LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Le streaming vidéoludique : un média récent et élitiste

Joris MOSTERT, Vincent GOAZEMPIS et Lotfi SAKANI

Le streaming est un système de diffusion de contenu audio et/ou vidéo en direct, à ne pas confondre avec une autre définition du mot, à savoir, un flux audio et/ou vidéo diffusé en continu sur une plateforme légale ou illégale. Nous parlerons ici uniquement du streaming sous sa première forme.

Apparu autour des années 2003 avec une entreprise du nom de Xfire, le streaming est né d’un logiciel permettant au départ de partager des vidéos, des images, un tchat en direct. Peu de temps après, un service de « broadcast » ou en français « de diffusion en direct » est créé. Le programme proposé par Xfire va connaître un certain succès néanmoins la pratique de ce phénomène était encore très limitée par des difficultés techniques telles qu’une bande passante trop basse pour faire bénéficier du service à un grand nombre d’individus. C’est grâce à l’évolution technologique et notamment de cette bande passante, que le streaming va s’améliorer et se répande de plus en plus rapidement. Cette croissance de la pratique permet la naissance de nouveaux sites concurrents et influents. En effet, c’est en 2006 qu’un autre site nommé Justin.tv fait son apparition, ayant également pour but la diffusion de contenu en direct. Xfire et Justin.tv ont aujourd’hui tous deux cessé d’exister au profit de Twitch.tv, devenus en quelque temps la principale plateforme de diffusion de contenu en direct spécialisée dans les jeux vidéos.

Même si Twitch.tv semble aujourd’hui la référence des plateformes de diffusion de contenu en direct, d’autres plateformes tentent de faire face. YouTube a lancé également une plateforme de diffusion basée sur les jeux vidéos, nommée Youtube Gaming.

Le streaming commence à apparaître dans les médias conventionnels en 2014 après l’acquisition de Twitch.tv par Amazon pour la modique somme de 970 millions de dollars. À partir de 2014, selon l’entreprise Qwilt, la plateforme Twitch.tv représente 43,6% du volume de contenu streaming, elle dépasse même la WWE (qui diffuse particulièrement du catch) et l’ESPN (plateforme basée sur le sport). Le but de ce dossier est d’analyser le streaming vidéoludique, son principe de fonctionnement, comment il s’inscrit dans la sphère du média ainsi que ses particularités.

Dans une première partie, nous allons montrer en quoi consiste la pratique du streaming vidéoludique. À l’aide des extraits de l’entretien réalisé avec ZeratoR nous avons la possibilité de mieux comprendre la pratique du point de vue du streamer. Dans une seconde partie, nous analyserons en quoi le streaming est une nouvelle forme de média en pleine création. Enfin nous analyserons comment le streaming consiste en réalité d’une pratique très élitiste.

Toutes ces analyses sont réalisées à l’aide de nos connaissances personnelles sur le sujet, de l’entretien réalisé avec ZeratoR ainsi qu’à l’aide de sites spécialisés.

A. Qu’est-ce que le streaming ?

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, le streaming est un phénomène relativement nouveau sur Internet. Dans cette partie, nous allons intéresser au fonctionnement du streaming, et en quoi consiste cette pratique. Dans le cadre de ce travail, nous nous sommes concentrés sur la pratique du streaming sur le site Twitch.tv, la plus importante plateforme de contenu basé sur le streaming.

La pratique du streaming consiste à créer et à diffuser du contenu en direct sur un ou plusieurs jeux vidéos. On appelle « streamers » les individus qui sont créateurs de contenus, tandis qu’on appelle les « viewers » les personnes qui regardent le contenu. Cette pratique est variée et pour concerner tout type de jeu. Nous avons eu la chance de réaliser un entretien avec ZeratoR, un des streamers les plus influents en France. Avec une moyenne entre 5000 et 6000 viewers, et des montées d’audience à plus d’une dizaine de milliers de viewers, ZeratoR a un des nombres les plus importants en terme d’audience.

