LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Instagram : La réalité qui se cache derrière nos photos.

DJEBLI YASMINE ET ALEXIS OPHELIE

INTRODUCTION

Instagram est « une application, et un service de partage de photos disponible sur plate-forme mobile de type IOS, Android et Windows phone. ». Cette application fut cofondée par K. Systrom et M-M Krieger en Octobre 2010. A travers le monde, on compte 550 millions d’individus qui l’utilisent. Nous avons choisi d’étudier l’application Instagram en raison de sa grande diffusion dans la société : elle s’impose comme le deuxième réseau social dans le monde après Facebook et avant Twitter.
Au départ conçue pour poster des photos de paysages, elle a vite subie un déplacement en mettant en scène sur la toile des individus postant des selfies, des stars postant des photos de leurs activités, des jeunes artistes qui veulent se faire connaître etc… Ce sont donc aujourd’hui 300 millions d’utilisateurs qui se connectent par jour, 70 millions d’images postées, et 2,5 milliards de « j’aimes ». Cette application dédiée aux photos et vidéos, est devenue au fil des années une sorte d’application multidimensionnelle.


Instagram s’inscrit dans la continuité de Twitter et de Facebook, deux réseaux sociaux phares. Elle permet de combiner à la fois la publication de contenu photographique que l’on peut garder dans le domaine du privé ou l’exposer publiquement, mais aussi l’utilisation de « hashtag » (mots-clés) pour accéder à un contenu souhaité. En effet, il suffit de taper un sujet qui nous intéresse pour voir sortir tout un tas de contenu qui contient le mot recherché. Par exemple, si nous tapons dans la barre de recherche Instagram le mot recette, nous avons une liste de compte qui se nomme « recette du jour », et tous les contenus publiés par les utilisateurs en rapport avec le mot « recette » et ainsi de cette manière, nous pouvons obtenir plusieurs idées sans avoir à télécharger une autre application telle que 750 grammes, Marmiton etc… Le même phénomène se produit si nous cherchons à obtenir des informations sur le soin des cheveux ou pour tout autres types de recherche. En analysant Instagram, nous avons repéré plusieurs thématiques dans les contenus partagés. Parmi elles, on compte : les personnalités reconnues, la cuisine, le soin des cheveux, la religion, la musique, les paysages, les individus (quidams), les pages humoristiques/concours, les vêtements (achat en ligne, idées tenues) etc… Le point commun entre toutes ces catégories, c’est la pratique de la phonéographie, c’est à dire que les individus prennent des photos avec leurs téléphones portables. L’avantage, c’est que les photos peuvent être postées immédiatement, et être retouchées grâce aux filtres proposés. L’une des fonctionnalités que l’on retrouve, et qui est également présente sur Facebook, c’est la mention « j’aime ». Nous allons analyser plus tard qu’il existe des stratégies misent en avant pour récolter un maximum de « j’aime » de la part des autres usagers. Dans nos enquêtes, il est même révélé que certains utilisateurs suppriment leur photo lorsqu’ils n’obtiennent pas assez de « j’aime ». A partir de cela, nous pouvons nous demander de quelle manière Instagram augmente l’estime de soi.

Afin d’obtenir plus d’information, nous avons mis en place un questionnaire en ligne comprenant 15 questions (ouvertes et fermées). Nous avons obtenu 39 réponses, ce qui est un échantillon peu significatif. La majorité des répondants sont des femmes puisqu’elles représentent 61,5% tandis que les hommes représentent 38,5% des réponses. Les âges sont diversifiés (17 ans minimum et 29 ans maximum), mais la majorité des individus ont 21 ans.

I) Le contenu d’Instagram : navigation entre amateur et professionnel, célébrités et profanes, web participatif et web en clair/obscur

