LASSENE Kevin et CHAUMEIL Maurine
Depuis la nuit des temps, l’humain communique : que ce soit par la parole, par un geste ou par un signe mais aussi par un silence ou une image, les moyens de communiquer sont nombreux. Comme le soulignait l’anthropologue et psychologue Grégory Bateson, « tout est communication ». Alors que celle-ci peut donc adopter des caractères différents (verbale, non verbale) mais également passer par des canaux différents, nos moyens de communication subissent des changements sans précédent dans l’histoire de l’humanité. En effet, depuis deux siècles, notre monde connaît des mutations importantes : nos outils technologiques se développent, se multiplient et viennent par conséquent influencer nos actions du quotidien.
Nos comportements, eux, changent et évoluent. Tandis que certains s’effacent, d’autres apparaissent et se transforment rapidement. Notre monde est connecté et les conséquences n’en sont pas moindres. Les technologies semblent donc façonner notre vie actuelle et tendent à déterminer le monde de demain. Elles semblent également nous imposer l’injonction suivante : nous pouvons communiquer, nous devons communiquer. Mais de quelle manière ?
Cette révolution que nous pouvons dès à présent qualifier de révolution « numérique ou technologique » nous a donc laissé l’opportunité de vivre la naissance de nombreux objets actuels : celle de l’appareil photo, celle du téléphone fixe et portable, de l’ordinateur et bien d’autre encore.
A l’image de l’appareil photo et son opposition avec la peinture, le smartphone (et son caractère hégémonique) et l’essor des réseaux sociaux apparaissent comme une fracture, une rupture dans notre évolution sociale. Chaque jour, des millions d’images fleurissent sur nos réseaux sociaux. Sur Instagram nous constatons une diffusion constante et multiple d’images et de photographies laissant une place de plus en plus grande à l’intimité et au corps humain. Ces dernières attirent un grand nombre de like, et permettent ainsi à certains utilisateurs du réseau de gagner une « notoriété » en ligne, de « se faire un nom ». Il y a encore quelques décennies, ce genre de phénomène aurait interpellé, provoquer de nombreuses réactions mais de manière “négative”. Aujourd’hui, c’est bien l’opposé.
En effet, une compétition semble se dessiner entre les utilisateurs pour être celui ou celle qui sera le plus vu et le plus populaire, celui qui sera « le plus beau » ou « la plus belle ». La perte de l’influence religieuse ou morale, elle, pourrait être une piste de réflexion et d’explication à cette évolution du nu. Et c’est en ce sens que ce phénomène soulève de nombreuses interrogations car cette intimité « inonde » aujourd’hui notre monde en ligne. Mais pour quelles raisons :
Est ce seulement pour un côté esthétique ? Est-ce en quelque sorte une construction du sociale et un indice de réussite, d’appartenance à un groupe social ? Quelles peuvent être les conséquences de ce type de comportement ? Quels sont le ou les profils existants de ces utilisateurs en ligne ?
Notre étude aura donc pour intérêt de nous questionner sur l’évolution du rapport au corps et à la sphère intime en inscrivant notre démarche dans une perspective historique et sociologique. Pour tenter d’y répondre, notre propos sera divisé en trois parties. Pour commencer, il nous semble intéressant de montrer l’évolution du rapport au corps et à soi en prenant comme point de départ la naissance de la photographie. Afin de poursuivre notre réflexion, nous proposerons une typologie des utilisateurs d’Instagram à la suite d’une étude de cas réalisé sur ce réseau social. Enfin, pour finir, nous soulignerons les « dérives possibles » de ces nouveaux comportements et des conséquences qu’ils peuvent engendrer aussi bien sur la santé physique que morale d’un individu.