Par Alice Aubel, Antoni Bourdel et Nora Haddad, étudiants en Master 1 Communication
Avant-propos
Récemment de nombreux médias s’inquiétaient de l’influence russe sur la campagne américaine à travers les réseaux sociaux et peu avant des interrogations avaient été soulevées par les possibilités de votes numériques à l’occasion de plusieurs primaires de partis politiques français. Les interactions entre le numérique et la démocratie semblent susciter l’inquiétude, elles sont pourtant de plus en plus nombreuses. A notre échelle nous avons souhaité étudier les effets de l’une de ces interactions sur la démocratie locale : le budget participatif de la mairie de Paris.
Inspiré par la démarche fondatrice du Parti des Travailleurs dans la ville brésilienne de Porto Alegre, l’idée d’un budget participatif est de donner à une échelle municipale, la gestion d’une partie du budget aux habitants de la ville à travers diverses modalités de participation. Le budget parisien diffère de cette expérience en de nombreux points et a pour particularité que s’il permet le vote physique en mairie notamment, il s’inscrit résolument dans des interactions numériques : dès la première édition, plus de la moitié des votes au budget participatif étaient des votes numériques. De la même façon, le dépôt d’un budget n’implique pas nécessairement des interactions en dehors de la plateforme.
Cette démarche ne va pas sans bousculer les milieux traditionnellement les plus actifs dans l’action politique locale, et nous tenterons dans ce dossier de mettre en avant ses conséquences en répondant à plusieurs questions : de quelle vision de la démocratie locale cette initiative est-elle porteuse, à quels enjeux répond-elle ? Les acteurs qui s’investissent dans cette initiative sont-ils nouveaux ? Pour répondre à ces deux questions nous reviendrons d’abord sur l’histoire du budget participatif dans son lieu de naissance au Brésil et à sa mise en place à Paris, puis nous nous intéresserons aux figures d’acteurs que nous avons rencontrés dans nos entretiens, enfin nous mettrons en relation ces différents éléments pour avoir une appréciation critique de cette initiative.
|Notre démarche d’enquête
Dans un premier temps nous avons souhaité à travers cette enquête saisir à la fois l’identité des participants au vote du budget participatif, mais aussi les raisons qui poussent la majorité des parisiens à ne pas voter afin d’en apprécier à la fois l’intérêt et les limites. Il nous est finalement apparu en interrogeant autour de nous des parisiens, que le profil des non-votants est fuyant : on peut supposer en effet qu’une part importante d’entre eux n’a pas connaissance de cette initiative de la mairie de Paris et que ce non-vote n’est pas nécessairement motivé.
Par ailleurs, interroger les votants s’est avéré une démarche tout aussi compliquée car il est difficile de trouver un moyen de tous les contacter en même temps pour leur soumettre un questionnaire. Le service du budget participatif de la mairie n’a pas pu donner suite (pour des raisons de protection des données), à notre demande de relayer notre questionnaire. En utilisant différentes pages Facebook, dont celle du budget participatif nous avons récolté un échantillon très réduit de votants : 17 personnes y ont répondu. Compte tenu de cette participation peu élevée, nous ne tiendrons compte de ces résultats qu’à titre complémentaire d’autres approches.
Pour ces raisons pratiques, mais aussi en lien avec la reformulation de notre problématique nous avons donc concentré nos efforts sur une démarche qualitative d’entretiens avec les porteurs de projets du 4ème arrondissement de Paris. Dans ce cadre 5 entretiens ont été réalisés et retranscrits, et nous avons assisté à une réunion « d’émergence de projets », organisée par la mairie du 4ème. Ces entretiens se sont révélés denses (au total, ils représentent plus de 50 pages et sont consultables en annexe), mais aussi riches en informations et perspectives pour aborder le budget participatif. Cela nous a amené à considérer nombre d’aspects de la question auxquels nous n’avions pas pensé précédemment et nous a guidés vers une nouvelle problématique.
Des différents profils interrogés ressortent notamment un fort engagement associatif (dans des comités de quartier, des initiatives – ou des partis – politiques, des associations, …) qui nous a poussé à questionner l’identité des porteurs de projets : à travers le budget participatif parisien, assiste-t-on à un renouvellement, une diversification, ou une conservation en l’état des profils les plus actifs de la vie politique locale? Une tension en tout cas entre acteurs politiques locaux (à l’échelle du quartier), et de nouvelles modalités de participation (à l’échelle de la ville) semble émerger de ces entretiens.
Le deuxième outil prédominant de cette enquête est l’analyse de statistiques déjà existantes sur les précédentes éditions, mais aussi du corpus constitué par le site du budget participatif et des informations obtenues à la réunion. Pour cela, plusieurs sources sont à notre disposition dont notamment les rapports de l’APUR (atelier parisien d’urbanisme) sur le budget participatif, mais aussi des données brutes et non traitées sur le site OpenData.paris.fr, ouvert au public par la mairie de Paris. Ces éléments seront rapportés et comparés à l’histoire du budget participatif et de la démocratie participative afin de tenter de saisir ce qui est en jeu dans l’idée de participer plus directement à la politique, ainsi que la mesure dans laquelle l’initiative parisienne réalise ou non ces promesses.
La démocratie participative et le numérique, en théorie
|A l’origine de l’idée d’un budget participatif
L’idée de donner la responsabilité d’une part du budget d’une ville à ses habitants ne naît pas en Europe mais bien plus loin, en Amérique latine dans la ville brésilienne de Porto Alegre. [1] En 1988 pour la première fois au Brésil, un maire du Parti des Travailleurs (PT) est élu dans une grande ville. Cependant il se retrouve alors à la tête d’un conseil municipal majoritairement composé de forces politiques de droite et de centre-droit.
En 1989, ce contexte encourage une nouvelle expérience démocratique radicale : faire participer directement les citoyens à l’exercice du pouvoir plutôt que de les représenter. Après différents essais plus ou moins fructueux, il est décidé que chaque quartier élira des représentants qui en relation avec des représentants du syndicat des travailleurs municipaux, les membres des commissions thématiques (commissions ouvertes à tous, permettant la discussion autour de grandes thématiques de l’action municipale, comme la voirie, la santé, l’éducation, …) et les élus du conseil municipal vont établir une hiérarchie des besoins de la municipalité. Les représentants de quartier peuvent proposer des budgets au nom de leur quartier, et ces derniers seront adoptés de façon prioritaire s’ils correspondent aux besoins qui ont été définis.
On estime que ce processus aurait impliqué en tout 8% de la population adulte de Porto Alegre[2], soit plusieurs dizaines de milliers de personnes. Si elle n’a pas impliquée la totalité de la population de la ville (et notamment les plus pauvres), cette première expérience de budget participatif a considérablement élargi le cadre de la participation à la démocratie. Si les modalités de la démocratie représentative ne s’en sont pas trouvées bouleversées, elles ont été influencées par cette expérience dans la ville, les arguments des habitants participant au débat devenant aussi ceux des échanges entre élus municipaux, d’après Anne Querrien. Ces succès vont inspirer le mouvement altermondialiste et elles vont avoir des échos dans le monde entier, dans des expériences aux modalités diverses.
On peut se demander par ailleurs, si la nature radicale de cette proposition politique a résisté à son exportation dans d’autres pays que le Brésil. Le Parti des Travailleurs est un parti d’idéologie socialiste qui s’inscrit dans la visée marxiste de redistribution des richesses et de dépassement du capitalisme. Aujourd’hui adopté comme mesure locale par des maires de tous les horizons politique, cet objet à l’origine chargé politiquement semble être devenu politiquement neutre. Dans la ville de Porto Alegre depuis 2005 la ville n’est plus dirigée par le Parti des Travailleurs, et les partis de droite ont fait campagne avec la promesse de garder en place le budget participatif s’ils arrivaient au pouvoir.
|En France
En France les premiers budgets participatifs sont mis en place dans des mairies communistes, dirigées par le Parti Communiste Français (PCF). Cette apparition s’est vue facilitée par la tradition du PCF de créer de forts liens entre la population et le parti, à travers par exemple la création de journaux locaux, de fêtes et festivals locaux, ou un important engagement associatif des militants. Bien qu’affaibli politiquement depuis les années 80, le PCF dispose encore de nombreux relais qui ont facilité la mise en place d’un budget participatif et les mairies communistes ont été pionnières dans ce domaine. Certaines de ces mairies, comme la ville de Grigny (non en banlieue parisienne mais lyonnaise) ont accordé jusqu’à ¼ de son budget à ce mode de décision. Cependant ces dispositifs peinent à mobiliser les franges les plus pauvres de la banlieue rouge parisienne, et n’ont pas changé en profondeur l’action politique des mairies[3], les élus occupant toujours une place prédominante dans le dispositif.
En 2014 Anne Hidalgo est élue maire de Paris et met en place une première édition du budget participatif dès septembre. Dans cette première étape il comprend seulement 15 projets proposés par la mairie. Les éditions suivantes donneront la possibilité aux parisiens de proposer eux-mêmes leurs projets directement sur la plateforme. Il reste cependant une étape de sélection des projets avant qu’ils soient présentés au vote qui est opérée par la mairie, que nous détaillerons plus tard dans notre étude des acteurs du budget participatif.
Depuis l’adoption d’un budget participatif à Paris, l’idée s’est largement diffusée en France et on comptait en 2017 45 mairies l’ayant adopté[4], avec une diversification croissante des tendances politiques (les mairies de gauches représentant toujours 65% de l’ensemble). On observe donc aussi en France ce mouvement de neutralisation du contenu politique du budget participatif : à l’origine porté par la gauche radicale, puis par l’ensemble de la gauche, aujourd’hui il est adopté également par des partis de droite et de centre-droit.
En pratique : données et analyses sur l’expérience parisienne
|Interface Web
Page d’accueil du site web du budget participatif
Le site du budget participatif de Paris dispose d’une interface extrêmement épurée, qui permet d’accéder facilement à plusieurs informations. Dans le premier onglet du bandeau bleu, « La démarche », plutôt qu’une explication de la volonté de la mairie on trouve les différentes étapes du budget participatif et les conditions pour pouvoir participer, déposer un projet, ou encore qu’un projet soit retenu. Les autres onglets permettent de déposer un projet (et celui-ci est mis en valeur par une surbrillance), de voir les projets déjà déposés, de suivre les réalisations des projets des éditions précédentes, ou encore de consulter l’agenda des prochaines échéances. Un dernier onglet permet d’accéder à son compte personnel sur le site, dont la création est très simple et ne demande pas de pièces d’identité ou de preuves de domiciliation.
Procédure de finalisation de l’inscription sur le site
On voit sur cette capture d’écran que seule une certification sur l’honneur d’être parisien est demandée, ce qui laisse penser que la participation d’internautes non résidents à Paris si elle n’est pas forcément souhaitée, n’est pas une possibilité particulièrement rejetée non plus.
Cette simplicité d’accès aux informations sur le site s’est ressentie dans nos entretiens, avec l’une de nos enquêtées en particulier, Mme S.P. jugeant lorsqu’on lui demandait pourquoi il y a moins de monde aujourd’hui qu’auparavant dans les conseils de quartiers : « Moi je suis persuadée que c’est internet hein ![…] les porteurs de projets euh ils sont autonomes enfin je sais pas, il y a une telle pédagogie sur le site que euh, parisien, que vraiment euh, on peut se débrouiller sans venir à des réunions. ». Même si, toujours pour la même intervenante cette simplicité a pu par le passé être un peu trop appuyée : « en fait les premiers budgets participatifs ils avaient un espèce de code couleur en plus qui était complètement euh, c’était vraiment on avait l’impression que c’était un truc pour les gosses quoi».
Historique du budget participatif et retour sur résultats
Quelques éléments généraux
Le nombre d’habitants de Paris était en 2014 de plus de 2,2 millions de personnes d’après l’INSEE.[5] En cumulant les votants différents des 3 premières éditions (2014, 2015, 2016) on peut estimer que 200 000 parisiens ont voté au budget participatif[6], soit moins d’un dixième de la population parisienne (de 2014). En cela elle représente une participation non négligeable (bien que cumulée et non pas présente à chaque édition), qui se rapproche -d’un point de vue proportionnel- à celle de Porto Alegre. D’après la ville de Paris depuis 2014 et la première édition, 11 253 projets ont été déposés, 416 ont été élus lauréats et ils représenteront 500 millions d’euros sur l’ensemble de la mandature de Mme Hidalgo. Toujours selon la même source, la somme investie représente chaque année 5% du budget et est divisée deux fois : d’abord entre la ville et les arrondissements, ensuite entre les investissements pour les quartiers populaires et hors quartiers populaires.
Concernant l’édition la plus récente, en 2017, près de 168 000 parisiens ont voté et 196 projets ont été sélectionnés par les votants et la mairie, dont 9 pour toute la ville, et 187 pour les arrondissements.
Les projets sont organisés sur le site par grand thèmes généraux, qui servent à facilement identifier les projets, mais qui sont sans doute également utilisés par la mairie dans sa présélection selon les priorités du mandat. Ces projets sont regroupés dans 12 grands thèmes : Cadre de vie ; Culture et patrimoine ; Économie et emploi ; Éducation et jeunesse ; Environnement ; Propreté ; Santé ; Solidarité et cohésion sociale ; Sport ; Transport et mobilité ; Ville intelligente et numérique.
Données sur la première édition, en 2014
Dans cette partie de notre dossier, à moins que nous le précisions, chacun des graphiques découle de nos propres croisements de données à partir de celles rendues disponibles par la mairie. Nous avons commencé notre étude des chiffres des éditions précédentes par ceux de 2014, non seulement car il s’agit de la première édition mais aussi parce que c’est la seule dans laquelle on puisse trouver trace d’informations sur les votants telles que l’âge ou l’arrondissement de résidence. Une étude de ces données met en évidence quelques éléments inattendus, comme cette distribution du vote des plus jeunes (de 0 à 20 ans), qui nous révèle que plus de la moitié des votants de moins de 20 ans, sont âgés de 0 à 4 ans, pour en tout pas moins de 6300 votants qui auraient moins de 5 ans.
Le vote au budget participatif n’impliquant pas d’âge, on peut naturellement supposer que des parents ont fait voter leurs enfants. Cette hypothèse n’explique cependant pas l’écart observé entre cette première catégorie et les deux suivantes, pourquoi y aurait-il 20 fois plus de parents faisant voter leurs enfants lorsqu’ils ont moins de 5 ans que lorsqu’ils ont entre 5 et 10 ans ? Cette distribution assez absurde s’explique par une grande liberté donnée aux utilisateurs lors de la création de leur profil sur le site, ces derniers pouvant indiquer l’âge qu’ils souhaitent sans que celui-ci soit contrôlé.
Les données sur les votants de moins de 5 ans étant particulièrement peu fiables, nous n’en tiendrons pas compte pour faire apparaitre les catégories d’âge dominantes de notre tableau :
Il apparait que parmi les votants en ligne les catégories d’âge les plus jeunes sont largement dominantes, plus de 38 000 votants ont entre 25 et 34 ans, soit plus d’un tiers du total des votants en ligne de 2014 (un peu plus 104 000). De façon générale en comparant deux catégories d’âges éloignés (moins de 25 ans et 65-84 ans) nous n’avons pas constaté des différences importantes en termes de votes entre les projets en fonction de l’âge, mais cela tient peut-être du cadre particulier de l’édition 2014 ou le vote a porté sur seulement 15 projets, dont la diversité thématique peut être discutée. Il y a cependant quelques exceptions à cette règle, dont le projet sur la projection d’évènements sportif qui a en proportion reçu 3 fois plus de votes des moins de 25 ans (7% du total de leurs votes) que des 65-84 ans (2%).
L’étude de la répartition par arrondissement de la participation en ligne à l’édition 2014 révèle également certaines disparités. A partir des données de la mairie, nous avons croisé le nombre de votants par arrondissement avec le nombre d’habitants de ces arrondissements (chiffres de 2009) pour aboutir à cette représentation de la participation :
On observe qu’elle est avant tout dans l’ensemble, assez faible (pas plus de 7% des habitants d’un arrondissement a voté). Elle varie cependant de façon importante (tout en restant faible) suivant les arrondissements, en étant par exemple 3 fois plus élevée dans le IVe arrondissement de Paris que dans le XVIe. A partir de ce graphique on observe une certaine porosité entre les différents arrondissements : autour des deux arrondissements ou la participation est la plus basse (le VIIe et le XVIe), la participation est tendanciellement plus basse également dans leurs arrondissements voisins. On peut tenter d’expliquer en partie ces différences par les habitudes de vote majoritairement à droite dans les arrondissements qui participent le moins.
Dans cette infographie du journal Le Monde[7] portant sur les résultats du premier tour des municipales de 2014, on peut constater que les arrondissements ou la liste d’Anne Hidalgo est en difficulté sont en effet aussi ceux qui ont le moins participé au budget participatif. On peut supposer que la première édition du budget participatif ayant lieu peu après son élection, elle reste très marquée politiquement à gauche pour les électeurs de droite. Par ailleurs cette première édition est plus étroitement cloisonnée que les autres : les projets sur lequel portera le vote final sont désignés par la mairie en fonction des priorités annoncées pour le mandat et ils sont au nombre réduit de 15.
Données de l’édition de 2016
A partir de la même base de données ouverte au public par la mairie, nous avons pu étudier les données de l’édition 2016 qui nous intéressent car après l’édition de 2014 chacun pouvait déposer un projet et nous avons pu analyser leur répartition par thème, et le nombre de projets retenus en fonction de ces thèmes.
Depuis 2015 la catégorie de loin la plus importante en termes de nombre de projets proposés est celle du cadre de vie. Dans ce tableau, on peut voir qu’elle représente dans l’édition 2016 près de la moitié des projets proposés au vote, suivie par 4 catégories qui regroupent à peu près toutes une centaine de projets : l’éducation et la jeunesse, l’environnement, la Culture et le patrimoine et enfin le sport. Il est important de préciser que sur ce tableau n’apparaissent pas les projets refusés avant l’étape du vote par la mairie de Paris, ces derniers n’étant pas accessibles dans les données de l’édition 2016.
Le nombre de projets concernant le cadre de vie est si important que nous avons appris à travers nos entretiens et la participation à une réunion dédié à l’émergence de projets, que les services de la mairie chargés de leur mise en place étaient débordés. Nombre de ces projets sont réalisés en retard ou toujours en attente.
Le nombre de projets retenus par thème ne fait pas apparaître de sélection thématique particulière par la mairie, on observe seulement que les catégories ayant un nombre de projets élevés ont tendance à avoir plus de projets non retenus en proportion que les autres. La hiérarchie n’est donc pas modifiée par la suite et reflète les choix des votants.
On constate à travers ces tableaux que les questions sociales qui sont ici formalisées sous le nom « Solidarité et cohésion sociale » et qui occupaient déjà une place très réduite dans la première édition sont largement sous-représentées par rapport à d’autres thèmes. Cet élément vient souligner la différence de cette expérience avec celle de Porto Alegre, où la question sociale était à l’origine même de la démarche de budget participatif, qui devenait un contrepoids à l’influence des grands propriétaires, se trouvant ainsi forcés à la négociation.
Des critiques ont été émises vis-à-vis des budgets participatifs européens en ce sens[8], soulignant que leur prise en main par la classe moyenne se faisait au détriment de la participation des classes populaires. On peut émettre l’hypothèse que cette catégorie de projets « Solidarité et cohésion sociale » renvoie à une conception particulière de l’action sociale, qui implique une solidarité de la classe moyenne et des classes supérieures envers les classes populaires. Cette idée semble contredire l’idée du budget participatif de permettre finalement de rendre leur autonomie politique aux habitants de la ville. Elle affirme en effet non pas le droit des classes populaires à décider de leur propre cadre de vie (dont l’aménagement est après tout aussi financé par les fruits de leur travail), mais le droit des autres classes à décider d’être solidaires pour préserver la « cohésion sociale ».
Cette limite n’est sans doute pas volontaire, mais est le reflet du faible investissement de ces populations dans le budget participatif. Là où l’expérience de Porto Alegre avait créé de nouvelles structures représentant au plus près les habitants de chaque quartier (dans certaines instances, 1 délégué par tranche de 10 citoyens), celle de Paris dépend de structures déjà existantes et n’implique pas nécessairement de processus de négociation entre les différents quartiers de la capitale.
[1] Anne Querrien, Éric Maigret « Le budget participatif est-il une bonne idée ? », Hermès, La Revue 2000/1 (n° 26-27), p. 309-321.
[2] Abers R, «La participation populaire à Porto Alegre au Bresil», Les Annales de la Recherche Urbaine, 80-81, p. 42-54, 1998.
[3] Nez, Héloïse. « Les budgets participatifs européens peinent à lutter contre la ségrégation », Mouvements, vol. 74, no. 2, 2013, pp. 123-131.
[4] http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/10/06/outre-paris-45-villes-francaises-ont-adopte-le-budget-participatif_5197506_4355770.html
[5] https://www.insee.fr/fr/statistiques/2534314?geo=COM-75056
[6] Rapport de Juillet 2014 de l’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme) : La ville autrement – Initiatives citoyennes, urbanisme temporaire, innovations publiques, plateformes numériques.
[7] http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2014/03/25/a-la-loupe-le-premier-tour-des-municipales-a-paris_4389413_4355770.html
Nez, Héloïse. « Les budgets participatifs européens peinent à lutter contre la ségrégation », Mouvements, vol. 74, no. 2, 2013, pp. 123-131. |
Qui sont les acteurs du Budget Participatif ?
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La mairie
La Mairie de Paris et les mairies d’arrondissement ont un rôle important et actif dans le Budget Participatif et il nous faut donc le souligner. En effet, non seulement la Mairie est à l’initiative du Budget Participatif mais c’est aussi elle qui en fixe les règles, les normes et qui opère un contrôle a priori des projets déposés. On peut donc dire qu’elle établit une présélection, un premier tri dans les projets proposés par les citoyens et qu’elle sélectionne ceux qui seront présentés au vote.
Ainsi il existe trois règles principales pour qu’un projet soit validé. Premièrement il doit s’agir d’un projet qui relève de l’intérêt général, deuxièmement ce projet doit relever de la compétence de la ville de Paris, ce qui exclut par exemple les lycées, les hôpitaux et les musées nationaux, et troisièmement il doit faire appel au budget d’investissement et ne pas coûter trop cher en frais de fonctionnement.
Les projets recevables (selon ces trois critères essentiels) font ensuite l’objet d’une étude de faisabilité et d’un chiffrage estimatif, puis s’ils sont jugés faisables techniquement ils sont étudiés au sein de commissions qui se réunissent dans chaque arrondissement et à l’échelle de Paris. A l’issue des commissions, la liste définitive des projets soumis au vote est arrêtée par la/le Maire d’arrondissement pour les projets d’arrondissement et par la Maire de Paris pour les projets à l’échelle de la ville.
Notre interrogée S.P., porteuse d’un projet pour le Budget Participatif, nous a indiqué que cette étape de présélection avait un impact sur les projets proposés par le conseil de quartier dont elle fait partie, dans le sens où ils tentent d’aligner leurs propositions avec la ligne politique de la mairie afin de maximiser les chances que le projet soit validé.
« Rien empêche effectivement de lancer, d’appuyer enfin, en fait quand on structure un projet pour le budget participatif, on… on nous met des petites touches comme ça de ce qui… ce qui s’insère dans le programme annoncé à la mairie, comme ça on se dit que ça passera un peu mieux… Voilà. »
De même, notre interrogée madame A.Q. explique : « J’ai défini mon projet, au fur et à mesure que les idées me venaient, disons à l’intuition en prenant en compte ce qui pouvait intéresser la Ville de Paris dans son ensemble ».
Madame A.L. a le même genre de remarque durant l’entretien : « On m’a dit que ça risquait… que ça intéressait ce type de projets parce que c’était tout à fait dans la logique de la maire du 4ème… de la maire de Paris ! ».
Les projets ont donc subi un contrôle et une sélection relativement importante de la part de la Mairie avant d’être soumis au vote des citoyens. De plus, c’est la mairie (ou plutôt la maire PS Anne Hidalgo) qui l’a instauré et la mairie pourrait donc décider de supprimer ce dispositif, dans le cas d’un changement de maire par exemple.
La mairie peut aussi restreindre le Budget Participatif selon ses intérêts et privilégier une thématique plutôt qu’une autre, comme le démontre la réunion à la mairie du 4ème arrondissement où on nous a expliqué qu’ils n’acceptaient plus les projets « cadres de vie » qui nécessitaient l’intervention des services de voiries car ceux-ci sont surchargés. Les projets de végétalisation ou d’accessibilité, par exemple l’abaissement des trottoirs pour permettre aux fauteuils roulants et aux poussettes de circuler plus facilement, sont ainsi exclus du Budget Participatif 2018 et le maire du 4ème a conseillé de réfléchir plutôt à des projets sur des thématiques comme la solidarité, la jeunesse ou encore le sport. Son conseil d’être créatif est donc limité à certaines thématiques plutôt que d’autres, ce qui démontre bien le contrôle opéré par la mairie sur ce dispositif démocratique. [1]
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Les conseils de quartier
À Paris, les conseils de quartier ont une place stratégique. En effet, ils proposent toute l’année des actions, les mettent en œuvre et dynamisent ainsi tous les quartiers de la capitale. Il s’agit d’un engagement citoyen local fort.
Instaurés en 2002 par la loi dite Vaillant relative à la démocratie de proximité. Il en existe 122 à Paris actuellement d’après le site de la mairie de Paris. Le nombre des conseils de quartier par arrondissement dépend en théorie de la mairie d’arrondissement, mais en pratique c’est souvent le nombre d’habitants qui détermine le nombre de conseils de quartier. Dans le 4ème arrondissement qui nous intéresse tout particulièrement il y en a quatre, puisqu’ils ont décidé de reprendre les quatre quartiers administratifs (Arsenal, Notre-Dame, Saint-Merri et Saint-Gervais).
Un conseil de quartier peut être consulté par la mairie sur les décisions pouvant affecter le quartier et il peut soumettre des souhaits ou des propositions au conseil d’arrondissement. Il s’agit d’une assemblée de citoyens volontaires, et non des élus, qui débat et propose des idées.
Le conseil de quartier dispose d’un budget propre comme l’évoque notre interrogée S.P. lorsqu’elle explique que les flyers du Budget Participatif ont été imprimés à l’aide de ce budget avant d’être distribués aux commerçants du quartier. Elle évoque également quelques activités auxquelles elle a participé dans le cadre du conseil de quartier comme par exemple des marches exploratoires.[2]
Les conseils de quartier du fait de leur implication importante dans les différents arrondissements de Paris ont été les premiers à s’emparer du Budget Participatif, notamment lors des premières éditions car peu de personnes connaissaient son existence. Beaucoup d’entre eux ont ainsi présenté des projets dès les premières éditions et notre interrogée S.P. explique qu’à l’époque il y avait un grand enthousiasme et une forte dynamique autour de ce dispositif durant les réunions du conseil de quartier, chacun proposant une idée et les membres du conseil en débattaient alors afin d’améliorer les idées proposées et de sélectionner les plus intéressantes. Notre interrogée S.P., membre du conseil de quartier de l’Arsenal dans le 4ème arrondissement raconte : « au conseil de quartier la première année qu’on a travaillé dessus euh… On était chauds-bouillants quoi, on avait, on savait pas, on devait arbitrer parmi les propositions tellement on avait d’idées et en fait euh… ».
