Linda SAMI
INTRODUCTION
« Just kiss me dont’t ask me » (« Contente-toi de m’embrasser, ne me le demande pas ») est le slogan d’une publicité pour une marque de cosmétiques australienne, accompagnant l’image d’une jeune femme. Lancée en 2015, cette campagne publicitaire a fait l’objet de critiques de la part d’étudiantes australiennes, l’accusant d’être sexiste et d’inciter indirectement à l’agression sexuelle. Cette publicité n’est pas la première à avoir suscité une vague de protestation contre une représentation des femmes jugée discriminante et susceptible d’exerçer une réelle influence sur la vie de celles-ci, notamment chez les plus jeunes qui, en pleine construction identitaire, intérioriseraient plus facilement les discours publicitaires.
Plus récemment, c’est la société de biscuits belges Dandoy qui s’est retrouvée au coeur d’une polémique à l’occasion de la Saint-Valentin 2016. En effet, sur l’une des photographies publicitaires exposées par le fabricant de biscuits, on observe une femme dans une position suggestive tandis que son visage, dirigé vers le spectateur, est camouflé par un biscuit. Si la polémique est née sur les réseaux sociaux, elle a reçu un écho dans la sphère politique. La Secrétaire d’Etat à l’Egalité des Chances belge a ainsi déclaré : « il ne s’agit pas pour moi ici de stigmatiser une seule marque, d’autant que d’autres commettent régulièrement des dérapages de ce type. Mais de manière générale, il faut désormais que cela s’arrête VRAIMENT ! Stop à la mise en avant de femmes-objets ! Plus de respect, plus de dignité : est-ce trop demandé ? ». La ministre belge de l’Environnement a également dénoncé la « diffusion d’un machisme archaïque ».
Devant l’ampleur des réactions que suscitent ces images, se pose la question du rôle de la publicité dans la société car, si elle est une communication commerciale, répondant avant tout à des logiques économiques, elle est également un socle de modèles identitaires qui reflète de façon stéréotypée la réalité sociale (qu’elle peut influencer). Cela nous amène à nous questionner sur l’impact avéré ou supposé de la publicité sur les représentation des individus par eux-mêmes dans la sphère numérique. Nous choisissons ici de nous intéresser aux profils d’utilisatrices de sites de rencontre, adopteunmec.com en l’occurrence, car ceux-ci “demandent de construire puis de gérer son identité numérique afin de maximiser son aura médiatique” (Lejealle, année inconnue), autrement dit de procéder à une parade d’autopromotion afin d’attirer d’autres utilisateurs. Notre intérêt sera de savoir si les mises en scène de soi et de son identité numérique sont influencées par les codes publicitaires ou bien si elles répondent à d’autres codes.
On s’intéressera d’abord aux différentes façons de représenter les femmes dans la publicité et au processus d’identification de genre notamment à travers l’analyse goffmanienne de la ritualisation de la féminité. On se concentrera ensuite sur la construction des identités numériques à travers la mise en scène des femmes par elles-mêmes dans les sites de rencontre.