LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Trolls et Haters sur le web

M’hand Rahani, Lukas Pacalon

I/ Introduction

Dès qu’on met un pied dans les réseaux sociaux et qu’on s’y exprime, on s’expose aux critiques de tout poil dont certains se font une spécialité. Elles sont plus ou moins intelligentes, plus ou moins constructives, et aussi plus ou moins amusantes à lire. La capacité à être drôle, c’est peut-être ce qui distingue le troll du hater.

Le hater ne cache pas son jeu. Il tire la tronche. Son objectif est d’exprimer son mécontentement ou cracher son venin, mais pas forcément de provoquer un débat. Le troll, quant à lui, est fourbe. Il est prêt à tout pour pourrir le groove, tout sourire à l’idée de faire en sorte que tout le monde s’écharpe.

II/ L’essence du Troll

On dit qu’une discussion s’enflamme lorsque les échanges se multiplient entre les participants et que le ton monte. L’origine du conflit – si conflit il y a – n’est pas forcément un troll ou tout du moins, n’est pas forcément un troll « volontaire ». On parle de troll que lorsqu’on pense avoir décelé une volonté de polémiquer allant au-delà de la volonté d’avancer dans une discussion.

PRATIQUES ET TACTIQUES DU TROLL

Provoquer et insulter : Attitude du troll exaspérant (troll lourd) que l’on reconnaît facilement. Malheureusement il se trouve toujours une ou deux personnes pour lui répondre.

Faire s’affronter des groupes : Mettre en opposition plusieurs groupes présents sur un forum, si besoin en créant plusieurs pseudos, chacun étant pour un groupe, pour envenimer la situation avec plusieurs personnages tous aussi artificiels les uns que les autres. Les autres suivront ces faux internautes dans leur combat inutile.

1) Les Trolls par définition

Le trolling désigne à la base une technique de pêche à la traîne. le troll semble ne rien à avoir en commun avec la créature mythologique du folklore scandinave, le terme vient effectivement du mot anglais « trolling » qui est donc la pêche à la ligne avec plusieurs hameçons et cannes à pêche.

Dans l’imaginaire collectif du web, Ils sont une espèce bien connue d’internautes en mal de sensations fortes. Ils naviguent en profondeur sur Internet pour s’amuser de leurs voisins, souvent par simple plaisir de rendre une conversation non-intelligible. Ils sont de petits aventuriers du clavier qui aiment titiller leurs prochains. Ils apprécient envenimer les débats, et affectionnent plus que tout la polémique gratuite.

Aucun utilisateur d’Internet n’a pu échapper à ces flambées poétiques à l’orthographe souvent fantaisiste : elles sont inévitables, elles foisonnent sur Twitter, Facebook, YouTube et, malheureusement, sur les sites d’information. Si les attaques bêtes et méchantes et les invectives sont monnaie courante sur le Web, c’est aussi parce qu’elles sont facilitées par le principe de l’anonymat. Le troll compense de manière cathartique le fait qu’on ne puisse pas exprimer notre mécontentement.

Le troll pourrait pourquoi pas également venir quelque part du Folklore scandinave, car on imagine bien ces internautes agaçants comme de véritable troll vert au physique repoussant. Le troll scandinave est une créature mythologique bête et stupide qui cherche juste à se nourrir en tuant les animaux et les hommes. Il est souvent représenté avec une peau verte, un ventre rond, un nez crochu, des dents pointus. Au lever du soleil il se change en pierre.

2) les objectifs d’un Troll

Ce que cherche le troll, c’est le pourrissement de la conversation, mais ça va au-delà. Ce que veut le troll, c’est dénoncer ce qu’il estime être les faux-semblants. Ce que veut détruire le troll, c’est ce qui fait la société et c’est pourquoi il s’attaque à ce qu’il appelle indistinctement « la pensée unique », le politiquement correct, les idées toutes faites. Parfois, évidemment, il touche juste dans ses attaques tous azimuts, mais le plus souvent, en croyant dénoncer une idée toute faite, il remet en cause une vérité. Mais peu importe, le troll ne cherche pas une idéologie cohérente.

