LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Fitspiration, culte du corps healthy

Laura Birot

Obtenir le corps de ses rêves : maintenant possible en 12 semaines ! C’est la promesse de Top Body Challenge, un programme initié par Sonia Tlev. Star d’Instagram grâce à son mode de vie et son corps tout en muscles, la fitgirl française comptabilise à ce jour plus de 1,8 million d’abonnés sur son compte Instagram SoniaTlevFitness. Chaque jour, la star prend en photo sa vie quotidienne ponctuée de repas healthy1 et d’activités sportives.

Entre envie, admiration et haine, entre source de motivation et de complexe, la frontière ne semble pas si loin. Sonia Tlev n’est pas la seule et ils sont une multitude à remplir les hashtag #topbodychallenge, #fitspiration ou encore #healthy. Ils ont tous les mêmes points communs : non professionnels mais bien amateurs au départ, devenu star d’instagram à temps plein avant d’être sportif ou coach sportif, prônant un mode de vie réellement extrême remplie d’activités sportives, de fruits et de légumes. Au-delà du sport, la tendance semble rassembler des milliers de personnes sur les réseaux sociaux autour d’un mode de vie tendant à un corps mince et musclé, combinant activités sportives et alimentation saine.

Les réseaux sociaux ont bousculé depuis les années 2000/2010 les relations sociales. La perception de soi est exacerbé par une très grande exposition de soi-même sur la toile. On se retrouve alors dans une volonté de bonne image auprès des autres, ce sont les effets basiques de l’omniprésence des réseaux sociaux. Ils sont bien entendu en rapport direct avec l’expansion depuis les années 2010 d’un mode de vie healthy et sportif et du corps aminci, déjà prôné par les magazines papier. On parle même aujourd’hui de body fascim. L’ensemble des codes de la normalité de la société sont bien entendu relayés sur les réseaux sociaux, voire remis au goût selon les codes d’aujourd’hui.

However, another branch of social media, one  that focuses individuals’ attention on obtaining an ideal body type—sometimes through disordered  eating or excessive exercise—has gained momentum on the Internet (Vaterlaus, Patten, Roche, &  Young, 2014). Images, blogs, posts, and quotes on social media that inspire viewers to live a healthy  lifestyle by emphasizing exercise and healthy food is a relatively new phenomenon known as “fitspiration” (Boepple & Thompson, 2016; Menza, 2015; Tiggemann & Zaccardo, 2015)

Internet, la démocratie organisée par les internautes se base sur le collectif. Les réseaux sociaux sont le web 2.0, celui où l’échange et la rencontre sont prônés. Quelle place obtient le sport parmi ces plateformes ? Un lien semble prendre forme entre les deux : celui du collectif et de la communauté. Le sport semble être une pratique de passionné, où les personnes se retrouvent, se rassemblent, s’entraident et échangent. De même, les fitgirls s’adressent souvent à sa fitfam (contraction de fitness et family), une communauté semble adhérer à ce mode de vie.

L’arrivée de nouvelles technologies comme la géolocalisation et les bracelets connectés amènent également à une forme de gadgetisation du sport. On peut aujourd’hui se quantifier soi-même, cela a-t-il un impact sur les pratiques sportives ? Les données sont-elles motivantes, poussent-elles à aller au-delà de ses capacités ? Diverses applications sportives proposent de se quantifier et de se géolocaliser pour suivre ses effort, dont la plus connue est Runtastic, mais qu’apportent-elles réellement ? Sont-elles de nouvelles pratiques ? Comment se forment-elles et s’organisent ? Provoquent-elles une forme de compulsivité, de dépendance ?

Ces applications et nouvelles stars d’Instagram semblent tout d’abord toucher l’ensemble de la population. Culpabilité d’un corps imparfait, volonté de perdre du poids, de nombreuses personnes non sportives et peu initiées sont séduites par les fitgirls et leurs programmes de fitness pour leur facilité d’accès sur les réseaux sociaux et les messages se voulant rassembler : “Le sport pour tout le monde”, le credo de Top Body Challenge (ou Bikini Body Challenge par Kayla Itsines). Celui-ci ne nécessite pas d’acheter du matériel à part un tapis, deux petites altères et une corde à sauter. De même, les inspiratrices ont souvent des profils atypiques : non pas des professionnels mais de simples passionnés de sport qui se sont fait connaître sur Instagram. Pourquoi ces stars possèdent autant d’influences ? Quelles sont les nouvelles pratiques des passionnés de sport ?

Aujourd’hui, l’essayiste Paul Ariès parle de “sportivation” de la vie, qui consisterait à mettre le sport au centre de la vie, de l’activité physique comme une idéologie qui pousse à la compétition et au surpassement de soi-même.

