LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

La Communauté Cambodgienne sur les Réseaux Sociaux

Par: Chrystelle DEART, Coralie LAURENT et Océane LAURENT.

M1 CMW Groupe 2

Introduction

« Je fais partie de plusieurs groupes euh… avec des jeunes cambodgiens sur plusieurs réseaux sociaux mais le plus connu d’entre eux c’est Facebook, euh… qui nous permet de publier… ce qu’on aime, ce qu’on veut partager, de commenter euh…les publications des autres et pourquoi pas avoir plus de liens en fait… entre nos deux pays malgré la distance. Euh… d’avoir toujours un moyen de rester en contact avec eux et voilà. »

Billy, jeune cambodgien, dans son entretien nous révèle l’importance des réseaux sociaux qui est pour lui un pont entre son pays d’origine et son pays d’accueil.

La France est un pays aux multiples couleurs, la diversité culturelle, la pluralité des origines sont importantes pour notre pays et très présentes. En effet, la France cosmopolite regroupe aussi bien des Africains, que des Magrébins, que des Asiatiques. C’est pour cela que nous avons décidé de nous intéresser davantage sur une communauté fortement présente en France, soit la communauté cambodgienne. En effet, on compte environs 80 000 cambodgiens et citoyens d’origine cambodgienne vivant en France[1]. Au vu de ce nombre non négligeable on peut penser que ces individus se réunissent autour d’un passé commun, d’une histoire, d’une expérience qui les rapprochent et les unissent. De ce fait, nous avons voulu étudier cette communauté présente sur les réseaux sociaux. Nous nous concentrerons sur les premières et deuxièmes générations, c’est-à-dire les expatriés et les enfants des expatriés, les personnes qui sont venues en France mais qui sont nées au Cambodge et les individus qui seraient nés en France mais qui sont d’origine cambodgienne. La première et la deuxième génération forment alors la diaspora cambodgienne en France, soit il s’agit de la dispersion d’une communauté ethnique ici les cambodgiens en France. La première et deuxième génération posséderont alors une identité culturelle qui les réunisse, c’est-à-dire que si les ainés sont susceptibles de posséder davantage une identité culturelle cambodgienne, les plus jeunes eux auront une double identité culturelle soit cambodgienne et française. Cette ressemblance qui les unis pourra alors se partager sur les réseaux sociaux, ce qui renforcera leurs liens. Nous pourrons parler de Khmer lorsque nous parlerons du peuple cambodgien ainsi que de la langue cambodgienne.

Nous sommes donc amenées à nous demander si on pouvait réellement parler d’une communauté cambodgienne en France sur les réseaux sociaux ? Dans quelle mesure les réseaux sociaux permettent de créer des liens avec les autres expatriés ? Enfin, dans quelle mesure les réseaux permettent d’entretenir les liens avec les personnes restées au pays ?

Pour réaliser notre enquête nous avons choisi d’interroger deux personnes issues de la seconde génération, c’est-à-dire qu’il s’agit d’enfants d’expatriés, leurs parents sont venus en France dans les années 1980. Tous deux suivent plusieurs groupes sur les réseaux sociaux concernant leur origine et identité culturelle. Le premier entretien concerne un jeune d’origine cambodgienne, Billy, âgé de 19 ans qui est actuellement en étude. Et le deuxième entretien concerne une étudiante d’origine cambodgienne, Lana, âgé de 22 ans. Nous avons aussi analysé les 30 dernières publications (que nous avons relevé le 2 janviers 2018) du groupe Facebook « Khmer d’ici et d’ailleurs » qui compte 6 568 membres, ce groupe a été créé il y a 4 ans et il contient cinq administrateurs et deux modérateurs.

Afin de mener à bien notre questionnement nous verrons d’abord l’importance de la migration cambodgienne en retraçant l’histoire, avec une vue d’ensemble sur l’usage des réseaux et les personnes concernées par ces derniers. Pour cela nous nous sommes appuyées sur la revue de Nann Stéphanie, « Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction », datant de 2009. Afin de mieux comprendre l’histoire du Cambodge et les raisons qui ont poussé les individus à s’expatrier. Puis grâce à l’ouvrage de Najar Sihem, « Les pratiques sociales de l’Internet et les transformations des identités et des liens sociaux au Maghreb » écrit en 2011, on peut comprendre qu’il existe différents types d’expatriés et qu’en fonction de ces derniers, ils auront différentes motivations pour aller sur les réseaux sociaux.

Ensuite nous analyserons l’héritage culturel que les ainés transmettent aux plus jeunes dans un cadre d’abord familial mais aussi grâce aux réseaux sociaux et cela par les paires. Kiyindou Alain, dans son article « Réseaux socionumériques et solidarité » publié en 2011, nous aide à comprendre la solidarité qui unit cette communauté, une solidarité qui passe par les réseaux et qui aide le transfert de culture, la transmission des connaissances et des savoirs culturels au sein du groupe et de la communauté.

Enfin nous finirons par l’analyse des principaux rôles des réseaux sociaux c’est-à-dire le fait que les membres du groupe sont principalement inscrits pour soit entretenir les liens avec des personnes de mêmes origines, soit créer de nouveaux liens avec des personnes de même identité culturelle. Le texte « Les diasporas à l’heure des technologies de l’information et de la communication : petit état des savoirs » paru en 2009, de Tristan Mattelart nous a permis de comprendre comment les diasporas utilisent les nouvelles technologies pour rester en contact avec leurs proches. 

I.  Une communauté cambodgienne en France

La diaspora cambodgienne en France comprend les personnes originaires du Cambodge résidant en France. C’est-à-dire qu’il s’agit aussi bien d’individus cambodgiens que de citoyens français d’origine cambodgienne. Le ministère français des affaires étrangères estime leur nombre à environ 80 000[2]. Ces individus, loin de leur pays d’origine et de leurs proches restés dans ce dernier, ont un besoin important de créer et entretenir les liens qui les lient à leurs racines ; pour cela les réseaux sociaux seront pour eux un outil primordial. Mais suivant la génération d’expatriée, on peut penser que ces outils seront utilisés différemment. Mais tout d’abord pour comprendre cet effectif il est nécessaire de faire un détour vers l’histoire de ce pays.

1.1 La population cambodgienne : les raisons de la migration

Selon Stéphanie Nann dans « Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction » (2009)[3], chaque communauté asiatique en France se différencie culturellement des autres. La communauté cambodgienne est issue d’une civilisation symbolisée par la spiritualité des temples angkoriens et est marquée par le génocide des Khmers rouges. Leur présence en France s’explique par trois faits historiques.

La population cambodgienne présente en France résulte tout d’abord, pour une minorité, d’individus réquisitionnés pour l’effort industriel français, lors de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Mais ces cambodgiens ne représentent qu’une petite minorité, soit moins de 2000, des Indochinois appelés pour travailler en Métropole.

Puis un petit nombre de cambodgiens émigre en France, soit vers l’ancienne puissance coloniale, entre 1955 et 1964, il s’agit alors principalement des épouses ou des enfants métis d’anciens colons, militaires ou fonctionnaires français.

Enfin, l’émigration cambodgienne commence réellement avec la guerre civile qui opposa les forces du Parti communiste du Kampuchéa (« Khmers rouges »), leurs alliés de la République démocratique du Viêtnam et du Front national de libération du Sud Viêtnam, à celles du gouvernement du Royaume du Cambodge soutenue par les États-Unis et la République du Viêtnam. C’est avec cette guerre civile et notamment après la période des Khmers rouges et leur défaite, chassés par l’invasion vietnamienne en 1979, que l’immigration cambodgienne vers la France commence. C’est environ 600 000 personnes qui quittent le pays ravagé par plusieurs années de guerre et de dictature et décident de se réfugier dans différents pays du monde. Les anciens militaires se tournent vers les Etats-Unis tandis qu’une bonne partie des riches sino-khmers et la majorité de l’élite cambodgienne trouvent asiles en France, selon Stéphanie Nann[4]. Selon elle, la part de la France dans l’histoire du Cambodge est la raison qui explique le grand nombre de cambodgiens en France.

Les cambodgiens de France sont surtout présent en Ile-de-France et dans la région de Lyon, et malgré la barrière de la langue et beaucoup d’expériences de déclassement professionnel, ils sont bien intégrés socialement. Tout avait été mis en place pour favoriser une intégration rapide, privilégiant l’assimilation culturelle, l’État avait même assuré l’hébergement, les soins de santé et les allocations pour éviter la formation des ghettos qui entraveraient l’acculturation, c’est-à-dire l’apprentissage de la culture environnante, et par extension qui empêcheraient une bonne intégration au pays d’accueil, selon l’auteure. La communauté cambodgienne s’est davantage structurée autour de la pratique religieuse bouddhiste qu’à travers l’usage de la langue khmère. Cependant la langue maternelle est sans doute importante pour la première génération puisque ces derniers avaient mis en place des cours de khmer pour entretenir la pratique chez leurs enfants. Malgré cela, beaucoup d’individus de la seconde génération ont abandonné ce cursus notamment à cause de la difficulté d’apprentissage de cette langue.

L’important effectif de la diaspora cambodgienne en France trouve donc ces causes dans l’histoire même du pays. Ces individus loin de leur pays doivent entretenir et créer des liens avec celui-ci et les personnes, familles ou amis, restés au pays, et ainsi qu’avec les personnes cambodgiennes ou d’origine, déjà présentent en France, d’où l’importance pour eux des réseaux sociaux.