On peut constater qu’encore aujourd’hui le rôle des conseils de quartier est important et que leurs membres sont très impliqués et actifs dans le développement du Budget Participatif. Lors de la réunion à la mairie du 4ème arrondissement à laquelle nous avons assisté il y avait près de la moitié des personnes présentes qui appartenaient à un conseil de quartier.[3] De plus les membres de conseils de quartier continuent de proposer annuellement des projets sur le site du Budget Participatif, notamment des projets spécifiques au 4ème arrondissement, comme le prouve le projet pour le Budget Participatif 2018 proposé par notre interrogée A.Q., membre d’un conseil de quartier du 4ème.[4]
Cependant on peut noter que ces réunions sur la base du présentéisme connaissent un certain essoufflement en termes de fréquentation et de notoriété et elles sont parfois concurrencées par des processus de concertation différentes (et souvent numériques), par exemple les pétitions en ligne ou le Budget Participatif. Ainsi même si les conseils de quartier sont très impliqués dans le Budget Participatif et qu’ils y présentent régulièrement des projets, certains de leurs membres peuvent également le voir comme une forme de concurrence, de danger face à leur fonction et à sa portée politique.
Ainsi notre interrogée S.P. explique :
« Le vrai truc c’est qu’ils savent très bien que ça va les remplacer en fait et que… Ils seront plus euh, les notables… on va leur prendre leur pré carré, même s’ils participent, qu’ils le font et qu’ils sont contents et que machin j’ai l’impression qu’il y en a quand même certains, y’a un frein qui, qui vient euh, qui vient de là. Y’a aussi ce fait voilà de s’astreindre à aller à des réunions, maintenant euh… Et là ils se rendent compte que finalement des gens qui vont juste cliquer sur un truc et mettre un papier dans une boite aux lettres, dans une urne dans la rue, des gens qui n’ont rien fait de particulier pour leur quartier, et ben ils auront autant d’importance qu’eux ! Puisque leur voix elle comptera autant que la leur quoi… Il y a un espèce de truc… La redistribution du pouvoir, et qui passe par internet. Alors, ils sont encore plus réfractaires (…) »
Dans son entretien, madame S.P. souligne l’un des problèmes de ces réunions de conseil de quartier qu’il nous semble intéressant d’évoquer ici : « Donc l’horaire de la réunion euuuh est excluant pour les femmes en fait. (…) Et quand il y a des femmes, c’est celles qui sont plus en âge de, euh, de s’occuper des enfants, donc en gros pour…(…) Non des jeunes femmes il y en a très très peu c’est exceptionnel et euh on accepte d’autant euh, enfin si elles peuvent pas être là très souvent c’est mieux toléré chez les jeunes apparemment euh…(…) et ça on peut le dire que même dans le quartier euh, dans le quartier euh… Animé, moderne, du 4ème ».
En effet, les réunions du conseil de quartier ont souvent lieu le soir, à l’heure du repas, et en semaine ce qui complexifie la présence de mères de famille. Il y a donc une majorité d’hommes à ces réunions. Notre interrogée les décrit également comme des personnes issus d’un milieu favorisé et avec une moyenne d’âge « assez élevée ». On peut se demander si nous retrouverons le même profil pour les porteurs de projet.
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Les porteurs de projet
Les porteurs de projet sont les citoyens qui déposent un projet sur la plateforme du Budget Participatif. Dans nos hypothèses de travail nous les imaginions plutôt jeunes, politisés et d’un milieu social relativement favorables (cadres, enseignants, fonctionnaires…). L’outil numérique nous semblait attractif pour les jeunes et peut-être au contraire dissuasif pour les personnes plus âgées. De plus le critère de la politisation nous paraissait très important, c’est pourquoi dans notre questionnaire nous avons fait le choix d’ajouter des questions sur les élections nationales (présidentielles, législatives etc.) et sur l’engagement dans un parti, dans un conseil de quartier ou dans une association. Nous nous sommes également posés la question de savoir si cet engagement était antérieur au Budget Participatif, dans ce cas celui-ci serait un prolongement logique d’un engagement préexistant, ou si au contraire cet engagement était postérieur à celui-ci, c’est-à-dire que le Budget Participatif pourrait éventuellement encourager à s’engager dans une action locale quelconque.
Les résultats de notre étude semblent en partie réfuter nos hypothèses de départ. En effet, nous avons constaté plutôt une majorité de femmes que ce soit à la réunion de la mairie du 4ème arrondissement ou dans les résultats de notre questionnaire (64,7% de femmes pour 35,3% d’hommes), dont il faut malgré tout souligner qu’il porte sur un échantillon très réduit, peu représentatif de l’ensemble de la population-mère. Plus surprenant encore on remarque une assez forte majorité de plus de quarante ans (64,7% des répondants à notre questionnaire ont plus de quarante ans) et une minorité de jeunes.
Pour ce qui est du milieu social, les résultats semblent confirmer notre hypothèse même s’ils sont plus éclatés. D’après les réponses à notre questionnaire, on constate une majorité de cadres et de professions libérales, ce qui confirme notre hypothèse d’une population plutôt favorisée, avec un fort pourcentage également de retraités et d’étudiants. Ainsi il y a 17,6% de cadres du secteur privé, 17,6% de professions libérales, 17,6% d’étudiants, 11, 8% de retraités et 11,8% de cadres de la fonction publique.
Nos résultats démontrent que la politisation est effectivement une variable importante et qu’une écrasante majorité des personnes ayant répondu à notre questionnaire a voté aux élections nationales. Une personne seulement a répondu ne pas avoir voté aux élections et cela peut facilement s’expliquer parce que nous avons envoyé notre questionnaire aux personnes que nous avons interrogé et l’une d’elles étant de nationalité étrangère elle ne peut pas voter aux élections nationales en France. De plus, les réponses à la question concernant l’engagement sont également très révélatrices. En effet, 58,8% des répondants sont engagés auprès d’une association, 29,4% d’entre eux font partie d’un conseil de quartier, 5,9% sont engagés dans un parti politique et seulement 17,6% ne sont engagés dans aucune de ces structures. Ces résultats sont bien sûr à nuancer de par le peu de réponses que nous avons reçu, cependant il s’en dégage malgré tout une tendance : les porteurs de projet et les personnes s’impliquant activement dans le Budget Participatif (votes, suivis de projets…) sont pour la majorité d’entre eux déjà actifs au niveau local ou national. De plus 85,7% d’entre eux indiquent que cet engagement est antérieur à leur implication dans le Budget Participatif.
Nos entretiens ont également montré un fort engagement local préexistant à l’implication dans le Budget Participatif, à l’exception peut-être de monsieur D.G. qui était déjà intéressé par la mobilisation citoyenne mais ne faisait partie d’aucune structure en France. Ainsi il indique : « J’ai déjà participé à d’autres initiatives telles que les Conseils d’arrondissements à Paris, à Bruxelles et des meetings politiques en Argentine. » et il explique réfléchir à rejoindre une association ou un conseil de quartier à l’avenir.
Pour la majorité de nos interrogés cependant cet engagement dans le Budget Participatif s’inscrit dans un engagement civique plus ancien, ainsi madame A.L.[5] explique : « On avait, avec d’autres habitants du quartier euh réalisé euh construit une association des habitants du 4ème, comité ! Euh un comité des habitants du 4ème et on a entre autres à cette époque déjà on s’était battu pour qu’il n’y ait pas de parking sous la place des Vosges, on s’était battu pour un terrain d’aventures qu’on a construit et qui est devenu ultérieurement euh un terrain de tennis, rue Neuve-Saint-Pierre et on s’était battu pour défendre les habitants du quartier Saint-Paul (…) donc j’ai été au courant assez vite du comité d’habitants d’Arsenal que j’ai rejoint, entre temps notre comité des habitants le CH4 a disparu donc je me suis rapprochée euh j’ai participé aux différentes relations du comité de l’Arsenal et je pense que c’est à l’intérieur euh de tout ce qui se dit, d’emails que je reçois que j’ai été donc avertie du projet donc euh qui était proposé par la mairie de Paris pour intervenir sur l’arrondissement, ce qui était dans la logique de ce que j’avais toujours fait depuis 1968. ».
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Les votants
On peut s’interroger sur le réel niveau d’implication des votants dans le dispositif. En effet, alors qu’ils sont souvent présentés comme les acteurs principaux du Budget Participatif ils arrivent en dernier dans la chaine d’élaboration des projets qui seront réalisés. Ils doivent opérer un choix restreint dans une liste de projets préétablie et présélectionnée par la mairie et par les porteurs de projet. Lorsque les projets leur parviennent ils ont été passés dans un entonnoir et les votants n’ont alors qu’une marge de manœuvre limitée, notamment au niveau de l’arrondissement où les projets sont souvent moins nombreux qu’à l’échelle du Tout Paris et où parfois le votant est amené à sélectionner cinq projets sur sept ou huit projets présélectionnés. De plus, les projets qui ne sont pas choisis cette année ont de grandes chances d’être reproposés l’année d’après, voire même les années suivantes. On peut alors s’interroger sur le réel impact du vote et l’implication du citoyen-votant dans le dispositif. Peut-on qualifier d’acteur principal une personne qui clique sur un bouton ou met un papier dans une urne sans avoir assisté à aucune réunion et en ne proposant jamais un projet ?
Pour certains de nos interrogés comme S.P. l’important n’est pas de voter mais de participer à l’élaboration d’un projet :
« Et voilà, rien de tel pour impliquer les gens, et puis les inciter aussi à réfléchir à des projets par… pour eux-mêmes quoi euh… Parce que le but c’est ça, c’est que les gens s’emparent du budget participatif en tant que citoyens, pas simplement qu’ils aillent voter pour le projet qui les concerne parce que… Ce serait trop court terme. Moi ce qui m’intéresse c’est que les gens aient envie de proposer des projets aux prochaines éditions quoi. Je cherche pas simplement un vote pour mon projet, c’est… A la limite s’ils vont pas voter, s’ils oublient… »
Quelles sont les principales étapes d’un projet déposé au Budget Participatif de la ville de Paris ?
La première étape, et sans doute la plus importante, est d’avoir une idée. Sans idée, pas de projet. Nos interrogés ont tous répondu à la question « Comment vous est venue l’idée de votre projet ? » et les réponses sont diverses, mais on peut y remarquer des points communs. Pour monsieur D.G. il s’agit du prolongement d’une réflexion sur la solitude qu’il mène depuis cinq ans, alors pour madame S.P. il s’agit d’une idée qu’elle a eu en observant les touristes et en remarquant leur intérêt pour un endroit en particulier qu’elle a décidé d’embellir avec l’aide du Budget Participatif. Pour madame A.Q. il s’agit davantage d’un prolongement d’une réflexion déjà engagée (comme pour D.G.) sur la propreté suite à sa participation à des opérations de nettoyage de la ville. Pour madame A.L. il s’agit également du prolongement concret d’une idée ancienne issue d’une observation de son quartier et de ses défauts.
La seconde étape du projet est la formalisation de cette idée, afin qu’elle passe du statut d’idée abstraite à celui de projet réalisable. Il s’agit alors d’estimer les coûts et de coucher sur le papier les grandes lignes de leurs projets. Les interrogés insistent sur l’aspect plutôt facile de cette étape qui pourrait pourtant, de prime abord, paraitre un peu difficile.
Ainsi madame A.L. explique que cela fut relativement facile et rapide pour elle :
« J’ai récupéré un plan euh que je euh que mon mari qui était architecte euh c’est-à-dire un plan de la ville, les cartes de euh de la ville de Paris par arrondissement. Donc j’ai pris une carte, j’ai pris un calque, j’ai posé mon calque sur la carte (rires) j’ai dessiné des arbres, j’ai dessiné des bancs et euh j’ai dessiné ce qu’il me paraissait qu’il fallait mettre, j’ai fait un texte et euh j’ai envoyé le tout. Je suis à mon compte et je suis autodidacte (rires). (…) Pas beaucoup de temps parce que c’est… J’ai fait des dessins assez succincts, j’ai pas mis de photos. (…) j’ai même pas envoyé de photos, j’ai juste fait des dessins… Mais je sais pas combien de temps… Oh ! Ça a été relativement vite parce que j’avais pas l’intention ni le… Bon j’avais pas l’intention de faire un truc très poussé… Il me semblait que d’écrire, de l’expliquer ça pouvait suffire. »
Pareillement madame S.P. insiste sur la facilité et sur la rapidité de la formalisation du projet. De même, madame A.Q. estime le temps de travail assez court :
« Hum, c’est difficile à dire : environ 5 à 7 heures pour poser le problème et le décrire voir mon premier document d’information destiné au CQ Arsenal que je vous transmets et puis 1h ou 2h de conversations avec des camarades du CQ Arsenal, et environ 5h pour mettre le projet sous sa forme initiale puis le remanier 8 jours après. Disons une quinzaine d’heures de travail intensif pour la réflexion, les recherches, et la rédaction plus 4 à 5 heures pour la mise en forme et les dernières corrections. Soit environ 20 heures étalées sur 15 jours. »
Ensuite, la troisième étape est une reformulation du projet pour faire entrer le dossier constitué dans les normes et standards de la plateforme du Budget Participatif. Madame S.P. estime que cette phase a été plus longue car il a fallu qu’elle synthétise sa pensée :
« Et en fait il a fallu le synthétiser à fond pour le mettre euh… pour que ça rentre dans les cases grand public qu’on nous propose dans le budget participatif (rires). Voilà, parce qu’il y a des limites, des contraintes, bah je sais pas, c’est 2500 caractères, des trucs comme ça bon ben y’a des gens… moi ça va j’arrive à écrire, j’arrive mieux à écrire qu’à parler d’ailleurs… Bon donc ça c’est des petites contraintes pour que ce soit lisible mais en fait c’est ça qui m’a pris le plus de temps… (…) Non faire court c’est plus long que de faire long en fait. Parce que faire un… petit dossier de 15-20 pages c’est vachement facile en fait. Et présenter le truc standardisé qui va pouvoir passer, être aussi lisible que tous les projets qui sont présentés euh, heureusement qu’on a droit aux pièces-jointes, d’ailleurs c’est ce qu’on avait fait, on met toujours en pièce jointe ce qu’on a préparé et puis bah… et puis la rédaction de mail qui correspond aux impératifs de place. »
Pour certains interrogés c’est l’estimation des coûts qui a été difficile, ainsi madame A.L. explique :
« Et bah j’ai fait une estimation et le président du comité des habitants du 4ème d’Arsenal m’a dit tu rajoutes un zéro et tu seras plus proche de la réalité (rires). Voilà… Donc… Je savais pas… du tout ! Donc (rires) j’ai mis un zéro en plus, comme il m’a dit (rires) donc on est passé de 25 000 à 250 000 (rires). Donc je pense que ça va être… »
De même, madame A.Q. répond à la question sur le coût de son projet en disant :
« Non je n’en ai pas la moindre idée ni n’ai demandé une expertise. Je pense que cela ne sera pas très coûteux. »
Après cette phase de formulation du projet, la mairie exerce un contrôle sur les projets déposés afin de s’assurer de leur solidité et de leur faisabilité technique. La mairie valide ou pas le projet, et elle peut y apporter des modifications.
Ainsi madame A.L. déclare :
« Enfin le discours… ce qu’ils ont écrit concernant mon projet c’est pas exactement la même chose que ce que j’avais écrit moi bon ça se tient euh par contre en ce qui concerne la chaussée de la rue de Beautreillis telle que je me la suis imaginé je sais pas si… J’ai aucune idée de combien ça peut coûter ça… De mettre des pots de fleurs dans la rue qui est dans l’axe de la rue Neuve-Saint-Pierre ça ça doit pas coûter très cher euh d’enlever les barrières qui sont devant l’école et de mettre des bacs à fleurs… D’abord je sais pas s’ils le feront… Bon moi je trouve que ça serait plus joli mais euh… (…) Non… Alors… Le texte qu’ils ont fait, le texte définitif là qui a été… que j’ai vu à la mairie, bon c’est… C’est un petit chouïa… Je me suis dit est-ce que vraiment la la partie euh piétonne vraiment dans l’axe et la partie d’aménagement vraiment (…) comme j’ai demandé pour la rue de Beautreillis qui sont des rues à vitesse très limitée avec priorité pour les piétons mais pas piétonnes alors que la rue dans l’axe de la rue Neuve-Saint-Pierre là je l’ai vraiment demandé piétonne et je me demande si c’est ce qu’ils vont… vraiment faire quoi. Ils ont dit calmer hein c’est un peu ça qui apparaît sur les résultats du texte, calmer le quartier quoi… Moi j’ai pas dit calmer le quartier… Moi j’ai dit faire qu’il soit un petit peu plus adapté aux piétons… »
On retrouve dans cet extrait l’incertitude sur l’estimation des coûts, mais aussi sur les intentions de la mairie et sur les modifications qu’elles pourraient faire au projet initial dont madame A.L. est à l’origine. Elle dit ne pas savoir ce que la mairie a prévu exactement et s’interroge sur le changement des termes du projet avec notamment cette idée de « calmer le quartier » alors qu’elle n’avait pas employé cette expression.
Le projet de madame S.P. a également été modifié :
« Alors là bah y’a un problème au niveau du budget à mon sens, dans le sens où, on avait… Bah ça c’est pareil euh, on en avait discuté entre nous et euh, entre conseillers de quartier, et parmi les conseillers de quartier il y avait le fameux architecte Pierre Colboc, il y avait notre président qui est un expert on va dire de l’aménagement euh urbanistique, et on avait dit 200 000. 200 000 euros. Ensuite, on a plus de nouvelles, et on a trouvé le projet tel qu’il avait été reformulé pour être présenté au vote citoyen plusieurs mois après donc euh… Il y a quelqu’un à la mairie qui avait réécrit le texte et puis qui a budgétisé à 580 000 euros… Voilà. Donc on est passés de 200 000 à 580 000 et euh bah on était super contents « Wah c’est génial, vraiment », mais après on nous a pas dit pourquoi (…) Alors, euh oui euh, ils ont réécrit pour le formater euh, pour que tous les textes aient la même euh, exactement le même ton quoi ils ont fait un petit travail de rewriting sur lequel on a eu aucun euh… aucune consultation. On a pas dit si on était d’accord ou pas (rires). Vous savez on nous montre le cahier, le cahier avec tous les trucs euh tous les projets retenus dans le 4ème et on a pas notre mot à dire. Donc ça c’est un peu moyen mais bon en même temps… On a passé notre temps à… Enfin pour nous c’est fini, c’est bouclé et puis on a présenté un beau projet et euh si les gens veulent le consulter en plus il est sur internet il est accessible, puisque les gens peuvent remonter à l’initiative du projet quand ils vont consulter les projets qui sont soumis au vote. »
Là encore le problème de l’estimation des coûts se pose, mais on peut aussi noter les modifications effectuées par la mairie et le manque de transparence sur ces modifications du projet. La notion de réécriture pour prendre en compte des formats, des standards afin que les textes se ressemblent est évoquée par deux de nos interrogées, démontrant que cette pratique est relativement présente. Cependant comme le souligne nos interrogées le projet originel est souvent présent en pièce-jointe et accessible sur la plateforme.
Après ce contrôle de la mairie, avec des modifications éventuelles, des ateliers de co-construction sont organisés afin de réunir des projets qui auraient les mêmes thématiques ou qui auraient la même localisation.
Les projets sont consultables en ligne et les porteurs de projet peuvent commencer à parler autour d’eux de leur projet afin de mobiliser leur entourage, leur quartier ou même plus afin d’encourager les personnes à voter pour leur projet.
D’après les résultats de notre questionnaire, les voisins arrivent en tête des personnes que les porteurs de projet ont mobilisé, puis ce sont les amis et la famille, puis une faible minorité a mobilisé ses commerçants et une encore plus faible minorité a mobilisé ses collègues.
Nous avons interrogé quelques porteurs de projet sur les personnes à qui ils avaient parlé de leur projet. Ils ont tous parlé de leur projet autour d’eux que ce soit à leurs proches ou des relais importants comme les directeurs d’école ou les commerçants du quartier.
Madame A.L. par exemple a surtout mobilisé les commerçants de son quartier :
« Alors là oui, j’ai sensibilisé les commerçants dont un certain nombre dont je savais qu’ils ne demandaient que ça, à ce que la rue soit piétonne. C’est-à-dire un…deux…trois…quatre cafés, le coiffeur, euh à qui est-ce que j’en ai parlé ? Ah non un autre café encore… cinq cafés et à qui j’ai dit entre autres : faites des efforts parce que moi toute seule euh j’ai pas le temps ni les moyens de mobiliser l’arr… les gens de l’arrondissement… ça c’était… il fallait qu’ils s’y mettent quoi ! »
Madame S.P. a beaucoup mobilisé autour d’elle et elle a impliqué les gens avant même que son projet ne soit soumis aux votes :
« De toute façon déjà j’ai demandé aux gens pendant la conception, je me suis dit qu’en les impliquant en amont ce sera mieux pour qu’ils aillent voter après (rires) en leur demandant leur avis. Durant la phase de sensibilisation… (…) J’en ai parlé aussi sur les réseaux sociaux bah parce que je suis pas mal sur Twitter… Bon Facebook c’est trop nul… j’avais fait une page Facebook quand même pour le projet, mais euh… C’était… ça sert strictement à rien. (…) Et puis les relais. Alors les grands relais ; alors les directeurs d’écoles, et instits, tout ça… C’est quand même notre cœur de cible, c’est quand même les habitants, et les habitants qui ont des enfants, les familles, surtout dans le 4ème où les appartements sont minuscules, enfin bon… Bref, les familles euh c’est vraiment super précieux, alors… Là, pour celui de Beaubourg, on a, bah Evelyne Zarka qui est maintenant première adjointe euh, et qui était institutrice à l’école du Renard euh là elle est à la retraite maintenant, elle a été super active pour les projets du conseil de quartier. Et euh… ça a été un relai très puissant quoi, et puis, et puis le directeur de l’école Saint-Merri aussi qui nous soutenait à fond et avec lequel on avait travaillé l’année précédente (…) Mais là tout de suite vous avez une école, bah, vous avez 700 votes quoi (rires) c’est… Et puis les commerçants, voilà, on est allés faire le tour des commerçants, on a collé des petites affichettes, voilà maintenant ils savent tous, mais la première édition c’était assez euh… Il y avait beaucoup de défrichage à faire quoi. On leur expliquait qu’est-ce que c’était, maintenant ils savent »
De plus, madame S.P. a été la seule à être contactée par la presse :
« Comme j’étais pas mal sur Twitter, enfin, je suis toujours pas mal sur Twitter mais au début du budget participatif j’en parlais beaucoup sur Twitter, maintenant j’en parle plus mais bon j’en parlais beaucoup à cette époque-là et y’a une journaliste qui m’avait contactée euh… Bah c’était en 2014, ouais je me souviens c’était juste après la campagne d’Hidalgo et c’était une journaliste qui avait suivi la campagne d’Hidalgo et qui donc était intéressée par ce que ça devenait son idée de budget participatif concrètement euh… Une fois que c’était, que c’était mis en place quoi. Et euh, et voilà donc elle m’avait interviewé et puis… »
L’avant-dernière étape est le vote citoyen avec l’élection de projets lauréats qui ont reçu le plus de voix. La dernière étape est la réalisation des projets lauréats mais comme l’ont souligné plusieurs de nos interrogés cette étape pose problème car il y a eu de nombreux retards et la plupart des projets lauréats de 2016 et de 2017 n’ont pas encore été réalisé. Ce délai de réalisation fait partie des limites du Budget Participatif que nous analyserons davantage dans la troisième partie de notre dossier.
Les enjeux de la démocratie numérique : analyse des résultats
Les opportunités
La reconquête de l’espace démocratique
Les démocraties modernes sont confrontées à de nouveaux défis. La France n’est pas épargnée par ce climat de défiance et de désengagement vis-à-vis du politique et l’on constate aussi que les projets d’urbanisme et d’aménagements font l’objet de plus en plus de contestations. Dans le prolongement de la « démocratie participative », le Budget participatif tente de répondre à une volonté des citoyens de s’approprier leur environnement et d’être acteurs de leur quotidien. Cette nouvelle forme de co-construction citoyenne initiée, comme nous l’avons dit plus haut au Brésil, dans les années 1980, s’accorde à faire participer tous les acteurs de la vie locale en partenariat avec les pouvoirs publics. Les outils numériques viennent accompagner indéniablement cette démarche, tant sur le plan de la communication que sur le plan de la conception. La municipalité s’est emparée de la question et l’a transformée en réel enjeu politique.
Selon Dominique Cardon, sociologue français, Internet permet d’élargir l’espace public grâce à deux dynamiques inédites : « D’une part, le droit de prendre la parole en public s’élargit à la société entière ; d’autre part, une partie des conversations privées s’incorpore dans l’espace public[6] ». Les citoyens réinvestissent d’une certaine manière la démocratie qu’ils remettent en cause dans le même temps, notamment les méthodes et les cadres traditionnels de conception des projets et de prise de décision.
Pourtant, cette structure sociale existe déjà et les acteurs d’aujourd’hui étaient, pour une grande partie d’entre eux, ceux d’hier. L’enquêtée S.P. décrit très bien cet engagement avant la montée en puissance des outils numériques :
« Oui dans le 4ème on avait, euh, là ça s’est totalement perdu cette tradition mais quand j’ai commencé en 2008-2009-2010 à peu près je me souviens qu’on avait des ateliers qui étaient conjoints avec euh le 3ème arrondissement et (…) Euh, bah c’était un petit peu comme sur le modèle d’hier mais avec beaucoup plus de monde euh donc ça change tout, tout de suite. »
Elle a ainsi entendu parler du Budget Participatif dans le cadre d’un engagement politique préexistant qui l’a aidé à s’emparer plus facilement de ce nouveau dispositif.
« Enquêteuse : Donc (…) comment avez-vous entendu parler du budget participatif ? Pour la première fois ?
S.P. : (…) j’en ai entendu parler parce que j’étais militante (…) au PS[7], (…) j’aimais bien parce que c’est assez structuré, enfin, en 2008 c’était il y a 10 ans quand même. (…) C’était extrêmement structuré (…). La thématique des budgets participatifs, c’est quelque chose dont on parlait beaucoup au parti. (…) j’avais déjà des idées de projets à proposer et qu’en plus j’avais pu structurer facilement (euh), peut-être plus facilement qu’un citoyen qui a jamais participé au conseil de quartier. »
De plus, dans notre enquête par questionnaire[8], une grande partie des personnes répondent qu’elles étaient déjà engagées dans une association, un conseil de quartier ou bien un parti politique, avant de porter des projets ou participer au vote pour le budget participatif. De même, elles ont pour la plupart participé aux dernières élections nationales.
Structuration des projets
Le Budget participatif impose des règles très normées pour accepter un projet et le proposer au vote. En effet, les différentes étapes détaillées plus haut dans la partie 2 aide à structurer les idées des citoyens en un projet robuste et cohérent. Les initiatives existaient déjà, mais dépassaient rarement la frontière du conseil de quartier et pouvait être débattu pendant des années sans jamais aboutir, faute de financement ou de réalisme.
Aussi la ville de Paris accompagne les porteurs de projets en mettant à leur disposition un guide pratique[9]. Celui-ci encadre et dessine les contours d’une idée pour qu’elle soit recevable par la municipalité. On y retrouve les différents jalons du projet, des exemples d’idées qui ont été acceptées et votées, le suivi de la réalisation, etc. À ceci s’ajoute la charte des utilisateurs du site Internet dédié[10], qui formalise les pratiques à adopter sur la plateforme. Créée en 2012, l’association parisienne LES PARQUES propose une variété d’ateliers et d’événements pour réfléchir et agir collectivement, et accompagner les porteurs de projets tout au long du processus de réflexion, de l’émergence d’idée, jusqu’à l’étape finale du dépôt. De même l’association Cap ou pas cap s’efforce d’accompagner les porteurs de projet. Lors de la réunion publique de la mairie du 4ème arrondissement, l’enquêtrice Alice s’est vue remettre une note de deux pages intitulée « Maximiser les chances du succès de votre déposé dans le cadre du Budget Participatif » (Annexe 3).