Lors de notre entretien, ZeratoR nous a révélé le principe du streaming ainsi que les différentes catégories de « streamers » dans le streaming.

  • Le streamer « pédagogue » : Celui qui fait l’éducation des jeux vidéos
  • Le streamer « fun » : Celui qui a pour principe de faire un contenu divertissant et même humoristique.
  • Le streamer « didactique » : Celui qui va interagir très souvent avec son audience.
  • Le streamer « pro » : Celui qui est un professionnel d’un jeu vidéo.

Certains streamers cumulent différentes catégories, ce qui leur permet d’amener une audience différente, un public attaché à une certaine catégorie de streamers. L’audience d’un streamer « pédagogue » va par exemple rechercher une méthode ou des astuces pour progresser dans un jeu particulier alors que l’audience d’un streamer « fun » va davantage chercher du contenu divertissement et unique. Les viewers d’un streamer didactique vont plus chercher le contact avec un streamer. Enfin les streamers « pros » sont toujours ceux qui sont le plus influents et qui ont la plus grosse audience que l’on appelle aussi « viewerbase », car ils profitent de la grande renommée d’un jeu pour créer leurs communautés de fans. L’audience de ces streamers cherche à observer un joueur expérimenté en live afin de progresser eux-mêmes dans le jeu ou simplement en tant que fan de ce joueur. Diffuser en streaming nécessite de grandes connaissances en informatique puisqu’il faut utiliser la bande passante et un ordinateur puissant afin d’éviter les limitations techniques. Il faut également maîtriser les logiciels qui permettent de diffuser son contenu, même si, aujourd’hui, ils sont de plus en plus intuitifs et accessibles aux plus grands nombres. Néanmoins, les paramètres doivent être modifiés « à la main » afin d’avoir une diffusion optimale et cela nécessite tout de même des connaissances.

La pratique du streaming aurait débuté autour des années 2010 :

Extrait de l’entretien avec ZeratoR.

Question :Et toi tu as commencé quand le streaming ?”

Réponse :Euh je fais du stream depuis maintenant 6 ans, j’ai commencé en 2010 en fait, quand le métier à un peu démarré et que les connexions le permettaient.”

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, le métier du streaming aurait donc débuté dans les années 2010 quand les connexions internet se sont améliorées. Profitant ainsi d’une meilleure bande passante la pratique a donc pu débuter. Néanmoins les streamers faisaient face à d’autres problèmes techniques.

Question :Tu m’as dit que c’était un peu galère au début, tu peux développer ça ? Comment c’était au début ?”

Réponse : […] “Alors en fait pourquoi c’était galère au début parce qu’en fait on avait des connexions qui étaient assez basses et en gros les logiciels de streaming étaient très très peu développés et ont avait quasiment aucun avenir là-dedans, enfin, en gros c’était des nouveaux métiers, fallait faire ça un peu en bricolant avec des logiciels qui ne servaient pas vraiment à ça et voilà, et…c’était un peu artisanal quoi. Oui voilà, et puis fallait des gros pc, fallait des pc avec beaucoup de technologie dedans et ont avaient pas tous forcément des gros pc, voilà ce n’est pas un pc qui demande juste du jeu, faut un petit peu plus.”

 

En grande majorité limitée par la technique et le manque de logiciels, la pratique a eu du mal à se développer. Il a fallu un certain temps pour que les individus y trouvent un intérêt, créent une audience et surtout intéressent d’autres à cette pratique.

C’est grâce à la communauté des amateurs de jeux vidéos que la pratique a connu un rapide succès. Aujourd’hui, la majorité des “streamers” diffusent du contenu basé sur le jeu vidéo. Afin de diffuser en live une partie, les streamers “capture” l’écran de jeu à l’aide de logiciels dédiés et le transmettent grâce à la plateforme. Cette dernière s’occupe de l’encoder et de le transmettre aux viewers connectés sur la plateforme. Les streamers diffusent également très souvent leur webcam, permettant ainsi une meilleure interaction avec l’audience. Tous types de jeu sont proposés sur la plateforme Twitch.tv. Les streamers vont souvent se consacrer à un jeu en particulier et diffuser l’essentiel de leur contenu sur celui-ci. Les streamers peuvent être des joueurs “pros” mais on retrouve aussi des streamers “spécialisés” dans un jeu sans forcément qu’ils soient considérés comme professionnels.

