LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Instagram : présentation de soi à travers les voyages

GHAFFARZADEH Ophélie, HITO Audrey

 

Introduction

A l’origine, et comme c’est le cas pour de nombreuses innovations, l’ordinateur n’a pas été créé comme un outil pouvant servir à la communication. Il s’agissait avant tout d’une machine capable de nous aider à compter, à réaliser des calculs et à résoudre des problèmes introduits sous forme d’algorithmes. Ce principe est énoncé par Alan Turing en 1936. Cependant, l’informatique réelle n’apparaît qu’en 1946 avec l’ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer), le premier ordinateur entièrement électronique permettant de résoudre des calculs. Les ordinateurs, à cause de leur taille imposante, étaient uniquement utilisés par l’armée. C’est en 1953, grâce à la création de transistors plus petits faits à base de sable que les ordinateurs s’exportent en dehors de l’armée américaine. Finalement, IBM obtiendra le monopole de l’ordinateur dans les années 1960 car ce sont les seuls capables de gérer des milliers de transistors sur une même boite nécessaire au fonctionnement des ordinateurs. Quelques années plus tard, arrive le micro-ordinateur Apple II. S’il est au départ méprisé par IBM, il se révélera être en fait un concurrent de taille. Ceci amènera IBM à créer le PC pour répondre à la demande de micro-ordinateur.

Entre temps, l’armée américaine met au point un programme de recherche (ARPANET) capable de relier à distance plusieurs ordinateurs ensemble. La première liaison internet est faite en 1971. Dix ans plus tard, l’armée cesse de financer ARPANET car le programme de recherches a pris fin. ARPANET se retrouve finalement dans les universités grâce à la Network Science Foundation qui démocratise l’usage d’internet dans les universités.

L’internet va ensuite s’internationaliser à partir de 1990 pour finalement arriver en France en 1995. La NSF va arrêter de financer l’internet sous les pressions du grand public qui désire aussi avoir accès à l’internet.

Le web est un protocole de l’internet créé en 1989 par Tim Berner’s Lee, celui-ci apparaît alors presque vingt ans après l’arrivée de l’internet et n’en est donc qu’une partie. Si au début l’internet n’a été utilisé que par l’armée et les universités américaines, il devient accessible au grand public en 1992 grâce à l’entreprise Netscape, pionnière dans l’univers du web. Celle-ci lance le navigateur Netscape Navigator en 1994. Le grand public peut donc désormais accéder au web et, entre autre, aux mails et aux moteurs de recherche. Au départ, le web se compose de pages reliées entre elles par des liens hypertextes, il est alors seulement possible de les consulter sans pouvoir en nourrir le contenu. L’explosion de la bulle internet en 2001 est un bouleversement et un tournant majeur dans l’utilisation de l’internet.

C’est donc une vraie révolution lorsque se développe en 2004 ce qui est appelé le web 2.0. Il s’agit d’une nouvelle manière de parcourir et d’utiliser le web, mais c’est surtout une nouvelle façon de participer à son expansion. En effet, avec le web 2.0, les internautes deviennent autant des producteurs que des consommateurs de contenus sur le web. Le web devient participatif et collaboratif, il ne fait plus qu’aller vers les internautes mais ceux-ci peuvent désormais y contribuer. Tim O’Reilly, dans son article « What is web 2.0 ? » définit un modèle comprenant sept principes pouvant s’appliquer aux sites faisant parti du web 2.0. Il s’agit en premier lieu du web comme plateforme, c’est-à-dire qu’il voit le web comme un centre de gravité qui n’a pas de frontière fixe. Ensuite, le web 2.0 tire parti de l’intelligence collective, des sites mettent en avant la collaboration entre les internautes afin de partager et de faire croître la connaissance, les exemples de Wikipédia ou des blogs peuvent illustrer ce point. La puissance du web 2.0 se trouve aussi dans la taille des bases de données disponibles pour un site (pages Google consultées, base de produits chez Amazon). Avec le web 2.0, les logiciels sont davantage vus comme des services et non plus comme des produits, ce qui induit que les « traitement deviennent le cœur de métier […] (et) les utilisateurs doivent être traités comme des co-développeurs ». Les modèles de programmation doivent être légers car les systèmes tels que AJAX ou RSS se doivent d’être facilement « bidouillable » et « remaniable ». Ensuite, certaines application se détachent du PC, l’exemple le plus flagrant est iTunes mais on trouve aussi TiVo pour qui « La gestion de données est très clairement le cœur de leur offre. Ce sont des services, pas des applications packagées ». Le dernier principe énoncé par O’Reilly est l’enrichissement et la souplesse des interfaces utilisateurs.

On peut donc dire que le web 2.0 est l’ère des blogs et de la naissance des réseaux sociaux. Les internautes sont alors de plus en plus tentés de se dévoiler sur le web par la création de pages personnelles, de blogs ou par la participation à des discussions sur des forums. Ceux-ci se construisent donc une image d’eux-mêmes sous les traits qu’ils veulent dévoiler aux personnes avec qui ils sont connectés. Cette image peut être différente de celle qu’ils montrent en réalité, on parle alors de construction identitaire particulière au web 2.0 car on montre des choses qu’on ne montrerai pas dans la vie ordinaire.