Derrière ces préoccupations sportives et du rêve d’un corps aminci, nous retrouvons l’impératif imposé par la société d’une vie saine et remplie de bien-être. Les philosophe Carl Cederström et André Spicer nous dévoilent dans Le syndrôme du bien-être une réelle idéologie de la maîtrise de soi et du bien-être comme symbole de réussite au sein de la société. L’individu doit être performant, se sentir bien dans sa peau et correspondre aux idéaux de beauté imposés par la société. Si l’individu n’est pas capable de prendre de soin de lui et d’être heureux il est alors relayé au rang de paresseux et incapable de volonté suffisante pour atteindre les objectifs : “Désormais, être en forme, se sentir bien dans sa peau est synonyme de productivité”. Les philosophes parlent ainsi d’un “impératif moral”. Hubert Guillaud, dans son article “Du mythe de la maîtrise de soi, à celui du bien-être et de la réussite individuelle” reprend un extrait de la publication des philosophes : “le syndrôme du bien-être résulte pour une grande part de la croyance selon laquelle nous sommes des individus autonomes, forts et résolus, qui devons nous efforcer de nous perfectionner sans relâche. Or c’est précisément le fait d’entretenir cette croyance qui entraîne l’émergence de sentiments de culpabilité et d’angoisse”.

Le phénomène du fitspiration semble tenir de cette culture de la mesure, de la performance et de l’amélioration constante de la vie personnelle.

Selon une étude de l’Ipsos, la majorité des français déclare pratiquer du sport. Environ 30% d’entre eux font de la fitness ou de la gymnastique d’entretien. Ils sont également nombreux à utiliser Internet et les applications mobiles pour obtenir des conseils et du coaching pour se faire accompagner : 44% ont déjà fait des recherches sur Internet et 24% ont téléchargé des applications sur leur mobile.

De même, le lifelogging est un autre symptôme liée à ce mode de vie. Il consiste à enregistrer chacun des moments de sa vie sous forme de photos, de vidéos mais aussi de données quantifiées, semble devenir une normalisation. Entre fitspiration prônée par les médias sociaux d’images tel que Instagram, les objets connectés et le quantified self, la construction d’une communauté et d’une pratique collective (le sport n’est-il pas une pratique collective ?) et la normalisation du corps mince allant jusqu’à la dangerosité d’un discours extrême et au body fascism, que peut-on tirer de ces nouvelles pratiques digitales des passionnés et amateur de sport ?

1. Tendance #fitspiration sur Instagram

Fitspo, de l’expression fitspiration elle-même contraction des mots fitness et inspiration, est un hashtag qui regroupe aujourd’hui plus de 35 millions de publications sur Instagram. La tendance consiste à publier sur Instagram des photos d’individus ayant le corps dont nous rêvons. À travers ce phénomène, nous voyons clairement un impératif du corps parfait, mince, musclé et sain. Roisin Kiberd, journaliste chez The Guardian, dans un article sur le fitspo et le body fascism, nous donne l’exemple frappant de l’effet monstrueux sur la psychologie d’un individu. Jess Semmens, 22 ans, était une jeune américaine obèse. En l’espace de deux ans, elle a perdu 57kg, simplement en postant sur Instagram chacun de ses repas tout en demandant à ses followers de donner leur avis. La jeune femme a donc décidé d’aller jusqu’au bout et de suivre ses followers pour ne pas les décevoir : “If I didn’t stick to the diet I wasn’t just letting myself down, I’d be letting down all my followers too”. Dans cet exemple, on voit clairement l’impact des médias sociaux sur un régime alimentaire, considéré comme une expérience et un passage absolument personnel voir ennuyant. Les médias sociaux et les followers prennent-ils le pas sur une nutritionniste ? Cela semble être effectivement une tendance à la hausse. Plus besoin d’être acteur ou chanteur pour être célèbre, devenez superstar sur Instagram avec votre mode de vie sain, sportif en postant vos séances de sport et vos repas sans gluten et vegan. Mais comment expliquer ces affirmations qui semblent être complètement irréalistes ? Susie Orbach, psychothérapiste et auteure, décrit les médias sociaux comme un lieu où nous cherchons l’appréciation et l’approbation des autres par le geste du like et du nombre de followers. L’individu voit ainsi constamment son corps à travers le regard critique des autres, ce qui tend à vouloir une performance toujours supérieure. Orbach parle même de “tyrannie” de la santé. Les plus grandes star d’Instagram semblent même devenir leur propre marque en développant des techniques de personal branding : “What you look like, what you produce, what you say is awesome – all that becomes your identité, instead of actually connecting with people”.