Le trolling ne doit pas être considéré comme une aberration de la sociabilité sur l’internet, mais comme l’une de ses facettes. En fait, la radicalité des Trolls est une réponse aux blocages des formes d’expression publiques, qu’elles soient en ligne ou pas. On s’énerve pour affirmer son propos, pour le faire exister, pour se faire entendre des autres. « L’existence même des trolls montre que l’espace public est largement un concept fantasmatique ».

3) Le Troll a t-il une réelle identitée ?

Les trolls sont certainement aussi vieux que le web. Il faut dire que le réseau des réseaux leur a donné une opportunité formidable pour prendre la parole et déverser leur fiel sans se faire repérer par le premier venu. Grâce aux pseudonymes, ils se lâchent en ligne et peuvent saboter une conversation, pourrir les commentaires ou s’en prendre à un internaute.

Des actes qui ne pourraient pas être commis si l’usage de sa véritable identité était imposé, puisque ceux qui profèrent insultes, propos haineux et autres joyeusetés n’oseraient certainement pas faire ça dans leur vie quotidienne, car cela ternira bien vite leur réputation.

Le troll a t-il une réelle identitée ? On définit un troll par ces différentes facettes et caractéristiques propres à ce qu’en pense dans l’imaginaire collectif mais peut on réellement désigner une personne ou un comportement en tant que telle ? La définition du trolling a peut être évolué dans le temps. Que savons nous aujourd’hui de son identité ?

Son image est multiple et il reste anonyme. Un peu comme les utilisateurs de 4chan le réseau social préféré des anonymous où tous les visiteurs sont quasiment obligés de poster  des commentaire de façon caché et donc sans jamais dévoiler son identité, il se terre.  4chan est donc ce forum anonyme constitué d’un réseau d’image boards qui est souvent le refuge des plus gros trolls d’internet.

Mais on ne devient pas troll, ce sont les autres qui nous définissent ainsi pour nos actes et les préjudices qu’ils ont subis. Il s’agirait avant tout de pointer du doigt des comportements agaçants voir dangereux. Il existe en effet plusieurs catégories de troll ou niveau de troll c’est-à dire évaluable par rapport à sa méchanceté ou sa ténacité ou encore ses intentions et ses manières de procéder ainsi que ses comportements. Il pourrait s’agir que d’un emmerdeur assez tenance ou encore d’un menteur.

Son image renvoie avant tout à de la subversion car il contrebalance les normes par sa nonchalance et son anti-conformisme. Ce qui lui plaît c’est de déstabiliser sa victime, il surgit donc de la nuit sans prévenir pour frapper de façon efficace et répété son adversaire avec des techniques audacieuses dignes d’un assassin qui trancherait la gorge par derrière.

On peut tout à faire remettre en cause l’utilisation excessive du terme troll qui sert parfois à discréditer une personne sans avoir à apporter de justification en le traitant justement de troll. Cela coupe effectivement court à tout débat. Certaines personnes dénoncent les abus d’utilisation du terme « troll » qui sert à éviter le conflit. Ainsi, un intervenant d’un débat pourrait utiliser ce terme afin de discréditer les personnes qui remettent en cause ses thèses, en les accusant de vouloir polémiquer. Dans des débats, certaines personnes n’hésitent pas à traiter de troll toute personne n’étant pas d’accord avec l’avis majoritairement représenté pour la discréditer (par exemple un commentaire négatif sur une vidéo très populaire est vite victime de cela). Le troll se détachant d’une simple opposition d’idées par l’aspect volontaire de la polémique, il est parfois extrêmement difficile à découvrir. Ainsi, parfois, ce peut être l’accusateur qui est en fait un troll.