Aujourd’hui, cette tendance ne fait que s’accentuer vers un partage de données et d’informations toujours plus important. Les relations sociales se passent désormais de plus en plus par l’intermédiaire des réseaux sociaux, des applications de messagerie instantanée ou par le partage de photographies personnelles sur Instagram. C’est donc selon cet aspect de dévoilement de soi et de partage d’expériences, que nous nous demanderons comment les individus mettent en scène leur vie sur les réseaux sociaux, Instagram plus particulièrement, par le biais de photos de vacances ?

Afin de répondre à cette question nous avons choisi de procéder à une méthode privilégiant la recherche documentaire et la réalisation d’entretiens. Nous avons effectué ces entretiens auprès de quatre personnes répondant aux critères suivants : la possession d’un compte Instagram, la consultation régulière de l’application ainsi que le partage de photos de voyage.

Premièrement, nous allons voir plusieurs aspects du web 2.0 qui sont, le web social comme regroupement de plateformes d’une part, et les médias sociaux comme producteurs d’interactions entre internautes d’autre part. Ensuite, nous nous centrerons sur l’étude du réseau social Instagram à travers son historique, son contenu et ses caractéristiques. Puis, nous nous intéresserons aux effets d’Instagram sur le comportement de ses utilisateurs à travers des enjeux de visibilité et de réputation.

           I. Web 2.0

Comme nous l’avons dit précédemment, le web 2.0 est une innovation révolutionnaire qui a permis de simplifier les contributions sur internet et de les rendre plus interactives. En effet, le web 2.0 rend internet accessible et ouvert à tous, aux initiés comme aux non-initiés. L’émergence du web 2.0 a également entraîné l’apparition des réseaux sociaux, qui sont des sites internet permettant aux internautes de créer une page personnelle dans le but de partager des informations, des photographies avec leurs amis, des blogs et des forums, qui permettent aux internautes de produire et de partager du contenu. Le web 2.0 est donc un web social qui permet à chacun de s’exprimer et d’échanger.

              A. Web social

Le web social est composé d’un regroupement de plateformes, d’applications et de services qui permettent aux internautes de converser, de partager et d’interagir entre eux.

Pour Florence Millerand, Serge Proulx et Julien Rueff, dans leur livre « Web social, Mutation de la communication »,  le web social est « un agencement d’applications librement accessibles, permettant de produire et de modifier une multiplicité de données, très diversifiées » (Millerand, Proulx, Rueff, 2010). Selon eux, le web social a cinq caractéristiques. Les auteurs soulignent dans un premier temps la capacité des utilisateurs à créer, modifier, remixer et partager des contenus sur des plateformes. Ensuite, ils évoquent l’accessibilité et la facilité d’utilisation de ces plateformes qui permettent à tout le monde de les utiliser sans forcément avoir de compétences techniques. La troisième caractéristique du web social est qu’il se caractérise par l’instauration de modalités de collaboration entre les usagers. Ici nous pouvons prendre l’exemple de Wikipédia puisque c’est une plateforme qui peut être modifiée par tous. La quatrième caractéristique concerne le modèle économique de ces plateformes qui met en avant l’agrégation de contributions individuelles postées par les utilisateurs. Ces contributions sont gratuites. Pour finir, le web social est définit par une pluralité des pratiques et usages. Par exemple, dans le web social il y a les blogs, les réseaux sociaux, les forums etc.

Le web social se divise en plusieurs catégories. L’une d’entre elles est les médias sociaux.

              B. Médias sociaux

Les médias sociaux sont donc une catégorie du web social. Ils reposent sur des principes participatifs qui permettent aux internautes d’intervenir dans le processus de création et de diffusion de contenu. Les internautes sont donc au centre du dispositif grâce au web 2.0. Ils deviennent les agrégateurs de contenu c’est-à-dire que les usagers sont comparables à des logiciels ou des modules web qui permettent de regrouper et stocker, de diffuser et lire des flux d’information. Les médias sociaux sont donc dits « sociaux » parce qu’ils permettent au plus grand nombre d’être producteur-utilisateur de contenus médiatiques.

Fred Cavazza, un bloggeur reconnu dans le domaine des médias sociaux, dit que « Les médias sociaux désignent l’ensemble des services permettant de développer des conversations et des interactions sociales sur internet ou en situation de mobilité ». Selon lui, ils ont trois grands intérêts. Tout d’abord, ils permettent d’instaurer un dialogue avec sa communauté, d’instaurer une relation concrète. Ensuite, ils permettent de développer des interactions sociales, grâce à des « likes », des « retweet », des « partages » etc., qui relèvent un engagement de la part d’une communauté et qui entraînent de la viralité. Enfin, ils permettent de communiquer avec sa communauté à tout moment, en particulier grâce aux Smartphones.

Fred Cavazza trie les médias sociaux en fonction de leur utilisation. Il créé donc six catégories, ce qui signifie qu’il y a six utilisations différentes : la publication, le partage, la messagerie, la discussion, la collaboration et le réseau. Pour illustrer ces catégories, il créé le diagramme suivant, qui inclut tous les médias sociaux de 2017. Au centre de ce diagramme se trouve les médias sociaux les plus importants.