Capture d’écran réalisée par mes soins

La tendance fitspo est donc largement relayé par des stars d’Instagram. A l’origine de simples sportifs ou même des personnes voulant perdre du poids deviennent des leaders d’opinion, rassemblant parfois des millions de followers. Sarah Koskievic, journaliste chez Vice France, a voulu tenter cette expérience : devenir une star de fitness sur Instagram. Dans son article “J’ai tenté de devenir une star de fitness sur Instagram” elle raconte son expérience et ses sentiments. Elle commence d’abord par donner ce sentiment que chaque personne semble ressentir à la vue des corps perfectionnés de ces fitgirls : beaucoup de culpabilité, de la jalousie voir même de la haine. Ces stars se voulant coach, saine de corps et d’esprits, semblent au final faire un effet inverse de culpabilisation des individus et des followers, devenant même parfois objet d’admiration. Deux grandes stars symboles du phénomène proposent d’ailleurs des programmes de coaching, se voulant accessible pour tout le monde. Kayla Itsines, créatrice du Bikini Body Challenge et Sonia Tlev et sa version française nommé le Top Body Challenge. Ces deux programmes font la promesse d’un corps aminci dès 12 semaines à raison de 3 exercices par semaine faciles d’accès et ne nécessitant pas de matériel spécifique. Par ce biais, les deux stars souhaitent toucher le grand public, celui de la femme culpabilisée par les magazines et aujourd’hui les médias sociaux comme nouveau vecteur de modèles d’un corps parfait et sain. Elles regroupent l’une plus de 6 millions d’abonnés et l’autre environ 700 000 followers. Leur technique basique semble d’ailleurs de montrer étape par étape les évolutions des adeptes du programme.

Capture d’écran issu du compte instagram de Sonia Tlev

Nous voyons encore là cette volonté de coacher par l’effort et de chercher l’approbation sur Internet, notamment avec le hashtag #tbc ou #topbodychallenge. Toute la mise en place de ces stars et hashtag prônent le healthy, le mode de vie sain, la nourriture allégée, sans gluten, vegan et respectueuse de l’environnement et du corps. Tout l’enjeu ici est d’être heureux, bien dans son corps et musclé. Mais en rentrant dans ce milieu, Sarah Koskievic remarque que cette démarche dans laquelle elle se retrouve, au milieu des publications, des centaines de hashtags et de followers, est censé être source de motivation mais elle a au contraire un effet complètement démotivateur et culpabilisant. Les filles se sentent coupables de ne pas s’entraîner parce que “une heure de sport ne correspond qu’à 4% de notre journée” et se voit arrêter son expérience car elle ne veut plus devenir une “infatigable moralisatrice tyrannique”.

Une étude sur l’impact des comparaisons entre les images de femmes provenant d’Instagram et les internautes nous éclaire sur l’effet négatif du réseau social. Sur les 150 étudiantes sondées par les trois chercheurs australiens Jasmine Fardouly, Rebecca T. Pinkus et Lenny R. Vartanian, la plupart font part de leur sentiment de jalousie, de mauvaise humeur et du sentiment d’être mal à l’aise lorsqu’elles sont exposées à des photos des plus grandes stars d’Instagram. Le réseau social semble d’autant plus redoutable que les femmes ne semblent pas déceler la mise en scène et la modification des photos pour montrer son meilleur profil contrairement aux photographies de magazines.

Selon la coach et auteure Lawrend Judd, le fitspo associe le sport non pas à un plaisir mais à une punition : “il vise trois aspects : le premier c’est de considérer l’exercice comme une forme de punition. Le deuxième, c’est de se concentrer sur un but externe, la perfection physique. Le troisième, c’est la culpabilité.”. Même si le fitspo semble avoir un effet sur le court terme, il ne prouve pas que sur le long terme il apporte réellement bonheur et bien-être dans sa peau. On pourrait même risquer une culpabilité croissante qui amènerait à l’absence de la confiance en soi. Une étude de 2015 a d’ailleurs observé qu’une exposition quotidienne aux publications de fitspiration sur Instagram ont un impact négatif croissant sur l’humour et l’appréciation de son propre corps. (Tiggemann, M., & Zaccardo, M. (2015). “Exercise to be fit, not skinny”: The effect of fitspiration imagery on women’s body image) De même, une autre étude de 2010 sur 500 adolescentes est édifiante : 70% des personnes interrogées considèrent les images des magazines comme les idéaux de beauté et 47% d’entre elles souhaitent perdre du poids à cause de ces images. (Hayes, S., & Tantleff-Dunn, S. (2010). Am I too fat to be a princess? Examining the effects of popular children’s media on young girls’ body image. British Journal of Developmental Psychology)

Instagram est définitivement un média social relevant de l’esthétique. Difficile d’y couper lorsque la photographie est le medium au centre des actions est la photographie. Nous voyons donc l’application d’un réseau social sur le secteur du fitness jusque dans les esprits des internautes. Margot, 22 ans et coach fitness, me confie qu’elle suit des fitgirls pour “des objectifs esthétiques” sans oublier de mentionner qu’elle s’en inspire pour ses propres cours. De même, Adeline, 24 ans, s’est mise à la natation et à la course depuis 2 ans à raison de 2 à 3 entraînement par semaine. Elle suit également quelques stars sur Instagram autour du yoga mais regrette l’absence d’icône instagram dans le secteur de la natation : “il n’y a personne en natation et encore moins en eau libre alors que c’est très instagramable« . Là encore nous pouvons noter l’expression “instagrammable” qui relève de l’intérêt d’un sport “instagrammable” c’est-à-dire esthétique et beau à mettre en scène. (Adeline et Margot sont deux personnes que j’ai interrogé pour les besoins de ce travail).