1.2 Fonctionnalités des réseaux sociaux : Typologie des échanges

La communauté cambodgienne présente en France va utiliser les réseaux sociaux pour différentes raisons. En effet l’enjeu des réseaux sociaux pour un expatrié ou un enfant d’expatrié sera certainement plus important que pour un français lambda qui a toute sa famille en France, près de lui.

Si on reprend la typologie du web 2.0 de Dominique Cardon dans « Le design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0 » (2008)[5] et les cinq familles qui la compose, les réseaux sociaux appartiennent à la famille du clair-obscur.  Les réseaux sociaux sont un espace d’entre-soi, avec les amis, la famille… Un espace de sociabilité. Ainsi sur un réseau social on est à la fois dans l’obscurité du groupe d’amis et dans la clarté du web. Les réseaux sociaux occupent une place importante du web. Les réseaux sociaux démocratisent l’accès aux liens faibles. Ils ont comme principale fonction le rafraichissement du lien, le maintien et l’entretien du lien. C’est-à-dire que grâce aux réseaux on peut se tenir informé de personnes qu’on voit peu.

Ainsi on comprend toute l’utilité des réseaux sociaux pour des personnes expatriées qui ne verraient une partie de leur famille, de leurs amis que très rarement car séparés d’eux par plusieurs milliers de kilomètres.

Grâce à nos entretiens et notre analyse de corpus du groupe Facebook « khmer d’ici et d’ailleurs », nous avons pu réaliser une typologie des divers usages des réseaux sociaux par les immigrés cambodgiens ou par leurs enfants.

Tout d’abord, nous remarquons qu’une majorité des publications au sein du groupe sont de type culinaire. Il s’agit de publication avec photo d’un plat traditionnel, des habitudes alimentaires du quotidien. Ils échangent sur des choses traditionnelles relevant du quotidien, des loisirs, des activités. On a par exemple une publication d’une jeune fille qui partage ses dessins typiquement asiatiques. Elle exprime dans ses activités, ses dessins, sa culture, ses origines. La culture est ici une source d’inspiration pour ses loisirs, et par le partage au sein du groupe, la personne attend sans doute des avis et conseils et en même temps elle entretient le lien avec les autres membres et prouve l’intérêt de sa culture et l’implication de celle-ci dans sa vie. Elle recherche sans doute une certaine forme de reconnaissance et de motivation grâce aux réactions positives et commentaires bienveillants. Le réseau social sert donc majoritairement, à échanger sur des pratiques culturelles (que se soit par rapport à de la nourriture, des décorations, les loisirs…). Mais ces échanges ont une fonction latente, sous-entendu, c’est-à-dire créer et entretenir le lien qui unit les membres entre eux et le lien qui unit chacun d’entre eux à leur culture d’origine, à leur pays.

Puis, il est un outil important d’information, de liaison entre le Cambodge et la France. La seconde utilité est donc de se tenir informer de l’actualité du pays. En effet, beaucoup de publications servent à partager des informations concernant les actualités du pays. Il y a un souhait de rester informé malgré la distance. Ce type de publication traduit un désir d’entretenir le lien qui lie chaque cambodgien au Cambodge. Ils n’y vivent plus mais se sentent donc tout de même concernés par l’actualité de leur pays d’origine, ce sentiment est sans doute d’autant plus important si des membres de la famille y vivent toujours. Selon, Alain Kiyindou, dans « Réseaux socionumériques et solidarité » (2011)[6], l’attachement au pays d’origine reste important dans les communautés diasporiques, même s’il aurait tendance à diminuer avec la durée du séjour à l’étranger. Cela explique la présence de nombreuses publications relatives à l’actualité du Cambodge.

Ensuite, le groupe sert également à créer et partager des événements traditionnels, pour poursuivre une tradition même loin du Cambodge. Cela permet de perpétuer les traditions et coutumes, et continuer à vivre sa culture, et la transmettre aux générations plus jeunes. Nous avons par exemple une publication entièrement en langue cambodgienne pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année. Ici on a le souhait de se rapprocher des membres en partageant les vœux de fin d’année dans leur langue natale. Encore une fois la fonction latente de ce type de message est l’entretien du lien entre les membres et avec la culture d’origine.

On observe également des publications où on a une demande de partage, une demande d’entraide, par exemple quand un membre à un projet professionnel ou scolaire qui inclue la culture cambodgienne il fera appel au groupe. Il y a une forte solidarité entre les membres de la communauté. On a par exemple un membre qui publie un questionnaire pour recueillir l’avis des autres membres dans le cadre d’un projet professionnel. On a donc une forte implication de la culture dans des projets personnels et professionnels. Et un désir de développer celle-ci au travers de projets professionnels. Il y a une demande de solidarité et d’entraide entre les membres, qui sont tous appelés à participer à ce développement. La culture est présente au quotidien et est ici encore une source d’inspiration, et de rapprochement. Selon, Alain Kiyindou[7], ces communautés sont caractérisées par une dimension hybride, où tous les membres ne se connaissent pas mais sont prêts à se soutenir et ont un sentiment de reconstruction nationale et d’entraide mutuelle et un désir d’affirmation de l’identité communautaire. Selon l’auteur, les membres sont liés par un sentiment subjectif d’appartenance et d’esprit de groupe.

Les réseaux sociaux dans leur ensemble, servent à entretenir les liens avec la famille, les amis restés au pays, avoir des nouvelles d’eux.

Et enfin, à connaître d’autres individus de même origine et vivant aussi en France, il y a le souhait de créer des liens avec des individus ayant connu une expérience similaire, ayant la même culture.

Les expatriés et leurs enfants sont tous dotés d’une pluri-culture, et si la culture française, s’agissant de la culture environnante, est assimilée tous les jours lors du processus d’acculturation, l’apprentissage (notamment pour les secondes générations) et la poursuite de la culture d’origine sont un travail qui se fait par le contact des pairs, et rien de mieux que les réseaux sociaux pour se rapprocher et rester en contact peu importe la distance et le temps. Mais on peut penser que l’utilisation des réseaux sociaux sera différente suivant la génération d’expatrié.

1.3 Les groupes cambodgiens sur Internet : les différents types de profils et leurs motivations

Les expatriés cambodgiens et leurs enfants, que nous appelons respectivement première génération et seconde génération expatriés, sont toutes deux amenées à utiliser les réseaux sociaux, que ce soit pour partager des pratiques culturelles, se tenir informer des actualités du Cambodge ou encore par exemple avoir des nouvelles des proches restés au pays. Mais nous pouvons supposer que leurs intérêts vis-à-vis de ces réseaux seront différents.

En effet, les premières générations d’expatriés verront dans les réseaux sociaux, sans doute, d’abord un moyen de prendre des nouvelles de leurs proches restés aux pays, de communiquer avec eux, de partager des moments de leurs vies (cela pourrait être l’envoie de photographie par exemple), et de rester informé des actualités de leur pays. Il s’agit alors d’entretenir le lien vis-à-vis de ces individus et du pays. Comme on peut le lire chez Lana :

« Non je ne suis pas restée en contact avec les personnes restées au pays, car je ne les connais pas assez mais mes grands-parents et mes parents sont restés en contact. Ils s’appellent soit par téléphone, soit par Skype ou Messenger. C’est vrai que depuis que les applications telle que Skype, sont apparues, il est plus facile de se contacter car c’est « gratuit » et rapide et on peut également se voir. » (Entretien 2)

Si cette jeune fille, appartenant à la seconde génération d’expatrié, n’est plus en contact avec sa famille restée au pays, ses parents, appartenant à la première génération d’expatrié, eux le sont restés. Il y a donc un réel besoin de contact avec la famille rester au Cambodge. D’ailleurs elle souligne l’importance des réseaux sociaux tel que Skype ou Messenger pour entretenir, faciliter la correspondance et ainsi entretenir le lien familial.

On pourrait aussi penser que derrière ce désir de s’informer sur le pays d’origine, de ce sentiment d’appartenance à ce pays (ils sont concernés par celui-ci), se cache aussi un manque. Ils souhaitent sans doute se rapprocher de leur nation d’origine pour combler un vide créé lors de leurs expatriations. Sihem Najar[8], professeure de l’enseignement supérieur en Sociologie explique qu’il existe trois types de diasporiens[9] dans le réseau social Facebook : les diasporiens enracinés expatriés, les diasporiens bipolaires et les cosmopolites, dans « Les pratiques sociales de l’Internet et les transformations des identités et des liens sociaux au Maghreb » (2011). Le premier concerne le tunisien enraciné expatrié, il s’agit selon elle d’individus reflétant un repli identitaire. En effet la plupart des éléments publiés sur leur profil concernent leur région d’appartenance. Il s’agit d’individus des deux sexes, âgé de 60 ans et plus. Si nous reprenons notre population étudiée, nous pourrions penser que certains individus de notre première génération d’expatrié appartiendraient à ce type de diasporiens, soit des cambodgiens enracinés expatriés. Même si nous ne pouvons l’affirmer, en vue de notre population trop pauvre. Mais leur potentiel repli identitaire expliquerait leur adhésion au groupe, soit à une communauté où les publications, les sujets sont essentiellement le Cambodge. Par exemple si on regarde le profil Facebook de សា រូ (traduit en français par Sharon) qui fait partie du groupe depuis le 16 janvier 2018, il correspond à ce type d’expatrié enraciné. En effet tous ces publications sont légendées et commentées en cambodgien et ont tous un rapport avec son pays natal. Ainsi il présente une identité culturelle davantage cambodgienne que française, et se sent sans doute davantage cambodgien que français.