Ce qui caractérise principalement les médias sociaux sont leur aspect relationnel qui met au premier plan la présentation et la mise en relation des personnes. Ils regroupent donc une grande variété de dispositifs tels que les blogs qui permettent de publier des articles en ligne, les wikis qui sont des applications web permettant de créer et de modifier des pages de manière collaborative directement depuis un navigateur (Wikipédia par exemple), les sites de partage de contenus médiatiques (musiques, films, photographies) ainsi que les réseaux socionumériques. Ces réseaux permettent aux usagers de communiquer, d’interagir en ligne de manière interactive, autrement dit de maintenir une présence. Les réseaux socionumériques s’appuient sur les informations que donnent les utilisateurs d’eux-mêmes pour construire leur profil et sur les liens, entretenus par des interactions, qu’ils créent par le biais de la plateforme.

Pour conclure, les médias sociaux « abritent effectivement des activités guidées par un intérêt particulier : regroupement autour de passions, de pratiques, usage professionnel (veille, réseautage, recherche d’opportunités professionnelles), création ou partage de contenu (connaissances, vidéos, photos, liens), rencontre amoureuse. » (Stenger, Coutant, 2011)

Instagram est un média social, qui selon Fred Cavazza a pour utilisation principale le partage. Mais quel est exactement ce média social ? En quoi consiste-t-il ? Comment se présente-t-il ?

          II. Une application de partage de photographies : Instagram

En tant que média social, Instagram est essentiellement centré sur le partage de photographies entre utilisateurs. Nous allons voir plus en détails la naissance de cette application, son principe de fonctionnement, ce qui la distingue des autres réseaux sociaux ainsi que ses buts et finalités. Nous nous attarderons plus précisément sur un type de contenu, les photographies de voyage, contenu pour lequel nous avons recueilli des données empiriques issues d’entretiens.

            A. Présentation de l’application

L’application Instagram, qui a pour concept le partage de photographies entre les utilisateurs, naît en 2010. A l’origine, le projet d’application de photographies s’appelait « Burbn » et a été créé suite à une levée de fonds menée par Kevin Systrom et Mike Krieger. Rapidement, le succès est au rendez-vous, l’application atteint le million d’utilisateurs au mois de décembre 2010, soit deux mois après son lancement sur l’App Store. Deux ans plus tard, Instagram est disponible sur les appareils Android ce qui fait croître son nombre d’utilisateurs d’un million supplémentaire. L’application est ensuite achetée par Facebook en 2012 pour la somme d’un million de dollars. De nouvelles fonctionnalités se développent et lui font gagner en popularité, à tel point qu’Instagram atteindra les 800 millions d’utilisateurs aujourd’hui.

Comme dit précédemment, Instagram est une application de partage de photographies, mais celle-ci propose également la possibilité de retoucher les photos, nous verrons que cette pratique est très répandue parmi nos enquêtés. Poster une photographie sur Instagram se fait en plusieurs étapes, tout d’abord l’application propose de prendre une photo avec son Smartphone ou bien d’en sélectionner une existante dans la « galerie photos » du téléphone, ce qui nécessite de la recadrer pour la faire entrer dans les normes de l’application. Ensuite, l’application propose donc d’ajouter un filtre à choisir parmi la quarantaine proposée par l’application, comme dit plus haut nous verrons que cette fonctionnalité est très populaire et permet d’ajouter une touche personnelle au cliché posté. Enfin, la photo peut être partagée sur Instagram mais il est également possible d’indiquer sur les autres sociaux, comme Facebook ou Twitter, que l’on vient de poster une photo sur Instagram. Ceci permet aux personnes qui postent des photographies de partager celles-ci avec un plus grand nombre de leurs connaissances.

En plus du partage « classique » de photographies, c’est-à-dire le fait de poster un cliché travaillé qui reste visible sur la page personnelle d’un utilisateur, Instagram propose depuis l’été 2016 la possibilité de poster des « stories ». Ce concept ressemblant à celui de l’application pour smartphone Snapchat, offre la possibilité aux utilisateurs de poster de courtes vidéos ou des photographies de l’instant présent. Ces « stories » ont un caractère éphémère, c’est-à-dire qu’elles ne restent visibles que durant 24h, dépassé ce laps de temps les photographies et les vidéos postées disparaissent. Le but n’est plus tant de partager un beau cliché mais plutôt de partager un instant de vie capturé sur le moment. Cette fonctionnalité fait apparaître une nouvelle dimension dans le partage de photographies qui se fait désormais de manière instantanée et éphémère et qui permet aux utilisateurs de faire entrer un peu plus leur communauté au sein de leur intimité mais aussi comme nous le verrons plus tard d’augmenter leur visibilité et de se construire une identité sur le web. En dévoilant toujours plus sa vie, les individus partent en quête de toujours plus de reconnaissance vis-à-vis d’autrui.