Mais il existe également des streamers moins nombreux comme ZeratoR (avec qui nous avons réalisé un entretien) qui diffusent toutes sortes de jeux sans forcément se consacrer à un unique type de jeu.

Question :Et toi tu stream quel type de jeu ? En général ?”

Réponse :Alors moi je stream un petit peu tous les jeux, bien sûr y’a des gros jeux qui reviennent de manière assez récurrente mais en gros aujourd’hui on trouve 3 types de streamers. On a des streamers qui jouent un peu à tout, on à des streamers qui sont spécialisés dans un jeu et on à des streamers qui jouent… en gros parce qu’ils sont professionnels d’un jeu. Et donc en gros par exemple un professionnel de League Of Legends ne streamera que du League Of Legends, un mec qui va être spécialisé sur un jeu ne sera pas forcément professionnel mais je pense à des streamers par exemple Aypierre ou DominGo qui ont un jeu spécifique mais qui ne sont pas professionnel sur le jeu, ils sont connus pour jouer à ce jeu-là…bon ça part d’une connaissance assez forte sur le jeu en général mais ils ne sont pas “pros”, ils ne sont pas payés pour jouer, ils sont certes payés par le divertissement qu’ils créent ou par le système didactique qu’ils créent eux-mêmes […] et après ont à des streamers multi-gaming comme moi, c’est-à-dire que je fais un peu de tout même si y’a des jeux que je fais moins et des jeux qui reviennent, dans les jeux qui reviennent on à Minecraft, Counter-Strike, League Of Legends, bien sûr, et je fais aussi des jeux indépendants, j’aime bien la scène indépendante, et j’aime bien cette idée […]Je fais assez peu de jeux de type AAA, c’est à dire des jeux à grosse licence, qui sont les jeux les plus connus comme Assassin’s Creed, Battlefield, je sais pas moi Call Of Duty, qui sont assez connus et j’estime qu’ils n’ont pas besoin de publicité, et je préfère mettre en avant d’autres jeux et rester un peu sur des jeux un peu plus compétitifs la je pense notamment à League Of Legends, Counter-Strike et parfois même Minecraft aussi qui commence à avoir des aspects compétitifs.”

 

On peut considérer que ZeratoR fait donc partie des streamers “multi-gaming” n’ayant pas forcément de jeu de référence. Ce type de pratique du streaming est plutôt minoritaire dans la pratique du streaming. En effet, une grande “viewerbase” est nécessaire et surtout que cette dernière soit assez fidèle non pas à un jeu en particulier mais au streamer et à sa personnalité, son personnage. Pour ZeratoR certains jeux sont suffisamment exposés pour ne pas bénéficier de publicité supplémentaire, c’est pour cela qu’il diffuse régulièrement des jeux issus de la scène indépendante. Certains streamers préfèrent faire de la publicité de certains jeux qui auraient bien du mal à se faire connaître, ne disposant pas de budget important pour la communication. Certains jeux ont obtenu une renommée assez importante par exemple des jeux comme Rust, qui est un MMO Survival où le joueur doit survivre dans un environnement hostile plus ou moins réaliste. Ce jeu dispose d’une grande exposition à l’aide de différents streamers.