Tandis que les secondes générations sont tentées par les réseaux sociaux déjà car ces derniers font directement partie de leurs quotidiens, en effet beaucoup pensent que les moins de 25 ans dictent les codes sur ce terrain[10]. Ils trouveront sur les réseaux sociaux le moyen d’assouvir leurs curiosités vis-à-vis de leur origine, d’apprendre sur cette dernière hors le groupe d’appartenance primaire, soit le cercle plus ou moins restreint de la famille. Il y a un désir de se rapprocher, de connaître et d’échanger avec d’autres individus de même origine hors le cercle familiale, comme on peut le lire auprès de notre deuxième enquêtée, Lana :

« Les deux groupes m’ont permis de savoir qu’il y a d’autres cambodgiens en France. On a la même culture, les mêmes coutumes et c’est assez marrant car on se comprend. Par exemple, quand une personne publie des photos de plats traditionnels, ça me fait penser à ce que je mange chez moi. » (Entretien 2)

Si on reprend les types de diasporiens que recense Sihem Najar dans son enquête sur les expatriés tunisiens, elle expose un deuxième type d’expatrié les diasporiens bipolaires. Elle explique que ces individus expriment leur attachement à la fois à leur pays d’origine et au pays d’accueil. Lorsque nous reprenons notre population de cambodgiens ou de français d’origine cambodgienne, on pourrait rapporter ces expatriés bipolaires à notre seconde génération. En effet lors de nos deux entretiens, par exemple, issu de deux jeunes français d’origine cambodgienne, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à la seconde génération d’expatrié tous deux, ils expriment clairement l’affection qu’ils ont pour leurs deux cultures. Leurs identités culturelles sont donc double, ils se sentent à la fois cambodgien et à la fois français. Par exemple lorsqu’on demande à Billy, s’il mange essentiellement cambodgien, il insiste sur l’importance de ne pas abandonner une culture pour l’autre, et que la présence des deux dans des choses du quotidien telle que la nourriture est très importante pour lui :

« [… ] vaut mieux pas en laisser une de côté et voilà, garder juste une seule, une seule des deux. » (Entretien 1)

« Voilà partager, un coup français, un coup khmer. » (Entretien 1)

Dans ce cas, l’appartenance au groupe Facebook permettra de concilier les deux cultures, ils en apprennent davantage sur leurs origines tout en rencontrant des individus qui partage une double culture comme eux. Le groupe leur permet de sortir du cercle familial dont la culture cambodgienne est très présente, sans en sortir complètement puisqu’il s’agit de membre ayant la double culture aussi. Le groupe permet l’ouverture au monde tout en restant dans un environnement culturel connu. Ainsi, ces diasporiens bipolaires ne sont pas seulement centrés sur leur culture d’origine mais préfèrent « partager » ces deux cultures.

Pour finir, les cosmopolites, sont des personnes qui ont une ouverture d’esprit très large. En d’autres termes, ils sont ouverts à toutes les cultures sans pour autant oublier leurs origines. Ils peuvent partager leur goût pour les plats asiatiques tout en écoutant de la musique française etc.

Dans les deux cas, première et seconde génération, il y a un désir de connaître des personnes ayant la même histoire, la même expérience, la même culture, et qui font face à cette double identité culturelle.

En somme si les expatriés sont tous concernés par les réseaux sociaux, leurs motivations et leurs utilisations varieront selon s’il s’agit de la première ou de la seconde génération d’expatrié. Ils chercheront et trouveront des apports différents des réseaux sociaux. La communauté cambodgienne existe en France et les réseaux sociaux lui permettent de se structurer et permet aux cambodgiens de se revendiquer comme appartenant à cette communauté. La double identité culturelle dont sont sujet la diaspora cambodgienne, se construit à travers un apprentissage par les aînés mais les réseaux sociaux sont également un outil de transfert d’héritage.

II.  L’héritage de la culture

Tout étranger vivant dans un autre pays que son pays d’origine reçoit un certain « héritage » de ses aînés. C’est grâce à cette transmission que la culture, les traditions, les coutumes, et même les habitudes de vie résident et se perpétuent dans la vie des étrangers. Grâce à Internet, cette transmission n’est plus cantonnée au cercle familial en toute intimité mais peut se développer via l’extérieur.

2.1-Transmission par les aînés

La transmission de la culture cambodgienne semble très importante pour les enfants originaires de ce pays. En effet, dans nos entretiens on peut remarquer que Billy précise qu’il est important de garder la culture de ses origines :

« Je mange des plats cambodgiens, il faut continuer la culture, il faut pas l’abandonner, il faut pas passer à autre chose. » (Entretien 1)

On ressent bien le sentiment qu’il souhaite conserver la culture culinaire de son pays, malgré qu’il n’habite pas au Cambodge il souhaite garder un lien avec ses racines.

De plus, dans le second entretien celui de Lana une jeune cambodgienne on remarque que les expatriés sont également attachés à leur origine et coutume :

« Chez moi, la culture cambodgienne est beaucoup présente »

 « Concernant les coutumes, mes parents y sont beaucoup attachés, comme par exemple, toujours respecter les ainés ou encore, c’est la femme qui doit s’occuper de la maison etc. »

 « Concernant la nourriture, mes parents préparent que des plats cambodgiens. Avant, ça ne me dérangeait pas, mais aujourd’hui je commence à me lasser et j’aimerais manger un peu plus français. » (Entretien 2)

L’étudiante interrogée ne montre pas de mécontentement concernant la présence de la culture cambodgienne au sein de sa maison mais elle exprime toute fois un sentiment de lassitude concernant la nourriture, elle exprime une volonté de manger un peu plus français. De part ces deux entretiens, on voit l’importance de la culture chez ses deux interrogés, que leur origine leur tienne à cœur, malgré le fait qu’ils habitent encore chez leur parent on peut penser qu’il est fort probable qu’une fois installé et même au sein de leur vie future, ces jeunes cambodgiens vont poursuivre ces traditions, ces habitudes et valeurs de vie, peut être avec une intensité moindre mais leurs racines seront sans doute présente au sein de leur foyer futur.

De plus, la langue de leur origine est transmise aussi bien pour le premier que pour le second entretien. En effet, il nous explique tous deux comprendre le cambodgien et le parler plus ou moins :

« Quand j’étais petite, mes parents me parlaient seulement en cambodgien, du coup je comprends mais je parle très peu. Lorsque nous sommes rentrés à l’école avec mon frère, mes parents ont commencé à parler moitié français, moitié cambodgien. Et aujourd’hui, je leur parle seulement en français avec quelques mots en cambodgien. » (Entretien 2)

« Mes parents parlent cambodgien avec moi hormis avec mon… mon petit frère, des fois mes parents parlent français mais moi je leur réponds en cambodgien parce que je sais la langue cambodgienne, je connais, je sais la parler. » (Entretien 1)

La transmission de la langue semble importante surtout pour le jeune cambodgien qui insiste sur le fait de vouloir parler la langue dans sa maison avec ses parents. Le fait de parler la langue natale au sein du foyer même s’il s’agit d’un mélange français/cambodgien avec quelques mots en cambodgien, est pour eux une façon de prolonger le lien qui les rattachent à leur culture et à leur pays. La langue étant le noyau de la culture de tout pays, la transmission de cette dernière à la seconde génération est importante, les enfants des expatriés ressentent de ce fait, le besoin de la pratiquer lorsqu’ils sont en contact avec d’autres personnes de même origine. C’est la façon pour eux d’appuyer leur origine et leur culture, de la renforcer, et de la maintenir dans leur vie.

Selon Stéphanie Nann[11], la première année pour un expatrié est marquée par une peur de se « franciser » et de perdre leur identité. En effet, elle explique que ces derniers éprouvent un malaise identitaire de par la conscience qu’ils sont loin de leur culture d’origine mais aussi de celle du pays d’accueil, ils ont, de ce fait, aucune culture et aussi les deux cultures à la fois, selon l’auteure. On peut remarquer dans nos entretiens avec les enfants d’expatriés, l’importance qu’ils tiennent à garder ces deux cultures sans en oublier une. La peur que leurs parents on put éprouver lors de l’arriver en France concernant leur identité culturelle c’est, pour les secondes générations transformées en une certitude qu’ils ont bien en leur possession les deux cultures et donc de l’importance de pratiquer les deux cultures à la fois, on peut le lire dans notre interview avec Billy :

« On peut faire un mélange de français et khmer, mais voilà, vaut mieux pas, vu qu’on a une origine, vaut mieux pas en laisser une de côté et voilà, garder juste une seule, une seule des deux. Donc vaut mieux…

 Voilà partager, un coup français, un coup khmer ». (Entretien 1)

La première génération a fait un vrai travail d’héritage, de transmission à leurs enfants puisque ces derniers ont un besoin de toujours garder et pratiquer leur culture d’origine. On peut dire que l’apprentissage de la culture française, tout en conservant la culture de leur origine, s’est doublé d’un travail de mémoire et de reconstruction, les familles expatriées ont appris la culture française sans jamais oublier leur culture cambodgienne et donc en la transmettant aux plus jeunes, une réelle transmission et un partage se réalisent entre les différentes générations. Cela concerne aussi bien la langue, la culture culinaire, que les valeurs asiatiques.