Un autre versant du fitspo et ses dérivés font également l’objet d’objectif : le mode de vie sain passe par l’alimentation. Comment maigrir ? En mangeant moins et sainement. Par les hashtags #cleaneating et #healthy, nous observons facilement cette tendance. Plus loin que le foodporn, la pratique est essentiellement autour de la présentation des produits qui ne sont plus des burgers comme le foodporn mais essentiellement des fruits et des légumes. La journaliste fait d’ailleurs une remarque intéressante : “J’ai compris que présenter mon assiette pouvait devenir un job à plein-temps”. Cela veut-il dire que cette tendance n’est pas de montrer réellement ce que l’on mange mais plutôt une mise en scène du régime alimentaire ? Assurément oui. Nous verrons d’ailleurs dans une quatrième partie l’effet de cette tendance sur les habitudes alimentaires et la dangerosité possible des effets.

Enfin, l’utilisation des codes de la “fitfamily” (dont nous explorerons la significations ultérieurement) semblent amener à une complètement adhérence aux concepts et une certaine dépendance aux pratiques. Parmi les nombreux hashtags et stars d’Instagram, nous relevons un discours marketé et fait pour plaire au grand public. Nous retiendrons par exemple le nouveau hashtag FitGirlCode qui va jusqu’à jouer avec les codes de l’alimentaire et faire disparaître la sensation de punition infligée par un objectif de fitspiration : “What make FitGirlCode different? If you want to have that glass of wine or eat a whole chocolate bar – go for it!”. FitGirlCode se dit être une communauté de femmes ayant pour objectif de perdre du poids et se sentir mieux dans sa peau en faisant du sport. Elle se fonde ici encore une fois sur le réseau social Instagram. On surfe clairement sur le phénomène du fitness à tout prix.

Le sport est-il une beauté à mettre en scène ? Le régime le plus sain est-il le plus liké sur Instagram ? Est-il si sain que ça de mettre en avant son corps pour attendre l’approbation de ses followers ? Des questions qui restent en suspens autour de l’utilisation d’Instagram dans le domaine du sport.

De la même manière, il est intéressant de réfléchir à l’utilisation croissante des applications tels que Runtastic qui touchent au domaine du sport mais également du quantified self et de la santé.

#tbc #topbodychallenge #fitspo #fitspiration #cleaneating #heatlhy #fitgirlcode

 2. Quantified self, se quantifier pour performer

Le gouvernement français a mis en place la nouvelle loi Travail le 1er janvier 2017. Parmi les nouvelles dispositions, nous y retrouvons le droit à la déconnexion pour les salariés en entreprise. Ce droit à la déconnexion possède un étrange écho à l’ère du numérique et de la prolifération des “digital détox”. L’être humain est ultra connecté et tend à l’être de plus en plus. Les applications de quantified self semblent être de véritables symboles de cette ère.

Mieux manger, faire du sport, surveiller son pouls, analyser son sommeil, maigrir ou encore arrêter de fumer, ce sont quelques objectifs que se donnent des milliers d’applications disponibles sur les stores iOS et Android. Ils incarnent les nouveaux coachs virtuels. Certaines applications vont même jusqu’à la surveillance et à la culpabilisation de l’utilisateur. Stickk et Pact sont deux applications qui vous proposent de vous payer de petites sommes dès que l’utilisateur tient ses engagements pour atteindre ses objectifs (faire du sport ou manger plus sainement). En revanche, si l’individu ne les tient pas, des pénalités sont facturés. Ces applications introduisent la monétisation comme un point de motivation pour mieux performer. Nous pouvons nous poser la question de l’aspect sain de ce principe. Mais au-delà de cette réflexion, les applications semblent prendre le rôle du nouveau coach sportif virtuel. Cela pose ainsi des problèmes de dangerosité de la santé où les applications pourraient jusqu’à remplacer purement et simplement le spécialiste de la santé et rendre plus difficile la relation entre patient et médecin. On note d’ailleurs une certaine confiance envers celles-ci. Selon un sondage de l’Opinion Way, 42% des Français considèrent qu’une application sur smartphone qui analyse les progrès des utilisateurs pourrait les aider à mieux gérer leur santé. Ainsi, une étude de l’Ipsos, démontre que 34% a déjà fait du sport à la maison en suivant des exercices sur vidéo, sur leur mobile ou à la télévision. 14% ont même eu recours à des cours de sports. On note ainsi l’importance grandissante du suivi sur Internet pour motiver le sport, notamment à domicile où il est plus difficile de se motiver qu’en salle de gym (absence d’un coach ou d’autres sportifs).