Ce dispositif réjouit certains de nos interrogés qui voient enfin se réaliser leur projet de longue date. Ainsi notre enquêtée S.P. explique :
« je me suis dit tiens cette idée ça va être idéal pour le budget participatif. C’était totalement lié et euh jamais j’aurais été voir le maire pour lui dire « Ah j’ai une idée, voilà, il faudrait refaire… ». Ou alors, on a des réunions publiques qui sont organisées aussi où les gens s’expriment librement, comme ça, jamais j’aurais été raconté « On va mettre des fleurs et puis… ». Enfin voilà, c’était pas non plus une urgence. En fait ce qui est bien, c’est que monter un projet au budget participatif ça nous oblige à avoir une vision d’ensemble et globale, qu’on a pas forcément sur une petite idée comme ça, et c’est vachement intéressant. Et ça c’est quelque chose que j’ai jamais trouvé dans les ateliers qu’on avait antérieurement, dans les les soirées qui étaient organisées dans la mairie du 4ème ou du 3ème où on faisait cogiter les citoyens bon bah ok mais en fait on restait toujours un peu sur sa faim, tandis que là on a l’impression qu’on peut pousser le truc et euh, et que ça va se faire quoi ! Même si ça prend longtemps (…) Là mais on a l’impression que c’est pas seulement… Que vraiment c’est du concret et que… On réfléchit un peu plus quoi. Et on est vraiment aussi dans la proposition, souvent les réunions publiques et les ateliers y’a peu de réactions quoi et c’est pas très… c’est pas forcément sympa quoi. »
Le Budget Participatif tente aussi de recréer un lien social. En effet, les sondages suggèrent une opinion et les consultations prononcent une adhésion ou un rejet, tandis que le budget participatif invite les citoyens à proposer des idées. Néanmoins, un autre enjeu est d’intéresser les plus jeunes et plus largement tous les parisiens.
Vers une cybercitoyenneté : quand les élus mobilisent les réseaux sociaux ?
Le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux ne cessent de croître chaque année, notamment grâce à l’augmentation des débits Internet et un accès aux équipements plus répandus. Aussi Henri Oberdorff invoque la reconnaissance d’un droit fondamental d’accès à l’espace numérique pour éviter l’exclusion de la majorité dans une démocratie dite « numérique ».
Les réseaux sociaux permettent aux personnalités de rencontrer leur public, qui est connecté au monde numérique, comme le montre les chiffres de l’étude ci-dessus. La diversité des réseaux sociaux modifie aussi le paysage culturel sur Internet. Les professionnels de la communication optimisent leur campagne sur ces plateformes dont l’utilisation est devenue incontournable et plébiscitée par les citoyens. La maire de Paris, Anne Hidalgo n’hésite pas à publier sur Twitter ou Facebook pour promouvoir le budget participatif, en l’illustrant parfois par des projets qui ont vu le jour grâce à ce dispositif.
Elle est très suivie aussi sur ces deux plateformes sociales avec près de 1,5 millions d’abonnés, en plus d’Instagram (environ 42 000), ainsi que la ville de Paris qui en cumulent plus de 5 millions. Ces outils sont devenus si incontournables que l’on peut y sonder la popularité des personnalités en fonction du nombre de personnes qui les suivent.
Néanmoins, il n’existe pas de page officielle attitrée au Budget Participatif de la ville de Paris, mais des citoyens parisiens en ont créé une pour communiquer sur les événements tels que les conseils de quartier ou les réunions d’informations, et relaient la communication officielle de la ville de Paris sur le sujet.
L’enquête[12] de Michel Barabel[13] confirme cette tendance en indiquant que « l’intégralité des territoires français ont des groupes sur Facebook et ce phénomène n’est, semble-t-il, pas marginal puisqu’il concerne également les départements ou les régions les moins connues ». M. WESTLING[14] dit aussi que les réseaux sociaux permettent tout d’abord, d’atteindre un « vrai » espace public, car il n’existe aucune autre communauté qui réunisse autant de gens malgré les distances géographiques et autres. Puis, que ce réseau réunit les meilleures qualités du bulletin municipal, des réunions publiques et des journaux. Car contrairement aux réunions publiques, les sujets abordés sur Facebook sont choisis par les internautes et non plus imposés par les autorités.
Les élus locaux s’exercent alors à faire de la politique autrement. Selon Armel le Coz[15], le budget participatif aide à transformer le système pas à pas. C’est cette volonté qui est à l’origine de Porto-Alegre, au Brésil. Bien sûr, cette ambition varie selon le montant accordé par habitant. Mais dès le départ, le budget participatif vise à redonner du pouvoir aux citoyens et modifient ainsi les formes d’engagement. La maire de Paris défend ainsi l’idée que l’« intelligence collective » et la « participation citoyenne » sont « les outils les plus puissants » pour élaborer les politiques publiques. Les interviews de S.P. [16] et de A.L.[17] évoquent respectivement la modernité apportée par le dispositif et la collaboration qui y est favorisée.
Madame S.P. souligne les intérêts du numérique dans le dispositif du Budget Participatif : « Internet c’est pas seulement bien parce que c’est pratique, on peut aller voter à trois heures du matin (rires), c’est aussi parce qu’on voit les projets des autres, c’est vraiment intéressant. Et je suis contente aussi parce que tout à coup je reçois un mail qui me dit euh… Ah bah tiens, il y a quelqu’un qui s’associe au projet, il y a quelqu’un qui pose des questions sur le projet (…). Enfin le projet, il continue de vivre via la plateforme Internet ».
L’enquêtée A.L. évoque une personne qui lui a écrit sur la plateforme : « je sais que quelqu’un m’a écrit et qui m’a dit pourquoi vous l’avez arrêté à la hauteur de la rue Charles V et en effet je me suis dit pourquoi… (…) ce projet aurait pu aller plus bas. ».
Toutefois, les promesses de la démocratie numérique sont parfois difficiles à tenir. Tout miser sur le digital risque fort de nuire à l’esprit de collectivité, pourtant prôné par ces initiatives collaboratives. D’autant que d’autres enjeux déterminent aussi la réussite de ce dispositif.
Les limites de la démocratie numérique
Le manque de communication
C’est l’argument majeur qui ressort des entretiens et du questionnaire. Même si la mairie a fait de gros effort depuis la première édition, seuls 168 000 parisiens[18] ont participé à la dernière édition en 2017, dont 67 694 enfants qui ont voté dans le cadre du budget participatif des écoles et des collèges. Le concept cherche encore son public et semble convertir peu de personnes qui n’étaient pas déjà engagés soit localement soit au niveau national, dans une structure associative ou politique. L’enquêtée Alice (Annexe 8) indique que finalement peu de personnes de son entourage sont informées de ce dispositif malgré les campagnes d’affichage dans son quartier (4ème arrondissement) :
« à côté de chez moi (…) j’ai vu les affiches et tout mais (euh) en fait non, c’est plutôt confidentiel genre, même pourtant je connais quand même pas mal de parisiens et en fait quand je leur parle ils découvrent. En fait, c’est moi qui leur en parle pour la première. »
Les campagnes d’information semblent se diluer dans l’espace urbain et n’interpeler que ceux qui sont déjà concernés. L’enquêtée A.L. évoque ces deux aspects :
« Moi je trouve ça très intéressant mais en fait j’ai constaté que euh à l’occasion où j’en ai parlé, il y a des gens qui sont pas au courant du tout malgré les affiches, malgré… et les affiches j’en ai vu ! Alors après est-ce que je les ai vu parce que j’étais au courant… Mais en effet… Par exemple concernant le dernier euh le dernier euh ‘fin tout ce qui a été mis comme affiches par la ville de Paris annonçant que ça allait terminer que etc que… Les gens le voient pas. C’est pas vu ! Alors c’est que dans un certain contexte quand on en parle que à l’occasion on dit ah oui il y a eu une affiche là… vous avez pas vu l’affiche ? Bah regardez donc l’affiche pour que… Pour que les gens voient quelque chose mais ils voient pas. Et ça euh c’est d’ailleurs un problème de l’information globalement… »
La communication locale, c’est à dire au sein du réseau local, semble jouer un rôle prescripteur plus pertinent. Ainsi le fameux « bouche-à-oreille » semble plus efficace et madame A.L. indique qu’elle a fait connaître le projet en amenant une amie à elle à une exposition des projets lauréats organisée par la mairie et qu’elle a mobilisé elle-même son quartier : « j’ai sensibilisé les commerçants dont un certain nombre dont je savais qu’ils ne demandaient que ça ».
Les votants et les porteurs de projets critiquent aussi le manque d’informations sur le suivi des réalisations. Même si le site internet de la ville propose un baromètre de réalisation[19], il est impossible de savoir où en est exactement le projet. Ainsi madame A.L. explique qu’elle n’est pas tenue au courant de l’avancement du projet qu’elle a proposé et qui a été voté :
« Maintenant ce que j’aurais voulu, ce que je voudrais c’est euh c’est d’être un peu plus tenue au courant de comment ça avance parce que de ce côté-là je sais rien du tout. Alors est-ce qu’il faut que j’aille moi-même chercher l’information ? Alors il y a eu cette exposition des projets retenus à la mairie mais depuis c’est le silence… Alors je sais pas si en effet c’est moi qui doit me manifester, si… Et puis j’aimerais bien… Bon en effet s’ils ont commencé à étudier le projet au mois de janvier bon bah j’aimerais bien être un petit peu au courant… à l’occasion je serais pas contre bon participer j’ai pas le temps mais qu’ils fassent peut-être une réunion une fois par mois ou j’en sais rien… pour être un petit peu tenu dans la mouvance de ce qu’il se passe et puis avoir disons voix au chapitre, bon… »
Les interlocuteurs de la municipalité ne se montrent pas toujours très précis sur l’avancée du dossier et les délais de réalisation sont perçus comme particulièrement longs.
Madame S.P. souligne que « ça prend beaucoup de temps (…) il faut qu’ils fassent des études qui sont extrêmement longues (…) ».
Cela suscite de l’impatience et du découragement chez les citoyens qui ont porté cette idée depuis le début. Madame S.P. l’explique à de nombreuses reprises dans son entretien :
« bah les gens étaient un peu découragés tous parce que y’avait pas de nouvelles des projets et euh il a senti que la mobilisation serait peut-être un peu plus compliquée à obtenir »
« Mais ça prend un temps fouuu ! Il y a toutes les directions de la ville à mobiliser, et puis ça s’insère dans leur agenda qui est déjà cadencé par d’autres contraintes que notre petit budget participatif et euh, et donc là il y en a un qui a été déposé euh, qui a été lauréat en 2016 et euh on a pas de nouvelles, on a jamais eu de nouvelles. Euh… Bon, celui de 2015 non plus, euhh… C’est assez euh, c’est assez problématique. Par contre, oui, il y en a qui vont être faits tout de suite on ne sait pas trop pourquoi, c’est un petit peu peut-être le hasard parce que c’est peut-être quelque chose qui était euh sur le feu euh et on le savait pas et euh… (…) Donc ça c’est très décevant, très démotivant »
« Ceci dit les deux sont toujours au stade de la phase 1, c’est-à-dire qu’on en a pas de nouvelles » (en parlant des deux projets qu’elle a déposé au budget participatif de 2016)
Cybersécurité : la sécurité des données en question
De manière plus globale, la question de la sécurité des données personnelles peut poser un certain nombre de contraintes et de réticences dans l’exercice de la démocratie numérique. Déjà, dans la pratique, un système électronique peut connaître des dysfonctionnements causés par des défaillances matérielles, des erreurs de conception (bug) ou des erreurs de manipulation. De plus, la grande question contemporaine de la protection de la vie privée ne trouve pas encore de réponse et semble ne pas être toujours compatible pour certains à l’exercice démocratique dématérialisé. L’enquêtée S.P. (Annexe 9) s’émeut d’un manque de sécurité même des plus hautes instances :
« on a l’impression que ça simplifie l’administration électronique, mais moi, ça me fait flipper comme c’est pas possible, parce qu’on voit que tous les fichiers, même les fichiers de l’armée américaine sont piratés »
Certaines réponses libres dans notre questionnaire vont aussi dans ce sens. Quand on les interroge sur la possibilité de voter en ligne pour des élections régionales ou nationales, presque la moitié des sondés s’y opposent. Ils invoquent pour la plupart les problèmes de sécurité : le « piratage informatique possible (exemple des États Unis) », la mise en cause de l’anonymat, le manque de « confiance dans les moyens techniques », et redoutent une utilisation frauduleuse des votes par des « personnes malhonnêtes ».
Pourtant la France est l’un des premiers pays à s’être doté d’une loi de protection des fichiers informatiques[20]. Loin d’empêcher les actes malveillants, elle semble ne plus suffire pour rassurer certains internautes qui s’auto-excluent parfois du débat public en ligne par peur d’être soit reconnu soit pisté par des algorithmes trop intrusifs. La cybercriminalité reste néanmoins une préoccupation des démocraties modernes qui tentent de préserver la liberté d’échange et de communication et qui veillent à ce qu’elle ne soit pas détournée pour des objectifs beaucoup moins démocratiques. La lutte contre cette dérive est cependant très ardue, compte tenu de la volatilité même de l’Internet et de l’absence de frontière liée au digital. Plus que jamais, les États doivent trouver des moyens toujours plus répressifs ou dissuasifs tout en sachant que les experts de la cybercriminalité ont déjà un temps d’avance sur leurs ‘victimes’. Il faut, pour l’anecdote, relever la démarche du Pentagone d’embaucher des hackers[21] pour renforcer la sécurité de son système informatique.
Pour autant, malgré les discours pour rassurer les utilisateurs du Web, certains citoyens restent encore méfiants et réfractaires à l’idée d’une démocratie numérique.
La résistance au changement
La démocratie numérique révèle d’autres contraintes qui relèvent plus de l’ordre de la représentation. A l’instar des paniques morales décrites par Stanley Cohen, le vote numérique suscite chez certains des enquêtés, sinon une crainte, une résistance au changement. La « garantie de l’anonymat », « les pressions possibles », « l’éloignement des lieux représentatif de la République », ou « la fin de la tradition de l’isoloir » sont autant d’arguments avancés par les farouches défenseurs de la démocratie « réelle ». D’autant plus, que l’usage d’Internet pour ce type de pratique n’est pas encore intégrée dans notre pays. Bien qu’acceptée pour le vote au Budget Participatif, qui est aussi possible par bulletin papier dans l’urne, les interrogés de notre questionnaire ne seraient pas tous prêts à reproduire cette action pour des élections à l’enjeu national ou même régional. C’est pourtant déjà le cas dans d’autres pays du monde (USA, Belgique, Pays-Bas, Suisse, etc.), et la France l’avait expérimenté en 2012. Les Français de l’étranger ont participé pour la première fois à un scrutin numérique pour une consultation nationale en France, lors de l’élection présentielle de cette année.
Il faut ajouter à ces méfiances et à ces résistances, la fracture numérique qui exclut une partie de la population. Bien que la grande majorité des foyers ait accès à une connexion Internet[22], il apparaît néanmoins que certains citoyens ne soient pas connectés pour d’autres raisons que matérielles. Comme les nomme Henri Oberdorff[23], les « non-branchés » sont absents de ces nouveaux espaces d’expression. Il considère même que « l’exclusion du réseau des réseaux est tout aussi grave que celle de la société ». Pour autant, d’autres obstacles se lèvent aussi et creusent cette inégalité. La barrière culturelle oblige les internautes à lire et à comprendre les écrits publiés. Le cybercitoyen doit alors être alphabétisé et capable d’interagir avec les autres lettrés. Enfin, il y a également les réfractaires naturels qui ne veulent pas se laisser engloutir dans la masse de l’espace dématérialisé. De plus il faut tenir compte de la limite très importante de la communication qui fait qu’une majorité de parisiens ignorent encore aujourd’hui tout du Budget Participatif, et cela d’autant plus dans les milieux moins politisés et au capital culturel et économique moins important.
CONCLUSION
De Porto Alegre à Paris, le concept de budget participatif semble répondre à certaines attentes des citoyens du monde. Les réticences croissantes face aux méthodes traditionnelles dans l’exercice de la politique amènent les démocraties à inventer de nouvelles formes d’engagement pour reconquérir l’espace public. Loin d’apporter des solutions miracles, la démocratie participative à l’ère du numérique interroge aussi le mode de gouvernance de ce nouvel espace de socialisation. Ces nouvelles pratiques sociales tendent à vouloir contester un ordre établi depuis longtemps, en imposant des décisions au peuple. Les internautes-citoyens trouvent encore difficilement leur place pour peser dans la prise de décision.
La ville de Paris présente néanmoins des atouts puisqu’elle se veut inclusive dans le choix des projets portés et propose un certain nombre de catégories pour répondre aux besoins du plus grand nombre. A travers le numérique, la vie locale se réinvente tout en conservant des acteurs locaux déjà engagés dans des conseils de quartier, des associations ou des partis politiques mais qui souhaiteraient voir s’élargir aux nouvelles générations cet esprit civique. Pour autant, il est primordial de lutter contre la cybercriminalité qui dissuade encore nombre de citoyens de s’engager et de s’investir dans l’espace numérique. Il serait aussi important de sensibiliser les plus jeunes à l’exercice de la démocratie pour semer dès aujourd’hui l’espoir d’un monde plus collaboratif.
[1] Cf le compte-rendu de la réunion (annexe 2).
[2] Cf l’entretien retranscrit dans l’annexe 9.
[3] Cf le compte-rendu de la réunion (annexe 2).
[4] Voir annexes 5 et 6.
[5] Son entretien est retranscrit en intégralité en annexe 7.
[6] CARDON Dominique, La démocratie Internet, Éd. du Seuil et de La République des idées, 2010 (page 11).
[7] Parti Socialiste.
[8] 14 personnes sur 17 interrogées.
[9] Guide pour faire Paris à votre idée (33 pages).
[10] https://budgetparticipatif.paris.fr/bp/
[11] Source : Agence Tiz, http://www.tiz.fr/utilisateurs-reseaux-sociaux-france-monde/
[12] M. BARABEL et al., « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, n° 32, 2/2010, p. 245.
[13] Maître de conférences à l’UPEC.
[14] M. WESTLING, « Expanding the Public Sphere : The Impact of Facebook on the Political Communication », Society, vol. 28, 2007, p. 835-860.
[15] Cofondateur du collectif Démocratie Ouverte et de la plateforme Parlement & Citoyens.
[16] Annexe 9
[17] Annexe 7
[18] Sur une population totale de 2 243 739 habitants, chiffres de l’INSEE (2014)
[19] Baromètre en 5 étapes
[20] Loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978
[21] https://www.latribune.fr/technos-medias/informatique/le-pentagone-recrute-80-hackers-pour-pirater-ses-propres-sites-638521.html
[22] 76,5% des ménages français possèdent une connexion à Internet (chiffres Insee 2014).
[23] Oberdorff Henri, La Démocratie Internet, Ed. Presses universitaires de Grenoble, 2010.
Bibliographie
Sitographie :
- https://lesbudgetsparticipatifs.fr
- https://www.debatpublic.fr/barcamp-reinventer-debat-public
- https://democratieouverte.org/
- http://www.lesparques.com/budget-participatif
- https://www.insee.fr/fr/statistiques
Articles :
- http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/10/06/outre-paris-45-villes-francaises-ont-adopte-le-budget-participatif_5197506_4355770.html
- https://www-liberation-fr.cdn.ampproject.org/c/www.liberation.fr/amphtml/debats/2017/12/07/clement-mabi-on-reste-dans-une-logique-ou-le-politique-garde-le-controle_1615151
- https://www.lesechos.fr/politique-societe/regions/030937799281-aurelie-robineau-israel-la-seconde-patronne-de-paris-2134260.php
- https://blogs.mediapart.fr/marc-tertre/blog/200111/espoirs-et-limites-du-participatif
Ouvrages :
Dominique CARDON, La démocratie Internet, Éd. du Seuil et de La République des idées, 2010
Henri OBERDORFF, La Démocratie à l’ère du numérique, Ed. Presse universitaire de Grenoble, 2010
Dossiers :
- « Réseaux sociaux entre médias et médiations », Revue Communication et Organisation: 43 | 2013
- https://www.apur.org/sites/default/files/documents/budget_participatif_paris_analyse_projets_2015.pdf
- http://www.data.gouv.fr/fr/datasets/resultats-des-votes-du-budget-participatif-2015/#
- https://www.api-site.paris.fr/mairies/public/assets/2018%2F0%2FGuide_pour_faire_Paris_a_votre_idee.pdf
Annexes
Annexe 1 : Grille d’entretien
Rapport au budget participatif :
- Comment avez-vous entendu parler du budget participatif ?
- Question générale de début : comment définiriez-vous / que pensez-vous du budget participatif.
- Est-ce qu’en dehors du budget participatif vous avez participé à d’autres initiatives de démocratie locale ? Organisées par d’autres acteurs que la mairie, comme des associations ?
Origine du projet :
- Comment vous est venue l’idée du projet ?
- Comment vous est venue l’idée de le proposer au budget participatif ?
- Pourquoi le budget participatif ? Selon vous y avait-il un autre moyen ?
- Comment s’est déroulé l’avant-projet : comment vous avez défini votre projet, est-ce que vous avez eu de l’aide de la mairie ou pas ?
Mise en place / déroulement
- Depuis combien de temps préparez-vous ce projet ? Comment s’est organisée dans le temps sa préparation ?
- Quel a été votre rapport a l’aspect financier du projet ?
- Estimation des coûts, comment ? Expertise ?
- Question de la mobilisation du cercle familial/personnel
- Dans la structure ?
- Comment/qui avez-vous mobilisé autour de ce projet ?
- Du coup dans votre famille…
- Dans l’école / la structure
- Rapport médiatique : à l’initiative de la presse ou de la part de quelqu’un du projet
- Question de l’organisation de la communication : qui, comment ?
- Lorsque le projet a été accepté lors de la pré-sélection des projets (si ça a été le cas), est-ce que cela a changé des choses dans votre projet, par exemple dans le budget ou d’autres aspects ?
Résultats et ressenti
- Quel ressenti gardez-vous de cette expérience ?
- Est-ce qu’il y a des choses que vous n’avez pas appréciées ou que vous souhaiteriez voir améliorées ?
- Est-ce que vous recommanderiez le budget participatif à quelqu’un qui aurait un projet pour la ville ?
- Pour quel type de projets est-ce que c’est une bonne idée ?
- Pour vous quel rôle a le budget participatif ?
- Est-ce qu’il y a autre chose en lien avec le budget participatif que vous auriez aimé aborder dans cet entretien ?
Annexe 2 : Compte-rendu de la réunion publique du mardi 16 janvier 2018
La mairie du 4ème arrondissement de Paris organise une réunion publique dans la salle des mariages le mardi 16 janvier 2018 afin d’aider les citoyens à proposer des projets pour le budget participatif 2018. L’ordre du jour est le suivant :
- 19h : Mot d’accueil d’Ariel Weil[1], le maire du 4ème arrondissement, et de Karen Taïeb, son adjointe chargée de la santé, du handicap, de la culture, de la participation citoyenne, de l’architecture et de l’urbanisme
- 19h30 : Ateliers d’émergence de projets avec l’association « Cap ou pas cap »
- 20h45 : Restitution des groupes
Lorsque j’arrive à 19h il n’y a qu’un petit groupe de personnes présent dans la salle, ils semblent se connaitre (ils se font la bise, s’appellent par leurs prénoms et se tutoient pour certains) et j’apprendrais par la suite qu’il s’agit des membres du conseil d’arrondissement, environ huit d’entre eux étaient présents à la réunion soit presque la moitié puisque la réunion a été suivie par vingt personnes environ. En discutant avec les uns et les autres, je découvre qu’outre cette majorité de membres du conseil d’arrondissement les autres personnes présentes sont venues essentiellement par curiosité, pour écouter les projets et les débats, mais sans vouloir proposer un projet. Seule une minorité de citoyens est venue pour présenter une idée. Je constate la présence d’une majorité de femmes (seuls quatre hommes sont présents) et la faible présence de jeunes adultes (moins de 30 ans). Je profite du retard du maire pour discuter avec certaines des personnes présentes. Je fais notamment la rencontre d’un professeur de langues, d’une quarantaine d’années, originaire d’Argentine, qui m’explique que le budget participatif est l’un des seuls scrutins auxquels il peut participer puisqu’il est étranger et qu’il est très heureux de pouvoir voter pour celui-ci.[2] Il est venu proposer l’idée d’un lieu d’échanges pour les personnes souffrant de solitude et d’isolement, mais il manque de matière concrète et souhaite consolider son idée afin de proposer un projet qui puisse être retenu et mis en place.
19h20 : Le maire prend la parole pour nous souhaiter la bienvenue et rappeler les trois conditions auxquelles doivent se soumettre les projets pour pouvoir être acceptés par la mairie : faire appel au budget d’investissement et non pas à celui de fonctionnement car le but est que le budget participatif ne se substitue pas à ce que la mairie doit faire en termes de budget de fonctionnement, répondre à un intérêt commun et dépendre de la mairie de Paris. « Après c’est votre imagination qui a le pouvoir », précise le maire après avoir rappelé ces trois conditions essentielles. Ensuite il fait un bilan, un retour sur les années antérieures, du budget participatif en expliquant que 2017 a vu la participation des votants augmenter, passant dans le 4ème arrondissement de 1443 votants en 2016 à 1761 votants en 2017. Selon lui, cette progression du corps électoral (bien qu’il souligne qu’elle reste faible : « ça monte doucement ») est la preuve de l’intérêt des habitants pour ce dispositif. En 2017 37 projets avaient été déposé dont 10 ont été élus par le vote. Le maire annonce ensuite que les projets de 2016 et 2017 sont toujours en phase d’instruction, « pas encore sortis de terre », et il annonce qu’il est conscient du « sentiment de retard ».
Il annonce qu’il désire modifier trois choses dans le dispositif afin d’éviter ce « sentiment de retard » : premièrement développer des outils de suivi afin d’augmenter la transparence, deuxièmement rencontrer les directions techniques et opérationnelles de l’ensemble des projets lauréats pour examiner projet par projet où sont les blocages et où il y a une méthodologie qu’il faut revoir et troisièmement permettre aux porteurs de projet d’être plus associés à l’élaboration du projet, après qu’il soit voté, et particulièrement pour ceux qui sont les plus complexes. Avant ils n’avaient pas le droit de contacter les porteurs de projet (protection des données du site internet) mais c’est en passe d’être résolu selon lui car les porteurs de projet auront la possibilité de cocher une case signifiant qu’ils acceptent d’être contactés par la mairie.
Ariel Weil qualifie la plateforme du budget participatif de « très chouette » « qui marche bien » et de « modèle de plateforme numérique », mais néanmoins il voudrait travailler sur les outils de la plateforme pour la rendre plus transparente.
Il a conscience qu’il est « difficile de ne pas voir émerger des projets pour lesquels on vote ». « C’est vrai qu’il y a des retards » dit-il, parce que les « phases d’étude et d’instruction (sont) assez longues ». Les projets lauréats des années précédentes ont été majoritairement (50% des projets votés dans le 4ème arrondissement contre 25% à l’échelle de Paris dans son ensemble) des projets de réaménagement de l’espace public (végétalisation, modification de place ou rond-point…) ce qui a créé un engorgement des services de voierie qui ralentit la mise en œuvre de ces projets. Pour éviter ces retards il y a eu des actions. D’abord la modification du calendrier en commençant plus tôt l’appel à projet (dès le 8 janvier et jusqu’au 4 février) et le vote commencera dès septembre pour pouvoir allonger la phase de pré-étude. Il y aura aussi un processus d’accompagnement plus important en 2018. De plus, cette année le budget participatif sera orienté sur d’autres champs de la participation citoyenne (il cite par exemple la solidarité, le vivre ensemble, la jeunesse et le sport) et non pas sur des projets de transformation de l’espace public (pas de végétalisation par exemple) pour soulager les services de voierie déjà beaucoup sollicités par les travaux entrepris par la Mairie de Paris (rétrécissement des voies rue de Rivoli, réflexion autour de la place de la Bastille…).