Cette transmission s’est sans doute faite dans le cadre de l’intimité au sein du foyer depuis leur plus jeune âge, mais on peut remarquer qu’un partage s’est aussi fait par les réseaux sociaux entre les premières générations et les secondes générations.

2.2- Une transmission qui passe par les réseaux

Le besoin de partager sur les réseaux sociaux sa culture se fait très ressentir pour beaucoup d’entre nous, et cela encore davantage quand il s’agit d’une personne expatriée ou d’origine étrangère. Le fait de partager avec d’autres personnes de même origine que soi est une façon de toujours en apprendre davantage sur sa culture et ses origines et aussi de renforcer le lien qui nous lie avec un pays loin des yeux mais près du cœur.

Comme Alain Kiyindou[12] l’explique dans son livre, les membres d’un même groupe sur les réseaux sociaux sont davantage enclins à soutenir un projet, à être solidaire. On a pu le remarquer dans notre analyse de corpus du groupe Facebook « Khmer d’ici et d’ailleurs » lorsqu’une publication concernant une entraide est publiée, par exemple une étudiante souhaitant relater l’histoire du Cambodge pour son sujet de mémoire, alors on voit beaucoup de commentaires, de réponses proposant des rendez-vous pour être interviewé, une réelle solidarité est constatée. Encore une fois, les expatriés ou les enfants de ces derniers sont favorables quant à la transmission du savoir, le devoir de mémoire. Il porte un intérêt à partager leur histoire, à transmette un certain héritage culturel. On peut également voir grâce à l’analyse de corpus, que beaucoup de publications concernent des échanges de photos culinaires. Les membres du groupe partagent leurs recettes, des plats typiquement cambodgiens récemment mangé. Cela leur permet sans doute d’apprendre plus sur les plats typiques, les traditions culinaires sont entretenues et partagées. En plus d’apprendre de nouvelle recette, ou de donner des idées de plats, les membres du groupe renforcent leur lien avec leur pays puisqu’ils sont, grâce à ce type de partage, toujours en contact avec les saveurs du Cambodge. On peut donc observer un désir de reconstruction nationale, en faisant vivre le Cambodge en France, parle biais ici des pratiques culinaires traditionnelles.

Selon Pierre Bourdieu « Le capital social : notes provisoires », (1980)[13], les réseaux ne sont pas des données naturelles ni sociales, il s’agit plutôt du travail d’instauration et d’entretien nécessaire pour produire et reproduire des liaisons durables et utiles. Le numérique est alors qu’une forme spécifique aux réseaux, et grâce au numériques dorénavant on accumule beaucoup plus qu’autre fois le nombre de lien, Alain Kiyindou[14] parle du rôle accélérateur que joue les réseaux numériques. Il est vrai qu’on peut remarquer que l’analyse de corpus du groupe « Khmer d’ici et d’ailleurs » est composé de 6 568 membres, le rôle d’accélérateur est bien visible ici puisqu’un expatrié ne pourrait sans doute pas sans le groupe, être en contact avec autant de personnes d’origine cambodgienne et grâce à cette multitude de liens, les échanges s’en font que plus nombreux. On peut retrouver le caractère utile des liaisons dont parle Bourdieu, en effet ils communiquent et se transmettent des savoirs de bases du pays, on a par exemple une publication qui demande conseil sur le lieu géographique en postant un paysage du Cambodge. On ressent bien le désir de partager les connaissances sur le pays, il s’agit d’informations utiles pour ces personnes qu’ils souhaitent savoirs et transmettent. De plus, le partage de photos de lieux, de temples (temple d’Angkor Wat), des clichés souvenir que l’on peut penser sans impact pour la personne qui a fait cette publication mais en réalité il s’agit d’une façon de ne pas oublier les lieux sacrés du pays, des lieux que les expatriés ne peuvent plus se rendre mais qu’il est important de garder en mémoire et de partager surtout au plus jeunes qui sont peut-être nés en France et qui n’ont sans doute pas eu la chance d’y aller.

En somme, il s’agit de transmette un héritage culturel via certaines publications sur Facebook, les liens que l’on peut penser superficiels avec les autres membres du groupe, présentent en réalité une utilité, soit le devoir de mémoire et ainsi la transmission d’une culture à d’autres personnes.

Les réseaux sociaux sont importants pour faire passer des savoirs du pays, on peut penser qu’il n’y a pas vraiment une utilité, une réelle fonction du fait d’appartenir à un groupe sur Facebook, mais en analysant les publications, les commentaires on se rend compte qu’une réelle solidarité se crée au sein de personnes qui ne se connaissent pas mais qui appartiennent à une même communauté, lié par leurs origines. De ce fait, un besoin de partage est ressenti et c’est là que l’on s’aperçoit que le réseau est important car il favorise les échanges à propos de la culture et favorise la transmission des savoirs culturels notamment pour les plus jeunes.

Pour finir, l’héritage de la culture cambodgienne se fait en premier lieu au sein du groupe d’appartenance primaire soit la famille, c’est dans le foyer familial que les connaissances sur les origines sont transmises, les pratiques culturelles, la langue, les coutumes, ou encore les valeurs sont apprises aux enfants. Ensuite, il y a le second groupe d’appartenance, soit l’école leur enseigne la culture d’accueil, ces enfants sont donc dotés de deux identités culturelles celle des origines et celle du pays d’accueil. Mais il ne faut pas oublier les réseaux sociaux qui peuvent intervenir et renforcer les connaissances sur la culture de leur pays d’origine, il s’agit alors de personnes inconnues mais qui participent à l’apprentissage qui était fait jusque-là par le premier groupe d’appartenance.

Si on peut dire que les réseaux participent à la transmission de l’héritage cambodgien, nous pouvons également nous rendre compte grâce aux divers entretiens réalisés, qu’ils possèdent deux rôles majeurs pour les expatriés tel que la création de nouveaux liens ou encore l’entretien des liens, des rôles qui semblent capitaux pour des personnes vivant loin de leur pays d’origine.

 III.        Le rôle des réseaux sociaux

Pour les expatriés, quitter son pays, sa famille, son quotidien et ses habitudes pour un nouveau pays est une expérience difficile à vivre. Ils doivent s’adapter à une toute autre culture qui est différente de la leur. Internet va jouer un rôle important dans ce processus d’acculturation en amortissant les chocs. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou Skype vont permettre d’assouvir le besoin de garder un lien avec la famille ou les amis. Ce besoin est dû au fait qu’il y a une nécessité d’appartenance et de sécurité. Ainsi, malgré la distance qui les sépare, les expatriés pourront être en permanence avec leur famille ou amis, sans vraiment l’être.

Pour les nouvelles générations issues de l’immigration, c’est-à-dire « les jeunes d’origines étrangères » qui sont tiraillés entre deux cultures différentes – l’une transmise par la famille et l’autre par la société dans laquelle ils vivent – peuvent également ressentir ce besoin de se connecter avec leur pays d’origine et d’en connaître davantage sur sa culture.

3.1 Entretenir les liens déjà existants

D’après les résultats de l’enquête Expat Explorer 2011 de HSBC Expat[15], Facebook se retrouve en tête des réseaux sociaux pour les expatriés. Les réseaux sociaux sont un moyen simple et rapide pour rester en contact avec sa famille ou ses amis mais également rester informé de ce qui se passe dans le pays. De nos jours, quasiment la majorité de la population possède un téléphone et peut accéder à Internet (7,4 milliards d’abandonnements mobiles dans le monde à fin 2016[16]). Les migrants qui souhaitent partir de leur pays, peuvent, grâce à Internet, faire des recherches concernant le pays d’accueil, mais également demander de l’aide à leurs amis qui ont déjà vécu cette expérience, par l’intermédiaire des réseaux sociaux. Ainsi, grâce au téléphone et à Internet, leur parcours migratoire devient une expérience moins difficile à vivre. Arrivés à leur destination, ils pourront contacter des associations qui pourront leur venir en aide ou encore rejoindre leurs amis ou leur famille.

Néanmoins, les expatriés ressentent ce besoin de garder un lien avec leur famille restée au pays. Ils souhaitent continuer à participer à la vie familiale, en particulier lorsque ce sont des migrations forcées (les réfugiés politiques). Grâce à Skype, ils peuvent voir en direct leur famille et participer à des évènements tels que des mariages, des anniversaires etc. Toutefois cela demande du temps. Avec les décalages horaires et les emplois du temps de chacun, il est parfois difficile de trouver un moment pour pouvoir communiquer. « Il faut trouver le bon moment et savoirs à l’avance leur emploi du temps et ensuite s’adapter avec le nôtre » (Entretien1). C’est une sorte de rendez-vous.

Selon Billy, le jeune cambodgien né en France, le groupe créé avec ses amis cambodgiens sur Facebook permet de garder un lien. Le fait de partager des photos, permet de se tenir au courant de ce qui se passe, ce qui peut entraîner un sentiment de tristesse car « on a envie d’être avec eux à ces moments-là ». Internet et les réseaux sociaux permettent donc, de faciliter la rupture mais ne remplacent pas le contact humain. Pour ce jeune cambodgien, qui part régulièrement dans son pays d’origine, il est important d’entretenir ce lien qu’il a créé avec ses amis et sa famille. Lorsqu’il n’est pas sur Facebook il est sur Viber (réseau social qui permet d’échanger des SMS gratuitement tout comme WhatsApp). Malgré la barrière de la langue, ils s’adaptent en communiquant en anglais. Ainsi, pour ce jeune cambodgien né en France, partir régulièrement au Cambodge lui a permis d’être plus proche avec sa famille et de se faire des amis.