Adrien, 25 ans, utilise Runtastic à chaque fois qu’il va courir, de deux à trois fois par semaine. Il raconte son expérience : “Sur le long terme l’application me permet de suivre l’évolution de mes performances, de garder l’historique de mon entraînement. Et sur l’instant ça me permet de connaître la distance que j’ai faite et qu’il me reste, mon rythme, et donc de mieux contrôler ma vitesse en fonction de mon objectif. […] C’est un outil presque essentiel quand on n’a pas d’entraîneur.” Le vocabulaire est parlant : long-terme, évolution, performance, contrôler, objectif. S’il appartient à celui du sport, c’est également à celui de la volonté d’une progression permanente et illimité qui se trouve en exergue avec l’utilisation de l’application Runtastic. Margot utilisait également des applications comme Runtastic, 7seven, SmilesRun et Nike+ : “Je les utilisais pour me motiver à faire mes exercices chez moi ou dehors avec tous ce qui est activités de running . Parce que j’aime bien avoir des objectifs précis et qu’ils soit écrit clairement devant mes yeux”. On retrouve le même champ lexical et on remarque également l’utilisation de ces applications plus poussées avec la mise en relation avec un bracelet connecté. De même, Adeline enregistre ses performances sportives via son bracelet sur l’application Nike+. L’étude de l’Ipsos sur les pratiques sportives des français montre qu’un sportif sur cinq (19%) et 28% des 25-34 ans utilise des objets connectés pour les accompagner dans leur pratique sportive. (Entretiens réalisés par mes soins)

Nous pourrions également nous poser la question de l’influence de ces applications dans la vie quotidienne. Beaucoup d’applications vont jusqu’à nous rappeler quoi faire : s’hydrater, ne pas trop manger… Par exemple, Lumo est un dispositif qui vérifie si l’individu se tient correctement, si la posture est mauvaise, le dispositif vibre pour vous le rappeler. Va-t-on vers une infantilisation de soi ?

Mais au-delà de l’aspect sanitaire, ces applications relèvent de la quantification de ses propres données dans le but de s’améliorer. Améliorer quoi ? Sa santé ? Sa performance vitale ? Son mode de vie ? Selon Paul Ariès, nous portons le sport en idéal de vie où la performance doit être au rendez-vous. Cette société serait en somme un parfait miroir de l’idéologie capitaliste et hiérarchisée où les meilleurs gagnent. De même, nous voulons poussons les limites de notre corps comme un besoin d’améliorer la qualité de vie et de notre propre corps. Les données nous obligent à faire face à la réalité et nous poussent inconsciemment à vouloir dépasser ces données, les améliorer constamment. Le philosophe Paul Ariès va même jusqu’à parler de désir de transhumanisme, le dépassement du corps humain vers sa robotisation pour une progression illimitée. Ces questions nous ramènent bien à cette idée de dépassement de soi, de la dangerosité du pas que prennent les applications sur nos vies et du droit et du besoin toujours plus croissant à la déconnexion. L’écosystème aujourd’hui représenté par le smartphone seraient aujourd’hui sources de stress et d’anxiété, allant jusqu’à développer des “maladies de la connectivité”. L’aspect social des applications qui poussent à partager ses résultats auprès de ses amis inscrit également dans la pratique une sorte de compétition entre les uns et les autres. Le but final n’est plus désormais la simple envie de s’examiner, mais celui de se comparer à un groupe pour y trouver sa place. Ce changement ne vient pas seulement d’un besoin de l’utilisateur mais est directement mis en place par les développeurs des applications qui semblent toutes fonctionner sous le même principe. En premier lieu l’utilisateur se fixe un objectif, puis il s’améliore jusqu’à l’atteindre, et enfin il partage ses résultats sur les réseaux sociaux. Pour améliorer ce sentiment d’appartenance à un réseau et cette compétition entre les membres, les applications ont eu recours à une véritable gamification. L’utilisateur va y gagner des badges selon ses objectifs réussis, passer des niveaux, débloquer certaines fonctionnalités en améliorant son score…

Cette gamification permet à l’utilisateur de confronter ses propres résultats avec ceux de ses amis, et permet d’enclencher une dynamique sociale qui consiste à se satisfaire non plus par rapport à un objectif fixé par soi, mais par une norme prise sur un groupe donné. Le but n’est alors plus de se dépasser soi même mais de dépasser les résultats de son réseau, la barre étant mise plus ou moins haute selon le microcosme choisi et la taille du réseau.