Pour clore son discours, le maire annonce une légère augmentation du budget consacré au budget participatif (un peu plus d’un million et demi d’euro) et par l’exclamation : « À vous de jouer maintenant ! Soyez créatifs ! ».
Selon l’adjointe au maire, Karen Taïeb, le budget participatif montre qu’« on est plus intelligent quand on est ensemble » et elle explique qu’elle nous « fait confiance pour avoir plein d’idées et proposer de nombreux projets ». Elle revient sur le refus des projets touchant à la voierie et à l’espace public, les projets de 2014 et 2015 ont vu le jour mais ceux de 2016 et 2017 ont du mal à voir le jour et elle explique que la mairie a manqué de temps pour étudier ces projets et qu’il faut les réajuster, d’où la modification du calendrier pour allonger le temps prévu à l’analyse de la faisabilité du projet par la mairie.
Karen Taïeb présente l’association « Cap ou pas cap » qui est née dans le 4ème arrondissement et qui est mandatée par la ville de Paris pour accompagner les citoyens et les aider à proposer des projets, notamment grâce à des réunions et des ateliers tels que cette réunion. Elle finit par un encouragement : « Soyez créatifs pour le quatrième arrondissement de Paris ! On vous encourage beaucoup ! ».
La représentante de « Cap ou pas cap », Margot, a ensuite présenté l’association : « on travaille sur la thématique de la transition citoyenne », c’est-à-dire comment des citoyens se constituent en collectif pour répondre aux enjeux qui les concernent (culture, éducation, agriculture urbaine…). L’association existe depuis environ quatre ans et propose une carte sur leur site internet qui référencie environ 930 initiatives sur toute l’Ile de France. L’association a inauguré les deux premiers frigos solidaires de Paris, ce qui montre que l’on peut agir rapidement et localement sur des thématiques telles que le gaspillage de la nourriture et la solidarité. L’association anime des ateliers dans le 10ème, 11ème et 12ème arrondissement et a été invité par la mairie du 4ème pour animer cette réunion. Les animatrices s’appellent Margot, Laura et Iris et elles ont une vingtaine d’années.
Un membre du conseil d’arrondissement a ensuite posé une question sur l’accessibilité : pourquoi exclure les travaux pour l’accessibilité du budget participatif alors que les rues du 4ème arrondissement sont très peu accessibles ? Il évoque par exemple la taille des trottoirs et leur abaissement au niveau des passages piétons. Ces travaux, faisant appel aux services de la voierie, sont exclus d’office du budget participatif 2018. L’adjointe, Karen Taïeb, répond qu’il y aura une réunion avec des personnes handicapées pour leur présenter le budget participatif et leur proposer de se saisir de cet outil pour proposer des projets d’accessibilité. Ce « Paris pour tous » qu’elle évoque ne sera « malheureusement pas possible pour cette année » mais il est prévu pour les années futures.
Ensuite le groupe est séparé en deux groupes de taille égale pour débattre en petit comité des projets proposés et essayer de les préciser. Il nous est alors distribué un polycopié intitulé « Maximiser les chances de succès de votre projet déposé dans le cadre du Budget Participatif »[3] et Margot nous explique qu’il est important de réfléchir à la présentation du projet afin de prouver son intérêt et sa robustesse.
Après Margot organise un petit tour de table où chacun explique son intérêt pour le budget participatif et son projet éventuel. Il y a deux femmes retraitées dont l’une est membre du conseil d’arrondissement et qui souhaitent participer aux débats mais qui n’ont pas de projet à proposer, ensuite un homme et une femme d’une quarantaine d’années se présentent comme membres de l’association des parents d’élèves de l’école les Hospitalières qui souhaitent déposer un projet de réaménagement d’un espace de l’école afin de l’agrandir (ils en ont fait la demande à la mairie plusieurs années successives sans succès et ont donc décidé d’essayer le budget participatif cette année), une jeune femme étudiante en sciences politiques s’intéresse au budget participatif comme terrain d’étude et un homme (le professeur de langue argentin évoqué plus haut[4]) propose un projet aux contours encore flou pour lutter contre la solitude.
Devant le manque de consistance du projet sur un centre de conversations et d’échanges pour lutter contre l’isolement, Margot (notre animatrice) propose quelques idées, notamment se rapprocher d’une association car il faut qu’une structure soit responsable du projet, elle évoque également le fait qu’il pourrait s’agir d’un café associatif qui fonctionnerait sur le même principe que « The Social Bar », un bar convivial à gare de Lyon qui propose à des personnes seules de se rencontrer autour de la table et d’échanger sur de nombreux sujets.
Puis la conversation se focalise sur le projet de l’agrandissement de l’école des Hospitalières qui ressemble beaucoup au projet lauréat 2017 de l’école des Tournelles (Paris 4). Il leur est conseillé notamment de demander l’expertise d’un architecte et un devis chiffré. Margot leur explique aussi qu’il faut rendre leur projet attractif et qu’il peut être bénéfique de prendre beaucoup de photos du lieu tel qu’il est actuellement et de proposer des photos d’après possible en prenant des photos de bibliothèque qui leur plaisent pour que les votants puissent avoir un aperçu de l’aménagement souhaité.
21h15 : Restitution des groupes, chaque groupe présente à l’autre les projets proposés et les idées d’amélioration qui ont été faites. En tout seulement quatre projets sont présentés : le centre de conversations pour lutter contre l’isolement, l’agrandissement de l’école des Hospitalières avec l’aménagement d’un espace de 40 mètres carré qui pour le moment n’est pas utilisable, un projet de mise à disposition de casiers pour les SDF et un projet d’agriculture urbaine avec la création d’un petit jardin potager collectif.
Annexe 3 : « Maximiser les chances de succès de votre projet déposé dans le cadre du Budget Participatif »
Annexe 4 : Entretien avec D.G., professeur de langues originaire d’Argentine, porteur d’un projet pour le Budget Participatif 2018
Alice : Comment avez-vous entendu parler du budget participatif pour la première fois ?
D.G. : En regardant l’affiche de la Mairie.
Alice : Que pensez-vous du budget participatif ?
D.G. : Je pense que c’est une bonne idée, mais d’abord les mots ne sont pas attirants (budget marque une limite). Ce serait plus une participation pour créer des concepts et mobiliser des citoyens et c’est déjà excellent.
Alice : Est-ce que vous avez participé à d’autres initiatives de démocratie locale en dehors du budget participatif ?
D.G. : J’ai déjà participé à d’autres initiatives telles que les Conseils d’arrondissements à Paris, à Bruxelles et des meetings politiques en Argentine.
Alice : Faites-vous partie d’une association ou d’un conseil de quartier ?
D.G. : Pas pour l’instant, mais je me déciderais bientôt.
Alice : Comment vous est venue l’idée de votre projet ? Pouvez-vous en parler un petit peu s’il vous plait.
D.G. : Mon projet de la solitude (aujourd’hui à échelle mondiale et des troubles confus de plus en plus importants) m’est apparu en parlant avec plusieurs personnes de tous âges et habitant dans des pays différents. Mais mon projet ne serait pas viable, car je voulais rassembler des gens sans être structurés et ça fait peur.
Alice : Comment vous est venue l’idée de le proposer au budget participatif ? Pourquoi le budget participatif ? Selon vous y avait-il un autre moyen de développer votre projet ?
D.G. : L’idée de présenter ce projet m’a plu beaucoup car le cadre est sérieux : mais il semble plus adapté à être débattu dans une Université comme la vôtre.
Alice : Comment avez-vous défini votre projet ? Avez-vous eu de l’aide (de la mairie par exemple) ?
D.G. : Mon concept (et non un projet) je l’ai défini sur une base de données personnelles et des réflexions sur la solitude. J’ai participé à la réunion de la mairie mais ils ont dit que mon projet n’était pas viable…
Alice : Combien de temps vous a-t-il fallu pour préparer votre projet ?
D.G. : J’analyse ce fléau depuis 5 ans…
Alice : Quel est votre rapport à l’aspect financier du projet ? Comment avez-vous estimé son coût ? Avez-vous demandé une expertise ?
D.G. : Il n’y pas un coût pour ce projet et je n’ai pas demandé une aide pour une expertise.
Alice : Avez-vous parlé de votre projet autour de vous ? (Famille, amis, voisins, collègues…)
D.G. : J’en ai parlé autour de moi et le concept intéresse.
Alice : Quel ressenti avez-vous de cette expérience ? Est-ce que vous recommanderiez le budget participatif à quelqu’un qui aurait un projet pour la ville ou l’arrondissement ? Que lui diriez-vous ? Pour quel type de projets pensez-vous que le budget participatif est une bonne idée ?
D.G. : Oui, je le recommanderai car même si des idées peuvent être absurdes, toujours ça peut aider à se mobiliser, à agir citoyennement.
Alice : Pour vous quel rôle a le budget participatif ?
D.G. : C’est le rôle d’un laboratoire d’idées, de se connecter au monde réel, à participer.
Alice : Quelles sont les limites selon vous d’un tel dispositif ?
D.G. : Les limites sont budgétaires et idéologiques (résistantes au changement ou pas mûres).
Alice : Pensez-vous que le vote numérique permette une plus forte participation citoyenne ?
D.G. : Oui, le vote numérique permet plus de participation.
Annexe 5 : Entretien avec A.Q., porteuse d’un projet pour le budget participatif 2018 dans le 4ème arrondissement de Paris
Alice : Comment avez-vous entendu parler du budget participatif pour la première fois ?
A.Q. : Par la mairie du 4e arrondissement en 2014 je pense : communications verbales et tracts. Il faut dire que depuis 2013 j’assiste aux séances des conseils d’arrondissement et du Conseil de quartier Arsenal.
Alice : Que pensez-vous du budget participatif ?
A.Q. : C’est une initiative intéressante, mais qui a ses limites : au final, des choix sont faits forcément et cela cause du dépit aux auteurs dont les projets ne sont pas retenus, ou dont les projets sont transformés par les Services de la Ville de Paris ; par ailleurs, pour des raisons techniques ou financières la réalisation des projets retenus tarde à se concrétiser. Un à deux ans d’attente me semble-t-il.
Alice : Est-ce que vous avez participé à d’autres initiatives de démocratie locale en dehors du budget participatif ?
A.Q. : Oui ! J’ai notamment participé aux 5 tables-rondes préparatoires à la définition du projet « Future place de la Bastille », précisément parce que je faisais partie du Conseil de quartier Arsenal. Et, plutôt en spectatrice, j’ai assisté à des réunions publiques en Mairie du 4e sur la végétalisation future du Quartier Arsenal, sur les futurs aménagements de la rue de Rivoli pour les véhicules, et sur le projet « Morland » dont le grand bâtiment de 15 étages (anciennement occupé par Ville de Paris et Préfecture de Police) va être entièrement remodelé.
Alice : Faites-vous partie d’une association ou d’un conseil de quartier ?
A.Q. : Oui, plusieurs en fait. L’association aux 4 Coins du 4, Conseil de quartier Arsenal et puis je fréquente les églises protestantes des Billettes (24 rue des Archives) et du Marais (17 rue Saint-Antoine).
Alice : Comment vous est venue l’idée de votre projet ? Pouvez-vous en parler un petit peu s’il vous plait.
A.Q. : A vrai dire, après avoir participé en 2017, et pour la troisième fois en quatre ans, à une opération du « style Paris fais-toi belle », j’ai décidé de faire part de mon expérience au Conseil de quartier Arsenal. En effet, j’avais par trois fois mesuré l’insignifiance de l’impact de ce genre d’exercice de « nettoiement de Paris » par des habitants : après 1h30 d’efforts les rues concernées par l’exercice sont à chaque fois, et très vite, gravement souillées. Sachant que la Ville de Paris a engagé fin 2017 une réflexion sur la propreté des rues et attend des propositions citoyennes, j’ai voulu dire à mon Conseil de quartier que nous devrions proposer des idées à la Ville de Paris. Le président du CQ Arsenal, Mr L…, a alors suggéré que ce genre de question fasse plutôt l’objet de projets déposés au titre du Budget participatif 2018, car plusieurs projets du CQ Arsenal avaient étaient retenus par la Ville de Paris au titre du BP 2017 et que cela était une piste très encourageante si l’on voulait que les idées soient prises en compte. C’est pourquoi j’ai déposé un projet global sur la propreté des rues qui se subdivise en 4 sous-projets. L’idée de base est que l’incivilité est la cause principale du manque de propreté des rues et qu’il faut informer et inciter les usagers de la voie publique à plus de discipline, quitte à être plus sévère vis-à-vis des contrevenants. Parallèlement, des actions destinées à remonter le moral des agents de la propreté urbaine sont hautement souhaitables : habitants, commerçants, etc. d’une part, et agents de la propreté urbaine d’autre part, ne sont pas seulement des individus alignés les uns à côté des autres. Chacun est une personne, il faut qu’ils se parlent pour s’informer mutuellement, et comprendre les problématiques des uns et des autres. Si le moral des agents de la propreté urbaine remonte, il y aura moins d’absentéisme et plus de cœur à l’ouvrage. Si, en plus, la population est mieux informée et éduquée pour maintenir Paris propre et être fière de sa Ville, on aura finalement une Ville plus propre.
Alice : Comment vous est venue l’idée de le proposer au budget participatif ? Pourquoi le budget participatif ? Selon vous y avait-il un autre moyen de développer votre projet ?
A.Q. : Comme dit précédemment, l’idée du Budget participatif n’est pas de moi. Un autre moyen de développer le projet m’est inconnu, à moins d’avoir personnellement un poids considérable dans l’un ou l’autre des partis politiques français, et ce n’est pas mon cas. Une dernière voie est tout simplement que je fasse mes propositions toute seule auprès de la Ville de Paris, par courrier.
Alice : Comment avez-vous défini votre projet ? Avez-vous eu de l’aide (de la mairie par exemple) ?
A.Q. : J’ai défini mon projet, au fur et à mesure que les idées me venaient, disons à l’intuition en prenant en compte ce qui pouvait intéresser la Ville de Paris dans son ensemble et qui touchait à des aspects simples du manque de propreté des rues ; à quoi servirait-il de rendre le 4e plus propre si le reste de Paris restait sale pour cause d’incivilités et de non prise en compte des règles élémentaires de propreté ?
Non, je n’ai pas eu d’aide de la Mairie en amont, mais c’est par la Mairie que j’avais connu les opérations de sensibilisation à la propreté via les opérations « Paris fais-toi belle ». Et si mon projet ou une partie du projet est acceptée par le CQ Arsenal je sais que je pourrai compter sur l’aide de la Coordinatrice des Conseils de quartier pour déposer le projet sur la plate-forme du Budget participatif.
Alice : Combien de temps vous a-t-il fallu pour préparer votre projet ?
A.Q. : Hum, c’est difficile à dire : environ 5 à 7 heures pour poser le problème et le décrire voir mon premier document d’information destiné au CQ Arsenal que je vous transmets et puis 1h ou 2h de conversations avec des camarades du CQ Arsenal, et environ 5h pour mettre le projet sous sa forme initiale puis le remanier 8 jours après. Disons une quinzaine d’heures de travail intensif pour la réflexion, les recherches, et la rédaction plus 4 à 5 heures pour la mise en forme et les dernières corrections. Soit environ 20 heures étalées sur 15 jours.
Alice : Quel est votre rapport à l’aspect financier du projet ? Comment avez-vous estimé son coût ? Avez-vous demandé une expertise ?
A.Q. : Non je n’en ai pas la moindre idée ni n’ai demandé une expertise. Je pense que cela ne sera pas très coûteux.
Alice. : Avez-vous parlé de votre projet autour de vous ? (Famille, amis, voisins, collègues…) :
A.Q. : J’en ai parlé à mes camarades du CQ Arsenal et à quelques amis parisiens. A peine une allusion à ma famille proche qui d’ailleurs habite en province.
Alice : Quel ressenti avez-vous de cette expérience ?
A.Q. : C’est intéressant d’essayer de faire quelque chose de positif face à une situation qui semble depuis des décennies partie perdue. J’y mets un peu de rêve. Au CQ Arsenal mes camarades m’encouragent ou font des remarques polies. Donc ça se passe bien même si certains sont dubitatifs.
Alice : Est-ce que vous recommanderiez le budget participatif à quelqu’un qui aurait un projet pour la ville ou l’arrondissement ? Que lui diriez-vous ? Pour quel type de projets pensez-vous que le budget participatif est une bonne idée ?
A.Q. : Je lui dirais d’abord de proposer ses idées via un Conseil de quartier, sinon d’écrire directement à la Mairie d’arrondissement, ou pour aller plus vite à la Mairie de Paris. Je recommanderais le budget participatif en cas d’aménagement d’un coût supérieur à 40 000 euros : voirie, végétalisation, aménagements de squares etc…
Alice : Pour vous quel rôle a le budget participatif ?
A.Q. : Réaliser des projets assez coûteux dans l’intérêt général ou du moins dans l’intérêt collectif d’un îlot urbain ou d’un quartier.
Alice : Quelles sont les limites, selon vous, d’un tel dispositif ?
A.Q. : La plupart des concepteurs, simples citoyens, ne sont pas des techniciens du sujet traité et n’ont pas idée des coûts induits.
Alice : Pensez-vous que le vote numérique permette une plus forte participation citoyenne ?
A.Q. : Oui je le pense, mais le vote papier est lui-même assez significatif.
Annexe 6 : Exemple de pré-projet Budget Participatif 2018
A.Q. – Conseil de Quartier Arsenal, le 12 décembre 2017
AMELIORER LA PROPRETE DES RUES DE PARIS
Leçons tirées de « la Journée du Grand Nettoyage » 30.09.2017 – Secteur Rambuteau Paris – 3e, 4e
1). Cadre de l’événement : Depuis mai 2014 la Ville de Paris organise des journées de sensibilisation à la propreté des rues : annuellement environ 1 000 volontaires (habitants, élus, membres de Conseils de quartier et d’associations) se prêtent, durant deux heures au maximum, à des actions de nettoiement de rues et de jardins. Résultat en 2015 : 15 000 litres de déchets collectés à des fins pédagogiques. Cette année, l’opération du 30.09.2017 appelée « Journée du Grand Nettoyage » s’est donc située au début de l’automne. Les années antérieures, située au printemps, elle s’appelait « Opération Paris fais-toi belle ».
Plus globalement, la Ville de Paris s’engage cette année à chercher de nouvelles solutions au problème de la propreté de l’espace public, les habitants sont invités à s’exprimer.
- Déroulement de l’opération dans notre secteur en le 30 septembre 2017 entre 10h et 12h
Un large périmètre autour de la rue Rambuteau (à côté du Centre Pompidou) a été le lieu d’actions de bénévoles venant des 3e et 4e arrondissements.
Organisation : soignée ; un petit stand d’information tenu par du personnel de la Direction de la Voirie et des Espaces Verts et du personnel des services de la Propreté de Paris et à côté, dans une camionnette, tout le matériel destiné au travail des bénévoles : gants, chasubles « jaune fluo », sacs à déchets et leurs charriots, pelles à long manche, pinces à déchets à long manche aussi (pour attraper feuilles récalcitrantes, mégots isolés, canettes de boissons, mouchoirs, seringues, préservatifs) ; et au moins deux sortes de balais : balais de jardin (type balais en paille de riz) pour faire de petits tas de feuilles et de papiers, et balais de voirie « vert fluo » (22 brins de matière plastique polypro) ces derniers maniables et hyper utiles pour déloger mégots et petits papiers fichés dans des interstices . Respectueux, les services de la Propreté nous faisaient grâce du travail (spécialisé) de collecte des déjections humaines et animales.
Participation : modeste, une petite vingtaine de personnes ; à ma connaissance deux membres de Conseils de quartier, un de St-Merri, un d’Arsenal. Il y en avait moins que les années précédentes, j’avais participé à l’opération en 2014 et 2015. Comme les années antérieures, des personnes de tous âges étaient venues, dont quelques enfants et adolescents avec leur père ou leur mère. Très bonne ambiance, et des paroles aimables de quelques passants.
Action/Enseignements : les bénévoles répartis en plusieurs groupes, 5 à 6 personnes, encadrés par un agent de la Propreté, recevaient leur équipement (gants + chasuble + un outil) et des consignes d’hygiène et de sécurité : interdiction de toucher « mains nues » à quoi que ce soit, interdiction de se pencher ou de se baisser (pour éviter les accidents musculo-squelettiques), interdiction de marcher sur la chaussée, et interdiction de soulever, à une ou à deux personnes, les grilles au pied des arbres où fourmillent petits papiers, mégots… En conséquence, quelques gestes techniques, non naturels, à apprendre et puis souci de la sécurité (la nôtre et celle des véhicules sur la chaussée). A la différence des années précédentes il y avait beaucoup de feuilles mortes puisque cela se déroulait fin septembre. Le secteur de mon groupe couvrait quelques rues du 3e arrondissement.
Dans un premier temps, j’ai opté pour la pince à déchets : au bout d’une demi-heure de saisies de feuilles mortes collées au sol et de déchets divers, j’avais trop mal à la main ; vraiment pas ergonomique cet outil. Je me suis « défatiguée » avec un joli balai de voirie « vert fluo », emblématique des agents de la propreté des rues. Et je me suis concentrée sur les mégots ; grâce à ce merveilleux balai je les « délogeais de leur nid ». Des mégots, partout des mégots et … des chewing-gums. Mais aucun temps pour les chewing-gums. L’agent de la propreté nous trouvait perfectionnistes et nous demandait d’accélérer, sinon on serait en retard au point de rendez-vous de fin de partie pour la photo de groupe. Je regardais autour de moi et j’apercevais des canettes ou bouteilles plastiques sur des rebords de fenêtres : d’autres personnes du groupe s’en chargeaient. Au sol des capsules de toutes sortes, des mouchoirs, papiers et encore des mégots bien sûr, et parfois même tout près des corbeilles de déchets de la Ville de Paris : tout près, ou juste en-dessous, mais pas dedans ! Apparemment presque personne n’a compris qu’il y a un éteignoir de cigarettes sur le rebord en acier de chaque corbeille urbaine. Et puis ce qui m’a paru le comble de la malice ou de la provocation : une canette de bière fichée dans le treillis d’un grillage.
A la fin, après avoir rejoint le stand des services de Ville nous avons pu nous fournir en tracts et gadgets divers dont ci-joint quelques exemples : voir les illustrations 1, 2, 3, 4. On peut remarquer les incitations polies de la Ville de Paris au respect de la propreté via des cartes, tracts ou gadgets, pour quel résultat ? Et la photo prise ce vendredi 8 décembre 2017 avenue Victoria (illustration 5) résume en partie le problème : aucune discipline des passants par rapport à la corbeille de rue, des mégots en dessous, de gros déchets à côté. La pancarte sur la corbeille date du temps où l’amende pour les contrevenants était fixée à 35 euros, en 2017 elle a été portée à 68 euros.
Il convient d’ajouter qu’après avoir nettoyé une rue, si l’on y revient une heure après on se désole, ou on se met en colère : des déchets jonchent les trottoirs et les caniveaux. Aucun respect pour un lieu propre, et dans les heures qui suivent ça empire. La lassitude gagne les bénévoles…
Au stand d’information j’ai appris l’existence du Trimobile le 4e mardi de chaque mois place Baudoyer pour ce qui concerne notre arrondissement (voir illustration 6). C’est une bonne chose.
3). Conclusions : Sans même connaître le fonctionnement du service de la Propreté de la Ville, on constate que la capitale est sale parce que de nombreux habitants et de gens qui la traversent font preuve selon les cas : d’insouciance, de négligence, d’indiscipline, ou même d’irrespect conscient. Il est anormal qu’une grande partie de la matière à retirer des trottoirs et des caniveaux provienne du manque de civisme et d’attitudes irrespectueuses. Mais il ne faut pas désespérer.
Dans le domaine de la propreté des rues et des jardins, il convient de multiplier les actions d’information et d’éducation du public (sur la voie publique, dans les gares et aéroports, et même via les entreprises, les associations, les bailleurs sociaux et les syndics de copropriété), et des actions de formation de la jeunesse (séances dédiées aux enfants et adolescents dans les écoles et lycées, dans les clubs sportifs) ; il convient d’utiliser aussi des moyens répressifs (amendes) en dernier recours envers les contrevenants. Mais ce ne sont pas seulement les rues et jardins de Paris qui pâtissent de certaines mauvaises manières, il y a aussi les escaliers et cours d’immeubles.
4.) Quelques chiffres et références
Budget annuel alloué à la Propreté de la Ville par la Mairie de Paris : 500 millions d’euros
Nombre de tonnes de mégots annuellement ramassées à Paris : 350 tonnes
Nombre de touristes à Paris annuellement : 30 millions
Nombres d’habitants à Paris : 2 millions
Nombre de personnes se déplaçant à Paris chaque jour : 3,5 millions
Nombre de kilomètres de trottoirs balayés chaque jour à Paris : plus de 2 900 km
Nombre de kilomètres de rues lavés au moins une fois par semaine : 1 600 km
Nombre d’agents de la propreté en charge du nettoiement et de la collecte des déchets : 4 800
Nombre de corbeilles de rues dans Paris : 30 000 équipées d’éteignoirs à cigarettes, et distantes au maximum de cent mètres les unes des autres
A propos des mégots gros pollueurs : pollution à l’air libre ou par les égouts où ils déchargent dans les eaux de nombreuses substances nocives pour la faune et la flore : nicotine, plomb, cadmium etc…
Références intéressantes Ville de Paris :
– Propreté des rues à Paris : https://www.paris.fr/propreté
– Objectif « Paris Propre » : https//www.paris.fr/actualités/objectif-paris-propre-de-nouvelles-mesures-pourlapropreté-4629
Annexe 7 : Entretien du mardi 23 janvier à 17h45, dans la boutique de l’interrogée, madame A.L., dans le 4ème arrondissement de Paris.
Alice : Bonjour, si vous voulez bien vous présenter…
A.L. : Je suis A… L… et j’habite le quatrième depuis 1968.
Alice : D’accord, et vous êtes commerçante depuis ?
A.L. : Ah… commerçante ? Je suis à mon compte c’est pas pareil ! Je suis pas commerçante en plus. Je suis à mon compte depuis 1976 et en fait je suis conceptrice. Disons designer mais c’est pas le vrai mot, pour moi c’est plutôt conceptrice. Mes produits je les fait fabriqué en sous-traitance, ils sont commercialisés auprès des magasins par un site internet, et occasionnellement par moi ici, à la boutique. C’est plus rare… Parce que là ici… C’est quasiment pas fréquenté. Les gens ont pas compris qu’y avait une boutique d’ailleurs. J’ai pas su l’expliquer ou alors ils savent pas lire, je sais pas, mais y a un truc.
Alice : D’accord. Alors ma première question c’est comment est-ce que vous avez entendu parler du Budget participatif pour la première fois ?