Cependant, il peut y avoir un deuxième cas comme celui de la jeune cambodgienne née en France mais qui n’est partie qu’une seule fois au Cambodge (entretien 2). En effet, ce sont deux situations différentes. Pour cette cambodgienne, il est difficile d’avoir un lien très fort avec les membres de sa famille restés au pays, du fait qu’elle ne les a vu qu’une seule fois et également à cause de la barrière de la langue. Elle ne ressent donc pas ce sentiment de tristesse ou de manque. Toutefois, ses grands-parents et ses parents, eux, restent toujours en contact avec leur famille que ce soit par téléphone ou via les réseaux sociaux.

Par ailleurs, ces liens entretenus avec la famille peuvent parfois les couper du pays d’accueil. Comme dit précédemment, les expatriés peuvent devenir des diasporiens enracinés expatriés. Dana Diminescu le démontre par l’exemple d’un jeune chinois qui passait son temps sur Internet avec ses amis restés au pays, ce qui a entraîné son échec scolaire. Néanmoins, cette situation reste exceptionnelle, car la plupart des migrants désirs s’intégrer en se créant un nouveau réseau et de nouveaux liens.

Ainsi, le téléphone et les réseaux sociaux permettent d’être toujours présent sans l’être vraiment.

3.2 Créer de nouveaux liens

Les réseaux sociaux ne permettent pas seulement d’entretenir les liens familiaux mais également de créer de nouveaux liens avec d’autres expatriés ou d’autres personnes issues de l’immigration. Il existe plusieurs groupes sur Facebook réservés aux cambodgiens et à la culture cambodgienne. Le fait de partager l’actualité, des photos du pays ou encore des plats traditionnels, donnent lieu à « une communauté imaginée qui unit ses membres dispersés à une sorte de prolongement, dans le monde virtuel, de la nation réelle »[17].

Si l’on peut remarquer qu’il existe des groupes communautaires sur Facebook, c’est parce qu’il y a une recherche d’identité qui se cache derrière. Les groupes vont permettre d’interagir avec d’autres personnes qui ont des identités communes. On constate que dans le groupe étudié[18] (Khmer d’ici et d’ailleurs), les membres du groupe partagent la plupart du temps, des photos de plats traditionnels, de leur famille, du pays ou encore de l’actualité cambodgienne. Il y a également de l’entraide. Ces échanges représentent un désir de partager leur quotidien malgré le fait qu’ils ne se connaissent pas. Il y a une sorte d’affection entre les membres, comme s’ils formaient une famille. « Y a beaucoup d’émotions qui passent par là. » explique Billy (entretien1). Ces groupes forment en quelque sorte une « âme communautaire »[19] où les émotions sont communes. Ainsi, les groupes créés vont permettre aux membres de la communauté « de se rassembler et de s’unir autour de référents identitaires communs »[20].

Les expatriés, lorsqu’ils arrivent dans leur pays d’accueil, ramènent avec eux « l’imaginaire » de leur nation. Ils souhaitent transporter avec eux, un bout de leur pays d’origine. Avec Internet, cela est devenu possible. En effet, on remarque que les groupes ou les forums qui rassemblent des personnes qui ont les mêmes origines vont donner forme à une « communauté imaginée » puisque ce sont en quelque sorte une continuité virtuelle de la vie réelle. En créant de nouveaux liens avec d’autres expatriés ou de personnes de mêmes origines, ils créent et préservent leur communauté malgré la distance qui les sépare. Internet devient alors l’acteur principal dans ce processus de reconstitution d’une communauté virtuelle. Par ailleurs, ces communautés virtuelles sont constituées de membres qui ne se connaissent pas, d’où la nécessité de souligner la création de nouveaux liens.

Mais qu’en est-il de la seconde génération ? L’étude menée en Suède par Ingegerd Rydin et Ulrika Sjöberg[21], montre que ce sont la plupart du temps les adultes, donc les expatriés, qui se servent des réseaux sociaux pour communiquer avec leur famille, leurs amis ou les autres émigrés et pour s’informer de l’actualité du pays. Les jeunes quant à eux utilisent les réseaux sociaux, plutôt pour communiquer avec leurs amis résidant dans le pays d’accueil. Par exemple, Lana (entretien 2) qui est inscrite au groupe « Khmer d’ici et d’ailleurs », explique qu’elle pourrait se passer de ce groupe, elle n’est pas vraiment impliquée dans ce groupe :

« C’est un très grand groupe, il y a environ 7000 personnes et c’est vrai que je n’ai pas vraiment de lien avec eux mise à part le fait qu’on soit tous cambodgien et qu’on partage la même culture. Je ne les connais pas personnellement et c’est pour cela que je pourrais arrêter de consulter la page. » 

Tout comme le fait de rester en contact avec sa famille au Cambodge :

« Non je ne suis pas restée en contact avec les personnes restées au pays, car je ne les connais pas assez ».

Néanmoins, malgré le fait qu’elle ne porte pas d’intérêt à ce groupe, elle est plus impliquée dans le second groupe, dont les membres du groupe sont ses amis :

« il m’arrive de réagir aux publications car souvent les personnes publient des photos de personnes que je connais qui sont mes amis et parfois j’apparais également dans ces photos. Donc, il m’arrive de commenter ou de « liker ». »

Quant à Billy (entretien 1), qui fait également partie de deux groupes, est impliqué car les membres sont également ses amis : « Les jeunes du groupe sont mes amis ».

Ainsi, on remarque que c’est en partageant un groupe avec leurs amis, que les deux jeunes cambodgiens ont pu connaitre d’autres personnes qui se sont rajoutées dans le groupe ou éventuellement grâce aux évènements organisés.

Billy : « Au début, c’est plus un groupe d’amis, ensuite ça s’est diversifié et on a… on a mis en public au lieu d’en privé, du coup ça permet de… Et y a d’autres français aussi ou d’autres cambodgiens qu’on ne connait pas, que je ne connais pas et qui… qui se sont rajoutés et après on fait connaissance, on parle avec eux quand même, on est social. On parle avec eux pour euh…, voilà, pour découvrir, pour apprendre plus de choses sur eux… et voilà. ».

Lana : « Comme je participe aux évènements, le groupe m’a permis de connaitre beaucoup de personnes qui sont devenus des amis. Et grâce aux évènements j’ai pu apprendre à connaitre ces personnes. »

On distingue donc deux générations qui n’ont pas les mêmes préoccupations, mais qui veulent tous deux garder un lien avec leur pays d’origine, pour préserver malgré tout leur identité culturelle.

Par ailleurs, les réseaux sociaux sont également un moyen de se faire « des contacts avec les sociétés des pays de destination » selon Dana Diminescu[22].

Il existe deux types de relations pour un individu : les liens forts et les liens faibles. Les liens forts sont constitués des relations proches comme la famille et les amis proches. Les liens faibles quant à eux, sont constitués des relations plus distantes comme les amis des amis ou des connaissances. D’après Mark Granovetter[23], les liens faibles sont paradoxalement plus forts que les liens forts. En effet, il y a plus de nouvelles informations qui circulent au niveau des liens faibles car ce sont des informations qui n’ont pas circulé dans nos cercles sociaux. La famille et les amis proches possèdent des informations que nous connaissons déjà. Ainsi, les liens faibles permettent de se connecter à un monde plus large. Mark Granovetter pense que « les liens faibles permettent de jeter des ponts locaux entre des individus qui, autrement, resteraient isolés ».

En ce qui concerne les expatriés, les liens faibles vont leur permettre de mieux s’intégrer à la société dans laquelle ils vivent à présent car ils peuvent leurs être utiles, par exemple dans la recherche d’emploi.

Dans le groupe « Khmer d’ici et d’ailleurs », on peut constater des publications qui demandent de l’entraide pour des projets ou encore pour demander des informations diverses comme pour des endroits où manger, où visiter ou autres. On remarque donc l’importance des liens faibles chez les immigrés.

Conclusion

Pour conclure, la présence de la communauté cambodgienne en France trouve son explication directement dans l’histoire du pays. Cette communauté se rassemble sur Internet et plus particulièrement sur les réseaux sociaux. En effet, ces derniers leurs permettent de rester connecté avec leur racine. Mais les échanges varient. Les réseaux sociaux ont plusieurs apports, ils sont source d’informations relatives au Cambodge, ou encore sont source d’entraides… On remarque que selon la génération d’expatrié, ils ont différents types de profil et différentes motivations. Certains iront pour parler aux membres de la famille restés au pays et d’autres pour en apprendre davantage sur leur culture par exemple.

En effet, en plus d’hériter au sein du premier groupe d’appartenance soit la famille, les différentes coutumes, valeurs, les réseaux sociaux permettent de compléter cette transmission culturelle. La première génération va faire un véritable travail de transmission de la culture et les réseaux sociaux vont permettre de renforcer cet héritage, de ce fait, l’acquisition d’une double culture sera plus facile que pour la première génération.