Dans une société qui demande toujours plus à ses membres, et qui les pousse à se mesurer aux autres en permanence, il n’est pas étonnant que ces applications en arrivent à ce type d’utilisation. Le but de l’utilisateur n’est plus d’obtenir des meilleurs résultats pour s’améliorer lui même mais pour montrer qu’il ou elle est meilleur(e) que les autres dans ce domaine précis. C’est cette capacité ou non à dépasser son prochain dans une activité physique qui va déterminer sa construction de soi et qui va l’aider à se constituer une identité au sein de son réseau.

Les applications changent donc le comportement de l’utilisateur pour le faire passer d’une logique d’amélioration de soi à une dynamique sociale compétitive. Ce dernier se constitue alors une nouvelle identité virtuelle qu’il va afficher sur les réseaux sociaux, différente de son identité agissante. Si il change de comportement ainsi, c’est aussi la conséquence du web 2.0 qui l’oblige à faire passer son acceptation sociale par la création de cette identité virtuelle. Amélioration de soi et création de cette identité vont alors de paire et se nourrissent l’une de l’autre. Le fitspiration, en lien direct avec l’utilisation de ces applications et d’une insertion dans une communauté définie, est également une “fit family” sur le réseau social Instagram.

 

3. Fitfam et réseaux sociaux, une communauté de sportifs

42% des sportifs pensent appartenir ou avoir appartenu à une communauté grâce à la pratique de leur activité. L’aspect collectif prend un aspect important dans la démarche des passionnés de sport. L’Ipsos révèle d’ailleurs que pour 60% des sportifs français, leur pratique sportive est également l’occasion de faire une sortie entre amis. La tendance est d’autant plus importante chez les jeunes de 15 à 24 ans où 71% le déclare. Ainsi, 55% d’entre eux se sont également fait des amis par ce biais. C’est le cas de Adeline (interviewée par mes soins), qui raconte comment elle s’est motivée : “Quand je me suis retrouvée au chômage, j’ai repris contact avec une amie Christine, qui m’a motivé à me bouger. J’avais pris du poids et besoin de le perdre pour rentrer à nouveau dans mes vêtements ! Du jour au lendemain, comme j’avais le temps et l’amie pour me motiver, j’ai fais 4 à 5 entraînements de natation par semaine avec la L3 créée par Christine avec des personnes qui sont devenus des amis très proches aujourd’hui. A ce moment-là, j’ai aussi pris de nouvelles habitudes alimentaires, tout en me faisant plaisir. J’ai également commencé les compétitions en eau libre. J’ai fait un peu de fitness mais ça n’a tenu dans la durée. Un an après ce changement, j’ai également commencé la course à pied et mon ami Guillaume m’as poussé à faire des courses avec lui.” Les événements sportifs sont également des moments de rencontre et d’échange : “Je participe à des défis en eau libre, des traversées en mer et des courses sur route, nature ou trail. Je le fais pour le plaisir de partager, de se dépasser soi, de rencontrer du monde avec les mêmes passions, et d’apprendre des autres !”.

“Je me projette donc je suis”, sur les réseaux sociaux, nombre d’articles et de recherche font l’état de l’apparence et de l’affirmation de soi et de son identité sur Internet. Le corps est l’outil principal pour montrer son identité et son apparence. Il est la “charpente de son identité permettant de se projeter vers l’intérieur de soi”. Il est donc un véritable “vecteur esthétique”. À travers une panoplie toujours plus importante d’outils comme les réseaux sociaux se basant sur l’esthétique (Vine, Snapchat, Instagram) et la prolifération des objets connectés, la réappropriation du soi en ligne est très proche du réel. “L’enjeu n’est pas tant de contrôler ce que je ressens ou de mesurer ce que je suis, comme le propose le Quantified Self, que de contrôler ce que je montre de moi et d’en jouer, en ligne bien sûr, mais aussi dans le réel”. On désigne ainsi le design de la visibilité et notamment du clair-obscur théorisé par le sociologue Dominique Cardon où l’identité devient la surface de contact avec les autres, où la vie sociale est un théâtre dans lequel nous produisons une performance.

Ainsi, l’identité sociale est dépendant d’une communauté. Hubert Guillaud, dans son article “Bodyware : apparences hybrides” cite d’ailleurs le sociologue David Le Breton : “toutes les manifestations corporelles d’un acteur sont virtuellement signifiantes aux yeux des autres.” Même si les codes sociaux de comportement sont présents depuis bien longtemps avant l’apparition du web et des réseaux sociaux, ils s’en trouvent d’autant plus visibles et influents.

La dimension collective du sport se retrouve transposée sur les réseaux sociaux. 15% des répondants à l’étude de l’Ipsos affirme avoir déjà posté une photo ou une vidéo d’eux ou de leurs amis faisant du sport. 13% ont déjà commenté et partagé leurs résultats sportifs sur Internet et 10% ont rejoint des groupes consacrés au sport sur les réseaux sociaux.