Dans les années 1990, l’accès aux technologies était réservé uniquement aux personnes issues de classes sociales aisées, puisqu’ils étaient les seuls à pouvoir obtenir les équipements qui offraient cet accès au numérique. Une injustice fut dénoncée concernant le droit à la connexion, on parlait alors d’une fracture numérique. Les individus qui avaient accès à Internet étaient nommés les info-riches, et ceux qui n’avaient pas ce privilège, étaient les info-pauvres. Petit à petit, cette inégalité d’accès aux nouvelles technologies s’estompa puisqu’en 2010, 69% de la population eu accès aux technologies. Nous faisons donc face à une démocratisation des technologies numériques. On pourrait penser qu’il n’y a plus d’inégalité entre les info-riches et les info-pauvres, cependant, avoir une égalité d’accès, ne veut pas dire avoir une égalité dans les modes d’utilisation. C’est ce que la sociologue Ester Hargittai appelle le « second degré de la fracture numérique », c’est-à-dire que la capacité à s’approprier les technologies d’information et de communication (TIC), est inégalement répartie, et ne dépend pas seulement du capital économique, mais également du capital culturel et cognitif.
Les jeunes de notre génération, éprouvent plus de facilité à exploiter ces technologies que les personnes plus âgées parce qu’ils ont, en quelque sorte, grandit avec ces technologies, et ont, d’une certaine manière réussi à les apprivoiser. Dans l’enquête par questionnaire que nous avons mené, les individus ont entre 17 et 26 ans avec une majorité d’enquêtés de 21 à 22 ans. Tous les enquêtés ont Instagram depuis un an minimum, sauf un homme, qui utilise cette application depuis quelques mois seulement. Il est âgé de 26 ans. Ce phénomène illustre les propos que nous venons d’énoncer, les jeunes s’approprient mieux les nouvelles technologies.

Certains individus, tirent bénéfice de ce réseau social en le détournant. En effet, Instagram, qui était à l’origine destiné à des fins professionnelles, est détourné par les amateurs. N’importe qui peut s’improviser journaliste, chef culinaire, photographe, vendeur de prêt-à-porter (grâce aux ventes en ligne). C’est une opportunité qui ne se produit pas dans la vie réelle pour certains, et pour les autres qui exercent réellement cette activité, c’est aussi un moyen de promouvoir leur production à travers ce réseau social.

A) La possibilité d’avoir une multiplicité de personnalité

Grâce à Instagram, la frontière entre la pratique des amateurs et la pratique professionnelle est de plus en plus floue puisque les amateurs arrivent à atteindre un niveau de compétence intéressant, et ce dans n’importe quel domaine, notamment grâce aux outils proposés par Instagram. Voici un exemple : ci-dessous, deux photographies de paysage, l’une est prise par un photographe professionnel, et l’autre par un amateur.

La ressemblance de ces deux clichés est frappante : les deux hommes, bien qu’ils soient supposés ne pas avoir les mêmes compétences, ont décidé tous deux, de prendre en photographie le même type de paysage : de la verdure (en l’occurrence des arbres), qui se reflètent sur l’eau. La différence, c’est que cette photo n’a pas été prise avec le même outil. Grâce aux hashtags, nous comprenons que le professionnel (première photographie)  a utilisé un appareil photo de marque Nikon, puis a retravaillé sa photographie dans un studio (nous pouvons lire : Nikostudiocreation_nsc). En revanche, nous supposons que le quidam a pris la photo de son smartphone, et utilisé un des filtres d’Instagram pour embellir son œuvre. En effet, suite à notre enquête par questionnaire, nous avons pu observer que sur la totalité des enquêtés, 84,6% déclarent retoucher leurs photos (les motifs évoqués que l’on retrouve le plus souvent sont : l’amélioration de la qualité de la photo, embellir le personnage, cacher les défauts, rajouter de l’esthétisme…), et 90,9% d’entre eux dévoilent le faire avec les filtres d’Instagram. Les autres individus (15,4%) modifient leurs photos d’une autre manière.

Nous pouvons dire que l’amateur va remplacer le professionnel: c’est l’avènement web participatif. Mais l’amateur n’a pas les mêmes règles que le professionnel, et son audience n’aura pas le même succès que le professionnel. D’ailleurs nous apercevons le nombre de « j’aime » sur chacune des photos. Celle du professionnel surpasse les 1000, tandis que celui de l’amateur n’atteint pas la centaine.