Comme pour les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter, les utilisateurs possèdent une page personnelle sur laquelle apparaît les photographies postées. Le « mur » Instagram est également composé d’une photo de profil et d’une description que l’utilisateur fait de lui-même et dans laquelle il peut indiquer les informations de son choix. Les utilisateurs peuvent se « suivre » ou s’abonner les uns aux autres afin d’augmenter leur réseau, de voir le contenu partagé par ceux-ci mais aussi de pouvoir avoir accès aux murs des personnes auxquelles ils s’abonnent. Comme pour les autres réseaux sociaux, il est possible de laisser des commentaires sous les photographies postées ou de tout simplement les « liker » pour signaler à la personne qu’on apprécie le contenu.

Pour notre étude, nous avons décidé de nous centrer principalement un type particulier de contenu, le partage de photographies de voyages et de vacances.

            B. Les photographies de voyages comme dévoilement de soi

Les photographies partagées sur Instagram sont un moyen de partager ses centres d’intérêts, ses activités, ses voyages, avec les autres utilisateurs de l’application. A ce propos Serge Tisseron exprime que « la photographie est une tentative de fixer sa présence au monde », on peut interpréter cela par une certaine volonté de faire exister son identité aux yeux des autres et ce dans une nouvelle dimension en partageant des photographies qui reflètent des instants importants pour nous. Instagram devient alors une application « d’auto-narration », les utilisateurs partagent leur vie à travers se réseau social en postant des photographies qui racontent quelque chose d’eux.

Sur une application telle qu’Instagram, on voit se côtoyer divers individus. Une application telle que celle-ci illustre parfaitement ce qu’est le web 2.0, le contenu est créé par et pour les utilisateurs eux-mêmes dans des dynamiques de partage.

Certains profitent de la popularité de l’application pour partager leur travail, il peut par exemple s’agir de photographes professionnels qui utilisent Instagram comme un tremplin à leur activité, de tatoueurs partageant leurs créations. Sur le même plan on trouve aussi des photographes amateurs qui se servent d’Instagram comme outil de partage ou tout simplement pour donner des nouvelles à leurs amis ou famille lors d’un voyage, comme nous le rapporte une enquêtée qui nous dit « à chaque fois que je fais un voyage, je poste quelques photos sur les réseaux sociaux […] pour partager mes expériences, les choses que j’ai vu ». Un autre enquêté nous fait part du fait qu’il utilise Instagram « pour que mes amis et ma famille puissent suivre mon voyage et le partager avec eux ». Dans ces deux cas, Instagram devient un moyen de se constituer un album souvenir et de le partager avec son entourage, « En général je poste mes photos directement pendant mon voyage, mais des fois j’attends un peu et je les postent quelques temps après pour le souvenir » nous confie une autre enquêtée.

De plus, toutes les personnes interviewées nous ont précisé avoir mis leur compte en privé afin de pouvoir contrôler qui peut ou non avoir accès à leurs photographies. Cet aspect nous indique que les personnes interrogées se trouvent plus dans une volonté de partager certaines de leurs expériences à un cercle restreint plutôt que de dévoiler leur vie de façon publique. Nos enquêtés nous indiquent tous privilégier la qualité d’une photographie à la quantité postée. Faire un beau cliché et le partager à ses proches semblent alors être une récurrence parmi nos enquêtés ; « le plus souvent, je mets en valeur la beauté du paysage », « Je préfère poster rarement de belles photos plutôt que d’en mettre en grosse quantité que je ne trouverai pas si jolies ».

La diversité du contenu présent sur Instagram mais également la diversité des personnes publiant et du public, permet de faire se rencontrer divers mondes sociaux. Suivre des photographes professionnels ou des personnes issues du monde entier est une source d’inspiration pour certain, comme nous le rapporte une enquêtée « tout d’abord je fais un tour sur mon fil d’actualité, puis je dévie souvent sur des recherches qui m’intéressent […] principalement pour m’inspirer, me donner envie de visiter de nouvelles destinations, pour découvrir des endroits que je ne connaissais pas ».

Ceci s’oppose à certains phénomènes que connaissent les célébrités d’Instagram, comme le rapporte un article de Slate intitulé « Flippant : Une star d’Instagram découvre qu’une imitatrice la suit à la trace et copie ses photos ». Dans celui-ci on découvre qu’une personne recopie systématiquement toutes les photos d’une jeune photographe de voyage, le lieu, les poses, le cadre de la photographie sont identiques. On peut alors être tenté d’en déduire que la volonté de reconnaissance de cette imitatrice est à telle point importante qu’elle plagie les photographies d’une célébrité.

L’article conclu cependant avec une autre hypothèse, « Et si derrière ce jeu de réplication en ligne, se cachait une parodie de la massification de ces appels à être soi-même et, surtout, à le faire savoir à ses millions d’abonnés ? ». A partir de ce constat, on peut se demander qu’en est-il de la multiplicité des personnalités favorisée par les réseaux sociaux?