En cela, l’exemple de la fitfamily semble tout à fait représentante de ces normes. Comme une réelle communauté de passionnés, la fitfam est composés de sportifs en fitness qui partagent leur performance et leur mode de vie healthy sur Instagram.

Le but de ce hashtag permet à tous les membres de la fitfamily de retrouver les posts des autres et de s’encourager les uns entre les autres. Healthy.josie raconte son entrée dans la fitfamily :

“Plus je m’intéressais à cette communauté, plus je comprenais que ces filles (oui, je suis majoritairement des filles, je ne sais même pas pourquoi) prennent énormément de plaisir (et de temps) à partager ce qu’elles mangent, leurs trainings, leurs progrès… car c’est une manière de motiver les personnes qui les suivent, mais aussi d’avoir une trace, comme un journal intime, de leur parcours.

Cette famille m’a permis de trouver des personnes ayant des complexes proches des miens, essayant d’avoir une alimentation plus saine ou se mettant plus ou moins péniblement au sport. En gros, j’ai trouvé des gens qui comme moi cherchaient à améliorer la relation qu’ils entretiennent avec leur corps.

C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je ne voulais plus être seule, que j’avais besoin d’être entourée de personnes qui savent ce que j’ai vécu en tant que gosse grosse, qui se créent aussi des limites à cause de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes mais aussi qui comprennent pourquoi ça peut me paraître insurmontable de « changer de vie ».

J’ai donc décidé de me créer un profil qui serait mon identité dans la #FitFamily afin de pouvoir partager tout ce que j’avais (j’ai…) honte de partager sur un compte que mes amis ou ma famille peut voir : mes repas, mes trainings, mes coups de mou…”.

 

La fitfamily prend le rôle de réel coach comme soutien physique et moral, mais de manière collective. Cependant, un autre témoignage provenant de la journaliste Sarah Koskievic, sur Vice, prouve qu’elle ressent le contraire au contact de la fitfamily. Elle parle de culpabilité et de pression sur les filles qui souhaitent adopter ce mode de vie mais ne semble pas assez à la hauteur si elles ne vont pas courir chaque jour ou ne mange pas un plat 100% healthy vegan et diet. “Au risque de décevoir ma « fitfam », cette expérience sur Instagram m’a foutu le moral dans les pompes d’un bout à l’autre des trois semaines d’entraînements forcés. Je n’ai jamais ressenti la moindre motivation à proprement parler. Et, les soirs où j’avais la flemme de cuisiner et/ou de faire du sport, je culpabilisais instantanément de ma nullité.”

4. Normalisation du corps aminci et body fascism

Les pratiques fitness et sportives liés aux pratiques digitales semble tendre à normaliser le fait de faire du sport, d’être musclé voir très mince. L’hégémonie de l’apparence semble prendre le dessus, Hubert Guillaud cite d’ailleurs la philosophe Isabelle Quéval : “dans un paysage corporel où dominent des valeurs comme la minceur, la tonicité, la jeunesse des traits, la bonne santé, l’apparence n’est plus un leurre, élaboré pour masquer le vrai corps, mais le résultat d’un travail sur soi qui combine sport, diététique, médecine et technologies”. Selon une étude sur les pratiques sportives des français en 2015, près de 30% de la population pratique de la musculation, de la fitness ou de la gymnastique d’entretien. C’est une pratique en majorité développée par les femmes. Sa motivation principale restant la remise en forme et la perte de poids. Alors somme-nous sur “une planète obèse qui sacralise la minceur” comme le formule le sociologue Gilles Lipovetsky ? Avec les éléments cités ci-dessus, il semblerait que oui. Hubert Guillaud va jusqu’à dire que le fait d’adopter un mode de vie sain et sportif est vécu comme une liberté alors qu’il semble être un “impératif catégorique” : “Le corps n’est plus vécu comme un destin, une fatalité, mais à l’opposé comme un horizon et un projet”. Sculpter son corps est un objectif. Pour cause, l’auteur de l’article “Bodyware : apparences hybrides” explique que le numérique est “omniprésent dans cette fabrique de l’apparence”, ce qui pousse les individus à entretenir leur corps dans un objectif de minceur et de perte de poids. À travers le coach sportif, les objets connectés, les réseaux sociaux comme Instagram, les applications de mesures, l’individu, dans cet écosystème numérique, se retrouve dans un dynamique de motivation, pression et influence qui tend vers la normalisation du corps aminci et musclé, influencé par un canon esthétique largement relayé sur ces réseaux. Une étude sur les comportements alimentaires liés aux médias sociaux et à la fitspiration semble aller plus loin : selon les chercheurs Tiggemann et Zaccardo ( “Exercise to be fit, not skinny”: The effect of fitspiration imagery on women’s body image), la nature des médias sociaux sur lesquels tous les utilisateurs peuvent participer à la fitspiration peut promouvoir des images et des modes de vie très malsains et un corps mince à l’extrême, ce qui influence profondément la femme sur l’idéal qu’elle se fait du corps féminin. L’exposition à ces corps, pourrait avoir un impact extrêmement négatif allant du complexe et de la baisse d’estime de soi à la honte et à la culpabilité.