Type de trolls :

L’apprenti troll: On peut le nommer ainsi car il est fragile dans sa démarche et surtout peu endurant. Ainsi ce troll se repère car il regrette son post un peu osé 30 ou 40 min après l’avoir posté. il est sans danger tant qu’il ne rencontre pas un mentor.

Le troll idiot: Celui là est plus encombrant qu’il ne fait du mal. En effet ce troll se caractérise par une tendance à multiplier les hors sujets ainsi que les boutades à deux francs dès qu’il en a l’occasion. Surfant sur les jeux de mot mais aussi sur les ambiguïtés parfois inhérentes aux posts, il déverse une bêtise populaire qui plait à certains, cachant par la même occasion sa « trollitude ». Il nuit en réalité à la compréhension d’un débat en allongeant les pages inutilement. C’est donc un troll antidémocratique et nihiliste voir absurde ou surréaliste.

Le troll accompli (ou parvenu): Afin de montrer que tous les trolls ne sont pas nuisibles, il me faut évoquer celui là. Dit « parvenu », ce troll se caractérise par sa maîtrise de la répartie et sa capacité à fausser les pistes d’un post sans que l’on s’en aperçoive. Souvent discret (1 ou 2 messages suffisent), il parvient à créer 3 pages de citations de lui-même, pages qu’il ne lira pas, occupé à disséminer une autre petite pastille ailleurs. Idéal du troll idiot qui ne comprend pas ce qui le différencie de lui (le dosage et le bon goût en l’occurrence), ce type de troll est cependant le plus rare et aussi le plus difficile à déceler.

Le troll de la vérité sainte : Ce genre de troll se trouve parmi tous les niveaux de joueur. Il ne viens pas sur énormément de topic, mais quand il en a un il ne le lâche plus ! Doué d’une bonne répartie, généralement d’une bonne connaissance de sa langue ( mais pas toujours ), et d’une foi infaillible en lui même et ce qu’il croit, il s’intéresse au contenu réel des topics, mais il devient très vite lourd. On le décèle facilement car il apparaît dans les sujets qui ne parle pas du jeu en lui même mais plutôt du social, il essaie de donner son avis en le prétendant incroyablement juste et indubitablement vrai même si il est complètement dans l’erreur et totalement injuste.

Le troll subtil: C’est un post un peu provoquant mais qui soulève un vrai débat de fond. Souvent il répond à un troll pur et dur afin de réorienter celui ci sur un débat intéressant. L’auteur de ce post est souvent le premier à être attaqué en tant que « trolleur » malgré ses (plus ou moins) bonnes intentions.

4) Les Haters

De nos jours les internautes sont confrontés à des personnes malveillantes qui nuisent leur réputation et leur vie. La menace est devenu vraiment réel lorsque des utilisateurs d’internet en sont venu à se suicider à cause de commentaires haineux de la part de haters ou encore des trolls vraiment malveillants qui volent les données et s’emparent des codes d’accès tel que les hackers.

Quel est la différence entre un troll et un haters ? Les trolls possèdent bien plus de particularités et peuvent être bien plus dangereux que les haters. Ils sont souvent bien plus malin et réfléchi et ne se laissent pas entraîner par leurs émotions. Le troll provoque et crée le conflit tout en se protégeant lui-même. Il continue son petit jeu jusqu’à ce qu’il ait le dernier mot et c’est pour cela qu’un adage dit clairement de l’ignorer et donc de ne pas lui donner de quoi exercer son pouvoir : Don’t feed the troll ( littéralement ne nourrissez pas le troll )

Le haters quant à lui est victime de ses émotions de haine et va déverser son flot d’insulte de façon cru et sans détour. Il est moins dangereux qu’un troll qui lui utilise des moyens bien plus vicieux pour assouvir sa vengeance. Le troll et le hater sont avant tout des personnes qui cherchent à soulager une frustration. Il ne faut pas confondre avec les rageux qui sont motivé par d’autres raisons tel que l’impatience.  Le haters assume son mécontentement et va déverser sa haine de façon anonyme toujours mais bien plus directement que le troll car il n’aura pas d’ambiguïté.