B)Un contenu spécifique généralisé

Les comptes des usagers peuvent être privés ou publiques. Nous remarquons que souvent, ce sont les comptes des individus que nous qualifieront de « quidam », monsieur et madame tout le monde, qui privatisent leur compte afin de ne pas révéler le contenu à n’importe qui. Les comptes publics concernent les stars. Quasiment toutes les personnalités françaises, américaines, stars de la chanson, acteurs, mannequins etc.. ont leurs comptes ouverts au public. Nous pouvons supposer que ces personnes-là, ont pour habitude, d’exposer leurs vies privées, et donc d’en faire la publicité sur leurs comptes. Le contenu des comptes Instagram en dit long sur le style de vie des usagers, ou du moins, ce qu’ils souhaitent en dévoiler, car les individus nous montrent que ce qu’ils veulent nous montrer. Certains sujets sont définis comme tabou sur les réseaux sociaux tels que la tristesse, ou la nudité. Une certaine réticence à se montrer en état de faiblesse se fait sentir. Les photographies sur les réseaux sociaux, et en particulier Instagram, sont des images qui rendent la vie des individus meilleures. Mais ces comptes nous permettent par la même occasion, d’en savoir plus sur leur personnalité (Hashtags utilisés, géolocalisation, filtre, photo brute ou photo travaillée), quels sont leurs goûts (culinaires, couleurs, musiques, artistes, films).

Tout comme le blog, le compte Instagram fait figure de véritable journal intime où chaque usager dévoile une partie de soi, intimement au grand public. Ces individus, qui laissent une partie d’eux sur le web, pensent qu’ils sont dans l’obscurité du groupe (donc de leurs followers), mais sont en réalité dans la clarté du web (concernant les comptes publics). Nous nous situons dans le web en clair-obscur. Cela s’applique pour les individus du monde « profane » (les quidams), mais aussi pour les grandes stars. En effet, de nombreuses personnalités se prêtent au jeu d’Instagram, ce qui les ramène au niveau des quidams, puisqu’ils ont les mêmes pratiques qu’eux. De ce fait, les stars paraissent plus accessibles dans le sens où, parce qu’elles ont les mêmes pratiques que nous (les quidams), elles entrent plus aisément dans ce que nous appellerons la sphère de la normalité. Pour illustrer ce que nous venons d’annoncer, voici deux photos.

L’une provient du compte de la célèbre Kylie Jenner (personnage de télé-réalité américaine), et l’autre, d’une inconnue qui compte un nombre élevé de followers (d’abonnés) :

Ces deux photos, bien qu’elles proviennent de personnes venant de milieux sociaux totalement différents, ont produit une photo similaire : même montre, même angle de vue, même utilisation du bracelet gravé (qui est un accessoire, de plus, il n’est pas inclut dans la montre même).

Du côté de K. Jenner, ce type de photo la rapproche de ses fans. En revanche, du côté du quidam, faire une photo similaire à celle de cette célébrité augmente son estime, puisque cela peut lui conférer un sentiment de proximité et de ressemblance avec son idole. Étant donné que K. Jenner a publié cette photo il y a 5 semaines, et que celle de notre quidam a été publié il y a quelques heures, nous supposons que la manière de prendre la photographie a été copié afin d’obtenir un certain nombre de « likes ». Nous remarquons dans ces deux clichés la présence de hashtags qui font référence à la marque de la montre, ainsi, il suffit de taper sur la barre de recherche « DW » ou « Daniel Wellington » pour que ces deux images apparaissent dans la liste de photographies proposées.

Nous avons affaire à une vraie influence (directe ou indirecte) parce qu’il y a un système d’imitation, et du social learning : l’un veut se rapprocher de l’autre. Tout est une affaire de stratégie : les célébrités imitent les quidams pour se rapprocher d’eux, paraître plus humain, et les quidams imitent les célébrités pour obtenir plus de « j’aime », et de ce fait, gagner en matière de popularité.

C) Un besoin de reconnaissance

Parmi les contenus que l’on retrouve sur les comptes d’Instagram, l’indispensable publication de selfies est, en ce sens, un bon baromètre de popularité, mais à double tranchant. Car avoir moins de « j’aime » sur une photo que sur d’autres, ou au pire n’en obtenir aucun, peut apparaître comme une forme de rejet social, accentué par le Fomo (« Fear of missing out » qui signifie « la peur de rater quelque chose). Le Fomo est une conséquence d’une addiction au virtuel et d’une compulsion.

