Ce dossier de sociologie servira à faire un état des lieux de l’apprentissage des langues en France, de connaître les différents modes d’apprentissage utilisés et savoir si ces langues sont utilisées au quotidien et dans quel contexte.
Il émettra donc un constat d’après une enquête préliminaire pour mon mémoire de recherche sur l’apport du numérique dans l’apprentissage du japonais en France. Avant de traiter du cas spécifique du japonais, il est nécessaire de faire un état des lieux général de l’apprentissage des langues en France depuis l’école.
Les données utilisées dans ce dossier sont issues d’un questionnaire quantitatif mené en majorité sur un panel restreint de 61 personnes. Le panel est composé en majorité :
- De personnes habitant en Île-de-France et d’origine européenne
- De personnes technophiles : des étudiants en Master 1 et 2 Cultures et Métiers du Web (Bac +3-5), des anciens étudiants de cette même formation aujourd’hui dans la vie active.
- De personnes de sexe féminin
- De jeunes entre 20 et 30 ans
- De personnes japanophiles (aimant la culture et pop culture japonaise) d’où les résultats élevés pour le japonais en tant que langue apprise par soi-même. C’est justement ce point que mon mémoire essaiera de comprendre.
Ce panel n’est pas représentatif de toute la population française.
Dans ce dossier, nous verrons en quoi l’apprentissage des langues en France nous amène à le faire par nous-même et de surcroît grâce aux outils numériques.
I) Comment les français apprennent des langues en France ?
Pour cela, nous ferons un bref rappel des méthodes d’apprentissage des langues à l’école en France, de comprendre le contexte d’apprentissage, quelles langues sont davantage apprises à l’école ou par soi-même et pourquoi.
II) Quelle utilisation quotidienne des langues apprises ?
Puis voir l’utilisation de ces langues au quotidien et à quelles occasions et ainsi comprendre les raisons qui motivent l’apprentissage des langues par soi-même.
III) Y’a-t’il des limites dans le système d’apprentissage des langues à l’école ?
Et enfin, faire une synthèse des données recueillies lors du questionnaire quantitatif afin d’en faire ressortir des éventuelles limites de l’apprentissage des langues.
I) Comment les français apprennent des langues en France ?
1) L’apprentissage des langues à l’école, au lycée et dans l’enseignement supérieur.
a) Petit rappel du système des langues vivantes dans le système scolaire français
En France, à partir du collège, nous avons le choix entre 2 langues vivantes obligatoire : une LV1 et une LV2 puis au lycée, nous avons la possibilité de prendre une LV3 ou bien de faire partie d’une classe européenne spécialisée autour d’une seule langue, où certains cours sont données exclusivement dans la langue choisie. Dans l’enseignement supérieur, nous avons plusieurs possibilités :
- À l’université, il existe des licences spécialisées autour d’une ou plusieurs langues : Licence LEA (Langue Étrangères Appliquées) et Licence LLCE : Langues Littérature et Civilisations Étrangères.
- En BTS, par exemple, la LV2 est optionnelle.
- Il existe des instituts spécialisés dans l’apprentissage des langues étrangères hors européennes tels que l’INALCO (japonais, chinois, arabe, etc.)
b) Quelles langues en majorité et pourquoi ?
Dans le questionnaire quantitatif, on peut remarquer que :
- L’anglais est la langue la plus étudiée en LV1. Ceci est surement dû au fait que c’est la langue la plus utilisée à l’international et au fait que nous apprenons systématiquement l’anglais dès le début de la primaire. L’allemand et le français arrivent respectivement en deuxième et troisième position suivi de l’espagnol très peu choisie en LV1.
Ces résultats sont expliquées par le fait que nous avons, dans la majorité des collèges, le choix entre 3 langues en LV1 : l’anglais, l’espagnol et l’allemand.
- L’espagnol est la plus choisie en LV2, suivie de l’anglais et de l’allemand. On peut interpréter ces résultats du fait que les 24% de personnes ayant pris l’allemand et le français en LV1 dans le camembert précédent auraient pris l’anglais en tant que LV2 (23 %). Ainsi que les 74% ayant pris anglais en LV1 auraient pris espagnol ou allemand en LV2 (74%).
- On peut aussi remarquer q’une petite proportion de personnes ont pris italien et latin en LV2.
- Les résultats pour le choix de la LV3 sont révélateurs : 77% des sondées n’ont pas pris de LV3. Ceci s’explique car la LV3 est optionnelle et ne fait pas partie des épreuves obligatoires du baccalauréat. Pour les 30% ayant pris une LV3, l’italien, l’espagnol, le chinois et l’allemand sont majoritairement choisies.
- Une petite proportion de personnes ont choisies le portugais et l’anglais en LV3.
- De plus de son caractère optionnel, la LV3 est quasiment abandonnée dans l’enseignement supérieur. Après le bac, les étudiants ont juste la possibilité de reprendre leur LV1 voire leur LV2 qui est optionnelle. Sinon, il est préférable de faire une formation spécialisée sur une langue ou deux en LEA, LLCE ou dans les instituts type INALCO.
En résumé, voici le classement global des langues les plus apprises à l’école.
Nous remarquons donc que l’anglais, l’espagnol, le français et l’allemand sont les langues les plus apprises. L’italien, le chinois, le japonais, le coréen et le latin se démarquent également parmi celles moins choisies.
Comment comprendre ces résultats ? Outre les raisons du fonctionnement du système scolaire et du choix de langues disponibles, d’autres raisons pourraient motivés ces résultats.