A.L. : Euh…. En fait… Le fait c’est que… Il y a différentes choses… Je suis propriétaire de mon appartement donc je me suis depuis longtemps, presque depuis le début, occupée de mon immeuble. Sachant que j’ai été au conseil syndical et au conseil syndical j’étais toute seule, comme ça je risquais pas de me disputer. J’étais présidente et j’étais toute seule et je me suis occupée toute seule pendant des années de mon immeuble. Et j’ai considéré assez vite que mon immeuble faisait partie d’un quartier et que c’était pas seulement un appartement mais c’était un appartement dans un immeuble et un immeuble dans un quartier. (rires) Assez tôt on s’est… C’était en quelle année… Euh… Autour de 1960… 62,63,68,73,76… Oui dans ces eaux-là… On avait, avec d’autres habitants du quartier euh réalisé euh construit une association des habitants du 4ème, comité ! Euh un comité des habitants du 4ème et on a entre autres à cette époque déjà on s’était battu pour qu’il n’y ait pas de parking sous la place des Vosges, on s’était battu pour un terrain d’aventures qu’on a construit et qui est devenu ultérieurement euh un terrain de tennis, rue Neuve-Saint-Pierre et on s’était battu pour défendre les habitants du quartier Saint-Paul qui est devenu maintenant l’ilot Saint Paul pour les antiquaires et qui si j’ai bien compris va devenir un espace pour les designers (rires) auquel cas je peux peut être essayer d’avoir un local moins cher que celui que j’ai ici. Donc… On a été… J’ai été assez active dans le cadre de ce comité de… on appelait ça le CH4, comité des habitants du 4ème, et plus tard alors là je sais pas quand à la mairie ils ont décidé de diviser l’arrondissement en différents quartiers et c’est comme ça qu’a été créé le quartier de, l’espace de l’Arsenal, euh y avait le comité des habitants des Halles, la Bastille le 11ème derrière et le quartier Saint Louis Notre-Dame et donc j’ai été au courant assez vite du comité d’habitants d’Arsenal que j’ai rejoint, entre temps notre comité des habitants le CH4 a disparu donc je me suis rapprochée euh j’ai participé aux différentes relations du comité de l’Arsenal et je pense que c’est à l’intérieur euh de tout ce qui se dit, d’emails que je reçois que j’ai été donc avertie du projet donc euh qui était proposé par la mairie de Paris pour intervenir sur l’arrondissement, ce qui était dans la logique de ce que j’avais toujours fait depuis 1968.
Alice : Hum… (bruit de feuille qu’on retourne) Que pensez-vous du Budget Participatif de façon générale ?
A.L. : J’ai pas beaucoup d’idées… Hum c’est sur les dimensions financières qui me paraissent quelques fois assez énormes euh mais bon au niveau des chiffres… De ce côté-là c’est pas… C’est pas quelque chose que je maitrise bien donc peut-être c’est beaucoup, peut-être c’est pas beaucoup j’en sais rien et euh bon je trouve le principe… Moi je trouve ça très intéressant mais en fait j’ai constaté que euh à l’occasion où j’en ai parlé, il y a des gens qui sont pas au courant du tout malgré les affiches, malgré… et les affiches j’en ai vu ! Alors après est-ce que je les ai vu parce que j’étais au courant… Mais en effet… Par exemple concernant le dernier euh le dernier euh ‘fin tout ce qui a été mis comme affiches par la ville de Paris annonçant que ça allait terminer que etc que… Les gens le voient pas. C’est pas vu ! Alors c’est que dans un certain contexte quand on en parle que à l’occasion on dit ah oui il y a eu une affiche là… vous avez pas vu l’affiche ? Bah regardez donc l’affiche pour que… Pour que les gens voient quelque chose mais ils voient pas. Et ça euh c’est d’ailleurs un problème de l’information globalement… Je vous dis moi j’ai écrit soldes sur ma vitrine je crois que y en a pas un qui a vu que y avait écrit soldes hein. Alors on m’a dit tout le monde a écrit soldes alors c’est peut-être pour ça que ils voient pas plus mon affiche que celle des autres, elle est perdue dans le fait que tout le monde écrit soldes. Alors les informations de la ville de Paris… Est-ce que c’est pareil ? Je euh je sais pas mais en effet les gens sont pas au courant. Y en a quelques fois mais faut vraiment leur… Il faut qu’ils soient dans un certain contexte pour qu’ils le sachent. Et j’ai par exemple… Je pense à une amie que j’ai amenée même quand les projets ont euh été exposés à la mairie je l’ai amené avec moi puisque mon projet a été retenu…
(Longue interruption, d’abord la voisine demande si l’interrogée a reçu un colis pour elle puis le téléphone sonne, elle répond « je suis en rendez-vous mon grand » c’était probablement son fils.)
Oui alors quand euh les projets retenus ont été exposés… Donc euh oui j’ai amené une amie voir ce qui était exposé à la mairie, à la limite elle découvrait complètement alors qu’elle habite maintenant depuis trois quatre ans près de la place des Vosges, elle découvrait qu’il y avait le Budget Participatif et euh me concernant voyant mon dossi(er)[5] euh ce qui était exposé elle me dit oh mais t’as pas fait ça toute seule ! Bah euh si et euh elle comprenait pas quoi…
Alice : Et est-ce que vous avez déjà fait partie d’autres hum d’autres initiatives de ce genre par des associations ? A part le comité ?
A.L. : Bah le comité… Ca vient un peu dans la logique de ce que j’ai toujours fait quoi !
Alice : Hum… Et pour l’idée précise du projet, est-ce que vous pouvez m’expliquer un peu comment l’idée vous est venue ?
A.L. : Bah c’est le fait euh je connais euh habitant depuis 1968 mon quartier j’en connais les euh les défauts et euh j’avais déjà présenté le projet antérieurement euh avec aussi bien sur des gens qui étaient contre et d’ailleurs il y a toujours des gens qui sont contre mon idée mais bon tant pis elle a été retenue, elle se fera elle se fera pas j’en sais rien enfin elle se fera en principe maintenant ça a été voté… Il parait que ça devait commencer en janvier alors ils ont dû… A mon avis ils ont peut-être commencé les études en fait surtout. Mais euh que le trottoir de la rue de Beautreillis soit trop étroit depuis 1968 je le sais puisque euh mon mari a x failli se casser la figure, quand les enfants étaient petits on a jamais pu mettre euh passer avec une poussette sur ce trottoir, que mon fils lui-même, plus grand, a carrément dessiné sur la voie une bicyclette. Il a fait ce qui maintenant se fait, c’est-à-dire une piste cyclable, il a dessiné (rires) une piste cyclable sur la rue (rires), les gens ont cru que c’était officiel alors qu’on l’avait dessiné nous-même et euh par ailleurs moi j’ai attendu mes gamins devant euh l’école de la rue Neuve-Saint-Pierre et Dieu sait que j’ai pesté euh sur le fait qu’il n’y avait pas un banc, sur ces barrières qui sont moches et que je trouve toujours aussi moches, il y a toujours ces poteaux pour empêcher les voitures de rouler euh de se mettre sur le trottoir et je trouve ça inadmissible que les voitures aillent sur les trottoirs et qu’il y ait ces poteaux qui réduit la largeur des trottoirs et euh là on a eu à l’angle, on a obtenu au niveau du comité de l’Arsenal que les poteaux soient sciés et ils ont été sciés parce que lui il avait perdu sa terrasse à cause de ces poteaux qui sont la plupart du temps très laids et puis euh bon c’est… c’est complètement absurde et puis le fait de vouloir faire une rue piétonne dans l’axe de la rue euh comment ? de la rue Neuve-Saint-Pierre ça me paraissait évident vu que c’est un cercle de parking et que euh y mettre des bancs euh de permettre aux deux cafés qui sont presque juste l’un en face de l’autre que les terrasses puissent vraiment être des terrasses et que ça ressemble un peu à une rue qui est dans le… à côté de la rue du Temple… je ne sais plus comment elle s’appelle… Bon faire des quartiers dans lequel euh des petits espaces dans lequel bon les gosses soient pas en danger dans lequel y a un peu de végétation et dans lequel les gens qui sont à la terrasse des cafés bon puissent y être tranquilles, et pas qu’il y ait pas des circulations automobiles… quelque fois qui sont absurdes quoi… Et en fait… Pour la rue de Beautreillis, on m’a dit… je sais que j’ai quelqu’un qui m’a écrit et qui m’a dit pourquoi vous l’avez arrêté à la hauteur de la rue Charles V et en effet je me suis dit pourquoi… Elle aurait pu aller plus loin cette… ce projet aurait pu aller plus bas. Mais je m’étais dit bon alors les voitures qui arrivent… qui vont arriver par la rue Charles V comment ils vont faire… il faut qu’ils puissent tourner à gauche mais en fait ils peuvent très bien aller tout droit et pas tourner à gauche bon ça c’était une idée. J’avais été critiquée… A un moment on m’avait dit oui bon vous faites ça mais toute la circulation va être renvoyée sur la rue petit musc bon… euh faut pas exagérer ! J’ai pas dit qu’il fallait que la rue Beautreillis soit piétonne j’ai dit il faut qu’elle soit limitée au niveau de la vitesse parce que les trottoirs étant très étroits il faut que les gens qui marchent sur la chaussée on les met euh on les foute pas par terre et qu’il y a des motos qui pour échapper aux… aux trucs qui sont construits sur la chaussée pour éviter que les… pour ralentir… les ralentisseurs… alors pour éviter les ralentisseurs les motos elles rasent les trottoirs, ce qui fait que les gens qui sortent des immeubles, qui sont euh très près de la chaussée ils risquent de se prendre les motos qui arrivent et qui rasent le trottoir ! Donc c’est toutes ces… tous ces points-là qui quand on habite une rue… enfin… un quartier c’est perceptible ! Et moi j’ai perçu ça comme étant euh en effet des points sur lesquels il fallait faire quelque chose et que bon bah c’est un peu comme quand je ramasse les ordures quand les gens laissent leur sac sur le trottoir etc, quand ils foutent des trucs près des poubelles moi je les remets dans les poubelles etc bon bah y a un sens civique. Pour moi ça relève de concrétiser un sens civique qui malheureusement à mon avis manque beaucoup à Paris. Donc je ramasse beaucoup les poubelles (rires). (Longue digression avec des exemples de moments où elle a dû ramasser des poubelles ou appeler les encombrants ou demander à des personnes de le faire quand c’était devant leur immeuble avec certaines personnes qui lui répondaient : « c’est pas à moi de le faire ! »)
Alice : Merci… Alors pourquoi le proposer au budget participatif ? Et est-ce que selon vous il y avait un autre moyen de concrétiser votre projet ?
A.L. : A moins de prendre une pelle et un marteau… Non jusqu’à là je me serais pas quand même… Enfin je vous avais dit on avait quand même dessiné une piste cyclable (rires) mais euh là j’ai demandé l’équivalent de la place Saint Paul et ça c’est absolument impossible de le faire tout seul euh de planter par exemple à côté des arbres parce que ça fait partie du projet ça ! De végétaliser mais j’ai parlé à une personne récemment qui euh qui est qui fait partie d’un groupe qui s’occupe de replanter autour des arbres et c’est une calamité même on leur enlève euh il y a des gens qui volent les plantes ! Euh même la ville a mis un système d’arrosage en foutant en l’air toutes les plantations qu’ils avaient fait… Il y a des gens qui balancent des bouteilles, des boites de coca… Donc même quand ce sera fait à l’initiative de la ville euh je suis pas sure que ça va être respecté euh c’est pas garanti ! Et donc c’est impossible à faire… Enfin pour ce projet-là c’était impossible à faire enfin à avoir l’initiative. Il y a un projet euh je sais qu’il y a un groupe ou une personne je sais pas qui a proposé l’aménagement du grenier d’une école primaire pour en faire une salle de jeu pour les enfants… Bon ce type de projet on peut imaginer que euh une quinzaine ou une dizaine ou cinq j’en sais rien n parents pouvaient peut-être se débrouiller à faire ça tout seul sans avoir à demander de l’argent à la ville de Paris bon ça ce genre de choses c’est euh peut-être envisageable mais intervenir sur la chaussée ça euh c’est impossible !
Alice : Comment s’est déroulé l’avant-projet ? Comment est-ce que vous avez défini votre projet ? Est-ce que vous avez eu de l’aide de la mairie ou d’associations ?
A.L. : Non rien du tout. J’ai récupéré un plan euh que je euh que mon mari qui était architecte euh c’est-à-dire un plan de la ville, les cartes de euh de la ville de Paris par arrondissement. Donc j’ai pris une carte, j’ai pris un calque, j’ai posé mon calque sur la carte (rires) j’ai dessiné des arbres, j’ai dessiné des bancs et euh j’ai dessiné ce qu’il me paraissait qu’il fallait mettre, j’ai fait un texte et euh j’ai envoyé le tout. Je suis à mon compte et je suis autodidacte (rires).
Alice : Combien de temps est-ce que ça vous a pris de faire tout ça, de préparer le projet ?
A.L. : Je sais pas. J’en sais rien. Pas beaucoup. Pas beaucoup de temps parce que c’est… J’ai fait des dessins assez succincts, j’ai pas mis de photos. J’avais fait des photos pour un autre projet. Parce que j’en ai fait un autre… Je voulais végétaliser un mur et donc j’ai pris des photos d’un mur qui a été végétalisé derrière le Bazar d’Hôtel de Ville et puis… mais ça a été refusé. Mais pour la… euh la rue Beautreillis et la rue Neuve-Saint-Pierre j’ai même pas envoyé de photos, j’ai juste fait des dessins… Mais je sais pas combien de temps… Oh ! Ça a été relativement vite parce que j’avais pas l’intention ni le… Bon j’avais pas l’intention de faire un truc très poussé… Il me semblait que d’écrire, de l’expliquer ça pouvait suffire.
Alice : D’accord. Hum est-ce que vous avez estimé les coûts et comment vous l’avez fait ? Est-ce que…
A.L. : Et bah j’ai fait une estimation et le président du comité des habitants du 4ème d’Arsenal m’a dit tu rajoutes un zéro et tu seras plus proche de la réalité (rires). Voilà… Donc… Je savais pas… du tout ! Donc (rires) j’ai mis un zéro en plus, comme il m’a dit (rires) donc on est passé de 25 000 à 250 000 (rires). Donc je pense que ça va être…
Alice : Et la mairie a retouché après ?
A.L. : Non… Ils ont laissé ce chiffre-là. Et moi je me demande si ça va suffire… Parce que… avec tout ce qu’il y a à faire… Mais je me rend pas compte. Je sais pas. Euh… je sais pas… Parce que…. Enfin le discours… ce qu’ils ont écrit concernant mon projet c’est pas exactement la même chose que ce que j’avais écrit moi bon ça se tient euh par contre en ce qui concerne la chaussée de la rue de Beautreillis telle que je me la suis imaginé je sais pas si… J’ai aucune idée de combien ça peut coûter ça… De mettre des pots de fleurs dans la rue qui est dans l’axe de la rue Neuve-Saint-Pierre ça ça doit pas coûter très cher euh d’enlever les barrières qui sont devant l’école et de mettre des bacs à fleurs… D’abord je sais pas s’ils le feront… Bon moi je trouve que ça serait plus joli mais euh…
Alice : C’est peut-être des questions de sécurité, non ?
A.L. : Oui c’est des questions de sécurité ! Mais on peut… La sécurité ça peut être des bacs à fleurs plutôt que des barrières ! (pause)
Alice : Est-ce que vous avez mobilisé autour de vous ? Votre famille, vos voisins, vos proches qui votent…
A.L. : Non… Non… Non… (au fur et à mesure de l’énumération famille, voisins, proches) Mon mari était un petit peu au courant juste de… Disons pour la carte, trouver celle qui correspond à la rue mais c’est tout.
Alice : Et pour le vote vous en avez parlé autour de vous ? Pour que les personnes votent pour votre projet ?
A.L. : Alors là oui, j’ai sensibilisé les commerçants dont un certain nombre dont je savais qu’ils ne demandaient que ça, à ce que la rue soit piétonne. C’est-à-dire un…deux…trois…quatre cafés, le coiffeur, euh à qui est-ce que j’en ai parlé ? Ah non un autre café encore… cinq cafés et à qui j’ai dit entre autres : faites des efforts parce que moi toute seule euh j’ai pas le temps ni les moyens de mobiliser l’arr… les gens de l’arrondissement… ça c’était… il fallait qu’ils s’y mettent quoi ! Et il y a eu… il y a eu quand même pas mal de… je ne me rappelle plus du nombre qui ont voté… C’était trois mille… oui c’était… je sais plus… ça venait en seconde position… oui c’était… Il y a eu pas mal de monde ! Ça veut dire que les commerçant ont quand même… ont certainement fait suivre l’information. Je leur ai donné… Moi j’ai récupéré à la mairie, j’ai été cherché les papiers je les ai donnés aux commerçants donc entre autres aux différents cafés en leur disant euh faites le savoir.
Alice : Et vous en avez parlé à vos voisins ? A vos amis ? Ou juste aux commerçants ?
A.L. : Non. Non. (au fur et à mesure de l’énumération voisins et amis) Les amis ils sont pas concernés et les voisins euh les voisins euh bah j’ai un voisin qui m’a engueulé en me disant : « et alors où est-ce que je vais garer ma voiture ? » (rires) « Tu te rends pas compte ». Alors je lui ai dit : « Mais c’est pas pour interdire le stationnement, surtout si c’est un stationnement momentané ». Faut-il encore comprendre euh ce que j’ai mis comme projet donc bon à condition de le lire… Mais là c’est encore beaucoup d’efforts !
Alice : Est-ce que vous avez eu des contacts avec la presse ?
A.L. (immédiatement) : Non.
Alice : Et euh pour la communication, est-ce que c’est vous ou la mairie qui a communiqué autour du projet ?
A.L. : Et bah moi j’ai vu que ce que j’ai reçu sur le euh sur le sur internet où ils ont dit que ça avait (en même temps regarde sa messagerie sur son ordinateur et en extrait le mail en question) été voté… Euh… Je l’ai donc su par internet… (lit à voix haute le mail en question) « Votre projet le 15/02/2017… résultats budget participatif… ah non ça s’était avant » (cherche un autre mail) « 15/02/2017 hum… le dépôt de votre projet a été pris en compte » donc là c’était pour il a été pris en compte et puis après… au mois de février j’ai reçu (ouvre un autre mail) « votre projet… il sera mis au vote avec 485 autres projets » ensuite euh qu’est-ce qu’ils m’ont dit (cherche toujours dans ses mails) qu’il y avait une personne ou deux… je sais plus qui c’est, qui s’était intéressé à ce que j’avais écrit et qui voulaient éventuellement hum oui là un monsieur qui avait écrit : (elle lit à voix haute) « votre projet (ah oui c’est le monsieur qui…) me parait tout à fait intéressant mais pourquoi ne pas le prolonger au-delà de la rue Charles V jusqu’à la rue des lions » bon en fait c’est… c’était une personne et ça c’était… bon j’ai pas gardé… je sais pas où j’ai mis l’avis comme quoi le projet avait été retenu (elle continue à chercher dans ses mails).
Alice : Ce n’est pas grave. Vous me disiez que quand le projet a été accepté lors de la phase de présélection il y a eu des modifications du texte ?
A.L. : Non… Alors… Le texte qu’ils ont fait, le texte définitif là qui a été… que j’ai vu à la mairie, bon c’est… C’est un petit chouïa… Je me suis dit est-ce que vraiment la la partie euh piétonne vraiment dans l’axe et la partie d’aménagement vraiment (accentuation de la voix sur les vraiment)… moi je l’avais… La rue Neuve-Saint-Pierre je me suis dit qu’on pouvait pas la faire piétonne parce qu’il y avait un stationnement autolib et donc y a des voitures… Je me suis dit que le stationnement ça m’étonnerait qu’il puisse être enlever et que les voitures euh les voitures qui vont livrer Monoprix il faut bien qu’elles passent par quelque part… Elles peuvent pas arriver par la rue Saint-Paul parce que c’est une rue en sens unique, donc ça peut pas être une rue piétonne, ça peut être qu’une rue… comme j’ai demandé pour la rue de Beautreillis qui sont des rues à vitesse très limitée avec priorité pour les piétons mais pas piétonnes alors que la rue dans l’axe de la rue Neuve-Saint-Pierre là je l’ai vraiment demandé piétonne et je me demande si c’est ce qu’ils vont… vraiment faire quoi. Ils ont dit calmer (accentuation sur calmer) hein c’est un peu ça qui apparaît sur les résultats du texte, calmer le quartier quoi… Moi j’ai pas dit calmer le quartier… Moi j’ai dit faire qu’il soit un petit peu plus adapté aux piétons… On m’a dit que ça risquait… que ça intéressait ce type de projets parce que c’était tout à fait dans la logique de la maire du 4ème… de la maire de Paris ! (se reprend rapidement)
Alice : Quel ressenti vous gardez de cette expérience ? Est-ce qu’il y a des choses que vous n’avez pas appréciées, que vous auriez voulu améliorer ?
A.L. : Non, non… Non grosso modo. Maintenant ce que j’aurais voulu, ce que je voudrais c’est euh c’est d’être un peu plus tenue au courant de comment ça avance parce que de ce côté-là je sais rien du tout. Alors est-ce qu’il faut que j’aille moi-même chercher l’information ? Alors il y a eu cette exposition des projets retenus à la mairie mais depuis c’est le silence… Alors je sais pas si en effet c’est moi qui doit me manifester, si… Et puis j’aimerais bien… Bon en effet s’ils ont commencé à étudier le projet au mois de janvier bon bah j’aimerais bien être un petit peu au courant… à l’occasion je serais pas contre bon participer j’ai pas le temps mais qu’ils fassent peut-être une réunion une fois par mois ou j’en sais rien… pour être un petit peu tenu dans la mouvance de ce qu’il se passe et puis avoir disons voix au chapitre, bon…
Alice : Est-ce que vous recommanderiez le Budget Participatif à quelqu’un qui aurait un projet pour la ville ?
A.L. : Ah oui tout à fait.
Alice : Et plutôt pour quel type de projets ?
A.L. : Oh bah moi je suis intéressée par l’environnement, c’est vrai que l’environnement m’intéresse euh… en priorité. Bon ce qui concerne bon là par exemple une personne, une collègue du comité des habitants[6], elle, elle est un peu obsédée par la propreté, bon moi c’est pas une obsession… Je trouve que voilà… Elle est très obsédée par la propreté et ça devient un peu récurrent les crottes de chien et ça j’avoue que ça m’énerve. Les crottes de chien c’est vrai que c’est pas très rigolo de marcher dans une crotte de chien mais j’ai un peu l’impression qu’il y a des questions plus importantes que ça. Elle est très investie, elle propose quatre projets, par rapport aux mégots. Du coup j’ai un peu regardé dans la rue, bon je trouve que notre rue euh en effet c’est pas vraiment un problème par contre j’ai reconnu que… l’autre fois je suis descendue à la Bastille et en effet là il y a un sacré problème à l’égard des mégots alors je me suis demandée si ce qu’elle proposait comme solution, si c’était par là que ça passait ou s’il y avait autre chose à voir. Et je me suis arrêtée devant les balayeurs pour discuter mais il était pas là, il avait laissé sa poubelle donc j’ai pas pu l’interroger. J’ai regardé les poubelles avec le cendrier à côté pour en principe éteindre la cigarette et ce que j’ai constaté c’est qu’on trouve plein de cigarettes dans ce cendrier, les gens les éteignent mais ils la laissent là, ils la mettent pas dans la poubelle bon et que peut-être ce cendrier il est mal dessiné, il est mal foutu, il faudrait peut-être revoir tout bêtement déjà la forme du cendrier. Mais en effet est-ce que c’est encore euh de rajouter comme elle propose tout un ensemble de trucs qui va régler le problème de euh (gros soupir) du manque de… de… je sais pas… alors je retourne moi sur le sens civique des fumeurs qui écrasent leur cigarette, qui la laissent là, qui la laissent par terre à côté de la poubelle !
Alice : Pour vous quel est le rôle du Budget Participatif, de façon générale ?
A.L. : (silence hésitant) Je pense que ça peut quand même aider les… les gens d’une ville à prendre en compte que euh ils ont euh ils sont euh ils ont un rôle à jouer dans… dans la ville. Ils n’ont pas à rester passifs. Il y a une sorte de… à mon avis entre autres ça peut aider à rendre les gens moins passifs, à condition là encore que l’information que le Budget Participatif… les gens comprennent qu’il existe… Parce que je sais pas comment il faut faire en dehors de ces panneaux… ces panneaux, ils sont grands ces panneaux !! Qu’est-ce qu’il faut faire pour que les gens sachent que ça existe ? Là je sais pas. C’est peut-être le bouche à oreilles qui fonctionne le mieux. C’est une donnée dans la communication… Je le vois dans ma boutique aussi… La publicité ça marche pas vraiment…
Alice : Quelles sont les limites du Budget Participatif selon vous ?
A.L. : (silence) Bon c’est-à-dire les problèmes très importants euh (silence) difficile… Là je saurais pas quoi dire… Parce que par exemple au bout de la rue Beautreillis y a un collège y avait un mur énorme, laid comme tout bon ils ont décidé de construire. Y a eu des pétitions pour empêcher euh que la construction se fasse bon ça relève pas du budget participatif ça, et malgré les pétitions bah maintenant ils sont en train de construire un building là au bout de la rue, laid comme pas possible, au lieu de faire de la végétalisation… ou un parc pour les gamins… ils font un truc qu’est laid au possible. Est-ce qu’il y avait vraiment pas une autre option ? Là ça relève du privé, ça relève pas de la ville, mais est-ce qu’il y a pas plus ? On a un peu l’impression qu’il va y avoir un moment où… ce qui relève du Budget Participatif va être terminé, y aura plus de projets à l’échelle de ce type de projets et que ce qu’il y aura à faire relèvera d’instances qui ont plus de moyens, je pense.
Alice : Est-ce qu’il y a autre chose en lien avec le Budget Participatif que vous auriez voulu aborder et dont on n’a pas parlé ?
A.L. : Hum… (long silence) Peut être tout bêtement dans le cadre de l’information que ce type de… d’événement soit exprimé dans les écoles. Que les enfants puissent s’investir. Y a eu ça d’ailleurs pour la Bastille que des enfants puissent proposer des plans, que les enfants dessinent comment est-ce qu’ils imaginaient la place de la Bastille. Et bon il y a eu des trucs très rigolos, un périphérique entre la tour de la Bastille et l’Opéra (rires) je sais pas quel adulte aurait pensé à mettre un périphérique (rires) mais je pense qu’en effet que les instit’ dans le cours de dessin peut-être disent aux gamins que y a ça et que… Qu’est-ce qu’ils en pensent et qu’est-ce qu’ils imaginent ? Déjà ça permettrait peut-être de faire remonter l’information vers les parents et d’une, et peut-être que les enfants pourraient avoir comme ça un peu plus tôt le sens civique et le sens que… que la ville c’est pas seulement un truc de… dans lequel on fait pas n’importe quoi n’importe comment et qu’au contraire on essaie de… que ce soit joli, que ce soit agréable, que… qu’on s’y plaise etc quoi. Peut-être qu’ils mettraient moins leurs papiers de bonbons par terre, leurs chewing-gums, je sais pas mais ça passe peut-être en effet un petit peu c’est possible par l’école. C’est pas quelque chose de très compliqué ça. Que les CM2 soient un peu au courant quoi et au collège pourquoi pas.
Alice : Est-ce que selon vous le numérique aide à une participation plus forte ?
A.L. : Bah moi ça m’a permis d’avoir l’info c’est vrai. C’est évident qu’A.Q. son projet… Elle est venue une fois bon c’est quand même beaucoup plus laborieux de faire une lettre de l’envoyer à chacun, là c’est vrai qu’avec l’ordinateur c’est quand même hyper simple. C’est vrai que ça aide ! Ça aide ! Mais bon d’abord tout le monde ne peut pas… Mon mari il était infichu de faire quoi que ce soit avec ça, moi c’est parce que j’ai une familiarité avec mon boulot… Je maitrise pas tout et j’en suis loin, mais j’ai une familiarité que lui n’a pas. Moi je pense que ça aide bien comme dans plein de choses, avec tous les défauts que ça a par ailleurs, d’être submergé… Facebook je commence à en avoir ras le bol… Mais par ailleurs c’est bien, c’est vrai que c’est important et je me demande comment les gens qui n’ont pas l’informatique font maintenant, comment ils font hein, parce que…
Alice : Merci beaucoup.
