y adapter pleinement sans difficultés personnelles ou ralentissement de sa productivité.
B. La problématique du multitasking par les TIC dans la vie privée
Le multitasking semble être un risque pour toute personne dans le milieu professionnel de par la surexposition des employés aux sollicitations extérieures Nous pouvons par ailleurs observer de nouveaux usages chez les employés avec l’usage des technologies d’information et de communication dans leur sphère privée. En effet, les entreprises incitent souvent leurs employés à utiliser des supports numériques pour être connecter et communiquer. Cette habitude de connexion constante semblerait avoir toucher les employés au sein de leur quotidien hors temps de travail par l’utilisation par exemple de Smartphones et d’ordinateurs en effectuant une veille pour leur travail. Nous nous sommes donc interrogés sur les frontières entre sphère privée et professionnelle qui semble avoir changé voire même pourrait être tombées.
Notre questionnement était que la vie personnelle était présente dans le quotidien professionnel mais l’inverse est-il viable pour l’employé ?
Nous nous basons sur le fait que la vie personnelle peut maintenant être présente dans la vie professionnelle par l’étude réalisée par l’Observatoire Orange-Terrafemina pour Chérie 25. Cette étude analyse l’usage de TIC pour gérer sa vie personnelle au travail en étudiant « les femmes et leur Smartphone ». D’après cette étude, 48% des femmes considèrent que leur Smartphone est un outil indispensable pour gérer leur vie familiale et pour concilier leurs vies professionnelle et personnelle. La partie quantitative de l’étude par l’institut Polling Vox a été réalisée auprès d’un échantillon de 528 femmes possédant un Smartphone, issu d’un échantillon de 950 personnes représentatif de la population des femmes françaises âgée de 18 ans et plus.
Cette rupture de frontière entre la vie personnelle et professionnelle pourrait donc être bilatérale. Si les employés gèrent leur vie personnelle via les TIC sur leur temps de travail, nous allons voir comment la vie professionnelle s’intègre à la sphère privée. Nous avons choisi de baser cette partie sur deux études qui étudient la vie professionnelle qui s’intègre de plus en plus à la sphère privée. Dans ce cadre, le multitasking s’applique à des tâches de la vie personnelle comme de la vie professionnelle, celles-ci étant simultanées dans le temps libre de l’employé.
1. Connexions internet nomades utilisée hors du temps de travail
Une étude de 2011 de iPass Mobile, un fournisseur de services mobiles a étudié les usages de 3700 employés équipés de connexions internet nomades par leurs entreprises (Cf bibliographie 15). Cette étude montre l’impact des nouvelles technologies sur la séparation entre vie professionnelle et privée.
D’après les résultats de l’étude, 91% des interrogés consultent leur Smartphone sur leur temps libre. 30% d’entre eux les consultent toutes les 6 à 12 minutes. Quand un tiers des sujets disent consulter leurs e-mails au réveil avant toute activité, il est observable qu’une partie des sujets consultent aussi leurs téléphones au cours de la nuit. En effet, 43% d’entre eux gardent leur Smartphone à portée de main durant leur sommeil et 38% se relèvent la nuit pour le consulter.
Les salariés dits « nomades » connectés 24h sur 24 et 7 jours sur 7 travaillent en moyenne 240 heures de plus par an et la majorité des salariés semblent motivés par cette pratique.
Cependant, l’étude montre que cette pratique d’hyper-connexion par l’usage des nouvelles technologies provoque des tensions dans leur vie personnelle pour 29% des salariés « nomades », les problèmes adviendraient le plus souvent vis-à-vis de leur époux ou partenaire.
2. Les TIC et la vie professionnelle dans la sphère personnelle
Une étude de l’Ifop a étudié le rôle des TIC dans la disparition des frontières entre vie professionnelle et vie privée ainsi que leur impact sur le bien-être des travailleurs (Cf bibliographie 16).
Les cadres semblent voir l’intérêt de l’usage de TIC dans leur vie professionnelle. Le Smartphone est pour eux synonyme de réactivité pour 81 % des interrogés, de liberté, d’autonomie pour 72 %, d’organisation pour 63 %. Cet outil permettrait une meilleure productivité pour 60 % des sujets.
La frontière entre vie privée et vie professionnelle disparait quotidiennement pour les cadres interrogés. En effet, 67 % des cadres continuent à travailler après avoir quitté leur entreprise, le soir, le week-end, les jours fériés et pendant leurs vacances. Les cadres estiment consacrer 4h par semaine à des activités professionnelles en dehors du travail.