Sur ce réseau social, les individus ont besoin de reconnaissance. Les filles postent des photos et calculent le nombre de « j’aime », et peuvent aller jusqu’à faire de la chirurgie pour plaire. Le profil sur les réseaux sociaux est devenu une carte d’identité.Les usagers d’Instagram publient des photos pour les autres. A force de trop naviguer sur les réseaux sociaux, une fragilité s’installe en faisant croire aux utilisateurs que la vie des autres est meilleure. Nous supposons qu’en plus de subir un rejet social à cause du faible nombre de « j’aime », s’installe chez ces individus un sentiment de frustration car leurs photos (et surtout les selfies), ne plaisent pas. « Instagram amplifie les émotions négatives car l’application repose sur l’apparence. On est dans le like, un point c’est tout ». Une photo dévoile énormément de choses sur la vie de quelqu’un (ou du moins, sur ce que cette personne veut nous faire croire).

Sur Instagram, les individus, célébrités ou simples quidams, recherchent la perfection dans les photos. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, grâce à notre enquête, 84.6% des individus retouchent leurs photos, notamment grâce aux filtres que proposent l’application, mais aussi avec Photoshop afin de mettre les formes de chacun en valeur.

C’est ce que l’on appelle « le design de soi ». La photo ci-dessus, et en particulier la description, va parodier le réseau social Instagram et son côté superficiel et trompeur, mais va également inciter l’utilisateur à se méfier des contenus qu’on peut y trouver. Les individus utilisent un système de retouche et de filtre qui est utilisé dans les magazines de mode sur les mannequins. Instagram n’est pas la réalité, tout est quasiment systématiquement modifié, chaque individu peut être qui il souhaite : s’improviser photographe, se transformer en mannequin, se faire passer pour un sportif etc…

II) Publicité et privatisation : stratégies de visibilité

 

A) Les hashtags: amplificateur de visibilité

Les grandes marques aussi utilisent Instagram, car contrairement à Facebook, il n’y a pas « de restriction de visibilité ni d’algorithme de filtrage », ce qui leur permet de poster ce qu’elles souhaitent. C’est à partir du deuxième semestre de 2014 que les grandes marques ont augmenté leurs publications sur Instagram au détriment de Facebook :

Dans ce graphique, nous remarquons qu’en 2013, Facebook était le site préféré des marques, mais au fur et à mesure, Instagram commence à faire ses preuves jusqu’au moment où la tendance se renverse.

Les sites de grandes marques tels que Nike, Adidas, Lacoste etc… ont des comptes vérifiés (c’est à dire qu’il s’agit d’un compte officiel et non d’un amateur qui poste des photographies de ces marques) ouvert au public. Le point commun entre le compte de ces marques, et les individus, c’est que ces quidams peuvent, grâce aux hashtags, faire de la publicité, et paraître dans un grand nombre de publications. C’est le cas de ce jeune homme, qui porte un haut de la marque Nike. Plusieurs hashtags sont inscrits comme par exemple « #fitness #muscle #workout #Nike ».

Seuls les hashtags concernant son activité, ou encore son physique auraient pu être évoqués, mais il a également identifié ses vêtements de marque, qui pourraient être un détail, mais qui en réalité, lui permet d’augmenter sa visibilité, et donc une possible augmentation des « j’aime ». Toute construction de visibilité est une stratégie.

Bien évidemment, il est essentiel d’avoir un compte public pour que les photographies puissent s’afficher dans une liste grâce aux hashtags. Un compte privé, bloque les publications, même si celles-ci sont « hashtagués ». Les personnes ayant un compte public sont celles qui souhaitent obtenir le plus de « like ». Une adolescente, qui n’a pas participé à l’enquête, nous a avoué ceci durant une conversation : « Comment tu crois que j’ai eu tous ces j’aimes ? C’est parce que j’ai mis mon compte en public, quand il est en privé y a personne qui voit ». Les photos sur Instagram sont postées pour être vues, et surtout pour être aimées. Les utilisateurs qui comptent beaucoup de followers ont une plus grande chance d’avoir des « j’aime ». La visibilité d’un compte se fait grâce au jeu de prise de photos (faire une photo qui va plaire au grand public), mais aussi par le jeu de sélection des mots-clés. En effet, bien choisir un hashtag qui a de fortes chances d’être visité par le plus grand nombre d’individus, va augmenter les chances de visionnage de la photo. Les usagers font preuve de véritables stratégies pour être visible.