Aujourd’hui Twitch.tv à plus de 2,1 millions de streamers, pour plus de 100 millions d’utilisateurs (expandedramblings.com)

Figure 1 : Top 10 mondial 2016 des streamers avec le plus de spectateurs (twitchstat.net)

 

II existe donc une certaine concentration de diffusions et de spectateurs dans des types de jeux. Néanmoins quelques streamers arrivent à se construire une “viewerbase” fidèle ou ils peuvent passer de jeu en jeu sans que cela impacte leur nombre de spectateurs, au contraire ceci est attendu de leur part, ce qui permet un renouvellement dans les différentes diffusions proposées par le streamer concerné. Il existe également une forme d’élite dans le domaine du streaming, comme nous l’avons remarqué auparavant dans cette partie, une faible proportion des streamers comporte en réalité la majorité des spectateurs de Twitch.tv, mais il existe des moyens dédiés aux plus petits streamers afin de se faire une place parmi les grands de cette plateforme.

Question :Comment c’est passé l’évolution de ta viewerbase ?”

Réponse :Euh bah honnêtement y’a plusieurs manières de monter maintenant, le copinage est la manière la plus facile pour monter je dirais, mais moi ça c’est fait de structure en structure, j’ai eu la chance d’être toujours lié à la structure qui était “leader” du marché entre guillemets et voilà et c’est ce qui c’est passé, entre chaque structure je montais je montais, j’étais sur des sites qui attirait des gens, qui s’attachait à moi, et parfois quand je quittais la structure ces mêmes gens restaient avec moi et j’ai fait de structure en structure avant de me poser en indé, j’en ai quand même fait pas mal et j’ai mis du temps à me poser, mais la je crois que je suis dans un bon système maintenant, avec le système de twitch maintenant , on arrive à avoir pas mal d’acquisitions du fait que beaucoup de monde traîne sur le site twitch et nous découvrent tous les jours et ça c’est cool.”

Le streaming est donc un nouveau moyen de diffuser un contenu, c’est une nouvelle forme de média qui permet à tous d’éventuellement pouvoir diffuser, de prendre la parole. Si l’individu se renseigne suffisamment sur l’utilisation des logiciels et qu’il investit un minimum dans un ordinateur capable de streamer, ce dernier peut, s’il le souhaite, créer sa chaîne afin proposer du contenu et créer une communauté de spectateurs.

B. Le streaming : Une nouvelle forme de média sur internet

Avant d’analyser en quoi le streaming est devenu une nouvelle forme de média à part entière, il convient d’abord de définir ce qu’est un média.

Un média est un moyen de diffusion, ce dernier peut être direct comme le langage, l’écriture ou une affiche publicitaire. Mais il peut également être réalisé à l’aide d’un dispositif technique comme la télévision, la radio, le cinéma ou Internet[1]. Un média permet la communication, de façon unilatérale ou multilatérale.

Le streaming répond donc bien à la définition d’un média. Il s’agit d’un dispositif technique qui est dans ce cas l’ordinateur et Internet. Dans le streaming, la communication est réalisée de manière classique à l’aide d’un micro et d’une caméra, mais il existe des cas où le streamer n’utilise que le micro pour communiquer avec son public. Un chat est également présent sur la page du « streamer », celui-ci lui permet de communiquer avec ses spectateurs.

Le streaming peut être considéré comme une forme de média, car il permet une diffusion de contenu en direct et partage des éléments présents dans les médias conventionnels tels que : l’aspect divertissement et l’aspect apprentissage.

Dès lors que l’on possède un ordinateur et une connexion à Internet, il nous est possible de partager nos sessions de jeux avec le streaming. En revanche, cela ne veut pas dire qu’il sera forcément vu.

On peut dire que le streaming est une forme de média pour ces différents aspects que nous avons cité, ses codes sont repris des médias conventionnels avec des ajouts de la culture Internet. Ce dernier, tout comme le reste des médias conventionnels, possède des professionnels du métier qui en ont fait leur source principale de revenu.

Extrait de l’entretien avec ZeratoR.

Question :Et le streaming, ça représente quoi pour toi en ce moment ?”