Un nouveau modèle est présenté par Frédéric Micheau, Directeur Adjoint du Département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’institut IFOP. Une nouvelle forme de présentéisme serait née, matérialisée notamment par la réactivité. La disponibilité des employés semble devenue essentielle, dans la réponse aux mails notamment. Cela provoque par exemple une pression dans la vie privée qui entraine les employés à être en connexion permanente avec leur vie professionnelle. 73 % des cadres interrogés répondent aux mails professionnels à leur domicile, même lorsqu’ils sont malades pour 66 %d’entre eux. La pratique va plus loin pour certains, environ 18 % d’entre eux y répondraient même pendant leurs loisirs comme à des spectacles, au cinéma.
Cette barrière brisée entre vie professionnelle et temps libre ne semble s’être généralisée au point où les travailleurs y voient une certaine normalité. Par exemple, 62 % des cadres préféraient un salaire plus important alors que le temps libre n’est choisi que par 33 % d’entre eux.
Pourtant, malgré cet engouement pour ces nouveaux outils de communication en entreprise et pour ce nouveau modèle de travail en dehors des horaires de travail, il est observable d’après cette étude que certains employés supportent mal ces méthodes.
En effet, 40 % des cadres déclarent une détérioration de leur équilibre vie privée et vie professionnelle et perçoivent également les limites des TIC comme le Smartphone notamment en termes d’entraves à la vie privée pour 58 %. Pour finir, la tendance générale dans cette étude va vers un accroissement du stress pour 57 %.
Cette étude Good de Technologye avec l’IFOP (Cf bibliographie 16) sur un échantillon de 1001 cadres représentatifs dans des entreprises de plus de 50 salariés montre bien la tendance des entreprises à pousser les employés à travailler hors des horaires de travail. Cette pratique, bien que courante et appréciée, est nocive pour le bien-être des employés avec l’utilisation de TIC comme le Smartphone.
D’autres études ont été réalisées dans ces dernières années et s’accordent sur les résultats de l’étude de l’Ifop et celle de iPass Mobile. La tendance est à la connexion constante des employés à des outils de communication hors du travail et développe des situations inconfortables et non reposantes pour les employés.
Par exemple, le baromètre CFE-CGC (Cf bibliographie 14) ajoute une nouvelle notion à l’usage continu de TIC, le workaholisme. D’après cette étude, les cadres déclarent à 42 % ne pas pouvoir se déconnecter le soir, 36 % le week-end ou encore 30 % durant leurs congés. Les employés ne s’accordant peu de pauses réelles sans travailler seraient donc moins efficace et plus fatigués.
Pour conclure sur la problématique du multitasking par les TIC dans la vie privée (partie II.B.), l’usage des TIC professionnelles semble se généraliser au cours du temps libre et privé des interrogés des différentes études exposées. La pratique de multitasking semble donc être pratique pour gérer sa vie personnelle au cours de sa journée au travail mais l’inverse a ses limites et la vie professionnelle peut devenir étouffante pour les employés qui sont en constante activité professionnelle par la connexion aux TIC professionnelles. La pratique de multitasking entre tâches privées et professionnelles s’intègre donc au questionnement sur les limites du comportement de multitasking professionnel en termes de mal-être et de possible stress dans la vie quotidienne de l’employé. La pratique du multitasking professionnel et d’hyper-connexion dans la sphère privée semble même avoir des limites supplémentaires de par les répercussions sur la vie privée de l’employé et par le manque de repos intellectuel subit par l’employé.
Conclusion
Le dossier a permis de réaliser des constats sur le développement du multitasking par l’usage de TIC dans la vie professionnelle des employés d’entreprises.
La première partie a dévoilé que le multitasking a pris de l’importance depuis l’apparition des TIC. Cette partie tend à définir les opportunités de l’usage des TIC et de la méthode de multitasking. Elle est revenue par ailleurs sur l’engouement actuel pour cette pratique de multitasking. D’après cette partie, être multitâche apporte des avantages en termes d’organisation comme faire plusieurs choses en même temps ce qui permet aux personnes d’être plus efficace dans leur travail. Le passage d’une tâche à l’autre peut aussi être bénéfique en laissant le temps à la réflexion si on se consacre à une autre tâche pour revenir à la précédente plus tard. L’organisation de sa vie privée peut aussi être facilitée par les smartphones et les autres TIC au cours de sa journée de travail.