Plusieurs initiatives sur la toile veulent contrer cette culture de la minceur. “Mon corps m’appartient” est un tumblr qui veut montrer la diversité des corps et contrer le fait qu’il n’y a pas de normalité. Par ce biais, ce blog tend à décomplexer les français et en particulier les femmes. De même, Ashlie Molstad, aussi connue sous le nom de @FoodieGirlFitness est une star d’Instagram qui compte à ce jour plus de 34 000 followers, a décidé de poster des photos d’elle sans cacher ses imperfections, en légende “Same girl. Different angles”. Par ce biais, elle dénonce l’attitude de la plupart des stars d’Instagram à prendre des positions pour faire croire que leur corps est parfait et sans bourrelet. Cette publication a fait le buzz, elle a récolté 139 000 likes, 102 000 partages et 12 000 commentaires sur Facebook. Cela permet de comprendre la réalité de ces stars du fitspiration et de son enjeu.

Même si la fitspiration se veut complètement à l’opposé des sites pro-anorexie, en prônant un mode de vie sain et un corps musclé et en forme, une récente analyse sur les sites thinspiration et les fitspiration révèle que ces sites font l’apologie des corps très mince, parle de poids et diffusent des messages culpabilisants parlant de restriction et de régime, stigmatisant le poids et les formes. (Boeeple & Thompson (2016) “A content analytic comparison of fitspiration and thinspiration websites”). Malgré les apparences, cette culture semble donc sujet aux dérives et à la dangerosité d’une restriction alimentaire et d’effort sportive trop poussés. Un autre exemple impressionnant est celui des “fitmom”, ces fitgirls enceintes qui s’affichent sur Instagram à 9 mois de grossesse mais un ventre à peine visible. Derrière le hastag fitmom, nous voyons bien la culpabilisation très poussée des femmes durant et après leur grossesse à “garder la ligne”, chose très préoccupante pour la santé et de la maman et de l’enfant.

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Si le phénomène du fitspiration semble tendre à la normalisation d’un mode de vie sain, une étude plus approfondie semble nous montrer l’inverse. L’influence des stars d’Instagram prônant le mode de vie sportif, sain et équilibré, est-il réellement bon pour la santé et le moral ? Aujourd’hui, il existe une préoccupation constante dans nos sociétés : celle de l’apparence auprès d’autrui. Il semble donc normal que chacun ait envie de performer dans son propre corps. Cela est exacerbé par les réseaux sociaux et la publication des corps “parfaits” et impossible à obtenir car retouchées ou améliorées. Ces publications sont d’autant plus influentes sur le moral des femmes car les réseaux sociaux semblent plus naturels que les photographies des magazines. Or, les réseaux sociaux semblent être un reflet de notre mise en scène et non de la réalité. De même l’utilisation des applications de quantified self nous poussent dans une quantification permanente de ses propres données et résultats, nous poussant à l’anxiété et à la connexion permanente. Ils semblent remplacer les coach sportifs. Ils sont le symbole de la facilité de se mettre au sport par soi-même, à domicile, en se coachant par les données. La motivation venant de la progression et de la performance. De même, la dimension collective est importante pour les sportifs. Pratiquer son sport c’est également sortir entre amis et rencontrer d’autres personnes. Cette communauté peut être vecteur de motivation et d’encouragement. Mais dans le cadre des pratiques digitales, une communauté numérique, symbolisé par la fitfamily semble tout à fait dangereuse. Si la communauté derrière ce hashtag affirme mettre en avant un mode de vie équilibré, il en est tout autrement lorsque l’on y regarde de près : des photos de corps parfaits et très aminci ainsi que des messages amplement culpabilisants (cf les photos ci-dessous, détournées par Buzzfeed pour contrer ces messages malsains).

Si ce travail semble avoir un constat alarmant sur les pratiques digitales des sportifs, il convient de relativiser. L’exemple de la fitfamily est un extrême et il existe de nombreuses manières de trouver un équilibre. Ainsi, Adeline, dans son entretien, me confiait qu’elle faisait d’abord du sport pour maigrir puis ses objectifs ont changé et elle souhaite simplement être bien dans sa peau et affirme aimer le sport et retrouver ses amis sportifs. Elle précise d’ailleurs que la compétition et la recherche d’un idéal de beauté n’est pas dans ses objectifs.

Sources :

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