Par ailleurs, Internet va permettre d’entretenir le lien avec les proches restés au pays et ainsi, cela va faciliter l’intégration dans le pays d’accueil et d’atténuer le coup d’une séparation brutale. Enfin, les réseaux sociaux vont permettre également de créer de nouveaux liens afin de favoriser l’intégration.

La communauté cambodgienne est bel et bien présente sur les réseaux sociaux, en effet, ils sont réunis au sein d’un groupe et présentent des valeurs, une histoire, une culture commune. Grâce aux réseaux sociaux et à la création de groupe, ils sont en contact permanent avec leur pays et leur famille, le lien se trouve donc entretenu même si parfois il est difficile de se coordonner à plusieurs milliers de kilomètres de distance. Nous remarquons que les réseaux permettent de créer des liens entre des personnes au passé commun. Ils sont en moyen d’unir des membres d’une même communauté. En effet, ils publient leur quotidien (photos, souvenirs…) et manifestent de l’intérêt pour chacun. On voit une forte solidarité au sein de la communauté.

Il aurait été souhaitable d’avoir une population plus exhaustive, comme par exemple s’entretenir avec une personne de la première génération afin d’affiner notre enquête et nos propos. De plus, certaines publications étaient écrites en cambodgien, il était donc parfois difficile de faire des analyses.

Pour finir, il serait intéressant de poursuivre notre enquête en s’interrogeant sur les raisons qui ont permis à la communauté cambodgienne de se réunir lors d’évènement physique, par exemple, lors des rassemblements religieux hebdomadaires. Notamment lorsqu’on sait que la religion a été un moteur de la cohésion de la première génération d’expatrié. Dans quelle mesure les rassemblements ont pu exister ? Comment se réunissent-ils ? On imagine qu’à l’époque de l’immigration (1980), les réseaux sociaux n’étaient pas présents, pourtant, les réunions avaient lieu.

[1] Wikipédia, « Diaspora cambodgienne en France », consulté le 16/01/2018, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Diaspora_cambodgienne_en_France

[2] Wikipédia, « Diaspora cambodgienne en France », consulté le 16/01/2018, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Diaspora_cambodgienne_en_France

[3]  Stéphanie Nann, « Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction »Dialogue, 2009/3 (n° 185), p. 55-66. DOI : 10.3917/dia.185.0055. (URL : https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-55.htm)

[4]  Stéphanie Nann, « Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction »Dialogue, 2009/3 (n° 185), p. 55-66. DOI : 10.3917/dia.185.0055. (URL : https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-55.htm)

[5] SlideShare, « Le design de la visibilité. Un essai de typlologie du web 2.0 », consulté le 16/01/2018, URL :https://fr.slideshare.net/lacantinerennes/typologie-web-20-par-dominique-cardon.

[6] Alain Kiyindou, « Réseaux socionumériques et solidarité », Hermès, La Revue, 2011/1 (n° 59), p. 117-122. (URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-1-page-117.htm)

[7]  Idem

[8] Sihem Najar, « Les pratiques sociales de l’Internet et les transformations des identités et des liens sociaux au Maghreb », Méditerranée [En ligne], 116 | 2011, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 18 janvier 2018. URL : http://mediterranee.revues.org/5381  ; DOI : 10.4000/mediterranee.5381

[9] « Dispersion d’un peuple, d’une ethnie à travers le monde. » Larousse

[10]  Air of melty, « Génération Z et réseaux sociaux, qu’est-ce qui distingue les plus jeunes de leurs aînés ? », consulté le 16/01/2018, URL : https://www.airofmelty.fr/generation-z-et-reseaux-sociaux-qu-est-ce-qui-distingue-les-plus-jeunes-de-leurs-aines-a605839.html

[11] Stéphanie Nann, « Les familles cambodgiennes en France : histoires de vie et reconstruction »Dialogue, 2009/3 (n° 185), p. 55-66. DOI : 10.3917/dia.185.0055. (URL : https://www.cairn.info/revue-dialogue-2009-3-page-55.htm)

[12] Alain Kiyindou, « Réseaux socionumériques et solidarité », Hermès, La Revue, 2011/1 (n° 59), p. 117-122. (URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-1-page-117.htm)

[13]  Pierre Bourdieu, « Le capital social : notes provisoires », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 31, janv. 1980, p. 2-3. (URL : http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1980_num_31_1_2069)

[14] Alain Kiyindou, « Réseaux socionumériques et solidarité », Hermès, La Revue, 2011/1 (n° 59), p. 117-122. (URL : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2011-1-page-117.htm)

[15] HSBC Expat. « Les expatriés sont à la pointe des réseaux sociaux ». 5 décembre 2011.

[16] CCM Benchmark Group. Le nombre d’abonnés au téléphone mobile dans le monde. Journal du Net [en ligne]. (mis à jour le 11/01/17) Disponible sur : http://www.journaldunet.com/ebusiness/internet-mobile/1009553-monde-le-nombre-d-abonnes-au-telephone-mobile/ (Consulté le 19/01/18)

[17] Tristan Mattelart, « Les diasporas à l’heure des technologies de l’information et de la communication : petit état des savoirs », tic&société [En ligne], Vol. 3, n° 1-2 | 2009, mis en ligne le 14 décembre 2009, consulté le 18 janvier 2018. URL : http://ticetsociete.revues.org/600 ; DOI : 10.4000/ ticetsociete.600

[18] Analyse de corpus (annexe 3)

[19] Sihem Najar, « Les pratiques sociales de l’Internet et les transformations des identités et des liens sociaux au Maghreb », Méditerranée [En ligne], 116 | 2011, mis en ligne le 01 juin 2013, consulté le 18 janvier 2018. URL : http://mediterranee.revues.org/5381  ; DOI : 10.4000/mediterranee.5381

[20] Idem

[21] Tristan Mattelart, « Les diasporas à l’heure des technologies de l’information et de la communication : petit état des savoirs », tic&société [En ligne], Vol. 3, n° 1-2 | 2009, mis en ligne le 14 décembre 2009, consulté le 18 janvier 2018. URL : http://ticetsociete.revues.org/600 ; DOI : 10.4000/ ticetsociete.600

[22] « Des migrants hyperconnectés », Sciences humaines, 2017/3 (N° 290), p. 10-10. URL : https://www-cairn-info-s.fennec.u-pem.fr/magazine-sciences-humaines-2017-3-page-10.htm

[23] Mark Granovetter , « L’influence de la structure sociale sur les activités économiques », Sociologies pratiques, 2006/2 (n° 13), p. 9-36. DOI : 10.3917/sopr.013.0009. URL : https://www.cairn.info/revue-sociologies-pratiques-2006-2-page-9.htm

 

Bibliographie:

Annexe 1

Entretien 1

C : Bonjour, je suis en présence d’un jeune cambodgien dont les parents sont issus de l’immigration.

B : Effectivement.

C : Ils sont arrivés en France dans les années quatre-vingt. Et donc je vais te poser quelques questions en lien avec le Cambodge… Comment tu entretiens en gros ce lien. Alors première question : est-ce que tu fais partie d’un groupe qui justement est en lien avec le Cambodge ?

B : Je fais partie de plusieurs groupes euh… avec des jeunes cambodgiens sur plusieurs réseaux sociaux mais le plus connu d’entre eux c’est Facebook, euh… qui nous permet de publier… ce qu’on aime, ce qu’on veut partager, de commenter euh…les publications des autres et pourquoi pas avoir plus de liens en fait… entre nos deux pays malgré la distance. Euh… d’avoir toujours un moyen de rester en contact avec eux et voilà.

C : Tu fais seulement partie d’un groupe sur Facebook ou sur d’autres réseaux sociaux ?

B : Comme je t’ai dit, y’a plusieurs réseaux sociaux, Facebook étant le plus connu, et il y a aussi par exemple Viber qui est un réseau social moins connu, c’est à peu près comme messenger, on peut juste parler par message et des fois avec les cambodgiens c’est un peu compliqué parce que ils parlent dans leur langue et vu que je sais pas lire bah la langue cambodgienne, la langue khmer hein donc… c’est un peu compliqué, du coup on est obligé de passer par l’anglais et voilà.

C : Et donc, comment tu as connu le groupe sur Facebook ?

B : Les jeunes du groupe sont mes amis en fait, étant petit… Du coup on est resté en contact depuis. Euh… vu que je suis partie plusieurs fois au Cambodge, environs… 7/8 fois… On est toujours resté en contact, et par l’intermédiaire de mes parents et de leurs parents. Du coup on est… On se retrouve tout le temps en fait, au Cambodge quand on y va et voilà.

C : Et donc, depuis quand tu fais partie du groupe ?

B : Eh bien, sur Facebook par exemple, ça doit faire environs… 7 ans, 7 ans ou un peu moins, parce que avant cela je n’avais pas Facebook et du coup dès que je me suis inscrit, j’ai prévenu les jeunes du Cambodge qui m’ont ajouté dans le groupe pour… voilà pour avoir toujours ce lien comme je t’ai dit tout à l’heure.

C : Et est-ce que tu participe souvent dans le groupe, par exemple est-ce que tu mets des photos, est-ce que tu réagis, est-ce que tu commentes ?

B : Auparavant je réagissais beaucoup, parce qu’il y a des photos où voilà, où je les vois ils s’amusent bien, où voilà on a envie d’être avec eux à ce moment-là, sauf que on ne peut pas comme je t’ai dit à cause de la distance, et… c’est un peu compliqué mais souvent on publie… Quand je pars au Cambodge, des fois on publie des photos de nous… sur le groupe et après bien sûr il y a toujours des réactions un peu rigolotes ou bien d’autres personnes qui voudraient être là avec nous… Y a beaucoup d’émotions qui passent par là.