Malgré l’engouement autour de la pratique de multitasking, nous avons observé que le multitasking via les TIC entraînait de nombreux effets indésirables en étudiant les effets négatifs du multitasking dans le domaine professionnel et personnel. Le multitasking semble être un frein à l’efficacité du travailleur sur plusieurs points.
Sur le plan intellectuel, nous avons notamment pu constater que le multitasking ne permettait pas d’être plus efficace. De ce fait, les recruteurs qui recherche des personnes “multitâche” et avec une grande capacité de concentration se basent sur un idéal non applicable et contradictoire. Pendant le temps de travail, nous avons vu que le multitasking altère le travail professionnel via l’utilisation constante de TIC qui diminuent la concentration et le temps de travail productif.
Sur le plan émotionnel enfin, les TIC contribuerait fortement au stress de l’employé par ce comportement multitâche et augmenterait la vulnérabilité des individus.
En dehors du temps de travail, nous avons vu qu’il n’y a pas que sur le temps de travail que s’exerce les limites et dérives du multitasking, elles sont présentes aussi dans la sphère personnelle via l’utilisation de TIC professionnelles.
Par ces multiples constats, nous nous demandons jusqu’où pourrait aller le degré de multitasking demandé par les entreprises à leurs salariés. Aux vues des conséquences du multitasking sur la santé physique et mentale et sur les relations sociales, nous sommes amenés à nous demander si cette tendance va s’intensifier ou au contraire laisser la place à la reprise saine du contrôle de son temps.
Bibliographie
PARTIE 1
- Christian LICOPPE et Julien FIGEAC, “L’organisation temporelle des engagements visuels dans des situations de multi-activité équipée en milieu urbain”, Activités [En ligne], 11-1 | Avril 2014, mis en ligne le 15 avril 2014, consulté le 31 janvier 2017.
URL: https://activites.revues.org/405
- Susan KENYON, “What do we mean by multitasking? – Exploring the need for methodological clarification in time use research”, electronic International Journal of Time Use Research 2010, Vol. 7, No. 1, 42-60. URL : https://core.ac.uk/download/pdf/6372186.pdf
- Caroline DATCHARY La dispersion au travail, Octarès Editions, coll. « Travail & activité humaine », 2011, 192 p., URL : https://travailemploi.revues.org/5684
- Emma FOURATI, Regards croisés sur les usages problématiques du Smartphone dans la société française
- Selon la définition de Téléphone que l’on trouve sur http://www.le-dictionnaire.com/definition.php?mot=t%E9l%E9phone
- “[…] the taking possession of the mind, in clear and vivid form, of one out of what seem several simultaneously possible objects or trains of thoughts. […] It implies withdrawal from some things in order to deal effectively with others.” Extrait de The Principles of Psychology, Vol. 1, Chapitre 11, “Attention” , pp. 403-404 sur http://psychclassics.yorku.ca/James/Principles/prin11.htm
- Gonzalez et Mark, 2004. Mark et al., 2005.
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- “Etat, sensation de celui qui est las.” Définition « lassitude » du dictionnaire académique Français, parution de l’année 1986
PARTIE 2
- Titre : “Divided representation of concurrent goals in the human frontal lobes.”, Science, 328(5976), pp. 360-363.
Auteur : Charron, S., and Koechlin, E. (2010),
URL : http://science.sciencemag.org/content/328/5976/360.full
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- Titre : La dispersion au travail, Octarès Editions
Auteur : Caroline Datchary, CNRS
URL : https://lectures.revues.org/6130
- Titre : La multi-activité, ou le travail est-il encore une expérience ?
Auteur : Alexandra Bidet, Centre Maurice-Halbwachs, CNRS
URL : https://www.cairn.info/revue-communications-2011-2-page-9.htm
- Titre : « Comment faire un meilleur usage de la messagerie électronique dans le cadre professionnel ?»
Étude de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises (Orse)
- Étude : le baromètre CFE-CGC CFE CGC, Baromètre Stress, Nov 2010
- Étude : 2011 de iPass Mobile
- Étude : Good Technologye/IFOP sur un échantillon de 1001 cadres représentatifs dans des entreprises de plus de 50 salariés du 16 au 19 avril 2012
URL : http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/05/22/cercle_47139.htm