Dans notre enquête, 15,8% des individus avouent utiliser des stratégies afin d’augmenter la visibilité de leurs photos dont : l’utilisation de hashtags, le partage sur Facebook, et la publication d’une photo à une heure de forte audience. Le succès des usagers repose sur la popularité d’une photo. Parmi nos enquêtés, 47,7% possèdent un compte privé, et 52,6% un compte public. L’une des personnes interrogées avoue utiliser les hashtags afin d’augmenter le nombre de like sur ses photos, or, son compte est privatisé, de ce fait, l’utilisation de hashtags ne fonctionne pas. Ouvert au grand public, les publications Instagram sont modérées, cependant, il est possible de faire basculer son compte en privé, afin de gérer la visibilité de ses photographies. Ainsi, le contenu devient restreint et fermé d’accès au public

B) Les identités du web

Sur le web, comme nous l’avons évoqué précédemment, toute construction de visibilité est une stratégie, mais les visibilités sont différentes selon la zone où l’on se trouve. Une cartographie des typologies du web 2.0 fut créée par Dominique Cardon, sociologue français et enseignant-chercheur. La typologie explique que sur le web, différentes zones coexistent, et celles-ci comportent des identités différentes.

Sur Instagram, les individus publient, aiment et commentent des photos et des vidéos. Ils « follow » (suivent et s’abonnent) d’autres usagers, et s’ « unfollow » (se désabonnent). Ces individus ont des identités agissantes parce qu’ils se situent dans la zone phare, celle du « réel-faire » (ils mettent en avant leurs pratiques amateurs [web participatif], leurs goûts etc…). Ces personnes construisent l’activité, elles se tournent vers l’action, et bénéficient de la serendipity (aptitude à bénéficier du hasard heureux). C’est grâce à cette action que la forme des réseaux s’élargit, et que le quidam peut élargir son cercle de connaissance. D’un autre côté, nous pouvons dire que ces individus peuvent se placer dans la zone clair-obscur, où leur être est projeté. Cela correspond à une identité narrative. Les usagers d’Instagram, de par l’exposition de leurs actions, exposent en même temps leurs vies privées, et le réseau social fait alors figure de journal intime.

C) La viralité

Quant aux personnalités publiques, elles ont beaucoup plus de visibilité que les quidams, mais un quidam peut devenir une personnalité grâce à sa forte visibilité. La viralité joue un rôle dans la visibilité parce qu’elle va augmenter le nombre de vue et de « j’aime » sur une photo. Plusieurs types de viralités existent : le succès éditorial, la viralité pure, et le parcours hybride. Le succès éditorial c’est lorsqu’une photo sur Instagram a été aimée, puis oubliée. Mais suite à un événement, le nombre de «j’aime » a considérablement augmenté.

La viralité pure, c’est lorsque la diffusion de la photographie se fait de proche en proche, sans succès brutal.

Enfin, le parcours hybride, est un mélange du succès éditorial et de la viralité pure.

III. Les effets d’Instagram sur le comportement humain

 

A) La réputation

Selon Nelson Polsby, pour mieux comprendre les différentes utilisations d’Instagram, et le phénomène de réputation qui incombe à ce réseau social, il est nécessaire de tenir compte du comportement des usagers. La réputation peut être définie comme une représentation sociale d’une personne qui est partagée, provisoire et localisée, associée à un nom et issue d’évaluations sociales plus ou moins puissantes et formalisées. Ici, la première partie de la définition permet d’abord de distinguer la réputation de l’idée d’opinion individuelle portée par un individu sur un autre, et de souligner sa consistance sociale, reposant sur son caractère partagé par une communauté d’acteurs. La réputation pouvant être définie comme le produit de processus d’évaluations sociales, l’opposition « bonne » ou « mauvaise » réputation permet d’identifier un premier niveau d’évaluation, qui prend la forme d’une classification dichotomique. De fait, les individus sont couramment évalués dans leur vie (notamment sur les réseaux sociaux) et ces évaluations donnent lieu à des catégorisations simples, s’intégrant dans un espace symbolique fait d’oppositions binaires, dont la dichotomie « bonne » ou « mauvaise » réputation est un bon exemple. La force sociale de cette dichotomie repose d’abord sur le fait qu’elle est couramment mobilisée dans la vie quotidienne et qu’elle fait donc généralement sens pour les individus.