Annexe 8 : Entretien exploratoire auprès d’une votante
Antoni : Est-ce que de façon générale tu peux me raconter comment s’est passé pour toi l’expérience du vote ? De ce vote ?
Alice : De cette année, du coup ?
Antoni : Oui…
Alice : Alors, j’avais complètement oublié le budget participatif et j’ai vu une affiche, et j’me suis dit « Ah, j’avais voté l’année dernière (rires), ce serait bien que je revote cette année », et (euh) du coup (bah) j’en ai parlé à ma famille qui bien sûr était pas du tout motivée (rires) et j’ai voté le soir-même pour éviter d’oublier, sur Internet et (euh) voilà, j’ai du faire des choix (euh). J’avoue que c’était pas facile les choix parce que y’a des trucs genre, je voulais voter à plein de trucs et en fait j’avais que cinq voix possibles, alors du coup il fallait sélectionner. Et puis, y’avait des trucs hyper général du coup genre, Paris une ville plus propre. Tout le monde veut ça donc je savais pas trop à quoi ça se référait donc j’ai un peu lu les données pratiques quoi. Mais ça a été plutôt rapide en fait, j’ai passé je sais pas une demi-heure /quarante minutes sur le site et c’était bon. Comme en plus j’avais déjà mon compte d’activé de l’année dernière, c’était assez rapide.
Antoni : Ok, donc du coup c’était pas la première année où tu votais ?
Alice : Ouais
Antoni : Tu as voté l’année dernière ? Est-ce que tu as voté d’autres années ?
Alice : Non, juste l’année dernière (euh). En fait, c’est une amie qui m’en a parlé. Et je connaissais pas du tout et (euh), elle en fait y’avait un projet qui lui tenait très à cœur dans son arrondissement et du coup elle m’a dit ‘Hey, il faut absolument que tu votes !’ Sauf qu’en fait, on s’est rendues compte que je ne faisais pas partie de son arrondissement, donc je ne pouvais pas voter pour le projet qu’elle voulait absolument que je vote. Du coup, elle était trop dégoûtée et elle a dit « Oh, il faut que je trouve des personnes de mon arrondissement pour les forcer à voter pour ce projet-là ! » Mais du coup, ça m’a interloqué et j’me suis dit « Bon bah je vais aller voir » et j’me suis inscrite et j’ai voté. J’ai essayé de convaincre ma famille de voter et ça a été un échec (rires).
Antoni : Ok, donc du coup (euh) cette amie en fait elle était impliquée dans la construction d’un projet ?
Alice : Non, en fait c’était juste un projet qu’elle avait vu, du coup (euh…) c’était quoi déjà ? C’était un gymnase en fait juste à côté de chez elle qui allait être en partie reconstruit, je crois, pour faire une salle de sport ou quelque chose comme ça. Et elle trouvait que c’était cool et que, enfin, qu’elle s’inscrirait peut-être du coup, et (euh) du coup (bah) elle voulait voter et que ce soit le projet qui soit choisi. Et donc, elle en parlait autour d’elle en espérant que les gens votent et sauf qu’en fait, elle avait pas vu que c’était par arrondissement.
Antoni : Mm Mm, D’accord …
Alice : Donc, elle a essayé de convaincre plein de gens de Paris de voter, qui ont… du coup pour lui faire plaisir, qui ont voté pour certains. Mais sauf qu’ils lui ont dit « Mais, je peux pas voter pour ton projet, ils disent que je peux pas et … », ils essayaient de cliquer et (rires) ils comprenaient pas. Et en fait après on s’est rendus compte qu’en fait c’était par arrondissement, donc on ne pouvait pas voter pour le projet du 2ème du coup.
Antoni : D’accord. Donc justement, du coup, est-ce que l’organisation du vote, en fait la façon dont ça se passe, que le nombre de projets pour lequel du peux voter etc. Est-ce que t’as trouvé que c’était clair ?
Alice : oui bah plutôt, en fait il te le rappelle au début. Après comme moi j’avais voté l’année dernière, je me rappelais un peu du fonctionnement. Mais, (euh) oui en fait, y’a une sorte de bannière qui te dit « Vous avez 5 votes » et en fait, quand tu cliques sur des choix en fait, t’as comme une sorte de barème en fait, qui s’éclaire si tu … enfin, t’as 5 trucs qui … illuminés quand t’as tous tes votes de fait.
Antoni : D’accord, Ok.
Alice : C’est pas très clair pardon (rire gêné)
Antoni: Ok, ouais.
Alice : En fait, t’as une façon de voir combien de votes t’as fait et combien il t’en reste.
Antoni : Ok donc au fur et à mesure que tu votes, tu vois combien de votes il te reste ?
Alice : C’est ça.
Antoni : OK. D’accord. Donc, du coup pour quel projet t’as voté, cette année ?
Alice : (Rires) je ne m’en rappelle pas de tous, mais en gros, j’ai voté pour ‘une ville plus propre’, j’ai voté pour que il y ait (euh) moins d’électricité dépensée par la ville, mais qui continue à éclairer les monuments mais en fait, il faut utiliser des ampoules (mmm) LED, tu sais genre, comment on dit ? basse intensité, enfin écologiques. Euh, j’ai voté … dans mon arrondissement y’avait pas énormément de trucs qui me plaisaient, mais j’ai voté surtout pour végétaliser des murs, et rendre plus agréables certaines zones qui le sont pas trop, et j’ai voté pour le projet de l’école des Tournelles, qui l’année dernière m’avait intrigué et que j’avais pas voté pour. Du coup, je me suis dit que cette année j’allais voter pour.
Antoni : L’école qui est à côté de chez toi ?
Alice : Oui !
Antoni : D’accord (mmm) ok du coup tu as utilisé tous tes votes ?
Alice : Oui.
Antoni : 5 par arrondissement ?
Alice : Oui et limite il m’en manquait, enfin pas par arrondissement, parce qu’en fait par arrondissement on a pas beaucoup de choix. En gros t’as 5 votes à distribuer sur 7 ou 8 projets donc c’est vite fait quoi alors que pour la ville y’a au moins 5 ou 6 pages de résultats de projets donc généralement tu n’atteins jamais la sixième page enfin moi mes 5 votes étaient distribués j’avais fait que 2 pages en fait. Et le truc qui est un peu pervers c’est que genre, enfin pervers non mais qui est un peu vicieux, ce que je me suis dit c’est qu’en fait les résultats qui apparaissent en premier c’est les plus votés je pense et du coup en fait comme tu fais que les deux premières pages puisqu’il y a 6 pages de résultats à comparer, des projets pour Paris, ça encourage un petit peu à voter pour les projets qui ont le plus de voix du coup parce que… enfin tu ne commences pas par la 6ème page. J’aurais dû faire ça… si j’y avais réfléchi j’aurais fait ça (rires)
Antoni : Ok et donc en dehors de cette amie qui t’a parlé de… la première fois du budget participatif si j’ai bien compris (euh) est-ce que tu connais des personnes qui ont participés à la construction de projets ou qui étaient déjà un peu investis là-dessus ?
Alice : Non pas vraiment bah y’a l’école à côté de chez moi dont j’ai vu les affiches et tout mais (euh) mais en fait non c’est plutôt confidentiel genre même pourtant je connais quand même pas mal de parisiens et en fait quand je leur en parle ils découvrent en fait c’est moi qui leur en parle la première et souvent ils disent ah c’est cool mais ils vont pas forcement avoir le réflexe de voter, ils vont dire ah c’est un projet intéressant mais ils vont pas (euh) avoir assez de curiosité pour regarder sur internet. J’ai pas trop réussi à convaincre les gens autour de moi que ça valait le coup d’aller voter, même ma famille qui est pourtant assez politisée voit pas trop l’intérêt.
Antoni : D’accord et du coup tout à l’heure tu m’as dit qu’y’avait des projets comme Paris une ville plus propre tout le monde est un peu d’accord là-dessus et que ça t’intéressait pas trop de voter là-dessus. Donc qu’est-ce qui a été pour toi les critères en fait les plus importants pour voter sur un projet ?
Alice : Bah au final j’ai quand même voté pour ça comme quoi ça veut rien dire. Bah en fait c’est pas que ça m’intéresse pas c’est qu’en fait je trouve que ça fait consensus et que ça devrait être un service de base de la ville ça devrait pas être un truc sur le budget participatif. Ça devrait être déjà quelque part prévu et fait quoi. Donc du coup j’ai hésité à voter pour celui-là parce que je me suis dit ouais mais en même temps ça va donner des sous du budget participatif alors qu’en vrai ça devrait être les sous de la ville et ça devrait déjà être un des services de la ville (euh) de base enfin genre (euh) je sais pas si c’est très clair. Mais du coup je voyais pas trop l’intérêt de voter pour ça et en fait je me suis dit bah si quand même ça me saoule que ce soit sale donc c’est une façon de montrer aussi que c’est important pour nous. Mais après (euh) d’ailleurs je crois que c’est un des projets qui a eu le plus de vote et c’est un qui a gagné.
Antoni : D’accord.
Alice : Mais (euh) en même temps ça parait logique enfin je veux dire tout le monde veut que sa ville soit propre donc ce que je me suis dit c’est pourquoi c’est sur le budget participatif alors que (euh) le budget participatif c’est plus pour les innovations enfin à la base c’était (…) dans l’idée en fait c’était plus ça. Alors que là c’est plus pour moi un service basique de la commune.
Antoni : D’accord ça fait partie du fonctionnement normal…
Alice : Oui ça devrait en tout cas !
Alice : Mais j’ai quand même voté pour ça. Je suis pleine de contradiction (rires).
Anoni : Donc est-ce qu’il y a d’autres critères ? Est-ce qu’il y a des thématiques par exemple peut-être qui t’ont mobilisé plus que d’autres ?
Alice : En fait déjà j’ai remarqué qu’il y avait des thématiques (euh) quand même qui se retrouvaient souvent (euh) c’est dispatcher y’a sport y’a culture y’a écologie y’a solidarité. Et en fait moi j’ai remarqué que le truc que je vote le plus souvent c’est solidarité, écologie et en troisième le culturel. J’avoue que je m’en fiche un peu du sport (rire) genre tous les trucs genre créer un terrain de foot en plein milieu du 4ème arrondissement j’ai pas voté pour (rire). Mais bon c’est parce que je l’utiliserais pas et parce que je trouve qu’y’a des choses plus importantes. Par exemple j’ai voté pour remettre les bains douches de Saint-Merri. En fait c’est pour les SDF, qu’ils puissent aller se laver (euh) qu’ils aient accès à certaines ressources et en fait (euh) ça a été fermé y’a 10 ou 20 ans et sauf qu’on se rend compte que bah (euh) c’est toujours un problème maintenant. Y’a de plus en plus d’SDF dans mon quartier donc du coup j’ai trouvé que c’était quand même plus logique de voter pour ce projet-là plutôt que pour un projet de terrain de foot. Après c’est chacun ses choix mais (euh) voilà un exemple. Et j’ai voté pas mal aussi pour tout ce qui était écologie du genre le tri des déchets, un meilleur tri des déchets, installer davantage de (euh) de grosses bennes tu sais qui donne directement sur les égouts, tu sais dans la rue et en fait tu mets dedans c’est aspiré dans un tuyau et ça va directement (euh) Voilà pour pouvoir trier du coup y’a des trucs de verre, des trucs de plastiques et tout. J’ai voté pour végétaliser les murs, je me rappelle pas de tous ce que j’ai voté mais enfin en gros ouais c’était plus des trucs comme ça. Ecologie ou solidarité.
Antoni : Ok et donc du coup au contraire qu’est-ce qui fait… enfin… qu’est-ce qui dans un sujet va faire que vraiment tu le trouves pas intéressant ? Est-ce qu’il y a eu des choses comme ça qui t’ont un peu tout de suite éloignée de certains projets ?
Alice : Oui bah déjà je faisais attention aux prix des projets. Et des fois je comprenais pas trop le (euh) enfin le prix était démesuré par rapport à ce qu’il demandait enfin genre y’avait un truc genre végétaliser un pont et dans la description du projet c’était genre ajouter 5 arbres un truc comme ça et ils demandaient… je sais pas… 50 000€ et j’ai pas compris. Du coup j’ai pas voté pour ça parce que je me suis dit c’est bizarre, alors à moins qu’ils aient d’autres projets et qu’ils aient pas décrit vraiment tout ce qu’ils voulaient faire, mais dans le projet quand tu lisais la fiche de description, c’était planter 4 ou 5 arbres. Donc alors peut être qu’ils creusent le béton et que ça coûte cher mais (euh) sur le coup je me suis dit que c’était de l’argent public et qu’enfin quitte à le dépenser autant que ce soit dépensé intelligemment et c’est pas forcément ce que je choisirais en premier. Après y’a aussi (euh) tout ce qui est mes gouts personnels parce que par exemple le sport j’suis pas hyper sportive donc ça m’intéresse pas spécialement. Donc la plupart des projets autour de ça, ça ne m’intéressait pas forcément donc j’ai pas voté pour. Par exemple y’avait un projet sur installer des salles de sports à découvert. Des appareils de musculation tout ça dans des endroits défavorisés, des quartiers défavorisés de Paris. En soit, je (euh) considère que c’est un bon projet parce que ça peut faire (euh) ça peut être bien. Mais moi comme j’en vois pas l’intérêt à titre personnel (euh) j’ai préféré voter pour d’autres choses. Sachant qu’on a que 5 voix donc on est obligé de choisir et que c’était pas forcément ce que je pensais être primordiale à la ville. Ce qui ne veut pas dire que le projet n’a pas de valeur intrinsèque, c’est plus opérer des choix en fait.
Antoni : D’accord et donc du coup cette année qu’est-ce qui a fait que t’as eu l’information sur le budget participatif. Est-ce que tu y a pensé toi-même ? Est-ce que t’as reçu un mail parce que t’as participé l’an dernier ?
Alice : Alors j’ai reçu un mail et j’ai vu les affiches, du coup (euh) j’ai fait ça assez vite dans la soirée parce que je suis le genre de personnes qui oublie et (euh) même si y’avait pas mal d’affiches dans mon quartier et que ça servait un petit peu à me rappeler j’ai préféré le faire rapidement plutôt que d’oublier parce que finalement on a que 2 semaines je crois pour voter enfin je sais plus exactement. On a pas énormément de temps et (euh) comme on a beaucoup de choses à penser (euh) pour la fac et tout le reste je me suis dit que j’allais le faire vite.
Antoni : Ok, et ces affiches du coup elles étaient pour un projet ? Ou pour le vote en soi ?
Alice : Non, pour le budget participatif.
Antoni : C’est des panneaux publics ?
Alice : Oui. De la ville de Paris
Antoni : Ok et du coup, est-ce que l’information que tu as eu sur les projets sur lesquels tu as voté tu l’as eu le jour où tu allais voter en regardant les différents projets ou est-ce que tu en as eu un petit peu auparavant en plus ?
Alice : Non, j’ai pas eu d’informations avant sur les projets. En fait non j’ai pas eu d’informations sur les projets à part sur le site internet lui même qui en fait donnait les informations sur les projets avant même le vote sauf que je suis une mauvaise élève, j’était pas allée regarder avant le vote. Donc c’est pendant le vote que j’ai commencé à examiner les candidatures de projets et à me renseigner. Mais après souvent les informations sont assez pauvres parce que quand tu cliques sur un projet t’as le (euh) le budget donc combien ça va couter et t’as une petite description du projet et de qui l’a proposé. Donc des fois t’as plusieurs personnes qui vont proposer en fait par exemple « une ville plus propre » y’a plusieurs organismes et plusieurs personnes qui avaient proposé des choses similaires donc ils avaient tout rassembler en fait sous un thème commun et ils avaient rassembler les différentes propositions (euh) pour en faire du coup un projet (euh) plus solide. Mais du coup t’as pas énormément d’informations, t’as de qui ça émane, ça peut être une ou de plusieurs personnes, ça peut être un organisme, ou une personne normale, enfin civile. Et (euh) t’as combien ça coûte et t’as à peu près les rues ou le quartier où ça va se dérouler, et qu’est-ce que ça va être exactement. Mais par exemple le pont, végétaliser le pont, ils parlaient de planter 4 ou 5 arbres mais peut être qu’ils avaient aussi d’autres projets qui n’étaient pas indiqués. L’information n’est pas hyper détaillée quoi.
Antoni : D’accord ok bah je crois qu’on a fait à peu près le tour des questions auxquelles j’avais pensé.
Alice : D’accord.
Annexe 9 : Entretien avec S.P., à l’initiative d’un projet lauréat du Budget Participatif 2016, dans un café
Contexte :
Après avoir assisté à une réunion du conseil de quartier du 4ème arrondissement autour de la démocratie participative la veille de l’entretien, Alice retrouve dans un café Mme S.P. qui a porté un projet de végétalisation par le biais du budget participatif.
Durée : Une heure d’entretien, plus une suite de vingt minutes après une interruption de l’enregistrement.
(musique de fond du café, échange avec un serveur, bruit des autres discussions autour)
S.P. : Donc l’horaire de la réunion euuuh est excluant pour les femmes en fait. (en parlant des conseils de quartier et d’arrondissement)
Alice : D’accord, alors…
S.P. : Et quand il y a des femmes, c’est celles qui sont plus en âge de, euh, de s’occuper des enfants, donc en gros pour…
Alice : Donc soit des jeunes, soit des femmes plus âgées…
S.P. : Non des jeunes femmes il y en a très très peu c’est exceptionnel et euh on accepte d’autant euh, enfin si elles peuvent pas être là très souvent c’est mieux toléré chez les jeunes apparemment euh…
Alice : D’accord…
S.P. : Voilà quoi. Et même et ça on peut le dire que même dans le quartier euh, dans le quartier euh… Animé, moderne, du 4ème, je trouve que c’est mieux euh, enfin c’est plus de segmentation…
Alice : D’accord, bah c’est intéressant, je vais peut-être du coup essayer d’y aller parce que, avoir une présence féminine en plus c’est toujours bien. Bon, alors. Du coup j’avais préparé des questions, mais on peut s’en écarter un petit peu parce que euh comme ça risque de partir un petit peu dans tous les sens euh…
S.P. : De toute façon j’ai tout ça à boire donc je vous laisse poser les questions… (rires)
Alice : Ah oui ça va (rires) c’est vrai il y a de la marge. Donc alors la première question c’est comment avez-vous entendu parler du budget participatif ? Pour la première fois ?
S.P. : Hmmm j’en ai entendu parler parce que j’étais militante euuuh… Bah en fait en 2008 j’ai commencé à m’intéresser à la politique et je me suis mis à militer au PS, c’est ce qui me correspondait le mieux en plus j’aimais bien parce que c’est assez structuré, enfin, en 2008 c’était il y a 10 ans quand même. Donc, à cette époque-là (rires)
Alice : (rires) C’était structuré
S.P. : C’était extrêmement structuré, c’était très intéressant même si ça ne correspondait pas à 150% à tout et euh c’était euh… la thématique des budgets participatifs c’est quelque chose dont on parlait beaucoup au parti et euh ben je me suis intéressée socialement après dans ma vie citoyenne et euh, et voilà. Donc c’est vraiment euh, c’est vraiment, y’avait un côté militant dans le fait de donner euh de donner au peuple 5% du budget à gérer, voilà. Puis euh hmm… l’expérience de la démocratie participative aussi était intéressante, à cette époque-là on parlait pas autant d’internet, fin c’était, enfin moi de toute façon j’étais, fin j’ai commencé à bosser sur internet en 2001, donc c’est un peu spécial mais euh, en 2008 il faut avouer que la démocratie participative c’était surtout des grosses réunions, euh, des trucs, y’avait beaucoup de présentiel et d’ateliers, bah comme on a fait un peu hier quoi. Vous voyez, niveau participation y’avait personne quasiment enfin… Et euh, par contre sur internet euh les gens font ça quand ils ont le temps, quand ils ont envie et ça a vraiment fait progresser le nombre de participants. Après, la qualité des interventions je sais pas. Mais, euh, voilà c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’y intéresser et donc bah tout naturellement euh en 2014, 2015 euh j’avais déjà des idées de projets à proposer et qu’en plus j’avais pu structurer assez facilement euh, peut-être plus facilement qu’un citoyen qui a jamais participé au conseil de quartier, parce que euh je j’avais une petite idée des niveaux de, enfin de ce qui intéressait les gens et euh de ce qui correspondait au quartier quoi. Aux attentes du quartier. Voilà.
Alice : Merci beaucoup. Alors, donc, ma deuxième question c’est qu’est-ce que vous pensez du budget participatif ? Qu’est-ce que vous en pensiez au début et qu’est-ce que vous en pensez encore maintenant ? Est-ce que ça a évolué, votre vision du… dispositif ?
S.P. : Bah, alors, tous les porteurs du projet vous diront qu’euh, on a plus de nouvelle du projet derrière. D’ailleurs hier le euh le maire a été très clair dans son intervention euh, il a dit voilà euh il y a des projets qui ont été faits, il a pas dit combien parce que effec… ça… (rires)
Alice : (rires) Pas beaucoup ?
S.P. : Mais ça prend un temps fouuu ! Il y a toutes les directions de la ville à mobiliser, et puis ça s’insère dans leur agenda qui est déjà cadencé par d’autres contraintes que notre petit budget participatif et euh, et donc là il y en a un qui a été déposé euh, qui a été lauréat en 2016 et euh on a pas de nouvelles, on a jamais eu de nouvelles. Euh… Bon, celui de 2015 non plus, euhh… C’est assez euh, c’est assez problématique. Par contre, oui, il y en a qui vont être faits tout de suite on ne sait pas trop pourquoi, c’est un petit peu peut-être le hasard parce que c’est peut-être quelque chose qui était euh sur le feu euh et on le savait pas et euh… Voilà.
Alice : Donc euh…
S.P. : Donc ça c’est très décevant, très démotivant et euh au conseil de quartier la première année qu’on a travaillé dessus euh… On était chauds-bouillants quoi, on avait, on savait pas, on devait arbitrer parmi les propositions tellement on avait d’idées et en fait euh… Nos idées euh, nos idées sont passées ; bon déjà nos idées au fil des années ont fini par être votées lauréats, lauréates. Euh… Et en plus, de plus avoir de nouvelles, bah ça nous a… ça nous a découragés donc on avait plus envie de faire euh de brainstorming et puis pareil hier je sais pas comment c’était dans votre groupe mais nous euh, enfin en plus on était trois du même conseil de quartier dans le même groupe donc euh on venait de se voir la semaine précédente et euh bon ben on avait pas trop d’idées neuves quoi, on a l’impression de répéter tout le temps la même chose, c’est jamais très agréable et jamais très valorisant quoi. De ne plus avoir de nouvelles et puis en plus, d’avoir l’impression de radoter un petit peu quoi euh… Mais sinon sur le principe ça… Bon, après, voilà c’est parce qu’on, ça fait plusieurs années qu’on le fait et sur le principe ça… on reste toujours aussi motivés par euh, par le principe du budget participatif quoi.
Alice : D’accord, au début le principe vous a beaucoup plu et dans la réalité, dans la pratique euh, un peu moins ? Si j’ai bien compris…
S.P. : Euh, bah disons qu’il y a de la lassitude en fait au fil des éditions, mais ensuite euh bon c’est à moi de trouver autre chose hein (rires).
Alice : Un nouveau projet ?
S.P. : Alors, euh non je veux dire, un autre mode de participation euh… Euh oui cette année il y aura un nouveau projet oui. Hmm normalement, ce sera un projet lié au stationnement des vélos euh… Et puis je proposerai à nouveau un projet sur Paris pour les nuisances sonores, c’est-à-dire la… la mesure du bruit dans les rues, sur les places, parce que euh c’est pas toujours pris au sérieux euh… La pollution sonore. Euh… Voilà et quand on a la chance d’habiter dans une zone où il y a beaucoup de rues piétonnes, on sent tout de suite la différence des zones où euh, il y a du bruit et là ou y’en a pas quoi c’est… Euh et ce serait sympa de le quanti… enfin de le mesurer quoi. On a aussi les problèmes des motos qui traversent Paris à une vitesse dingue euh, et ça il y a des villes où c’est interdit. En plus, ça donne une mauvaise image des motards alors que… Bon ben, voilà quoi. D’ailleurs, au dernier compte-rendu de mandat d’Anne Hidalgo euuhhh, il y avait une représentation des motards en colère que… Justement ils veulent pas être amalgamés avec ceux qui font trop de bruit parce que euh… parce que leurs représentants se comportent bien avec les gendarmes et euh voilà quoi. Ils venaient euh ils venaient râler pour le stationnement payant des motos, euh… bon ben en même temps, ça occupe l’espace donc c’est normal euh… Voilà. (prend une inspiration) Donc ouais j’aimerais bien déposer quelque chose sur ces deux thématiques.
Alice : D’accord. Alors, est-ce qu’en dehors du budget participatif vous avez participé à d’autres initiatives de démocratie locale ?
S.P. : Oui dans le 4ème on avait, euh, là ça s’est totalement perdu cette tradition mais quand j’ai commencé en 2008-2009-2010 à peu près je me souviens qu’on avait des ateliers qui étaient conjoints avec euh le 3ème arrondissement et (le début d’une musique plus forte, puis un cri aïgu retentissent dans la salle) Euh… Donc… (rires) Euh… Euh, bah c’était un petit peu comme sur le modèle d’hier mais avec beaucoup plus de monde euh donc ça change tout, tout de suite.
Alice : (avec surprise) Il y avait plus de monde ?
S.P. : Ah oui…
Alice : D’accord
S.P. : Mais oui ! Moi je suis persuadée que c’est internet hein ! Et puis peut-être la lassitude aussi des gens qui bon euh, les porteurs de projets euh ils sont autonomes enfin je sais pas, il y a une telle pédagogie sur le site que euh, parisien, que vraiment euh, on peut se débrouiller sans venir à des réunions. (un silence)
Alice : Et vous avez… est-ce que vous avez participé à d’autres initiatives, qui seraient peut-être, pas en lien avec la mairie mais avec des associations ou avec euh d’autres structures ?
S.P. : Euuuhhmmm, pour présenter des budgets parti… ? Je sais que j’étais en fait euh, comme militante féministe j’étais à La Barbe, pendant plusieurs années et puis bon ça m’a un peu lassée parce qu’en plus la Barbe c’est un groupe d’action, c’est pas un groupe de pédagogie, ou de communication politique … Enfin c’est vraiment un groupe d’action avec des activistes et euh on avait eu une barbue qui avait présenté un budget euh… Bah c’était dans le 3ème je crois, lié au matrimoine, les jour… Un parcours du matrimoine et euh c’était il y a plusieurs années ça déjà. Donc elle nous en avait parlé, elle nous avait impliquées là-dedans et la Barbe avait participé, enfin moi j’avais pas participé mais euh bon le collectif avait envoyé des activistes pour y participer, je sais pas si ça s’inscrit dans…
Alice : Et c’était un projet pour le budget participatif ou … ?
S.P. : C’était pas le budget participatif mais c’était lié à la … c’était lié à la démocratie participative de la mairie quoi, qui faisait bosser ces associations.
Alice : D’accord…
S.P. : Et donc il y avait eu un petit budget mais je sais pas de combien.
Alice : D’accord, et ça avait été validé du coup ?
S.P. : Oui, oui oui
Alice : Ok. Alors, ensuite ça va plus être centré sur le projet en tant que tel, donc, comme il y en a deux, euh… Soit vous répondez pour les deux, soit vous en choisissez un, comme vous préférez.