            C. La construction de multiples identités sur le web

Dans l’anonymat des grandes villes on peut réussir à développer plusieurs identités alors que dans un village où tout le monde se connaît cela n’est pas possible. Cette image peut être transposée au web, en effet avec l’avènement du web 2.0 et avec la place grandissante des réseaux sociaux, plusieurs formes d’identités peuvent se développer sur le web. L’identité narrative est une celle qui nous intéresse le plus puisqu’elle mélange l’être et le projeté. Dans cette identité se trouve le web en clair-obscur. Il se caractérise par la discussion entre quidams, toutes les règles de la sphère publique se dissolvent, on parle de sujets qui ne sont pas d’intérêt général. Contrairement à l’identité civile qui mêle être et réel et qui est par exemple utilisée sur des sites de rencontre pour lesquels il faut fournir des informations d’ordre personnel comme l’âge, le sexe, le statut matrimonial, l’identité narrative qui s’applique davantage aux réseaux sociaux suppose l’utilisation de pseudonymes, on y trouve un endroit de partage de photographies de la vie quotidienne et parfois la construction d’un « moi caché ». C’est ce que l’on retrouve dans le fait de copier les photos de célébrités, à travers la volonté d’exister par le biais de ces photographies.

La construction de multiples personnalités pas le web se retrouvera également dans le fait que les personnes publiant des photographies sur Instagram prennent part à la construction d’identités propre au web et à la mise en scène de soi. Cela nous permet d’introduire le fait que l’utilisation d’Instagram forge certains comportements chez les utilisateurs comme la recherche de visibilité ou encore la construction d’e-réputation.

          III. Les effets d’Instagram sur le comportement de ses utilisateurs

Instagram est donc une plateforme essentiellement de partage, qui génère des comportements particuliers chez une grande majorité d’utilisateurs. Les utilisateurs se retrouvent face à une plateforme de renommée mondiale. En effet, Instagram compte environ 800 millions d’utilisateurs actifs dans le monde. Les utilisateurs ont donc accès aux comptes d’utilisateurs venant du monde entier, que ce soit des célébrités ou bien des « profanes ». Or, comme nous avons pu le constater, le nombre si important d’utilisateurs sur cette plateforme a des effets sur leurs comportements. Ces effets sont de natures différentes. Nous allons nous pencher, ci-dessous, sur le potentiel besoin de visibilité qu’Instagram génère ainsi que sur les stratégies de mise en scène de soi adoptées par les utilisateurs.

            A. Le besoin de visibilité retrouvé sur Instagram

Le besoin de visibilité est l’un des comportements que l’on a pu constater avec l’arrivée des réseaux sociaux et notamment d’Instagram. Ce besoin s’illustre de différentes manières : par l’utilisation de « hashtags » sur Instagram et par la viralité des différents contenus.

Les hashtags

Les photographies ou vidéos postées sur Instagram sont généralement accompagnés d’un ou plusieurs « hashtags », qui sont des mots clés préfixés par le sigle dièse et qui s’emploient exclusivement sur les réseaux sociaux tels que Twitter, Instagram.

Les hashtags sont une autre stratégie permettant aux usagers d’augmenter leur visibilité sur Instagram. En effet, les hashtags permettent de s’adresser directement à notre audience, tout en augmentant notre visibilité, le nombre de « likes », de commentaires sur nos posts et surtout le nombre de « followers ». Pour mettre en place cette stratégie, il faut avoir un compte public, qui permet aux photographies de s’afficher dans une liste grâce aux hashtags. En effet, un compte privé bloque les publications même lorsqu’on retrouve la présence d’un ou de plusieurs hashtags. Suivant cette logique, lorsqu’une personne laisse son compte public c’est souvent pour obtenir le plus de « like », avoir une plus grande visibilité et donc une plus grande notoriété. Dans les entretiens réalisés, l’une des questions avait pour but de savoir si leur compte était privé ou public. Ils ont tous répondus que leur compte était privé. Cela signifie donc qu’ils ne sont pas dans une stratégie de visibilité, ils ne veulent pas avoir le plus de « likes », de commentaires possibles sur les posts.

Que le compte soit privé ou public, les photographies sont postées dans un but précis : être vus et être aimés. Donc plus on a de « followers », plus on a de la chance d’avoir des « likes ».

La photographie n’est donc pas la seule à avoir de l’importance dans la visibilité, les hashtags, les mots clés utilisés en représentent également une. Plus le hashtag est « connu », plus le nombre d’individus qui risquent de tomber sur la photographie publiée est grand.

Donc sur une photographie, les hashtags permettent d’augmenter la visibilité, mais ce n’est pas leur seul « utilité ». En effet, les hashtags ont une deuxième fonctionnalité, permettant aux utilisateurs de faire des recherches en fonction des mots-clés. Par exemple, lorsque les utilisateurs partent en vacances et qu’ils postent des photographies ou des vidéos, ils peuvent mettre le hashtag vacances (#vacances) ou holiday (#holiday). Généralement ils ajoutent un hashtag indiquant le lieu où il se trouve, parfois l’année et l’activité qu’ils pratiquent. Ces hashtags permettent donc aux autres utilisateurs, lorsqu’ils font une recherche d’avoir accès à ces contenus. Nous avons donc fait ces recherches sur Instagram et nous avons trouvé ceci :

Les entretiens réalisés ont confirmé que cette seconde fonctionnalité du hashtag était bien présente et largement utilisée. En effet, à la question « Quand vous vous connectez sur Instagram, regardez-vous uniquement votre fil d’actualité ou faites-vous une recherche pour trouver des photographies particulières ? », ils ont majoritairement répondu qu’ils regardaient leur fil d’actualité dans un premier temps, puis qu’ils faisaient des recherches pour s’inspirer pour leur futur voyage, pour découvrir de nouvelles destinations, pour se dépayser. Pour faire ces recherches, ils peuvent, par exemple, taper soit le nom d’un pays, d’une ville qui les intéresse, soit taper #vacances, #holiday ou même #travel ou #voyage.