Réponse :Le streaming, ça représente quoi bah ça représente tout en fait, euh, en gros, c’est toute ma vie, mais c’est aussi ma passion, ce qui fait que bah j’y pense 24h sur 24, et vu qu’on est des indés, enfin vu que je suis indépendant je suis obligé de me renouveler constamment pour ne pas lasser l’audience et aussi pour ne pas m’ennuyer moi même de mon métier. Et vu que je suis dans les gens qui arrivent à en vivre pas mal je suis aussi dans ceux qui sont beaucoup imités et du coup je dois inventer des choses assez constamment et c’est hyper excitant, ça me met aussi de la pression parfois quand t’as moins d’idées ou des coups de barre des trucs comme ça, mais ça reste très excitant quand t’es un des mecs qui doit inventer des choses”.

Du moment que certains streamers considèrent cette pratique comme un métier, montre l’existence d’un début de rhétorique professionnelle. Comme expliqué dans cet extrait de l’entretien avec le streamer ZeratoR, certains streamers s’imitent. Pour se démarquer, les streamers sont sans cesse obligés de se démarquer en essayant de renouveler la façon dont ils diffusent leurs contenus afin de fidéliser et élargir leur audience. Nous pouvons alors dire qu’il existe des luttes internes dans le monde du streaming, mais qui ne sont pas forcément perçues par les spectateurs. Pour ZeratoR, cette forme de concurrence dans le monde du streaming est saine, car elle permet de le faire évoluer, car elle oblige les streamers de créer sans cesse de nouvelles façons de faire du divertissement.

Question :Tout à l’heure tu m’as parlé de concurrence entre streamers, tu peux développer ? […]”

Réponse :En fait ce n’est pas qu’il y a concurrence entre streamers,c’est qu’on sait que quelqu’un adore par exemple DominGo et Zerator et que les deux sont en live et bah il va pas regarder les deux et du coup il faut qu’il choisisse, ce n’est pas de la concurrence en fait, c’est juste que , quand y’a plein de streamers qui “livent” en même temps que toi et que tu sais que ta fanbase est aussi fan de 4 streamers en live et bah c’est probable qu’ils se disent “bon ZeratoR il live tous les jours, je vais peut-être aller voir machin qui lui live pas tout le temps ou se genre de truc, ou si machin fait un événement et que ZeratoR ne fait pas d’événement je vais peut-être aller me diriger vers un autre, donc voilà, c’est de la concurrence saine en fait, ce n’est pas de la concurrence en mode on se déteste… mais de toute façon c’est important la concurrence pour développer un marché c’est essentiel, c’est la première règle et c’est bien qu’il y en ait parce que sa force tout le monde à se renouveler, à trouver des idées, à essayer des choses, donc moi je trouve ça très bon, mais oui c’est une concurrence très saine évidemment”.

L’investissement fourni par les streamers pour donner un contenu de qualité à leurs spectateurs est également très important en termes d’heures passées.

La création d’une communauté de fans est un processus qui long qui nécessite régularité et un investissement personnel important. Pour les professionnels du streaming, le temps passé à trouver de nouvelles façons de divertir et intéresser leur audience, le nombre d’heures moyen est bien plus important que celui d’un individu ayant un métier « classique » de 35h par semaine. Mais pour avoir des spectateurs, il faut que le streamer ait une programmation qui coïncide avec des horaires bien précis, très souvent en fin de journée à 17H30, comme le fait ZeratoR.

Aujourd’hui, de plus en plus de streamers importants se lancent dans des projets avec des institutions du jeu vidéo, notamment avec l’e-sport ou rien que pour faire de la publicité à certaines entreprises. Il existe alors un aspect business qui se met en place pour certains streamers : voyages d’affaires ou des invitations à des salons tels que l’E3 par exemple. Ces streamers célèbres sont parfois en relation avec des éditeurs de jeux vidéos pour faire la promotion de leurs jeux. ZeratoR souligne toutefois un manque d’organisation dans les relations entre streamers et éditeurs.

Extrait de l’entretien avec ZeratoR.