Il existe également Le flaming où flamebait que l’on peut traduire par propos inflammatoire assez similaire au trolling qui consiste à envoyer des informations susceptibles d’envenimer le débat à l’aide d’insultes et de haine. Cela ressemble bien à la marque de fabrique du Haters.

Les trolls et les haters sont ils bien des figures distinctes ? Le haters est peut être une forme de troll qui crée un climat de haine en brisant les règles de la bienséance par ses insultes et menaces répétés. “Haters gonna hate” cette maxime permet d’ignorer les insultes que les haters pourraient bien envoyer sachant que sur Internet on trouvera toujours des gens qui n’aimeront pas ce que vous faîtes sur Internet autant les ignorer comme les trolls.

III/ Le Trolling au coeur des conflits

Il y a toujours des insultes mais aussi un vocabulaire et une syntaxe de plus en plus lissés, une sorte de politiquement correct de la haine. On est alors davantage dans l’agression verbale que dans l’insulte. Plutôt que d’écrire «les Arabes dehors !», ce sera «On est chez nous». Leur technique consiste à argumenter longuement derrière un commentaire plutôt bienveillant pour tenter de «retourner la tête» de celui qui l’a posté. On retrouve alors une opposition franche entre ceux qui prônent le vivre-ensemble ou réagissent avec empathie aux sujets d’actualité et ceux qui tentent de propager leur idéologie, le plus souvent d’extrême droite.

1) Combattre un Troll

Face à un troll il faut pouvoir se défendre. Cette situation est bien plus courante que ce que l’on croit. Il y a une forme d’humour malsain que les trolls revendiquent et que l’on appelle le Lulz. Il ne s’agit plus de s’amuser mais de réellement se moquer de quelque chose ou de quelqu’un avec de mauvaises intentions. Il s’agit d’une forme corrompue du lol. C’est comme les télé-réalités où l’on se satisfait de la bêtise et du malheur des participants. La souffrance et la douleur d’autrui sont des spectacles que peuvent apprécier les adeptes de cette humour noir. Ils recherchent au final la destruction et le chaos.

Le personnage du Joker dans Batman représente bien le Lulz, il cherche à provoquer des réactions, mettre les autres à l’épreuve, les faire sortir de leur rôle et remettre tout en question à base d’expérimentations sociales sadiques.

Don’t feed the troll (restez calme et ne rentrez pas dans son jeu) :

Le but ultime d’un troll est d’énerver et de  faire réagir au quart de tour. Il faut éviter de rentrer dans son jeu et prendre de recul afin de ne pas lui donner le bâton pour se faire battre. Le bon troll ne manquera pas de mettre en avant vos erreurs et faiblesses et saura appuyer là où ça fait mal. Il faut accepter les critiques, certaines peuvent être constructives. Si la critique n’est pas fondée, il faut être plus intelligent que le troll et le laisser partir tout seul. Évacuez votre énervement avant de répondre et réfléchissez bien à une réponse adaptée ou ne répondez pas du tout. Répondre immédiatement donnera de l’importance au dit troll et vous privera d’une réponse plus élaborée.

Le mieux est de détourner la conversation habilement vers une zone plus sécurisée. Cherchez les points positifs que son commentaire apporte, derrière la critique se cache peut être une information utiles. N’ayez pas plus de 3/4 échanges avec le troll, s’il continue d’avoir une attitude relevant de la mauvaise fois, jouez la carte du silence.

Envoyer un message en privé au troll afin d’essayer d’arranger la situation. En lui demandant gentiment pourquoi il agit ainsi, il se sentira écouté et arrêtera de lui même dans la plupart des cas.