On remarque que souvent, sur les photographies ou les vidéos, les hashtags sont en anglais. Les images précédentes permettent de comparer le nombre de publications du hashtag vacances et du hashtag holiday. On remarque donc que le hashtag vacances à 6 396 247 publications alors que le hashtag holiday à 92 610 477 publications, soit environ 14 fois plus. Cette différence s’explique par le fait que le nombre d’anglophones est plus important que le nombre de francophones, mais également par le fait que la plupart des individus, quel que soit leur langue maternelle, préfèrent mettre des hashtags en anglais.

La publication d’une photographie ou d’une vidéo sur Instagram peut la rendre virale. Par conséquent, la viralité, qui est le phénomène de diffusion rapide d’un contenu via internet et les réseaux sociaux, a une certaine importance dans la visibilité du contenu.

La viralité

La viralité permet d’augmenter le nombre de « likes » sur un contenu. Autrement dit, plus le nombre de « likes » est important, plus cela signifie que le contenu est apprécié, jugé positivement.

Instagram est donc principalement un réseau social d’affinité puisque lorsque les personnes « likent », partagent, commentent, ce sont généralement parce qu’ils apprécient le contenu. Ils font des recherches qui correspondent à leurs centres d’intérêts. Sur Instagram on retrouve donc une viralité des contenus, grâce aux « likes ».

Plusieurs types de viralités sont observables : le succès éditorial, c’est-à-dire l’audience, qui est la mise en avant d’un contenu sur un compte Instagram qui a son audience déjà constituée et qui va être à l’origine du succès ; la viralité pure, qui est le fait que le jour de la publication du contenu sur Instagram, il va connaître une augmentation du nombre de « likes » et de « followers » très régulière ; et enfin le parcours hybride.

La viralité permet également d’observer des logiques d’influence, qui sont visibles par un changement de comportements de personnes en fonction de celui de ses pairs. Ces logiques ont pour conséquence soit l’imitation d’un contenu, soit l’influence plus ou moins directe d’un contenu sur les usagers. Elles peuvent faire face à des usagers plus ou moins influençables, ce qui modifie grandement l’ampleur de leurs conséquences.

En effet, nous avons constaté que, par exemple, des agences de voyages demandent à des globe-trotters d’être suivis par des photographes professionnels dans le but de les mettre en valeur ainsi que les activités qu’ils réalisent. Elles proposent donc aux voyageurs de suivre ce principe pour pouvoir les afficher sur les réseaux sociaux. Ces photographies ont un coût relativement élevé mais un certain nombre de voyageurs sont prêts à payer le prix pour avoir de belles photographies à mettre sur les réseaux sociaux. La publication des photographies de vacances faites par un professionnel illustre l’importance contemporaine accordée à la mise en scène de soi. Mais cette mise en scène de soi et la quête de la photographie parfaite ont pour risques et parfois même pour conséquences d’altérer la qualité des moments vécus, de dénaturer l’expérience des vacances. En effet, on diffuse plus nos photos qu’on ne les conserve en souvenirs. Autrement dit, comme le dit Sébastien Dupont, « poster ses photos de vacances sur les réseaux sociaux est devenu une nouvelle norme ». Nous nous sentons donc dans « l’obligation » de publier nos activités sur les réseaux sociaux pour montrer qu’elles existent. C’est comme si l’activité n’existait qu’une fois qu’elle était mise en ligne.

Le fait d’avoir de belles photographies de nos voyages donne l’impression aux autres usagers que les leurs sont médiocres.

Ce phénomène montre qu’Instagram représente de plus en plus notre définition du réel. Il impose donc un nouveau type de photographie, avec des critères esthétiques définis, qui sont ensuite répliqués par les utilisateurs. Cette réplication est faite dans le but d’obtenir l’approbation du plus grand nombre, représentée par le nombre de « likes » et de « followers ». Pour répondre à ces critères, les utilisateurs utilisent majoritairement des filtres. Nous avons constaté que nos enquêtés utilisaient tous des filtres pour, par exemple, donner du caractère à la photographie ou faire ressortir des contrastes.

Le besoin de visibilité retrouvé sur Instagram se retrouve à travers différentes stratégies, différents phénomènes tels que la présence et l’utilisation faite des hashtags et la viralité d’un contenu. Ce besoin de visibilité va de pair avec les stratégies de mise en scène de soi adoptées par les utilisateurs sur Instagram.

            B. Les stratégies de mise en scène de soi sur Instagram

Comme nous l’avons vu précédemment, une grande partie des utilisateurs d’Instagram mettent en place des stratégies pour satisfaire leur besoin de visibilité. Mais ce besoin de visibilité est étroitement lié à la mise en scène de soi qu’ils veulent véhiculer sur Instagram. En effet, sur Instagram, les usagers postent le contenu qu’ils souhaitent, ce qui leur permet de mettre en avant une certaine identité, qui ne coïncide pas toujours avec celle qu’ils ont dans « la vraie vie ». La mise en place de cette identité sur le web entraîne une certaine réputation.