En parallèle de la réputation accordée par ce réseau social, nous avons l’e-réputation. C’est la réputation construite en ligne avec des dispositifs d’évaluation, à partir de traces d’activités des internautes, la question de la visibilité donnée aux internautes, scores mesurés sur les réseaux sociaux (nombres de vues, de « j’aime »). Il faut savoir que les réputations sont souvent très travaillées par les usagers qui cherchent à se mettre en valeur en fonction de ces dispositifs d’évaluation.

Depuis l’émergence du web participatif, on a une explosion de la prise de parole qui laisse des traces à la fois sur des contributeurs et sur les usagers. Avec des outils comme le « j’aime » sur Instagram, on a une forme de volonté de construire des réputations en opérant des calculs, des algorithmes… A partir du moment où ces calculs ont existé, cela a modifié les classements, et les classements ont produit des effets. On va parler de réactivité de ces formations, dans la mesure où elles transforment les comportements. Le fait de mesurer la visibilité peut donc engendrer une modification du comportement, ou une adaptation du comportement aux contenus fortement appréciés par les observateurs, pour répondre à cette demande, qui sont en quelque sorte les juges de cette réputation. Les usagers modifient leur comportement en pensant qu’ils sont acteurs de leur réputation, mais en vérité, ils cherchent à contenter l’observateur qui lui est véritable constructeur de la réputation de l’usager. En effet, ce n’est pas parce que l’usager est très bien mis en valeur que sa côte de popularité augmentera. Pour que ça se réalise, il faut un public réceptif aux efforts de l’utilisateur. Les effets des formes d’évaluation sont donc décisifs pour la réputation de l’usager.

Toutes les sociologies de la réputation évoquent, plus ou moins explicitement, la question des sources externes de la réputation et de la façon dont l’individu parvient à contrôler les « flux » plus ou moins puissants issus de ces sources externes. Sur les réseaux sociaux et notamment Instagram, le contrôle de la réputation se fait par le contrôle de son profil et de son contenu. Comme l’ont cité la moitié des utilisateurs d’Instagram dans le questionnaire que nous leur avons suggéré, il existe un certain nombre d’usagers qui ont fait le choix de bloquer leur profil au public et de restreindre l’accès à un cercle privé, ils ont choisi d’en faire une « zone clair-obscur », c’est-à-dire qu’ils vont publier un contenu assez intime mais à un public réduit, connu et contrôlé. Cette zone neutralise la critique exhibitionniste car on ne montre pas n’importe quoi à n’importe qui.

La réputation fait partie des facteurs qui vont influer sur l’estime de soi d’un individu, il va s’autoévaluer en partie en fonction de l’évaluation que font les autres sur sa personne (ceci n’est pas une réalité universelle, mais elle est applicable sur une bonne partie des usagers d’Instagram). Donc pour contrer le fait d’avoir à subir l’avis des autres, et ne pas laisser le public façonner notre réputation, on peut limiter l’accès au contenu visible sur les réseaux sociaux. Nous avons vu précédemment qu’il existait un autre moyen de contrôler sa réputation : une adaptation du comportement aux contenus fortement appréciés par les observateurs. En effet, toujours grâce au même questionnaire sur des utilisateurs d’Instagram, nous avons vu que certains d’entre eux ne gardent pas publiés sur leurs comptes, les photos et vidéos qui n’auraient pas reçus un assez grand nombre de « j’aime ». Les raisons évoquées sont parce que les photos n’étaient pas assez bien, et le fait de ne pas récolter assez de « j’aime » qui constituent un motif valable pour ne pas les laisser sur le réseau : « si les gens ne l’aiment pas, je ne vais pas la laisser ». Cela nous montre premièrement qu’il y a bel et bien des outils d’évaluation de la visibilité, et que les usagers font en sorte de contrôler leur réputation. En effet, une photo qui n’aurait pas assez de succès ne va pas nuire à la réputation de l’usager, à proprement dit, mais représente néanmoins un manque de réussite dans la course à la popularité de ce réseau social où l’image renvoyée est la marque de succès de l’usager.