L’humour peut être une arme redoutablement efficace. Bien utilisé, il peut très rapidement faire retomber la pression.

Au fil du temps, vous vous apercevrez que ce sont souvent les mêmes petits malins qui viennent vous agacer régulièrement. Identifiez-les et apprenez à les connaître pour avoir le comportement adéquat. Pour vous aider, vous pouvez par exemple utiliser des outils de CRM Facebook tels Agorapulse qui vous propose un système de tag pour mieux appréhender chacun des membres de votre communauté (troll ou pas troll).

Même si les trolls peuvent être agaçants et peuvent vous faire perdre du temps, prenez le bien. Et oui, ces derniers sont souvent la rançon du succès, plus votre visibilité progresse plus vous êtes amené à avoir affaire à eux. De plus avec des réponses adaptées, vous vous attirez la sympathie des membres de votre communauté. Donc on dit merci à qui ? Merci aux trolls.

Parfois les actes de trolling prennent l’allure de faits divers, comme dans l’histoire de « viol dans le cyberspace » ou un troll a réussi à détourner le jeu en ligne LambdaMOO. Grâce à un logiciel spécial, il a envahi le service de propos obscènes qui semblaient proférés par d’autres joueurs. pendant plusieurs heurs, les avatars de ces derniers parurent s’être données à des actes sexuels interdits dans le cadre de la communauté sans que le propriétaire puisse les arrêter.  Le troll de lambdaMOO aurait pu être considéré comme un joyeux facteur dans une communauté plus orientée vers les contenus adultes

Les trolls sont assez intelligents pour utiliser des armes et des armures s’ils le désirent. Mais la majorité préfèrent éventrer leurs proies de leurs propres mains. Il ne craint pas la mort. Il se rue au combat sans la moindre hésitation, frappant quiconque se dresse en travers de son chemin.

2) Le Troll en politique

Les mêmes font partie de cette imaginaire collectif qui peuvent éventuellement aider à définir ce qu’un troll représente. On a souvent une tête hilare dessiné rapidement sur Paint de façon grossière caractérisant la figure du troll. Mais il en existe bien d’autres. Il peut également être représenté par le troll du folklore scandinave ou même une grenouille comme “pepe the frog”. Celui-ci a d’ailleurs été accusé par les médias américains d’avoir joué un rôle déstabilisateur dans la campagne présidentiel et notamment avec l’élection de Donald Trump considéré maintenant par les internautes comme un troll. Une figure numérique aussi déconnecté de la réalité qui a une impact aussi puissant dans le monde réel a remis en question notre recul sur internet. Nous savons que le web a désormais à de nombreux niveaux un certain pouvoir sur les gens et le monde concret.

La victoire de Trump, c’est la victoire des trolls polémiques, insultants. Donald Trump a appliqué pendant toute sa campagne des méthodes de troll, et a été soutenu de même par des internautes sur les forums de Reddit et 4Chan ; aujourd’hui, ils pavoisent.               Tel un troll, Donald Trump a passé la campagne présidentielle à générer des fausses polémiques (sur la santé de Hillary Clinton, par exemple). A quelques jours de l’élection présidentielle, ses équipes lui avaient d’ailleurs retiré l’accès à son compte Twitter, histoire qu’il ne commette pas une ultime bourde. Sa victoire conforte le travail de l’armée de trolls dont il est le grand chef. ses groupes de « trolls », payés pour diffuser sa bonne parole sur les réseaux sociaux. Le rapport mentionne notamment l’Agence de recherche sur Internet (Internet research agency) basée à Saint-Pétersbourg.  Mais nous allons voir que le troll est de tout horizon politique.

Le jour où les trolls ont mis K.O. le Front national

Le réseau social du FN, “LesPatriotes.net”, a disparu d’Internet une journé après sa création en 2014. Officiellement, c’était à cause d’une attaque massive de trolls. La disparition ne surprend pas outre-mesure. Les trolls, ces internautes dont le seul but est de polluer les pages web, ont porté le coup de grâce aux “Patriotes”. Mais ils ne sont qu’un des nombreux obstacles que rencontre ce nouveau réseau social.