Question :[…] La relation avec les éditeurs…”

Réponse :Honnêtement… je suis très surpris, enfin je suis surpris et pas surpris, ce qui me surprend beaucoup déjà chez les éditeurs c’est le manque d’organisation dans ces grandes boîtes, même des grosses boîtes du jeu vidéo, que ce soit Activision-Blizzard, Ubisoft, Electronics Arts, Mojang, Microsoft peut importe je vois qu’y’a toujours un gros manque d’organisation, y’a beaucoup de gens qui ne connaissent pas leur métier, et y’a beaucoup de gens qui nous parlent et qui pensent savoir ce qu’on fait, mais qui n’y connaissent rien en fait… et ça je trouve ça étrange, et ensuite je remarque que comme dans toutes les boites y’a des soucis de communication, c’est à dire que tu parles à un mec puis tu va parler à un autre mec qui est de la même boite, mais qui n’était pas du tout au courant qui va te dire de faire l’inverse de machin… donc ça, c’est le cas, et à la fois… des fois je suis assez agréablement surpris qu’ils considèrent le streaming comme un vrai média pur aussi… Bah Ubisoft a commencé la danse là-dedans…[…]

La mise en relation du streaming professionnel avec des l’industrie du jeu vidéo montre bien que le streaming devient aujourd’hui une pratique incontournable dans ce secteur. En plus de diffuser des sessions de jeu classiques, le streaming est aussi utilisé pour diffuser en direct des matchs de l’e-sport.

Le streaming est devenu un média à part entière. Souvent mal compris par l’opinion publique, il est aujourd’hui en pleine croissance. Une étude plus approfondie du phénomène serait intéressante pour mieux le comprendre. Ce dernier bouleverse les codes du média conventionnel en ouvrant la possibilité à tous de pouvoir diffuser du contenu en direct pour divertir une audience. Il devient alors un divertissement en soi et doit être considéré comme tel.

Le streaming reprend les codes des médias conventionnels, il est donc logique que, comme les médias conventionnels une forme d’élite apparaisse et “monopolisent” la visibilité.

C. Un système en réalité élitiste

Le streaming vidéoludique a pour objectif de permettre à tous de créer une chaîne et de construire une communauté avec des spectateurs. Néanmoins lorsque l’on regarde l’agencement du site on s’aperçoit rapidement que plusieurs problèmes peuvent apparaître pour de nouveaux individus voulant se lancer dans l’aventure.

L’exemple le plus frappant est celui de l’agencement des différents “streams” proposés. Twitch.tv utilise un classement décroissant, les streams possédant le plus grand nombre de viewers dans le jeu que l’on recherche seront affichés en premier, les “petits” streamers seront donc relégués dans les autres pages. Les streamers au faible de nombre de viewers (moins de 100-200 viewers) sont en réalité la majorité des streamers sur Twitch.tv, mais ces derniers n’ont quasiment aucune visibilité sur le site, en particulier si ces derniers jouent à un jeu populaire.

Il existe l’option de choisir la langue du stream que l’on souhaite chercher, de plus en fonction de la localisation que l’on a rentrée à l’inscription le site propose de façon naturelle une catégorie en haut de la page.

Figure 2 : Capture d’écran de la page du jeu “League Of Legends”.

 

La page d’accueil du site suit également cette logique sauf qu’on y trouve également un stream qui semble être aléatoirement choisi en lecture automatique ainsi que différentes catégories, toujours agencées sous forme de classement décroissant.

Les jeux aussi sont classés de façon décroissante en fonction du nombre de “viewers” total que possède le jeu ce qui fait que de façon générale on retrouve les mêmes jeux en tête d’affiche, lorsque l’on regarde les jeux actuellement diffusés ont remarqué une concentration de viewers dans certains jeux.

 

Figure 3 : Page d’accueil “générale” des jeux actuellement diffusés.

On remarque sur cette capture d’écran l’immense concentration des viewers dans seulement quelques jeux, en général les plus populaires sur la scène de l’E-Sport.