C : Et donc, du coup ce groupe, ça t’a permis de connaitre d’autres personnes ou c’est toujours ton groupe d’amis ? Y a d’autres personnes qui se sont rajoutées ?

B : Au début, c’est plus un groupe d’amis, ensuite ça s’est diversifié et on a… on a mis en public au lieu d’en privé, du coup ça permet de… Et y a d’autres français aussi ou d’autres cambodgiens qu’on ne connait pas, que je ne connais pas et qui… qui se sont rajoutés et après on fait connaissance, on parle avec eux quand même, on est social. On parle avec eux pour euh…, voilà, pour découvrir, pour apprendre plus de choses sur eux… et voilà.

C : Tu parles avec eux sur le groupe ou en privé ?

B : Ça dépend, ça dépend, y a des personnes où je parle en privé, d’autres euh… on parle euh… en commentaires… En fait, souvent quand on parle en commentaires, c’est pas euh… voilà il peut y avoir du privé à l’intérieur, c’est… après y a d’autres personnes qui… qui peuvent répondre à ce commentaire, du coup on apprend pas sur une seule personne mais sur plusieurs personnes à la fois, du coup ça permet, voilà d’élargir le groupe et voilà avoir un groupe soudé avec ça.

C : D’accord, et est-ce que dans le groupe il y a des évènements, des choses comme ça ?

B : Il y a des évènements euh… chaque année en été et… en décembre aussi. Y a des évènements jeunes où on est à peu près… pas tout ceux du groupe mais un peu, un peu beaucoup plus même, ça se dit pas trop mais bon (rit). Euh on doit être environs mille personnes

C : Ah ouais…

B : Euh… à participer à l’évènement, c’est un évènement chrétien où il n’y a pas que les jeunes de la ville entre guillemets, parce qu’au Cambodge on sait très bien que la plupart des gens préfère habiter en ville mais faut pas oublier que beaucoup de personnes vivent en dehors de la ville et… on les incite à venir partager ce moment avec nous et faire plus connaissance et d’élargir tout ça, non pas dans une seule ville mais dans des villes partout dans le pays.

C : Mais du coup, il y a des évènements que au Cambodge ou aussi en France ? Parce que c’est un groupe cambodgien, c’est ça ?

B : C’est ça, c’est un groupe cambodgien. Et en France, on a aussi un groupe cambodgien de jeunes, sauf que c’est que français, enfin il n’y a pas de personnes…

C : Des cambodgiens de France ?

B : Voilà, ce sont des cambodgiens de France et non des cambodgiens euh… du Cambodge. Du coup on est plus soudé parce qu’on… souvent on organise des sorties ou bien des évènements tels que des camps de jeunes, des weekends, des camps familiaux aussi avec les adultes et ça nous permet toujours de partager un bon moment entre nous, de… voilà, faire connaissance avec les personnes qu’on ne connait pas et chaque année il y a des nouveaux et ça fait vraiment plaisir de… de voir que le groupe s’élargit.

C : Donc tu participes souvent à des évènements d’après ce que tu me dis.

B : Je participe souvent aux évènements effectivement.

C : Et euh… les évènements qui se passe au Cambodge… c’est un peu difficile de participer aux évènements vu que tu habites en France…

B : Eh bien, j’ai l’occasion en fait, quand je pars au Cambodge euh… c’est le moment où l’évènement va se passer. Par exemple si je pars un mois, dans ce mois-ci il y aura l’évènement, un des évènements de là-bas, qu’ils organisent et sinon bah… tant pis ce sera une prochaine fois.

C : Et donc euh… voilà les groupes que tu m’as parlé sur Facebook, ça t’apporte quoi en fait ?

B : Eh bien, ça… Franchement on peut dire que c’est une solidarité en gros et pour moi ce qui m’apporte c’est surtout la confiance parce qu’il y a des personnes, des amis, certes ils sont proche mais voilà on n’a pas totalement confiance en eux ou euh… voilà des… c’est que des simples amis mais pas plus. Alors que les personnes du Cambodge… voilà ils ont pas la même mentalité que nous en France parce que là-bas ils vivent quand même dans la pauvreté alors que ici nous on a…, voilà on a notre confort, nos petits chez nous et… voilà ça fait du bien de savoir… enfin, ça fait du bien… ça change de savoir qu’il y a des personnes qui sont en difficultés mais qu’ils arrivent à enfin voilà… à interagir avec les gens de l’extérieur et ne pas être jaloux entre guillemets euh… bah de notre situation ici en France.

C : Du coup euh… grâce aux réseaux sociaux, ça te permet de garder un lien avec euh…ton pays d’origine.

B : C’est bien ça.

C : Mais est-ce que tu penses pouvoir arrêter un jour d’aller sur le groupe ?

B : Ces temps-ci, à vrai dire, j’y vais plus trop sur le groupe parce que voilà ça… c’est pas que ça prend du temps mais c’est plus dans le privé en fait que j’aime parler, voilà, mais dans tous les cas sans le groupe on a toujours un moyen de communiquer… bah ailleurs en fait, soit par téléphone, on appelle de la France jusqu’au Cambodge, on les appelle on leur demande comment ça va. Euh… par exemple, y’a ma tante qui habite là-bas, et quand j’appelle ma tante, souvent je demande comment vont les jeunes de l’église, s’il y a des nouveaux et ainsi de suite. Du coup ça nous permet toujours d’avoir un lien et les jeunes de l’église aussi. Ils nous demandent comment je vais ici en France et… ils nous donnent, enfin ils nous donnent toujours de leurs nouvelles et nous on donne toujours de nos nouvelles.

C : D’accord, donc euh… est-ce que tu te sens… est-ce que tu te sens appartenir à une communauté ?

B : C’est pas le fait de se sentir… euh… être dans une communauté euh… fixe en fait. Parce que comme je t’ai dit la communauté s’élargit et du coup si on reste que dans… dans une bulle d’une seule communauté juste cambodgienne et pas de personnes extérieures, ça va être vraiment compliqué pour plus tard… En gros on va être juste centré sur nous et pas sur les personnes qui souhaitent venir rejoindre notre groupe.

C : D’accord, et chez toi est-ce que tu entretiens justement la culture cambodgienne ? Par exemple les coutumes…

B : Chez moi, on parle, mes parents parlent cambodgien avec moi hormis avec mon… mon petit frère, des fois mes parents parlent français mais moi je leur réponds en cambodgien parce que je sais la langue cambodgienne, je connais, je sais la parler. Euh… chez moi il n’y a que moi et mes parents, fin’ que mes parents et moi qui parlons khmer alors que mon petit frère c’est un peu moins, voilà, c’est le dernier. Quand j’étais né mes parents s’occupaient plus de moi, du coup ils avaient plus de temps pour m’apprendre le khmer et alors que avec mon petit frère et moi en plus… c’est…c’est compliqué.

C : Du coup, tu manges aussi des plats cambodgiens…

B : Euh effectivement, je mange des plats cambodgiens, il faut continuer la culture, il faut pas l’abandonner, il faut pas passer à autre chose. On peut faire un mélange de français et khmer, mais voilà, vaut mieux pas, vu qu’on a une origine, vaut mieux pas en laisser une de côté et voilà, garder juste une seule, une seule des deux. Donc vaut mieux…

C : Partager ?

B : Voilà partager, un coup français, un coup khmer.

C : D’accord.  Donc, comme tu m’as dit tout à l’heure, tu restes en contact avec les personnes qui sont restées au pays comme ta famille… Mais du coup tu m’as bien dit que tu les appelais par téléphone, est-ce qu’il y a d’autres moyens que le téléphone ?

B : A part le téléphone, bien sûr il y a les réseaux sociaux, ensuite hormis ça on… Maintenant cette génération-ci on utilise beaucoup l’électronique, dont internet, du coup internet c’est le moyen le plus rapide pour communiquer vers l’extérieur. Et du coup, si on envoie encore par des lettres, le temps qu’ils reçoivent, avec le temps d’expédition, le délai et tout c’est un peu compliqué. Et c’est un moyen rapide, gratuit en plus euh… parce que là-bas malgré cela ils ont internet et ils peuvent voilà, donner des nouvelles par internet beaucoup plus rapidement. Et de savoir bah les nouvelles, comment ça se passe au Cambodge ces temps-ci, s’il y a des problèmes quelconques ou voilà.

C : Du coup, est-ce que tu les appelles régulièrement ou… ?

B : L’inconvénient c’est le décalage horaire. Le décalage horaire est de six heures, c’est très difficile parce que lorsqu’on dort, ils sont réveillés et ainsi de suite. Du coup, il faut trouver le bon moment… si on a du temps. Si on n’a pas de temps, par exemple si on part travailler ou aller étudier, ou vice versa, ça va être vraiment compliqué et du coup il faut trouver le bon moment et savoir à l’avance leur emploi du temps et ensuite s’adapter avec le nôtre.

C : Tu donnes un peu rendez-vous (rire)

B : C’est bien ça, un peu rendez-vous, « quand est-ce que je t’appelle ? » et voilà c’est juste pour des nouvelles, on peut pas parler longtemps, hormis si on est en vacances et eux aussi et vu qu’il y a le décalage horaire, la période n’est pas la même qu’ici, du coup c’est vraiment compliqué.