Les identités du web

Les identités sur le web 2.0 sont visibles parce qu’on utilise des stratégies pour faire en sorte qu’elles le soient. Ces identités sont souvent différentes de celles que l’on montre dans la vie ordinaire. Ceci s’explique par le fait qu’on se permet de faire, de montrer des choses sur Internet parce qu’on ne doit pas faire face aux jugements directs, on est « caché » derrière nos écrans.

Dominique Cardon, un sociologue au Laboratoire des usages d’Orange Labs et un chercheur associé au Centre d’études des mouvements sociaux (EHESS), a créé une cartographie des typologies du web 2.0, qui explique que sur le web on retrouve différentes zones qui coexistent et qui comportent des identités différentes. Cette typologie se base sur deux axes : un axe qui concerne le réel et la projection, et un axe centré sur ce que l’on fait et ce que l’on est, autrement dit sur le faire et l’être. Ces deux axes déterminent par la suite quatre modèles d’identité sur le web. Ces quatre identités sont les suivantes : l’identité narrative (Etre-Projeté), l’identité virtuelle (Projeté-Faire), l’identité agissante (Réel-Faire) et l’identité civile (Etre-Réel).

Les utilisateurs d’Instagram publient, aiment, commentent des photographies, des vidéos. Ils suivent et s’abonnent à d’autres comptes d’usagers, autrement dit, ils « follow ». En se basant sur les identités présentées dans la cartographie ci-dessus, on peut dire que, sur Instagram, les individus ont des identités agissantes et narratives. Ces individus se retrouvent donc dans deux « zones » qui coexistent : la zone « phare » et la zone « clair-obscur ». En effet, sur Instagram on remarque que les individus mettent en avant leurs pratiques amateurs, leurs voyages, leurs goûts etc. Les entretiens que nous avons réalisés appuient cette observation. Toutes les personnes interrogées ont dit qu’ils postaient des photographies de leur voyage à chaque fois qu’ils en faisaient un, dans le but de partager leurs expériences, leurs vécus et tenir au courant leurs proches. Cela permet aux personnes de bénéficier de la serendipity, qui est l’aptitude à bénéficier du hasard heureux, grâce à l’activité qu’ils construisent et qui permet à son réseau, à son cercle de connaissances de s’élargir. Les individus projettent leur être sur Instagram, c’est-à-dire qu’ils y exposent leur vie privée. Instagram, tout comme les réseaux sociaux en général (Facebook, Twitter etc.) servent donc de « journal intime » aux usagers. En regardant le profil Instagram d’un usager, on peut connaître ses goûts, ses activités, ses voyages etc.

Les identités que les usagers se créent et véhiculent sur Instagram entraînent la mise en place d’une certaine réputation.

La réputation

Selon Pierre-Marie Chauvin, « la réputation est une représentation sociale partagée, provisoire et localisée, issue de processus d’évaluations sociales associés à un nom (marque, individu, produit, etc.) ». Elle est issue d’évaluations sociales avec un degré de puissance et de formalisation différent. Autrement dit, la réputation se différencie de l’opinion individuelle portée par un individu sur un autre, par le fait qu’elle repose sur une opinion partagée par une communauté d’acteurs. La réputation a donc une consistance sociale. On observe également plusieurs niveaux d’évaluations sociales, comme par exemple, une classification dichotomique qui oppose une « bonne » réputation d’une « mauvaise ».

Nous observons cette même représentation sur internet. Celle-ci s’appelle l’e-réputation. Celle-ci est construite par des dispositifs d’évaluation en ligne, tels que des plateformes ou des outils dédiés à l’évaluation, en se basant sur les traces de l’activité des internautes. L’e-réputation varie en fonction de la visibilité donnée aux internautes ainsi que le nombres de vues et de « likes » qu’ils ont sur les réseaux sociaux. En postant des photographies ou des vidéos bien précises, l’usager, d’une part, tente d’avoir une visibilité importante, et d’autre part, travaille la réputation qu’il veut avoir en se basant sur les dispositifs d’évaluation pour se mettre en valeur. Autrement dit, en contrôlant son profil et son contenu, il contrôle sa réputation.

La réputation est importante pour les usagers et va avoir des conséquences sur leur estime de soi. En effet, souvent, l’usager porte un jugement sur lui-même en fonction de sa réputation auprès des autres. Pour ne pas subir les effets de notre réputation, on peut donc prendre des mesures qui limitent l’accès des usagers à nos informations. Autrement dit, le fait d’avoir un compte Instagram privé plutôt que public permet aux usagers de subir, uniquement, l’évaluation et la réputation des usagers qui font parties de son réseau « proche », son cercle de connaissances ou tout du moins ceux à qui il a donné un accès à son profil.

La publication de photographies de vacances est également une mise en scène de soi et a pour but de forger une certaine réputation. En effet, la publication de ces photographies peut montrer, par exemple, que l’on est une personne qui voyage, que l’on a certains moyens, que l’on a certains centres d’intérêts.