S.P. : Mais en fait c’est très différent, il y en a un c’est vraiment moi qui l’ai fait toute seule, c’est moi qui ai eu l’idée et c’est moi qui après ai lancé le conseil de quartier dessus pour avoir leur avis et travailler en groupes. Et l’autre qui au contraire était antérieur, et porté par le président du conseil de quartier. Depuis plusieurs années il avait ça en tête et euh, c’était pas passé aux éditions précédentes donc on l’avait retravaillé voilà, et c’est moi qui l’avait déposé. Mais j’étais pas à l’initiative.
Alice : D’accord
S.P. : Ceci dit les deux sont toujours au stade de la phase 1, c’est-à-dire qu’on en a pas de nouvelles (rires)
Alice : D’accord, bah dans ce cas-là vous pouvez répondre aux deux, pour les deux projets, de façon séparée. Donc la première, c’est comment vous est venue l’idée du projet ? Donc ça concerne peut-être plus le projet qui vous est propre mais euh…
S.P. : Simplement, en me promenant dans le quartier voilà, en me promenant dans le quartier euh et en observant surtout les touristes. Parce qu’on a quand même beaucoup de touristes, faut… Ils ont souvent des attitudes très très justes euh… Et c’est eux qui m’ont montré à quel point c’était super joli la vue sur Beaubourg, quand on arrive de la rue du Temple, et qu’on tourne la tête à gauche, et on voit via la rue Geoffroy l’angevin ou la rue Simon le Franc, qui sont des vieilles petites rues traditionnelles du Marais, toutes exigüe avec des immeubles décalés, on voit au fond les tuyauteries de Beaubourg et en fait ça fait un choc du euh, ça fait un choc architectural et j’avais remarqué qu’en fait il y avait souvent des touristes qui se mettaient là pour photographier alors que quand on passe on y fait à peine attention, en plus y’a pas de végétation c’est dommage euh… Donc voilà, le premier projet ça consistait justement à valoriser cette vue et euh en la végétalisant, et puis bah évidemment en faisant des trottoirs qui… enfin, qui sont un petit peu modernes pour, enfin, une accessibilité aux normes euh… Pour tous les citoyens, enfin pour les poussettes, les… les gens en fauteuil, puis même les cyclistes ou les gens fatigués parce que c’est pas rigolo de passer son temps à monter sur les trottoirs euh…
Alice : On a beaucoup parlé de l’accessibilité hier.
S.P. : Oui parce que c’est pareil, on travaille pas mal dessus, on a fait des marches exploratoires, des dossiers de synthèse et on a pas de nouvelles. Euh… Bon.
Alice : Euh c’est dans le conseil de quartier ça ?
S.P. : En fait c’était l’un des objectifs du maire euh, donc on a changé de maire il y a quelques mois et donc Christophe Girard, l’un des derniers travaux qu’il avait lancé c’était ça, c’était euh l’accessibilité et bah là vous avez vu ce qu’il s’est passé, (elle fait référence à la réunion dont le compte-rendu se trouve en annexe 2) c’est-à-dire que, Madame Taïeb nous a dit « bon bah là on va faire une autre réunion » (rires) elle a joué son rôle parfaitement mais bon bah voilà quoi on s’impatientait un petit peu sur ce sujet et bon bah finalement on s’est dit qu’il allait falloir attendre encore un peu quoi (rires).
Alice : Oui, il y avait des dames qui étaient un peu déçues de ça dans mon groupe, on en a beaucoup parlé…
S.P. : Donc, rien empêche effectivement de lancer, d’appuyer enfin, en fait quand on structure un projet pour le budget participatif, on… on nous met des petites touches comme ça de ce qui… ce qui s’insère dans le programme annoncé à la mairie, comme ça on se dit que ça passera un peu mieux… Voilà. Donc euh… (un silence)
Alice : Et le deuxième projet donc, qui était pas de votre fait, vous savez comment il a eu l’idée euh, il vous a un peu raconté ou pas ?
S.P. : Euh… Alors, là c’est… On va parler carrément de, je sais pas si vous avez remarqué mais la moyenne d’âge est assez élevée, on va carrément parler de quelqu’un qui malheureusement est décédé, il y a quelques mois.
Alice : Ah mince.
S.P. : C’est un architecte, Pierre Colboc, euh, qui est assez renommé, dans le sens où il a quand même participé à la… à la création, transformation de la gare d’Orsay en musée d’Orsay, donc euh c’est quelqu’un… C’est une pointure quoi un petit peu quand même. Et en plus il était totalement à fond dans la démarche démocratie participative, alors là, je sais pas, mais depuis toujours quoi. C’était dans son ADN. Et euh… il a, il impulsait des projets comme ça et en plus il nous fournissait des… non seulement son expertise, mais en plus des croquis absolument charmants… Enfin bon voilà. Et euh donc euh, moi, c’est lui qui le portait avec le coprésident du conseil de quartier et euh donc, oui il y a surtout la mise en valeur du patrimoine architectural dans ce second projet et donc euh… C’est pour ça que je vous parle de Pierre Colboc, c’est parce que c’était vraiment très très orienté architecture, architecture pour tous on va dire parce que euh, c’était le même principe que la Tour Saint-Jacques, euh, c’est l’un des projets qu’ils avaient porté tous les deux aussi et euh, c’est vraiment donc valoriser le patrimoine, mais de façon un peu démocratique, accessible, sans que ça soit sanctuarisé euh, et qu’on soit dans le Paris muséifié quoi. Vraiment, il faut mettre de la vie euh, voilà. (un silence)
Alice : Désolé, je note alors c’est vrai que ça prend un peu de temps … Alors, euuh donc la deuxième question c’est comment est-ce que vous est venue l’idée en fait de mettre au budget participatif ce projet en fait ? Est-ce que… ce qui est venu en premier, c’est du coup l’idée, et ensuite la transformation en projet ? Ou est-ce que déjà dès le dé… Au niveau de l’idée vous vous dites, tiens je vais le proposer au budget participatif ?
S.P. : Hmm. Etant donné que je connaissais… enfin que la notion de budget participatif ne m’était pas étrangère avant que j’ai l’idée, je pense que c’est euh, l’idée c’est vraiment euh, je me suis dit tiens cette idée ça va être idéal pour le budget participatif. C’était totalement lié et euh jamais j’aurais été voir le maire pour lui dire « Ah j’ai une idée, voilà, il faudrait refaire… ». Ou alors, on a des réunions publiques qui sont organisées aussi où les gens s’expriment librement, comme ça, jamais j’aurais été raconté « On va mettre des fleurs et puis… ». Enfin voilà, c’était pas non plus une urgence. En fait ce qui est bien, c’est que monter un projet au budget participatif ça nous oblige à avoir une vision d’ensemble et globale, qu’on a pas forcément sur une petite idée comme ça, et c’est vachement intéressant. Et ça c’est quelque chose que j’ai jamais trouvé dans les ateliers qu’on avait antérieurement, dans les les soirées qui étaient organisées dans la mairie du 4ème ou du 3ème où on faisait cogiter les citoyens bon bah ok mais en fait on restait toujours un peu sur sa faim, tandis que là on a l’impression qu’on peut pousser le truc et euh, et que ça va se faire quoi ! Même si ça prend longtemps (rires). De toute façon c’est voté, ça se fera ! Mais quand ? Hmm (rires). Là mais on a l’impression que c’est pas seulement… Que vraiment c’est du concret et que… On réfléchit un peu plus quoi. Et on est vraiment aussi dans la proposition, souvent les réunions publiques et les ateliers y’a peu de réactions quoi et c’est pas très…c’est pas forcément sympa quoi.
Alice : Alors, donc l’autre question, c’est pourquoi le budget participatif, et est-ce que selon vous il y avait un autre moyen ? Mais du coup vous y avez un petit peu répondu…
S.P. : Un autre moyen ? Non, à part monter une association de défense… En fait, ouais, voilà, en fait le budget participatif, ça… ça prend peut-être aussi le relais des conseils de quartier, ça les modernise, mais ça prend aussi le relais de certaines associations, la collection de trucs de la lutte pour la défense de machin truc… Il y avait des associations qui avaient l’air totalement… Enfin qui avaient des dénominations un petit peu archaïques et là on a un petit peu l’impression que ça donne un… ça permet de rénover un petit peu le paysage associatif quoi.
Alice : Ok, super, merci. Alors … Euh, comment s’est déroulé l’avant-projet ? Comment est-ce que vous avez défini votre projet ? Est-ce que vous avez eu l’aide de la mairie pour ça ? Est-ce que vous avez sollicité des conseils, ou vous avez fait ça toute seule dans votre coin sur le site ?
S.P. : Ah non non je l’ai fait toute seule. Mais en fait le problème c’est que … Non non pas sur le site. En fait je l’ai fait toute seule. En fait j’avais mon idée donc je voulais la partager avec les conseillers de quartier et puis bénéficier de leur retour et on est allés faire notre marche exploratoire ensemble, comme ça ils ont donné des idées et ils ont validé ou invalidé des trucs, bon. Et ensemble on va plus loin (rires) bref… Euh, c’est vrai que c’est stimulant, c’est pas seulement le fait que les gens me disent « ah ouais c’est une bonne idée effectivement ! gnagnagna » c’est pas du tout ça, c’est vraiment euh, ouais, de structurer ensemble notre petit dossier. Donc j’ai fait un truc, un PowerPoint tout simplement euh, c’était très euh… En fait, avant de bosser sur internet j’étais chargée d’études marketing, je faisais des études d’implantation pour des chaines de magasin, donc j’avais l’impression de refaire le boulot que je faisais au siècle dernier (rires). Donc, c’était marrant quoi. Bref. J’ai eu un retour dans le passé en faisant ce petit PowerPoint et bah du coup le truc il était livré quoi. Et en fait il a fallu le synthétiser à fond pour le mettre euh… pour que ça rentre dans les cases grand public qu’on nous propose dans le budget participatif (rires). Voilà, parce qu’il y a des limites, des contraintes, bah je sais pas, c’est 2500 caractères, des trucs comme ça bon ben y’a des gens, moi ça va j’arrive à écrire, j’arrive mieux à écrire qu’à parler d’ailleurs… Bon donc ça c’est des petites contraintes pour que ce soit lisible mais en fait c’est ça qui m’a pris le plus de temps…
Alice : De synthétiser ?
S.P. : Non faire court c’est plus long que de faire long en fait. Parce que faire un… petit dossier de 15-20 pages c’est vachement facile en fait. Et présenter le truc standardisé qui va pouvoir passer, être aussi lisible que tous les projets qui sont présentés euh, heureusement qu’on a droit aux pièces-jointes, d’ailleurs c’est ce qu’on avait fait, on met toujours en pièce jointe ce qu’on a préparé et puis bah… et puis la rédaction de mail qui correspond aux impératifs de place. Euh bon voilà on a fait une marche exploratoire ensemble et puis euh, c’était fait quoi !
Alice : D’accord, euh, donc vous avez pas demandé à la mairie euh, comment il fallait faire ou… ?
S.P. : Attends, vous avez-vu le niveau de… Enfin bon, franchement… Moi hier j’y suis allé pour euh… Oui bah parce qu’il faut faire un peu de présence, et puis le maire… en plus j’ai pas pu aller aux deux précédents conseils d’arrondissement, j’étais prise les soirs où il l’a fait, donc je l’avais pas vu depuis qu’il était maire en fait alors que c’est quelqu’un que je côtoie un petit peu comme ça depuis des années, donc euh… voilà quoi, puis en plus je me disais bien qu’il y aurait pas grand monde donc voilà…
Alice : C’était plus une occasion sociale alors ?
S.P. : Hm ?
Alice : C’était plus une occasion sociale pour voir du monde euh… que pour le projet ?
S.P. : Hmm, non pour voir comment il se débrouille aussi, parce que c’est quand même les gens qui sont intervenus hier ils faisaient pas du bénévolat, moi ça m’intéresse de voir aussi quand même comment c’est géré quoi euh… Bref. C’est aussi un business la formation et le… Enfin pour le budget participatif, la démocratie participative c’est un sacré budget, un business et euh… Surtout là vous avez le versant internet dans votre euh, dans votre étude bon bah… (silence puis digression sur la nourriture et les boissons)
Alice : Donc, combien de temps il vous a fallu pour préparer le projet ? Et comment ça s’est organisé dans le temps en fait ? Il y a eu plusieurs étapes ?
S.P. : Euh, les étapes elles ont été rythmées par le conseil, les réunions du conseil de quartier mais j’aurais été… Enfin, en fait, pour celui qui venait de moi, on va dire euh, sur une semaine, parce que c’est bien de décanter quand on est pas pressés, c’est bien de laisser décanter. Donc, on va dire sur une semaine ça m’aura pris une heure par jour, euh, donc on va dire 7h… Mais pour le faire euh bien, quoi. Le truc c’est pas… Si vous avez des projets franchement euh… Là c’est vraiment, c’était, il était beau quoi, il y avait un vrai truc, une vraie présentation et euh… Bon c’était peut-être pas très professionnel parce que… mais bon y’avait quand même un peu de matière quoi. Mais euhhh, étant donné qu’on a fait des réunions, avec le conseil de quartier, en nombre d’heures je peux pas vous dire mais ça a dû monter à une vingtaine d’heures peut-être, et parce que c’est toujours pareil, il y a l’interaction, dès qu’il y a les autres, euh, ça prend plus de temps donc… Mais c’est agréable aussi euh, ils étaient contents d’être impliqués, c’est pour ça maintenant en plus j’en avais parlé à tous mes voisins et euh je passe pour une abrutie (rires) parce qu’ils me demandaient euh les mois suivants le vote « bah alors qu’est-ce que ça devient ? » tout de suite et alors là je leur dis que « on a pas de nouvelles, vous savez ça prend longtemps voilà, vous savez c’est l’administratif…». Bon ben là c’est plus les premiers mois, c’est des années qui suivent… Voilà.
Alice : Alors… est-ce que vous vous êtes occupée de l’aspect financier du projet, vous avez chiffré votre projet ? Est-ce que vous avez eu besoin d’une expertise ou d’une estimation des coûts ?
S.P. : Alors là bah y’a un problème au niveau du budget à mon sens, dans le sens où, on avait… Bah ça c’est pareil euh, on en avait discuté entre nous et euh, entre conseillers de quartier, et parmi les conseillers de quartier il y avait le fameux architecte Pierre Colboc, il y avait notre président qui est un expert on va dire de l’aménagement euh urbanistique, et on avait dit 200 000. 200 000 euros. Ensuite, on a plus de nouvelles, et on a trouvé le projet tel qu’il avait été reformulé pour être présenté au vote citoyen plusieurs mois après donc euh… Il y a quelqu’un à la mairie qui avait réécrit le texte et puis qui a budgétisé à 580 000 euros… Voilà. Donc on est passés de 200 000 à 580 000 et euh bah on était super contents « Wah c’est génial, vraiment », mais après on nous a pas dit pourquoi, et comment, et tout ça, et on a plus jamais eu aucune nouvelle depuis que ça a été voté. Voilà, mais j’imagine que ce sera très très très beau ! Non mais, je, je sais pas mais… En fait c’était un projet qui était un peu diffus quoi ça concerne le sol, les murs, … (rires) Peut être de la végétalisation verticale en plus euh… On peut vraiment ajouter plein de choses. Ensuite pour celui euh, le deuxième, qui était porté plus par le président du conseil de quartier, le budget n’a pas été modifié sensiblement donc euh, voilà il n’y a pas eu d’écart.
Alice : D’accord
S.P. : Mais en fait de toute façon euh, à chaque réunion du conseil de quartier on a une… une référente qui nous suit au fil des années, qui fait des comptes rendus et euh, bah on lui pose ces questions, et puis on a… On a aussi un conseiller de… Un conseiller d’arrondissement qui nous suit, qui vient dialoguer avec nous au début de chaque conseil de quartier et euh… On leur pose des questions, on leur en parle et ils nous donnent pas de réponses non plus hein c’est toujours les services, les services, voilà…. Donc euh en fait, pour le budget ça reste assez flou et c’est compliqué d’avoir des réponses et euh…
Alice : Et ça fait deux ans que vous n’avez pas de nouvelles ?
S.P. : Bah, non voilà. Non mais euh c’était… moi je trouve que c’était très clair hier soir euh, bah déjà il y avait très peu de monde et puis bah les propos d’Ariel (le maire) étaient très, euh, très honnêtes, voilà, ça prend beaucoup de temps de les… Il faut qu’ils fassent des études qui sont extrêmement longues… (un silence)
Alice : C’est vrai qu’il n’était pas très optimiste sur les réalisations… Alors, euh, là c’est plus une question sur la mobilisation que euh, que vous avez pu faire autour de votre projet pour essayer d’avoir le plus de votants possibles, est-ce que vous en avez parlé à votre famille, à vos amis, vos proches (rires de l’enquêtée), vos voisins ?
S.P. : Absolument ! De toute façon déjà j’ai demandé aux gens pendant la conception, je me suis dit qu’en les impliquant en amont ce sera mieux pour qu’ils aillent voter après (rires) en leur demandant leur avis. Durant la phase de sensibilisation… enfin voilà comme on avait tout notre temps pour la conception, euh, bah voilà j’ai fait comme ça je me suis dit… En nombre d’heures on doit bien être je dirai dans la vingtaine d’heures totales, il y a eu beaucoup de palabres, mais c’était super agréable et euh… Et voilà, rien de tel pour impliquer les gens, et puis les inciter aussi à réfléchir à des projets par… pour eux-mêmes quoi euh… Parce que le but c’est ça, c’est que les gens s’emparent du budget participatif en tant que citoyens, pas simplement qu’ils aillent voter pour le projet qui les concerne parce que… Ce serait trop court terme. Moi ce qui m’intéresse c’est que les gens aient envie de proposer des projets aux prochaines éditions quoi. Je cherche pas simplement un vote pour mon projet, c’est… A la limite s’ils vont pas voter, s’ils oublient… Bon quand même ça dure trois semaines ou quatre semaines la campagne de vote donc s’ils oublient ils sont un petit peu… réfractaires, mais bon. Non, l’intérêt c’est que, c’est qu’ils se disent « moi aussi je peux le faire » quoi, si même elle arrive à le faire… (rires) J’en ai parlé aussi sur les réseaux sociaux bah parce que je suis pas mal sur Twitter… Bon Facebook c’est trop nul… j’avais fait une page Facebook quand même pour le projet, mais euh… C’était… ça sert strictement à rien. De toute façon même les conseillers d’arrondissement ils y allaient pas, quant à Twiter hm… Mon réseau il est totalement différent donc euh… Voilà quoi. Le conseil de quartier il est complètement archaïque au niveau de, tout ce qui est… Réseaux sociaux, moi régulièrement tous les ans j’essaye de proposer, même pas… un site, non pas une page, un site, ils font même pas la différence entre une page facebook et un site quoi. Euh… Ils voient pas la différence du fait qu’on est pas propriétaires de ses infos, de ses données, quand on est sur Facebook tandis que quand on a son site, ça coûte quoi, ça coûte 20 euros par an bon, un nom de domaine, et puis on fait ça avec nos moyens et euh, voilà quoi c’est… Ils voient pas trop la différence entre un compte twitter, même si maintenant il y a pas mal de comptes Twitter euh… Enfin je sais pas Facebook j’y vais carrément pas depuis euh… Facebook je peux pas supporter, j’ai jamais pu supporter, mais Twitter c’est vraiment intéressant et j’ai vu qu’il y a vraiment pas mal de conseils de quartiers où à l’occasion du budget participatif y a des gens qui prennent l’initiative de se faire des petits comptes comme ça, ils les ouvrent, ils les ferment après mais c’est… C’est léger, c’est vraiment en phase avec l’époque et ça au conseil de quartier ils veulent pas le faire donc euh… Je vais pas encombrer mon fil Twitter pendant… avec ça quoi. C’est assez démotivant je dois avouer euh… Voilà.
Alice : Ce qui est démotivant c’est que euh, eux soient archaïques et ne savent pas utiliser les réseaux sociaux ?
S.P. : Bah ils savent l’utiliser mais ils voient pas l’intérêt que ça a, c’est ça le problème. Ils arrivent pas à se dire… Ou bien non, en fait… Le vrai truc c’est qu’ils savent très bien que ça va les remplacer en fait et que… Ils seront plus euh, les notables… on va leur prendre leur pré carré, même s’ils participent, qu’ils le font et qu’ils sont contents et que machin j’ai l’impression qu’il y en a quand même certains, y’a un frein qui, qui vient euh, qui vient de là. Y’a aussi ce fait voilà de s’astreindre à aller à des réunions, maintenant euh… Et là ils se rendent compte que finalement des gens qui vont juste cliquer sur un truc et mettre un papier dans une boite aux lettres, dans une urne dans la rue, des gens qui n’ont rien fait de particulier pour leur quartier, et ben ils auront autant d’importance qu’eux ! Puisque leur voix elle comptera autant que la leur quoi… Il y a un espèce de truc… La redistribution du pouvoir, et qui passe par internet. Alors, ils sont encore plus réfractaires ; c’est pas du tout qu’ils savent pas s’en servir hein ils sont, enfin je sais pas généralement les gens qui sont au conseil de quartier ils sont dans le 4ème ils sont assez euh… Moi je suis minuscule, hein mon petit boulot et tout ça, ils sont… c’est pas du tout qu’ils savent pas s’en servir. Il y a vraiment euh, ils sont vraiment un peu réfractaires. Enfin moi c’est comme ça que… A les pratiquer depuis plusieurs années, c’est comme ça que je le ressens. Et euh… C’est comme ça.
Alice : Donc, pour la mobilisation c’était essentiellement vos voisins, votre famille… ?
S.P. : Et puis les relais. Alors les grands relais ; alors les directeurs d’écoles, et instits, tout ça… C’est quand même notre cœur de cible, c’est quand même les habitants, et les habitants qui ont des enfants, les familles, surtout dans le 4ème où les appartements sont minuscules, enfin bon… Bref, les familles euh c’est vraiment super précieux, alors… Là, pour celui de Beaubourg, on a, bah Evelyne Zarka qui est maintenant première adjointe euh, et qui était institutrice à l’école du Renard euh là elle est à la retraite maintenant, elle a été super active pour les projets du conseil de quartier. Et euh… ça a été un relai très puissant quoi, et puis, et puis le directeur de l’école Saint-Merri aussi qui nous soutenait à fond et avec lequel on avait travaillé l’année précédente, euh, sur le premier projet qu’on avait passé au moment du conseil de quartier qui était euh, la végétalisation du toit de son école ; qui est actuellement en travaux et donc la végétalisation elle est déjà votée mais elle sera faite après la fin des travaux donc euh… C’est quelque chose qui aura mis trois ou quatre ans à se réaliser. Mais là tout de suite vous avez une école, bah, vous avez 700 votes quoi (rires) c’est… Et puis les commerçants, voilà, on est allés faire le tour des commerçants, on a collé des petites affichettes, voilà maintenant ils savent tous, mais la première édition c’était assez euh… Il y avait beaucoup de défrichage à faire quoi. On leur expliquait qu’est-ce que c’était, maintenant ils savent. Maintenant il faut leur rappeler les dates et leur expliquer ce qui les concerne, enfin leur présenter les projets qui les concerne quoi tout particulièrement. Mais au début il fallait carrément leur expliquer euh, ce que c’était que le budget participatif quoi (rires).
Alice : Euh… Super, bon alors mon autre question c’était pour la presse ; est-ce que vous avez eu des relais dans la presse ? Est-ce qu’on vous a contacté, est-ce que vous avez contacté des gens ?
S.P. : Ouais, en fait euh j’ai… Comme j’étais pas mal sur Twitter, enfin, je suis toujours pas mal sur Twitter mais au début du budget participatif j’en parlais beaucoup sur Twitter, maintenant j’en parle plus mais bon j’en parlais beaucoup à cette époque-là et y’a une journaliste qui m’avait contactée euh… Bah c’était en 2014, ouais je me souviens c’était juste après la campagne d’Hidalgo et c’était une journaliste qui avait suivi la campagne d’Hidalgo et qui donc était intéressée par ce que ça devenait son idée de budget participatif concrètement euh… Une fois que c’était, que c’était mis en place quoi. Et euh, et voilà donc elle m’avait interviewé et puis… Et puis après quand j’avais passé mon… Je lui avais déjà parlé de mon projet que j’avais en tête, sur le réaménagement des rues et puis bah après, quand, un an, un an et demi après quand c’est passé je lui avais renvoyé un petit message avec euh « voilà ça y est ce truc il est passé » et euh bah je sais pas, on se suit toujours sur Twitter. Mais non puis sinon il y a des gens qui posent des questions, bon c’est pas forcément aussi euh, aussi… Tranché.
Alice : Et elle avait publié un article du coup ? Vous vous rappelez du journal ?
S.P. : Non, je peux vous l’envoyer si vous voulez mais bon.
Alice : D’accord. Et vous savez si ça a eu un impact ?
S.P. : Je sais pas. Je sais pas et euh sinon, bah y’a les commentaires aussi je suis allée, je faisais des petits commentaires quand on parlait de… Sous les publications Twitter et des articles qui parlaient du budget participatif, voilà. Des petits détails.
Alice : Ok, euh et donc est-ce que vous avez-eu une aide de la mairie pour la communication euh ou est-ce que ça a été vraiment personnel ?
S.P. : Alors je sais pas à quel titre ça s’est fait mais, je sais pas si c’est passé sur le budget du conseil de quartier parce qu’en fait on a un petit budget communication dans le conseil de quartier, on peut imprimer des petits trucs, alors je sais pas sur quel euh, à quel titre c’est passé, mais on a fait des petits flyers euh, juste… En fait la première année on l’avait pas fait beaucoup et finalement l’année dernière euh le président a senti que ça serait un peu plus dur, c’est-à-dire que bah les gens étaient un peu découragés tous parce que y’avait pas de nouvelles des projets et euh il a senti que la mobilisation serait peut-être un peu plus compliquée à obtenir et donc il a structuré euh… des équipes de tractage, on avait 3 ou 4 projets du, qui étaient dus au conseil de quartier l’année dernière, et euh il nous avait (rires) il nous avait donné des petites consignes comme ça c’était rigolo, enfin bon bref. Moi j’y suis pas allée mais, bon, je sais qu’ils l’ont fait. Alors, faire des petits flyers et tout ça. Mais c’est de, voilà, tout ça ça reste très… C’est tous les gens qu’on peut pas avoir sur internet, parce que maintenant y’a une telle commu… La communication est tellement efficiente autour du budget participatif parisien sur internet, c’est tellement facile pour les gens d’y aller en un clic euh, on en parle partout dans la presse maintenant euh, fin je sais pas… les dates des votes elles sont annoncées à la radio, à la Tv enfin… C’est plus du tout un truc nouveau maintenant mais euh… C’est une habitude quoi. Et euh… Et puis en tapant sur un moteur de recherche on a tout de suite, on tombe tout de suite sur le site. Alors en fait c’est pour euh, les petits flyers c’est pour tous ceux qu’on peut pas avoir par internet quoi et euh… Et y’en a beaucoup quand même. Mais je peux pas vous donner de chiffres parce que je sais même pas si c’est passé sur le budget participatif de la mairie ou si c’est passé sur le budget euh du conseil de quartier.
Alice : J’en ai parlé autour de moi, moi, du budget participatif et j’ai été surprise du nombre de personnes qui ne savaient pas que ça existait. Des parisiens hein. Donc c’est vrai que…
S.P. : (surprise) Mais des vrais parisiens ou euh des gens qui sont là pour leurs études ou leur boulot depuis six mois…
Alice : Non des personnes qui sont là depuis longtemps euh… Ne connaissaient pas.