Le FN a pourtant voulu échapper aux trolls. Il a décidé d’éviter la médiatisation excessive du réseau, qui a été lancé sans publicité. Visité alors qu’il était encore en ligne, LesPatriotes.net est d’ailleurs plutôt sobre. Ni logo, ni slogan tapageur, seule une photo de Marine Le Pen (très grande, il est vrai) rappelle que c’est le parti d’extrême droite qui est aux manettes. En se faisant discret, et en créant un réseau social de “patriotes” – et non de “frontistes”, le FN compte bien séduire au-delà de ses encartés.

3) Les Trolls aux yeux de la Loi

les trolls et les haters sont  souvent les deux faces d’un même profil. Ils sont nés et ont grandi à mesure que se construisait Internet. Ils influent aujourd’hui le débat public autant que les médias. Les trolls et les haters continuent d’affecter l’écosystème digital au point de polluer la réputation de quiconque leur déplaît et d’engendrer des chambres d’écho bruyantes mais souvent peu représentatives. Twitter a déjà annoncé une série de mesures pour renforcer cette déferlante d’abus verbaux en tout genre.

Les trolls et les haters ont d’autant pu proliférer que pendant longtemps les géants des réseaux sociaux (Facebook, Google, YouTube, Twitter ….) ont invoqué la sacro-sainte liberté d’expression qui est au cœur de la Constitution américaine. En dépit des requêtes croissantes et des mécontentements de toutes parts (et notamment d’Europe), ces acteurs digitaux ont plutôt fait la sourde oreille. Même s’ils n’étaient pas à un paradoxe près.

La recherche d’une insulte sur Twitter indique quotidiennement des milliers de nouveaux résultats. Pourtant, injurier quelqu’un sur le web n’est pas anodin : ceux qui s’y risquent encourent les mêmes peines que dans la « vraie vie ».

IV/ Le Troll et son évolution

1) Exemple d’un Troll moderne et de sa communauté (Raptor Dissident)

Le Raptor Dissident est un youtubeur qui réagit face à des événements ou des vidéos avec des propos crus et souvent insultant en faisant défiler des images du web qui appuie son propos. Il utilise un micro pour enregistrer sa voix mais ne montre pas son visage. Il utilise un dessin de dinosaure pour le représenter. Il a tout une communauté d’internautes qui le suivent. Il est volontairement agressif et haineux, il peut s’agir d’une forme de haters couplé à un troll. Bien qu’ils ne se définissent lui même pas comme un troll, il se rapproche néanmoins de ce que pourrait être un troll reconnu voir une célébrité dans l’univers des trolls. On sait que les trolls ne se définissent rarement comme telle. On peut supposer qu’il possède juste des caractéristiques similaires comme une part d’anonymat puisqu’il ne montre pas son visage. C’est avant tout un polémiste qui frappe où ça fait mal en utilisant sa rhétorique. Il aborde des sujets sensibles notamment celui du féminisme, de la virilité, de l’homosexualité, de la politique et de tout sujet controversé en générale. Il cherche avant tout à piétiner la bien pensance des mouvements progressistes.

On peut se demander s’il a un réel impact positif sur la liberté d’expression et sur l’évolution des consciences au niveau des débats qui lancent dans ses vidéos. Son cas est intéressant dans la mesure où ce n’est pas un vrai troll mais il pourrait très bien représenté un élément intéressant de remise en question du net et donc la figure d’un troll qui s’ignore. Avec un discours volontairement excessif il crée un espace de réflexion bien plus efficace que des contenus trop consensuels. En partant de ce constat, ce youtubeur apporte un aspect positif du trolling au service de la liberté d’expression et contre la pensée unique.