Les jeux les plus diffusés sont principalement des MOBA (ou en français “Arene de bataille en ligne multijoueur) il s’agit de jeux de type PvP (playerVSplayer) ou des joueurs affrontent d’autres joueurs en ligne, ils possèdent selon twitchstats.net 190 000 spectateurs en moyenne. On retrouve également des jeux de type FPS ( ce sont des jeux de tir à la première personne) également joués en PvP, qui possèdent 100 000 spectateurs en moyenne. On retrouve d’autres types de par exemple des jeux de cartes (jeux de cartes basés sur un principe de PvP) ou encore des MMORPG ou des RPG (les RPG sont comparables aux MMORPG dans leur style de jeux, mais se jouent à un seul joueur qui évolue dans un monde vaste.) Les RTS (jeux de stratégie en temps réel) sont également diffusés, dans une moindre mesure que les jeux de type MOBA ou FPS. Même si de nombreux jeux différents sont diffusés, certains jeux indépendants trouvent une place parmi les plus diffusés en particulier lorsque les grands noms du streaming réalisent un live sur celui-ci.

On peut donc parler d’une véritablement une concentration au niveau des jeux diffusés, à l’exception de certains streamers multi-gaming comme ZeratoR qui diffusent parfois des jeux relativement inconnus du grand public. Les jeux les plus diffusés et les plus regardés sont mondialement connus. On retrouve aussi dans le top des jeux compétitifs qui bénéficient donc d’une grande publicité à l’aide de L’e-sport. Les nouveaux jeux obtiennent aussi de bons résultats en ce qui concerne le nombre de diffusions et de spectateurs.

En plus de ces deux éléments qui font que par défaut la pratique du streaming est élitiste, d’autres éléments peuvent s’ajouter, certains ont déjà été abordés précédemment.

La pratique du streaming nécessite du matériel performant et donc très coûteux sur le plan monétaire. Même s’il est possible de débuter avec un matériel abordable , très rapidement les individus auront besoin de se doter de matériel performant ( une webcam full HD , une carte graphique puissante, une carte de capture vidéo, un processeur…) certains streamers possèdent deux ordinateurs, un pour jouer, un autre qui s’occupe de la capture vidéo, le coût financier peut vite devenir très important.

Il faut également posséder une bande passante de qualité, être relié à la fibre est une quasi-obligation pour atteindre un certain standard de qualité qui sera attendu par les spectateurs.

La partie technique du streaming vidéoludique est également à prendre en compte, même si les outils sont aujourd’hui relativement accessibles il faut tout de même avoir une certaine connaissance dans l’utilisation de ce type de logiciel, car de nombreux réglages sont à réaliser en fonction de son matériel et de sa bande passante.

La rémunération dans le monde du streaming est établie sous forme de revenus provenant de sources diverses :

  • Revenus provenant de la publicité.
  • Revenus provenant par le partenariat avec Twitch.tv (réservé au streamers ayant remplis les conditions, un nombre important et stable de viewers, un investissement en terme de temps sur la plateforme, une qualité de streaming importante.)
  • Revenus provenant de donations de la part des viewers.
  • Différents partenariats avec des entreprises du numérique.

Un système de partenariat est également mis en place par Twitch.tv. Ce système consiste en la mise en partenariat des streamers avec Twitch.tv lorsqu’ils possèdent une base stable et relativement haute de spectateurs (environ 300 spectateurs) afin d’obtenir une option d’abonnement payant que les spectateurs peuvent utiliser. Ce qui permet une rétribution du streamer à hauteur de 2,5$ par mois pour chaque abonnement. En 2016, près de 13 476 chaînes utilisent ce nouveau procédé (expandedramblings.com).