S.P. : Oui alors c’est peut-être des gens qui sont un peu hostiles au principe et qui disent qu’ils connaissent pas et…
Alice : J’en parlais comme ça pour mon dossier et euh y’a des gens qui… Qui ont découvert grâce à moi et qui se sont dit « tiens je voterai en 2018 ! »
S.P. : Ah bah c’est super comme ça on a un renouvellement des gens…
Alice : Mais j’étais étonnée parce que c’est vrai que même parmi les jeunes qui sont pourtant…
S.P. : Oui mais euh, ça c’est un gros cliché hein euh…
Alice : C’est vrai.
S.P. : Euh, faut voir le niveau de l’écrit quoi, je veux pas être méchante mais on s’demande euh… « Waoh, c’est quoi ? C’est des élèves de CE1, ou c’est des élèves de licence, de master… ? » enfin c’est stupéfiant le français… C’est délirant quoi. Et euh… Bon bah après tout je pense que pour certains euh… Se servir des outils connectés c’est appuyer sur des lumières hein… Euh, c’est comme les petits enfants, les bébés ils sont là « Ah ! Oh mon dieu que mon bébé est intelligent… » mais le bébé il appuie sur une lumière qui clignote euh bon ! Il comprend pas que ce… Bon bref. Et j’ai l’impression que y’en a pas mal qui euh avec leurs smartphones sont un peu comme ça quoi. Il parait que c’est les perturbateurs endocriniens (rires). Non c’est pour ça que les conseillers de quartier… Je pense que y’a… Voilà, ils sont vraiment réfractaires parce que ça leur… ça empiète sur leurs prérogatives. C’est pas du tout parce qu’ils savent pas s’en servir hein. Voilà. (rires) (un silence)
Alice : Pardon je note !
S.P. : Et il faut voir le vote des jeunes aussi… Pendant la présidentielle y’a eu pas mal de de de sondages, le vote des jeunes il est pas super élaboré hein donc euh… Je pense c’est un… (rires).
Alice : Après, il faut se méfier des catégories, des généralisations, parce que « Les jeunes » ça veut tout et rien dire, c’est comme tout, c’est comme dire « Les femmes » euh… Il faut voir qu’il y a une division quand même assez… Enfin bon, c’est un autre débat. Euh…
S.P. : Dans tous les cas je pense pas qu’ils soient… Je pense pas qu’ils soient plus perméables à la démocratie par internet que les autres. Je pense qu’on surestime l’âge euh dans le paramètre. Voilà, c’est juste mon avis (rires). Faut pas se dire « Ah ben c’est bizarre, pourtant ils sont plus jeunes… » il y a des vieux que ça intéresse beaucoup parce que quelque part les vieux en vieillissant ils peuvent moins bien se déplacer, donc ils passent plus… ils ont plus de temps libre, ils sont, ils maitrisent parfaitement la lecture et l’écriture contrairement à certains jeunes. Et, euh, ça leur maintien un lien social le, le… Internet. Et l’internet de la lecture et de la vidéo un peu poussé, pas l’internet… (rires) « oh il y a une lumière j’appuie sur la lumière » euh, voilà. (un silence) En plus euh, il y a des études qui laissent entendre que euh, ça stimule le cerveau des personnes qui seraient notamment sujettes à des troubles euh liés au vieillissement. Et que donc on essaye de les inciter pour les stimuler via… Via une pratique d’internet. Ça freine le déclin cognitif.
Alice : J’ai jamais entendu parler de ces études mais c’est intéressant. On vieillira peut-être mieux… Lorsque le projet a été accepté lors de la présélection est-ce que cela a changé des choses dans le projet ? Euh, donc, vous avez parlé du budget qui a été modifié mystérieusement…
S.P. : Magique.
Alice : Magique… ?
S.P. : Ah bah on a jamais trop su comment et puis on a jamais eu d’explications. On a jamais vu personne… Et pourtant on en a eu plein des conseils de quartier avec un adjoint au maire qui était là, et puis notre coordinatrice qui était là et puis… Et on a posé les questions et voilà. C’est « les services », voilà. (rires)
Alice : D’accord, et il y a quelque chose d’autre qui a été modifié ?
S.P. : Alors, euh oui euh, ils ont réécrit pour le formater euh, pour que tous les textes aient la même euh, exactement le même ton quoi ils ont fait un petit travail de rewriting sur lequel on a eu aucun euh… aucune consultation. On a pas dit si on était d’accord ou pas (rires). Vous savez on nous montre le cahier, le cahier avec tous les trucs euh tous les projets retenus dans le 4ème et on a pas notre mot à dire. Donc ça c’est un peu moyen mais bon en même temps… On a passé notre temps à… Enfin pour nous c’est fini, c’est bouclé et puis on a présenté un beau projet et euh si les gens veulent le consulter en plus il est sur internet il est accessible, puisque les gens peuvent remonter à l’initiative du projet quand ils vont consulter les projets qui sont soumis au vote.
Alice : Merci, parce que ça m’aide beaucoup. Alors, euh, on arrive à la fin (rires), je vous rassure. Quel ressenti gardez-vous de cette expérience, est-ce qu’il y a des choses que vous n’avez pas appréciées ou que vous que vous auriez voulu voir améliorées ?
S.P. : Euh… Alors euh… Il y a un petit peu de fierté quand même d’avoir euh travaillé avec les conseillers de quartier sur une idée que j’avais eu moi-même, à la base. Et d’avoir impliqué un petit groupe d’habitants dans cette aventure et que ça ait marché du premier coup c’est super quoi. Euh bon et puis en plus ensuite euh il y a la réalisation, bon bah… ça je l’ai déjà évoqué à plusieurs reprises.
Alice : Donc c’est la réalisation qui vous a déçue ?
S.P. : Ah bah la réalisation on l’attend toujours, on l’attend quoi. Surtout qu’il y a pas de suivi… En fait des fois on se dit au conseil de quartier : « ah mais nos projets ils sont tellement bien ficelés qu’ils ont pas besoin de nous recontacter ! » (rires) voilà.
Alice : Euh, est-ce que vous recommanderiez le budget participatif a quelqu’un qui aurait euh un projet pour la ville ?
S.P. : Ah bah c’est clair oui, bien sûr. Et euh je recommanderais à la personne de s’associer peut-être à des projets déjà proposés parce que il y a beaucoup de monde… c’est un peu pénible quand on va sur la plateforme, il y en a plein qui repose quinze fois les mêmes trucs un peu différents machins… Et c’est assez intéressant de s’associer à des projets préexistants, moi je l’ai fait euh… Je l’ai fait oui ça a pas donné quelque chose de concret parce que les projets ont été abandonnés en pleine route. Mais voir ce que les autres ont en tête moi ça m’intéresse aussi… Bah en fait, le fait que ça soit sur internet ça nous permet de voir les idées des autres et ça c’est vraiment super. Internet c’est pas seulement bien parce que c’est pratique, on peut aller voter à trois heures du matin (rires) c’est aussi parce qu’on voit les projets des autres, c’est vraiment intéressant. Et je suis contente aussi parce que tout à coup je reçois un mail qui me dit euh… Ah bah tiens il y a quelqu’un qui s’associe au projet, il y a quelqu’un qui pose des questions sur le projet, tout ça quoi c’est assez sympa. Et euh même si on a pas ce suivi du service on a ce suivi entre guillemets de… Enfin le projet il continue de vivre via la plateforme internet parce que les gens souvent regardent pas les dates, bon c’est comme pour les fake news et compagnie ils creusent des trucs ils regardent pas trop les dates eh bien des fois ça a du bon quoi parce que… Ce projet il est voté, il est lauréat et d’un autre côté on reçoit toujours des petits messages euh… Qui posent des questions. Bon il y en a pas beaucoup…
Alice : Et quand vous dites qu’il y a des gens qui peuvent s’associer au projet, c’est quoi exactement… ?
S.P. : Alors euh c’est des boutons… Quand je dis s’associer, c’est des boutons qui sont proposés sur le site « je veux m’associer », voilà euh bah c’est être tenu au courant des ateliers euh de « co-construction » s’il y en a. Euh, c’est pouvoir poser des questions aux porteurs de projets et…
Alice : C’est une sorte de Like vous diriez, ou c’est quelque chose de… ? C’est plus un suivi ? Enfin c’est une façon de valider le projet ou … ?
S.P. : En fait le problème c’est que comme il se passe rien sur le projet je peux pas vous dire euh…
Alice : Qu’est-ce qu’il se passe concrètement… ?
S.P. : Oui voilà je peux pas vous dire. Ce que j’ai vu moi en m’associant à des projets qui eux n’ont pas été jusqu’au bout, qui n’ont pas été lauréats.
Alice : D’accord.
S.P. : Donc euh en fait moi je sais que j’avais été prévenue via ce bouton que… d’ateliers de co-construction. Donc l’atelier de co-construction, c’est les rencontres avec les services pour étudier la faisabilité de projets un peu similaires ou qui sont sur la même zone… et qui sont au préalable à la mise au vote et puis après, j’avais plus eu de nouvelles parce qu’ils avaient pas été mis au vote. Ils avaient pas été retenus. Et sinon, les gens qui envoient des questions tout ça bon ben c’est qu’ils ont cliqué sur je m’associe j’imagine.
Alice : Euh, vous diriez qu’il y a un type de projets qui est davantage fait pour le budget participatif ?
S.P. : Ah j’ai pas l’impression… Un type, vous voulez dire une thématique ou euh… ?
Alice : Oui par exemple…
S.P. : Qu’est-ce que vous appelez un type de projet ?
Alice : Bah, parce que c’est vrai que projet ça peut paraitre vague et du coup on peut se demander est-ce qu’il y a un type de projet qui a plus sa place dans le Budget Participatif que d’autres, ou est-ce que c’est ouvert vraiment à n’importe quel type…?
S.P. : Bah c’est encadré c’est clairement expliqué au début voilà il faut pas que ce soit un projet qui nécessite des frais de fonctionnement par exemple euh bon, donc ça limite, ça exclue certaines idées. Euh… Non y’a euh je pense que c’est vachement cadré mais que ça laisse quand même pas mal de… de champ d’action. Enfin je sais pas, j’ai l’impression qu’il y a des projets de petite ampleur budgétaire, enfin il y a des projets à 10 000 euros hein euh… Enfin dans le 4ème en tout cas je sais qu’ils panachent, et que on a des projets à plus de 500 000 et puis d’autres à 10 000 ou 15 000… Et puis faut que ça concerne vraiment tous les gens euh… Peut-être qu’au début, peut-être au début les premières éditions on mettait plus en avant des associations ou des groupes préexistants. Et peut-être que maintenant il y a plus d’individus, de personnes on va dire isolées, enfin autonomes qui euh, qui osent poser un projet. Mais j’ai pas non plus… Je me suis jamais posé cette question donc euh… Juste comme ça a l’arrache la réponse c’est vraiment… J’ai l’impression qu’au début on se cachait plus derrière nos structures quoi.
Alice : Ok, euh, donc ma dernière question est assez générale ; pour vous quel rôle a le budget participatif ?
S.P. : En fait, euh, que les citoyens s’emparent du budget euh, je veux dire c’est le nerf de la guerre. Bon, c’est quand même… Quand on vote pour quelqu’un on veut savoir ce qu’il va faire de nos impôts pour résumer, et euh… Fin je sais pas les gens quelle que soit leur orientation politique ça se résume quand même un peu à ça euh au final. Euh donc là avec le budget participatif, bah le citoyen il… Chaque année il est consulté, il a un petit… même si certains peuvent dire « c’est des miettes », c’est des miettes mais quand même ça représente plusieurs millions (rires)… Et avec les miettes on peut refaire une route, on peut rénover une école, puis planter des fleurs c’est sympa aussi. Bon c’est idiot ce que je dis parce qu’en plus cette année on a déconnecté le plan de végétalisation mais bon euh, il y en avait beaucoup quand même au début les premières années des idées vertes et ça a bien quand même validé les idées euh… qui étaient pas tellement perçues sérieusement, comme sérieuses euh par euh les parisiens quoi. Puis finalement ils se sont rendus compte que non seulement c’était sérieux mais qu’en plus c’était agréable… Et puis finalement bah j’sais pas… En plus y’a des quartiers y’a des gens qui sont de toute orientation politique et bah je sais que c’est le genre… La végétalisation finalement, euh, les gens de droite ils étaient vachement contre au début et puis vraiment maintenant c’est avec ça que l’on se retrouve quoi, avec des détails comme ça et c’est assez sympa. (rires) Et puis y’a un autre truc qui est sympa, même si c’est un peu énervant, c’est aussi que ça nous donne une idée du temps administratif, justement de voir que euh, il suffit pas d’avoir une idée puis le financement, il faut après que ça s’insère euh dans le planning des services quoi. En avoir conscience ça nous permet d’expliquer les dysfonctionn… Ce qu’on considère comme des dysfonctionnements, quand y’a un nid de poule au milieu d’une rue on se dit ah bah ils font rien et puis quand on voit une poubelle répandue on se dit ah bah ils font rien mais en fait bah non c’est juste que c’est pas infaillible, bref. Que les choses prennent du temps quoi ça nous… Parce qu’à un moment d’être fonctionnaire et d’être fonctionnaire de la ville on a pas idée de ça quand on est citoyen. Enfin tout le temps que prend… Et c’est pas pour autant qu’ils font rien.
Alice : Alors j’ai une dernière question (rires) euh, est-ce qu’il y a autre chose que vous auriez aimé aborder dans l’entretien ?
S.P. : Hein ? Quoi ?
Alice : Est-ce qu’il y a autre chose sur le budget participatif que l’on n’a pas abordé ? Une question que je n’ai pas posée et qui vous semble importante ? Quelque chose que vous auriez voulu dire…
S.P. : Oh il y a un truc incroyable. C’est euh, bah, j’ai une voisine en fait euh ben quand je lui ai parlé du truc là, quand j’étais en phase d’élaboration active et que j’essayais d’impliquer mes voisins pour qu’ils me donnent des idées et puis qu’ils aillent voter après. Euh eh bah elle, elle m’a dit qu’elle avait jamais été sur les sites de la ville et sur les sites officiels avant, et en fait c’est quelqu’un euh, c’est quelqu’un qui est une jeune maman, je sais pas quel âge elle a exactement mais entre 20-25-30 quoi, et euh elle m’a dit c’est la première fois que je vais sur les sites et j’avais jamais été avant et euh en fait elle avait quelque chose, c’est pas quelqu’un qui a l’air très… très éduqué quoi et euh, elle osait pas. C’est pas qu’elle avait pas le temps, que ça l’intéressait pas gnagnagnaa, c’est que vraiment elle sentait… « mais j’osais pas, c’était pas pour moi » machin euh… Et là c’était… « c’était bien j’ai tout compris ». Et en fait c’étaient les premiers budgets participatifs, ils avaient une espèce de code couleur en plus qui était complètement euh, c’était vraiment… on avait l’impression que c’était un truc pour les gosses quoi euh… Et… et elle… moi je trouvais ça complètement neuneu et, elle, elle avait trouvé ça super bien. Elle avait osé faire un truc sérieux et euh et voilà. Donc en fait la communication super grand public comme ça qui peut paraitre un peu neuneu euh bon, il y a des gens que ça touche positivement quoi. Et euh, et voilà. C’était pour l’édition 2015 ou 2016 je sais plus. Plutôt 2016. Et elle était super contente d’elle quoi, c’était pas le projet c’était vraiment d’elle. On sentait qu’elle avait passé un truc en faisant ça, un truc personnel quoi c’était pas le projet. Le projet c’était un détail quoi.
Alice : Bon bah super merci ! Il y avait autre chose ?
S.P. : Oh bah non là… Le questionnaire faisait bien le tour de tous les points…
Arrêt de l’enregistrement (1h01)
Reprise de l’enregistrement car l’interrogée continue la conversation et évoque la sécurité sur Internet en parlant notamment de l’élection de Donald Trump aux États-Unis et le phénomène des fake news.
Alice : En fait c’est une question que je me suis posée aussi, le vote électronique, la sécurité des données, parce ce que comme vous en parlez, les fake news, et l’élection de Trump…
S.P. : Enfin, les nôtres aussi (rires)… attendez ! là cette semaine, on a encore des fake news du Front National, ça n’arrête pas ! et Mélenchon y a été à fond euh…, bon, notre actuel président, c’est le président, on va pas dire mais… (rires), on ne sait plus. Et (euh), c’est pour ça tout à l’heure, je défendais les vieux, mais on a un rapport … enfin, moi je me considère comme un vieux dans le monde numérique, mais les plus vieux encore que moi, on a un rapport euh… à la paperasse, ce que les jeunes… on a l’impression que ça simplifie l’administration électronique, mais moi, moi ça me fait flipper comme c’est pas possible, parce qu’on voit que tous les fichiers, même les fichiers de l’armée américaine sont piratés. Y’a pas un jour sans qu’on nous donne un exemple de piratage de banques de données ou de fuites ou de chantage… Qu’est-ce qui dit que… enfin que la ville de Paris ou la République française sont pas… évidemment que c’est super important… il faut qu’il y ait des papiers qui restent quoi … c’est pas possible. Et y’a un rapport à la vérification des « facts » que les gens n’ont pas du tout quoi. Et on regarde pas les dates, voilà quoi… et puis une date c’est facile à changer, une source c’est facile à changer, et on peut pas leur en vouloir non plus parce que le support lui-même n’est pas fiable quoi… Enfin c’est vraiment super flippant, et on se rend compte qu’il y eu un transfert. Un transfert (euh) est-ce que c’est des motifs de simplification, de rapidité, ou bien alors est-ce que c’est de la manipulation ? Est-ce que volontairement, on a abêti les masses en leur faisant croire qu’Internet c’était (euh… silence de quelques secondes), enfin voilà… et puis qu’en fait, en fait on savait très bien dès le début que finalement c’était pas possible, que c’était impossible à verrouiller, que la sécurité informatique c’était un mythe. Et (euh) que maintenant on se retrouve au pied du mur parce que y’a eu des « leaks », y’a eu des lanceurs d’alerte. Même les lanceurs d’alerte, on sait pas si (rires) s’ils agissent euh… enfin, on en arrive à une espèce de paranoïa généralisée, c’est super désagréable et c’est pas constructif et ça peut bloquer encore le processus dans la pratique. Là j’ai l’impression qu’aux dernières élections on a plus parler (euh…) A la rigueur, la veille du deuxième tour, du second tour, je trouve que dans la presse on parlait plus des « MacronLeaks » que de ses propositions, de rappeler son programme quoi, alors qu’il avait un programme, qu’il avait des propositions. Non… on était dans le p’tit truc, et en fait ben ouais bah, là on est vraiment dans la démocratie. La démocratie qu’on a mélangé, elle est pas (euh…), à la fois elle est renforcée avec ben oui, on peut aller, comme on l’a dit pendant tout l’entretien, c’est super parce que … on peut aller voter à 3h du matin, regarder les projets des autres, c’est génial, gna gna gna, mais d’un autre côté, faut pas que ça se substitue totalement… enfin bon… mais ce serait bien oui, ce serait bien que vous mettiez un gros volet sécurité dans vos travaux parce que y’a très très peu de choses en fait officiellement en France, et (euh) … et y’a toujours des p’tits malins qui se font un business. Moi ce que j’aimerais c’est que quand on parle démocratie, d’outil démocratique « machin là », t’as plein de petits malins qui se font du conseil, des startups à deux balles et tout ça. En fait, c’est un vrai business la démocratie en ligne et tout. Et ils font comme si les problèmes de sécurité n’existaient pas, ou ne devaient pas être posés. Sans sombrer dans la paranoïa évidemment, mais bon… Ils font comme si ça allait se substituer totalement et ça je trouve ça un peu malhonnête. J’ai l’impression que ça fragilise encore les gens, et tout ça pour qu’il se fassent (euh) de l’argent avec leurs nouveaux outils démocratiques euh (rires). Bon c’est pas sympa ce que je dis mais c’est vraiment ce que je pense et (euh) y’a peut-être, enfin, ce serait bien que les étudiants imposent la notion de sécurité… informatique bien sûr (euh) dans leurs travaux quoi, qu’ils y pensent, qu’il y ait un volet là-dessus.
Alice : Mais en fait, la troisième partie du dossier ce serait les limites justement de cette démocratie. Et je parle notamment de la faible participation, des personnes qui ne sont pas au courant, parce que y’en a quand même beaucoup. Et je parle aussi justement des risques du vote électronique, que y’a aucune vérification de notre adresse, que n’importe qui peut voter en France en fait, et même à l’étranger, en vrai, si on est un peu motivé. Après c’est vrai que c’est pas un vote d’une importance majeure et qu’il n’y a pas des projets….
S.P. : Mais les mêmes questions se posent pour les autres votes. C’est le problème du vote électronique. Les machines elles marchaient pas, machin, etc. ou les gens sont découragés de s’inscrire sur les listes tellement c’est compliqué, enfin bon (pouffe). Et puis là, on va avoir la Russie qui va arriver (euh) va y avoir des élections en Russie là…. Ça va être… même si y’a moins d’infos qui transparaissent ça va encore être un folklore monstrueux quoi…
Alice : Y’a peu de chance que Poutine ne soit pas réélu….
S.P. : Oui nan mais faut voir dans quelles conditions ça va se passer. Il paraît que y’a 70 candidatures déclarées.
Alice : Y’a tellement de propagande des médias de toute façon…
S.P. : Oui, oui, des propagandes y’en a des deux côtés, mais (euh) bon. Et nous on est un p’tit peu entre les deux et c’est pour ça que c’est bien de travailler sur des trucs pas super importants comme le Budget participatif, parce que ça amène à se poser des questions plus librement que dans des contextes où tout de suite, dès qu’on pose une question, on est soupçonné de …. Là vous pouvez vous poser des questions librement et honnêtement dans le cadre d’une étude, sans être soupçonné de rouler pour untel ou pour untel voilà. Sinon, oui ben de toute façon dans le vote, dans le vote par urne (euh) dans les urnes, les gens ne donnent pas leur identité. Ils peuvent voter, ils peuvent voter 10 fois s’ils veulent… pour le budget participatif. C’est tellement énorme à organiser un vrai vote. Je sais pas si vous avez déjà été assesseur…
Alice : Oui j’ai été assesseur.
S.P. : C’est énorme l’organisation, c’est ultra précieux, il faut surtout pas qu’on lâche ça pour de l’administration numérique tout ça. Y’a quand même des tentations de ça qui viennent de la part de certaines organisations. Non ! Nous on est peut-être encore archaïques avec nos papiers tout ça mais, les listes revérifiées par 15 personnes qui sont tous de bords différents, machin… Enfin c’est vraiment… c’est ultra précieux et une machine va pas remplacer ça. La machine, n’importe quel zigoto arrive à la pirater quoi, enfin … (silence). Et ça, y’a quand même des gens qui nous empêchent d’y réfléchir, parce que y’a de l’argent à faire sur les données, les datas, et … j’pense qu’à chaque fois qu’on a une affaire de piratage de datas dans le cadre du marketing ou des entreprises, il faut se dire, il faut se poser la question. Il faut se dire que l’administration utilise les mêmes outils… elle peut souffrir des mêmes attaques, elle risque de souffrir d’énormes attaques. Et y’a pas forcément des malveillances politiques de grands États, ça peut être n’importe quel zigoto (rires) ou presque, enfin bon …
Alice : C’est important que vous ayez soulevé le sujet parce que c’est vrai que… il faudrait que je rajoute une question là-dessus parce que c’est vrai que ça fait partie de mes idées. Mais en même temps je savais pas trop comment l’aborder…
S.P. : En tous les cas, la question s’impose… c’est même pas qu’elle est pertinente mais elle s’impose. Et faudra peut-être j’sais pas, que vous… que vous alliez voir quelqu’un, des experts en sécurité informatique. Et apparemment, y’a l’ANSI[7], Agence Nationale de la Sécurité Informatique, qui est assez présente. Et puis, ah c’est la semaine prochaine où le FIC[8] à Lille, c’est en fait… ben forcément… les gens enfin bon… ceux qu’on connaît de nom sont pas forcément les plus … mais bon… oui et ben déjà allez faire un tour sur tout ça. Ben c’est des questions qu’on se pose ouvertement maintenant. C’est bien, c’est sain quoi ! Parce que y’a vraiment eu des vendeurs de poudre de Perlimpinpin (sic) et de solutions de Perlimpinpin euh et c’est pas possible quoi. Je dis pas ça contre Macron, je pense pas que ce soit le pire, de toute façon on n’avait pas le choix. Mais c’est… ça fait des années que ça traîne comme ça et y’a encore des gens qui essaient de nous faire croire que l’avenir de la démocratie … ou de l’administration, c’est tout en ligne, tout numérique. Non !!! (Rires) Pas tout ! C’est un truc en plus. Je sais pas … je trouve que c’est … il faudrait rester au numérique comme plus un vecteur de communication, de médias mais pas que ce soit le truc (euh) certificateur (euh) comme dans le cadre d’un vote. Faut pas que ce soit trop sérieux quoi, parce que c’est trop trop fragile (silence). Ça peut pas se substituer à une administration. Ça peut juste être un relais pour avoir un document plus rapidement, machin bidule, mais ça peut pas faire… ça peut pas remplacer un état civil ou un vote en mairie (silence). De toute façon déjà, on est profilés, par tous, enfin, quand on va surfer, on est profilés. Ben, là tout à l’heure, je parlais de Facebook mais bon, Facebook c’est ceux qui se sont fait alignés on va dire, mais tout le monde sait qu’on est profilés, par qui veut, par qui aurait envie de s’intéresser à ce qu’on pense selon nos recherches quoi … Et (euh) c’qu’on appelle les algorithmes (euh) bon bref… c’est (euh) c’est n’importe quoi, c’est même pas défendable. C’est pas parce qu’on va se renseigner sur… sur un candidat ou sur une maladie, ou sur un livre qu’on l’a lu, qu’on est en train de le lire, qu’on a la maladie, ou qu’on va voter pour le candidat. Ça peut être exactement le contraire, on peut être derrière un ordinateur, mais on ne sait jamais qui est derrière l’ordinateur en plus. A moins d’avoir toutes les caméras et les micros, bon … On sait pas qui fait la requête, dans quel but et l’algorithme, enfin le crétin qui l’a conçu, vont en déduire que vous avez tel profil et que vous allez faire telle chose, ou que vous souffrez de ceci ou de cela, ou vous allez partir en vacances là-bas. C’est stupide quoi, c’est absolument pas valable, mais y’a des gens qui en font leur business et ben … dans le domaine de la démocratie, de la politique c’est la même chose, et c’est un peu dommage, et ça va….
Alice : Bien… c’est super intéressant. En tous cas, merci beaucoup. Je vais définitivement aborder ça dans ma troisième partie c’est sur (Rires). Je savais pas encore trop comment l’aborder.
Fin de l’entretien
[1] Il faut préciser qu’il s’agit du nouveau maire de l’arrondissement (depuis novembre 2017) suite à la démission de Christophe Girard qui a été nommé adjoint chargé des ressources humaines par la maire Anne Hidalgo.
[2] Le vote est ouvert à toute personne habitant ou tenant un commerce à Paris sans restriction d’âge (les enfants peuvent voter) ni de nationalité (les étrangers habitant à Paris peuvent y participer).
[3] Ce document se trouve en annexe 2.
[4] L’entretien avec D.G., le professeur de langues en question, se trouve en annexe 3.
[5] La fin du mot n’est pas prononcée par l’interrogée.
[6] Il s’agit de madame A.Q. dont l’entretien se situe en annexe 4 et son pré-projet est en annexe 5.
[7] Désormais renommée : Agence Nationale de la Sécurité des systèmes d’Information
[8] Forum International de la Cybersécurité