C : Donc oui, tout à l’heure tu m’as dit que ça fait 7 ans que tu…

B : 7/8 ans oui.

C : 7/8 ans que tu vas au Cambodge ?

B : Oui, c’est bien ça.

C : Donc, ça veut dire que tu vas régulièrement et euh…tu comptes y aller, fin’ régulièrement comme tu l’as fait pendant ces 7 ans ou… ?

B : Si je peux… euh… si je peux j’aimerais bien. Sauf que voilà comme je t’ai dit avec le décalage, par exemple quand on est en période de vacances, là-bas ils travaillent ; du coup si on y va ils vont pas trop s’occuper de nous, on va rester un peu seul dans notre coin, du coup c’est vraiment compliqué et… voilà faut voir avec eux et ensuite voilà question financier c’est pas donné et c’est quand même des milliers d’euros pour y aller, surtout si on y va en famille donc voilà c’est à voir mais oui, si j’ai l’occasion d’y aller, j’irais.

C : Et donc c’est quoi les raisons principales qui… les raisons principales qui t’amènes à y aller ? C’est plus pour prendre des nouvelles, voir ta famille, pour les vacances ?

B : Euh c’est plus pour des raisons… fin’ voir ma famille ça c’est sûr, parce que n’empêche on a beaucoup de familles là-bas et oui c’est surtout pour prendre de leurs nouvelles et surtout passer un bon moment parce que voilà on est séparé euh…

C : Par la distance

B : Oui voilà par la distance et quand on a l’occasion de se réunir, ça fait toujours… ça fait toujours du bien et voilà ça nous permet toujours de resserrer les liens.

C : D’accord, et tu pars au Cambodge avec qui ?

B : Je pars au Cambodge avec euh… ça dépend parce que souvent on essaye de demander aux personnes s’ils y vont au Cambodge à tel euh…

C : A la même période

B : Voilà à la même période, comme ça on y va tous ensemble et on passe un bon moment ensemble là-bas.

C : Donc des amis cambodgiens en France

B : Oui des amis cambodgiens en France et la famille aussi.

C : D’accord, bon bah je te remercie d’avoir répondu à mes questions.

B : Y’a pas de soucis !

Annexe 2

Entretien 2

Faites-vous parti d’un groupe en lien avec le Cambodge ?

Je fais partie de plusieurs groupes en rapport avec le Cambodge, dont l’un est un groupe qui concerne les jeunes chrétiens cambodgiens en France car je suis chrétienne et je fais partie d’une église cambodgienne. Et l’autre groupe est plutôt en rapport avec la culture cambodgienne.

Comment avez-vous connu le groupe ?

J’ai connu le premier groupe par l’intermédiaire des jeunes de mon église. Le groupe existe depuis longtemps mais ça doit faire 6 ans que j’y suis inscrite. Ce groupe réunit tous les jeunes des églises cambodgiennes de France. Et j’ai connu le deuxième groupe grâce aux suggestions sur Facebook. J’ai vu que beaucoup de mes amis ou famille étaient inscrit à ce groupe donc je me suis dit pourquoi pas comme c’est en rapport avec mon pays. Et ça fait à peu près 1 ans que j’y suis inscrite.

Est-ce que vous y participez ? Si oui, à quelle fréquence ? Quel est votre type de participation (photos, réactions, commentaires, beaucoup, très peu…) ?

Lorsqu’une personne publie quelque chose, je reçois une notification et je peux voir ce que la personne a posté et ça apparaît également dans mon fil d’actualité. Donc, du coup je ne vais pas tellement dans le groupe car je peux voir toutes les publications sur mon fil d’actualité et je trouve que c’est assez pratique. Tous les jours il y a quelqu’un qui publie quelque chose.

C’est vrai qu’en général je ne publie pas, je ne réagis pas, et je ne commente pas. Par contre pour le groupe des jeunes cambodgiens, il m’arrive de réagir aux publications car souvent les personnes publient des photos de personnes que je connais qui sont mes amis et parfois j’apparais également dans ces photos. Donc, il m’arrive de commenter ou de « liker ». Mais pour le 2e groupe, je ne réagis pas du tout car c’est vrai que je ne connais personnes et je ne suis pas une personne qui va commenter lorsque je ne connais pas la personne.

Le groupe vous a-t-il permis de connaitre de nouvelles personnes ?Participez-vous aux évènements ? Pour quelles raisons ? Et à quelle fréquence ?

Comme je participe aux évènements, le groupe m’a permis de connaitre beaucoup de personnes qui sont devenus des amis. Et grâce aux évènements j’ai pu apprendre à connaitre ces personnes. On organise tous les ans un weekend ou des camps de famille tous les 2 ans. Les raisons pour lesquelles je participe à ces évènements, c’est que ça me permet de connaître d’autres cambodgiens qui ont le même centre d’intérêt que moi. Je participe régulièrement aux évènements et j’essaye de ne pas en rater. Mais c’est vrai qu’au début, je n’y serais pas aller de moi-même et ce sont mes amis qui m’ont poussé et du coup j’ai bien aimé.

Pour le 2e groupe, j’ai pas vu qu’il y avait beaucoup d’évènements, il y a plus de publications concernant l’actualité au Cambodge ou des photos. Et c’est vrai que j’y suis moins active car comme je l’ai dit je ne connais personne. Et je m’y suis inscrite pour connaitre un peu l’actualité du Cambodge.

Qu’est-ce que la page vous apporte ?

Les deux groupes m’ont permis de savoir qu’il y a d’autres cambodgiens en France. On a la même culture, les mêmes coutumes et c’est assez marrant car on se comprend. Par exemple, quand une personne publie des photos de plats traditionnels, ça me fait penser à ce que je mange chez moi.

Pensez-vous pouvoir arrêter de la consulter ?

Les 2 groupes sont différents et c’est vrai que je suis plus attachée au premier qu’au second car je connais plus de personnes et on est tous soudé. Donc je ne pourrais pas arrêter de consulter le 1er groupe. Pour le second, comme c’est tout récent et qu’auparavant je pouvais m’en passer, je pourrais arrêter. C’est un très grand groupe, il y a environ 7000 personnes et c’est vrai que je n’ai pas vraiment de lien avec eux mise à part le fait qu’on soit tous cambodgien et qu’on partage la même culture. Je ne les connais pas personnellement et c’est pour cela que je pourrais arrêter de consulter la page.

Vous sentez vous appartenir à une communauté ?

Pour moi, oui je me sens quand même appartenir à une communauté car j’ai une origine cambodgienne et j’en suis fière. Et je pense que s’il existe des groupes réservés à la culture cambodgienne, c’est parce qu’on cherche à conserver cette culture pour ne pas oublier d’où l’on vient. Pour moi, c’est une grande richesse d’avoir une double culture.

Chez vous, entretenez-vous la culture ? Comment ? (La culture cambodgienne est-elle présente chez vous ?) Langue, décoration, nourriture, religion…

Oui, chez moi, la culture cambodgienne est beaucoup présente mise à part la décoration. Quand j’étais petite, mes parents me parlaient seulement en cambodgien, du coup je comprends mais je parle très peu. Lorsque nous sommes rentrés à l’école avec mon frère, mes parents ont commencé à parler moitié français, moitié cambodgien. Et aujourd’hui, je leur parle seulement en français avec quelques mots en cambodgien. Concernant la nourriture, mes parents préparent que des plats cambodgiens. Avant, ça ne me dérangeait pas, mais aujourd’hui je commence à me lasser et j’aimerais manger un peu plus français.

Pour la religion, c’est vrai que la majorité des cambodgiens sont bouddhistes mais ma famille n’en fait pas partie puisque nous sommes chrétiens comme je l’ai dit précédemment. Par contre, mes grands-parents sont bouddhistes et chez eux ils ont un coin où il y a le tableau de bouddha avec de l’encens etc., comme dans la plupart des maisons cambodgiennes, et où il y a également un tableau avec le temple d’Angkor. Mais chez moi, la décoration est plutôt neutre.

Concernant les coutumes, mes parents y sont beaucoup attachés, comme par exemple, toujours respecter les aînés ou encore, c’est la femme qui doit s’occuper de la maison etc.

Etes-vous en contact avec des personnes restées au pays ? Par quel moyen ? Et à quelle fréquence ?

Non je ne suis pas restée en contact avec les personnes restées au pays, car je ne les connais pas assez mais mes grands-parents et mes parents sont restés en contact. Ils s’appellent soit par téléphone, soit par Skype ou Messenger. C’est vrai que depuis que les applications telle que Skype, sont apparues, il est plus facile de se contacter car c’est « gratuit » et rapide et on peut également se voir.

Allez-vous souvent au Cambodge ? Quelles sont les raisons ? Vous partez avec de la famille ou des amis ?

Je suis allé au Cambodge seulement une fois pour connaitre ma famille et également visiter le pays. J’y suis allée avec ma famille et des amis. Je ne suis pas restée en contact avec ma famille car il y avait la barrière de la langue ; je comprenais tout ce qu’ils me disaient mais j’avais du mal à répondre donc je ne parlais pas beaucoup, ce qui fait que je ne suis pas assez proche d’eux.

Annexe 3

Analyse de corpus, Groupe Facebook: Khmer d’ici et d’ailleurs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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