Il n’est donc pas étonnant que certains en fassent leur métier à plein temps, mais comme nous l’avons vu précédemment il faut y investir de l’argent ainsi que beaucoup de temps, de plus il est également possible de se confronter à des échecs ( manque de publicité , de visibilité…). Il n’est pas rare que les streamers réalisent un nombre impressionnant d’heures sans compter le travail qui est nécessaire en dehors du streaming, préparation d’événements… à streamer en une semaine.

En réalisant une analyse portant sur la sociologie des sciences, il est possible de montrer que le streaming vidéoludique qui était au départ un hobby pour quelques individus est rapidement devenu un métier à part entière avec ses experts et ses amateurs.

En effet comme nous l’avons remarqué dans les différentes parties précédentes ainsi qu’avec l’entretien réalisé avec ZeratoR, le streaming au départ n’avait pas forcément d’avenir dans un sens professionnel, les outils utilisés ne servent pas à streamer, la bande passante très limitée…

C’est avec quelques amateurs fans du phénomène et doués dans le domaine que des nouveaux outils se sont créés, facilitant la tâche des streamers. La technologie (ordinateur et bande passante) elle, a suivi son chemin d’amélioration constante, ouvrant donc plus de possibilités.

C’est véritablement qu’avec l’apparition des plateformes comme Justin.tv puis plus tard Twitch.tv que le streaming devient “mainstream” et populaire au point que même les plus grosses entreprises du web s’y intéressent et investissent dans le marché, par exemple Amazon aurait dépensé pas moins de 900 millions de dollars pour acheter Twitch.tv, depuis un système permet aux utilisateurs de connecter leur compte Amazon Prime à Twitch et de bénéficier de remises sur les abonnements. Avec cet investissement la professionnalisation du métier débute ainsi que la fermeture de l’accès du streaming au public. Les streamers eux aussi cherchent à en faire devenir leur métier et le revendiquent, ils s’investissent de façon plus importante, ils cherchent à fournir de la qualité, du divertissement pour se distinguer les un et autres et surtout pour se distinguer des amateurs.

Aujourd’hui il est difficile de “percer” dans le métier de streamer sans avoir des connaissances qui font déjà partie du milieu ou en ayant recours à des pratiques à la limite de la légalité et des conditions d’utilisation du site. C’est d’ailleurs un phénomène en pleine expansion, pour beaucoup, la quête de la gloire et du revenu sur internet devient une course à celui qui est le plus ridicule, le plus fou, le plus dénudé (il n’y a qu’à faire une recherche sur internet des “LiveStream Fails” pour comprendre).

Il sera très intéressant de suivre l’évolution du streaming vidéoludique à l’avenir, c’est un milieu en perpétuelle évolution, en partie dû à sa création récente. Il y à peu de temps le gouvernement Français à promulgué une loi donnant le statut de professionnel aux streamers à plein temps ainsi qu’un grand nombre d’autres éléments en lien avec le streaming et l’E-sport, il est aussi possible, pour les professionnels du jeu compétitif, et ce dans plusieurs pays de disposer d’un passeport spécial comparable à celui d’athlètes de haut niveau pour se déplacer dans des pays étrangers lors de compétitions internationales. Le streaming vidéoludique est à ses débuts et se profile comme étant un sérieux adversaire au divertissement “classique” dans les années futures.

 

[1]Définition de média provenant de Wikipedia.

 

Bibliographie & Webographie

 

  • Pauline Thevenot, « Samuel Rufat, Hovig Ter Minassian, dirs, Les jeux vidéo comme objet de recherche », Questions de communication [En ligne], 22 | 2012, mis en ligne le 08 janvier 2013, consulté le 21 décembre 2017.

URL : http://questionsdecommunication.revues.org/7046

  • Laurent Di Filippo, « Patrick Schmoll et al., La société terminale 1. Communautés virtuelles », Questions de communication [En ligne], 22 | 2012, mis en ligne le 08 janvier 2013, consulté le 02 janvier 2017.

 

URL : http://questionsdecommunication.revues.org/7050

 

  • Wikipédia.org

 

Sources des statistiques 

 

  • net
  • com
  • com
  • tv

 

 

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