Sur de nombreux sujets, il pointe du doigt de façon diablement intelligente les travers de la société en particulier sur le web et nous permet au moins de réfléchir davantage à toutes les soi-disantes opinions évidentes et bien pensantes qui circulent sur le web et relayé par la majorité des autres youtubers. En se positionnant en déclencheur de polémique, le Raptor Dissident a peut être bien mérité son buzz en bousculant la fourmilière qui commençait à marcher sur la tête. Bien qu’il soit comparé surement à tort à des mouvements d’extrême droite par d’autres youtubers cherchant à le discréditer, on trouve en lui un potentiel pour faire réfléchir les gens et surtout les internautes.

2) Trolls bienveillants ou malveillants ?

Ou s’arrête l’étiquette du troll ? Le troll reste une figure insaisissable et indéfinissable sur le web. Il n’a pas vraiment d’identité réelle car ce qui le désigne est la mécanique même des échanges sur le web. Les aprioris, les clichés, les débats subversifs du net permettent l’émergence de polémiste qui profite du doute et de la surenchère haineuse  pour tirer à profit en gagnant de la visibilité par exemple. Il est vrai que les trolls se nourrissent avant tout d’attention. Ils utilisent des pseudonymes et se cachent dans l’ombre pour frapper. La liberté d’internet leur permet de libérer une certaine méchanceté sous couvert d’humour ce qui n’est pas sans rappeler la figure du haters. “Si tu es contre eux c’est que tu n’as pas d’humour”. Même si Internet fait croire aux gens qu’ils sont forts, insulter dans l’anonymat est tout de même la chose la moins courageuse à faire. Il y a donc un décalage entre ce que pense un troll et ce qu’il est réellement.

Mais ce peut être également des justiciers qui démentent des manipulations et luttent contre la pensée unique. Ils peuvent agir pour une bonne cause même si la forme de leurs agissements semblent à première vu malhonnête. Il faut comprendre qu’il n’y pas les gentils et les méchants de chaque côté sur le web, c’est bien plus complexe. On se rend rapidement compte qu’un point de vu manichéen n’avancera pas le débat et ne permettra pas de lutter efficacement contre les mauvais côté du trolling. Les trolls s’ils ne sont pas écouté se plaindront de censure et gagneront la guerre idéologique qu’ils tentent de mener. Ils revendiquent de dire des choses politiquement incorrecte sous couvert de la liberté d’expression. Le problème est qu’ils nuisent eux même à cette liberté d’expression en provoquant de plus en plus de besoin de censure des responsables des médias sur internet. Il y a une certaine auto-censure provoqué par la polémique que certains sujets entraînent et des dangers qui l’accompagnent. Les journalistes qui utilisent internet ont donc peut être moins le cran d’aborder des sujets sensibles à cause de ces trolls.

Mais le troll n’est-il pas nécessaire à notre société ? Sans le savoir nous avons tous un troll en nous.  Nous avons tous essayer d’énerver les autres par jalousie et essayer de les piéger. Troller n’est peut être qu’une manière d’effrayer la concurrence. Mais la personne qui est trollée ressent toujours au fond de lui une petite gêne en se demandant s’il le troll n’avait pas raison. L’ignorer ne fait pas tout. Le troll  malgré tout ce que l’on peut dire sur lui, peut avoir un impact positif sur les choses. Il peut servir à lutter contre de mauvais comportement de personnalités public ayant par leurs ingénieux détournements plus de portée que n’importe quel internaute honnête.

3) Hacker vs Trolls

Comme le hacker dispute le code, le troll dispute le discours. C’est sa dissidence que craint le politique (le détenteur du pouvoir dans la cité, qu’il soit économique ou de gouvernement). Sa liberté et sa créativité mettent à mal le processus de normalisation des internets. En refusant la normalisation, le troll, insaisissable, dissimulé, anonyme, dispute les dispositifs, met à mal les argumentaires et expose l’espace public numérique tel qu’il est : un mythe.