Les photographies ou vidéos de vacances permettent donc de répondre à un besoin de visibilité grâce entre autre aux hashtags qui augmentent leur viralité, tout en façonnant une certaine réputation aux usagers en fonction de leurs identités sur le web et de leur contenu sur Instagram.

Conclusion

A travers cette étude à la fois historique et empirique, nous avons retracé la naissance des ordinateurs, de l’internet, du web puis du web 2.0 pour finalement nous intéresser à un phénomène particulier qu’est la place des réseaux sociaux dans notre société moderne. L’évolution des technologies et des innovations va de pair avec la transformation des relations sociales qui prennent une ampleur qui une vingtaine d’années auparavant était inimaginable.

Avec le web 2.0 qui permet la collaboration et la co-construction du web par les internautes eux-mêmes, on se retrouve face à l’émergence du web social qui désigne la capacité des individus à partager, interagir et converser entre eux par la voix du web. Le web social étant composé de plusieurs catégories, nous avons étudié l’une entre elle qui regroupe les médias sociaux. Il s’agit d’une partie du web social regroupant des principes participatifs définissant les internautes comme agrégateur de contenus, ils partagent, « like », commentent, produisent du contenu, ils sont alors autant des consommateurs que des producteurs de contenu sur le web. Les médias sociaux sont avant tout des moyens de mettre en relation des personnes entre elles.

Afin d’illustrer ce qu’est un média social, nous avons pris l’exemple d’Instagram, réseau social se basant sur le partage de photographies. Grâce à cette application, les utilisateurs sont des producteurs de contenus, ils publient leurs clichés et les partagent soit à une large communauté de « followers » soit à un cercle plus restreint. Mais dans les deux cas, ce réseau social se construit grâce aux utilisateurs, ce sont eux qui rendent l’application attractive et qui la font vivre. Instagram devient alors une interface de communication à grande échelle. Nous avons pu voir que ce qui a principalement motivé nos enquêtés à se créer un compte Instagram et d’y être actifs, est le fait de pouvoir partager leurs expériences et notamment leurs voyages avec leur entourage afin de donner des nouvelles ou bien de garder un souvenir de ces événements. Mais Instagram peut aussi servir de vitrine pour montrer son travail à un grand nombre de personnes, il s’agit d’une logique que l’on retrouve plutôt à propos des professionnels (photographes, tatoueurs, restaurateurs).

En partageant des photographies de ses expériences, de ses centres d’intérêt, un individu montre qu’il existe. C’est notamment ce que nous avons vu avec l’étude du besoin de visibilité que l’on trouve sur Instagram. Cette volonté d’exister, d’être visible et d’être reconnu, passe notamment par l’utilisation de hashtags qui sont des moyens de répertorier son contenu aux côtés de nombreux autres. Les hashtags permettent de s’adresser à son audience mais aussi d’aller en chercher une nouvelle en apparaissant dans les recherches par hashtag. Les hashtags permettent donc d’augmenter la visibilité d’une photo. Les phénomènes de viralité sont également enclins à augmenter la visibilité d’une publication. Les fonctions de « like », partage et commentaire augmente la visibilité ainsi que l’audience et par conséquent la viralité d’une publication.

La visibilité obtenu par un individu sur le web et notamment sur Instagram a pour conséquences la création d’une réputation mais également d’une identité liée au web. La réputation étant issue d’évaluation sociale faite par des pairs, elle se construit à la fois par l’image qu’un individu souhaite donner de lui-même et par ce que les autres vont dire à son sujet. La visibilité donnée par les réseaux sociaux contribue à construire et attribuer une réputation aux autres membres du réseau. Mais la réputation peut ne pas correspondre à l’identité que l’on s’est construite sur le web. En effet, le relatif anonymat créé par le web permet aux individus de se construire une identité différente de leur identité réelle. Cela passe par l’utilisation de pseudonyme, le partage de photographies de la vie quotidienne, la création d’un « moi caché », on appelle cela l’identité narrative qui se mêle à une identité agissante faite de pratiques amateurs et de participation à des communautés d’intérêts.

Finalement, nous avons vu que le partage de photographies de voyages et de vacances par le biais d’Instagram permet aux individus faire connaître et reconnaître leurs expériences et leurs centres d’intérêts par les autres, leurs « followers ». Tout cela se joue à travers des enjeux de construction de soi, d’une identité propre au web mais aussi également au regard d’enjeu de visibilité et de réputation. L’estime de soi sur le web regroupe donc de nombreux phénomènes.

 

Bibliographie :

  • CHAUVIN Pierre-Marie, La sociologie des réputations, Communications, 2013, pp. 131-145
  • MILLERAND Florence , PROULX Serge , RUEFF Julien , Web social, Mutation de la communication, Québec, Presses de l’université du Québec, coll. Communication, 2010, 374 p.
  • O’REILLY Tim, « What is web 2.0 ? Design Patterns and Business Models for the Next Generation of Software », 2005
  • RIVIERE Carole Anne, « Téléphone mobile et photographie : les nouvelles formes de sociabilités visuelles au quotidien », in Société, 2006
  • STENGER Thomas, COUTANT Alexandre, « Introduction », Hermès. 2011. n° 59, p. 9–17.
  • Cours de sociologie des mondes numériques, Christophe Aguiton et Kevin Mellet, 2017/2018

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