B) L’estime de soi

Lorsque l’on analyse les réseaux sociaux, il faut garder en tête qu’il y’a une exposition grandissante des jeunes qui se retrouvent au cœur d’une course incessante à la popularité. Il faut savoir que l’estime de soi est parfois mise à l’épreuve sur Internet, notamment pour la catégorie adolescente, c’est pour cela que des plateformes de réseaux sociaux surfent sur ce besoin de reconnaissance, en permettant de donner à voir une image de soi à notre meilleur avantage, voir perfectionné.

Le fait de voir des usagers d’Instagram « liker » nos photos peut apporter une certaine satisfaction à l’estime de soi, car le succès de cette photo a pu nécessité certains efforts visant à lisser les défauts et perfectionner les images. Les photos postées ont parfois exigé plusieurs prises, ainsi que plusieurs retouches, et enfin l’utilisation des filtres, pour arriver au maximum de la beauté que l’usager souhaite montrer aux autres. Pour se mettre en valeur, les usagers optent entre autres pour des postures qui les mettent à leur avantage. Cette application exprime une nouvelle forme d’outil de communication et tend à augmenter l’estime de soi des usagers qui, par le biais des appréciations laissées par les autres usagers, trouvent une certaine forme de satisfaction et d’assouvissement.

L’application peut affecter l’estime de soi, en bien, quand les usagers se mettent en valeur par leurs publications de photos valorisantes. Cependant, on constate que cela peut avoir l’effet inverse et altérer l’estime de soi des usagers, notamment lorsqu’ils sont confrontés aux photos des autres utilisateurs d’Instagram. En effet, le fait de voir par exemple, que des jeunes publient des photos très valorisantes d’eux, où leur corps ou leur visage serait admirable, peut mettre un certain public mal à l’aise. Mal à l’aise car les images qu’ils voient sur Instagram leur rappelle ce qu’ils n’ont pas ou ce qu’ils ne sont pas. On pourrait dire que ce phénomène de complexe peut s’observer dans la vie réelle, mais il faut cependant tenir compte du fait qu’il est amplifié avec Instagram car l’image renvoyée est systématiquement perfectionnée.

CONCLUSION

Instagram est une application qui permet de partager ses photographies en quelques clics, notamment grâce à la phonéographie. D’après nos recherches et notre enquête, nous constatons qu’Instagram n’est pas une application aussi simple qu’elle en a l’air. Derrière la publication de paysages apaisants, ou de selfies chaleureux, se cache une véritable chasse aux « likes ». Les usagers espèrent obtenir un certain nombre de « j’aime », afin de sentir un accomplissement dans leurs agissements, puisque dans certains cas, les photographies ne sont pas postées pour eux-mêmes, mais pour les autres. Nous pouvons dire que des codes informels sont mis en place en raison des contenus similaires qui sont émis sur le web. En effet, que les individus soient des célébrités ou des quidams, le contenu des comptes contient des photos semblables, en raison de l’influence des uns sur les autres, mais aussi grâce à la viralité qui diffuse des photos de proche en proche, et permet ainsi à chacun d’avoir une représentation de la photo parfaite. Nous pouvons affirmer que les publications de contenus ont de véritables effets sur les comportements humains, notamment sur leur réputation, que les usagers veillent à entretenir. Même si tous les usagers ne tendent pas forcément à vendre leur image, il faut surtout veiller à ne pas la salir. C’est pour cela que les usagers tendent à travailler leur vitrine d’eux-mêmes en publiant des photos perfectionnées. Le réseau social Instagram joue donc un rôle dans l’estime de soi, puisque les usagers cherchent une confiance en eux en postant des photos d’eux bonifiées et valorisante, afin de dorer l’image de la vitrine qu’ils renvoient.

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie :

  • Pierre-Marie Chauvin , « La sociologie des réputations. Une définition et cinq questions », Communications, 2/2013 (n° 93), p. 131-145.
  • Francis Jauréguiberry, « La déconnexion aux technologies de communication », Réseaux 2014/4 (n° 186), p. 15-49.
  • Christophe Aguiton, Kevin Mellet, Cours de sociologie des mondes numériques , UPEM (2016/2017).

Webographie :

Nous avons également mis en place un questionnaire en ligne. Ce questionnaire a été posté sur Facebook et sur Instagram : https://goo.gl/forms/otx18yBg97FiQLK12

 

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