Si le pouvoir politique s’oppose au troll, comme il s’oppose au hacker, c’est parce que ceux-ci font perdurer l’ancien système, l’internet des origines et contrevient « au projet néolibéral visant à produire un sujet flexible, auto motivé et performant », selon le sociologue Dominique Cardon. Le troll nous semble être un processus social qui favorise le débat, la réflexion, la création. Comme le pense Antonio Casilli, « Le trolling ne doit pas être considéré comme une aberration de la sociabilité sur Internet, mais comme l’une de ses facettes. » Et les politiques ne peuvent le congédier ou le réprimer sans brider l’une des sources principales de changement et d’innovation de la sociabilité en ligne : le fait d’être confronté à des contenus, postures ou réactions inhabituels.

4) L’anonymat est-il une qualité essentielle du Troll ?

L’anonymat est un moyen pour le troll de se protéger (comme il l’est pour nous tous). Cependant, il ne s’agit pas d’une de ses qualités essentielles en ce sens que le troll n’est que celui qui délivre le trolling. Ce qui compte c’est davantage la disruption que le disrupteur. L’anonymat ou le pseudonymat est alors juste une condition à la réitération de cette dernière.

Ajoutons que la levée de l’anonymat n’est pas non plus le critère primordial de la lutte contre les discours dangereux. En effet, même s’il favorise la désinhibition et l’incivilité de certains, il encourage dans le même temps la prise de risque et la créativité. De plus, selon Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’InternetActu : « Si les études montrent que les commentateurs anonymes sont plus susceptibles d’être à contre-courant ou de défendre des positions plus extrêmes que les commentateurs qui ne sont pas anonymes, ils sont beaucoup moins susceptibles de faire changer d’opinion ceux qui les lisent, car l’anonymat rend moins influent et moins crédible. »

V/ Conclusion

Il me semble primordial de se rappeler qu’à l’origine Internet est conçu comme un espace de liberté et de partage de la culture, puis de s’interroger sur la relative confiscation de cet espace par les pouvoirs, non plus de contrôle, mais de surveillance a priori. Il est évident que la fonction divertissante et purificatrice du troll n’est pas prête de disparaître. A chaque troll qui s’éteind, d’autres le remplacent. Ceux-ci sont toujours en constante évolution et perfectionnement

Les trolls ne sont pas tous à ranger dans le même panier, surtout pas. Les médias de masse sèment la confusion en utilisant le terme de troll pour qualifier sans discernement un cyber harceleur, un hater, un flamer, un flooder ou même seulement un personnage grossier. Les médias réduisent ces figures singulières et entretiennent une confusion avec celle du troll, appellatif plus séduisant et mobilisateur d’un imaginaire plus riche.

Le troll est l’objet de discours qui s’attachent davantage à le condamner qu’à le comprendre. La figure du troll que je cherche à réhabiliter est celle d’un innovateur de sociabilité, un agitateur qui produit un discours et un méta-discours qui contribuent à repenser l’espace public et la cité numérique.

SOURCES

  • Menaces sur nos libertés : Comment Internet nous espionne, comment résister de Julian Assange, Jacob Appelbaum, Andy Müller-Maguhn et Jéremie Zimmermann
  • Nulle part où se cacher de Glenn Greenwald
  • La Grande conversion numérique de Milad Douehi (Pour un humanisme numérique est également essentiel)
  • Y a-t-il (vraiment) des technologies de l’information ? d’Yves Jeanneret
  • Le Web 2.0 en perspective : Une analyse socio-économique de l’internet de Franck Rebillard
  • Les trolls du web / Absol Vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=dM4Umi1JMfM&t=1298s
  • Trolls Vs Haters / Absol Vidéos

https://www.youtube.com/watch?v=13BR-7VXFig

  • Troll / Bits – Arte

https://www.youtube.com/watch?v=fUa9-k3wCrk

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