Notamment le fait que ce sont en majorité des langues européennes, afin de pouvoir échanger avec nos pays voisins.
La prédominance de l’anglais est expliquée par le fait que l’on garde systématiquement la LV1 dès que l’on entre dans le supérieur (l’anglais étant dans ce sondage LV1 à 74%) et aussi par le phénomène de mondialisation en parallèle du développement d’Internet qui permet à tout individu d’interagir et partager avec d’autres personnes du monde entier, préférant l’anglais comme langue la plus comprise et apprise dans la plus grande partie du monde.
Plusieurs langues « non européennes » se démarquent cependant : le chinois, le japonais et le coréen. Pourtant elles ne font pas toute partie des langues « imposées » à l’école.
2) le Numérique : répondre à un manque ?
Dans le questionnaire, près de 48% des sondés estiment avoir appris une langue d’eux-même, en dehors des cours.
Ce résultat révéleraient peut-être d’une simple volonté d’apprendre par soi-même ou pour compléter l’apprentissage scolaire pour le travail, pour voyager ou pour toute autre raison que nous détaillerons dans la deuxième partie de ce dossier.
a) Quelles langues sont en majorité apprises de façon autonome ?
Comme évoqué en introduction, le panel sondé est composé en majorité de personnes aimant la culture et pop-culture japonaise, expliquant ainsi la prédominance du japonais en tant que langue apprise par soi-même.
Mis à part cela, l’anglais, le chinois, l’italien, le portugais, l’espagnol, le créole, l’espéranto, le coréen et même la langue des signes font partie des langues apprises de façon autonome. Aucune mention n’est faite de l’allemand, du russe, de l’arabe et bien évidemment du français. Ce choix de langue est indépendant des origines car les sondés sont majoritairement originaires d’Europe.
Est-ce que ces langues font partie des langues non proposées ou pas très répandues dans les collèges et lycées de France ?
b) pourquoi apprendre une langue par soi-même ?
50% des personnes n’ayant pas pris de LV3 (77% des sondés) ont appris une langue d’eux-mêmes.
Ceci pourrait s’expliquer par le fait que dans l’enseignement supérieur, la LV1 soit obligatoire et que la LV2 deviennent facultative. Ce qui motiverait les personnes motivées de continuer d’apprendre leur LV2 d’eux-mêmes ou d’apprendre une autre langue. Étant donné qu’une grande partie des sondés sont dans la vie active (41% des sondés en comptant les employés, les cadres, les autoentrepreneurs et les chefs d’entreprise) et ne vont donc plus à l’école, ils apprennent une langue d’eux-même pour le travail ou pour le plaisir. C’est ce que nous révèle les résultats suivants :
En effet, les sondés apprennent une langue d’eux-même pour la plaisir mais aussi pour voyager, pour leur culture personnelle, car c’est leur langue maternelle ou pour un proche. Un de ces résultats nous intéressent tout particulièrement : près de 30% des personnes ayant appris une langue d’eux-même car elle n’est ou n’était pas proposée au cours de leur cursus scolaire.
c) quels Supports ont-ils choisis pour apprendre d’eux-même une/des langue(s) « non proposée(s) » au cours de leur parcours scolaire ?
Selon ces résultats, une grande partie des personnes apprenant une ou plusieurs langues de façon autonome le font via des sites d’apprentissage gratuits, des livres et dictionnaires, avec la famille, grâce à des applications mobiles gratuites, en regardant des films et en regardant des vidéos sur Internet. Il faut également considérer que tout ces modes d’apprentissage peuvent se faire en simultanée, que les sondés peuvent utiliser plusieurs méthodes en même temps.
Des choix de supports en particulier correspondent bien aux faibles revenus des étudiants ou au fait que les sondés soient dans la vie active : les sites d’apprentissage, les applications mobiles gratuites et les vidéos sur Internet. Ils préconisent ces méthodes plus accessibles au lieu d’investir dans des cours et stages intensifs à l’INALCO ou au CNED.
II) Quelle utilisation quotidienne des langues apprises ?
La finalité de l’apprentissage d’une langue est son utilisation, que ce soit pour la lire, l’écrire ou la parler. Voici les résultats du sondages concernant l’utilisation des langues apprises :
De ces résultats, nous pouvons comprendre qu’une infime partie des sondées n’utilisent pas du tout les langues apprises. Les langues apprises sont beaucoup plus lues qu’écrites ou parlées.
Ces résultats suivant permettent de savoir dans quelle contexte les langues apprises sont utilisées :
Les personnes sondées utilisent d’avantage les langues apprises lors de leurs études et d’eux-même dans le cadre professionnel, scolaire et familial. Mais également dans le cadre de personnel : loisirs, divertissement, voyage et sur Internet.
En effet, selon les réponses des sondées, le cadre professionnel est propice à la lecture et à l’échange en langues étrangères, notamment pour les métiers de type commercial et informatique. Dans le cadre scolaire car la plupart des sondés sont encore des étudiants. Dans le cadre familial car certains des sondés admettent apprendre une langue pour un proche ou pour pouvoir communiquer avec sa famille. Sur Internet également nous pouvons aussi être confronté à la lecture d’une langue étrangère notamment, comme évoqué en début de ce dossier, le phénomène de mondialisation et des réseaux sociaux nous permet de converser et partager du contenu au monde entier et pour être compris, l’usage de l’anglais, entre autres, est primordial. De même que pour voyager dans un pays en particulier, apprendre la langue en question afin de pouvoir la lire et la parler pour se repérer sur place.
III) Y’a-t’il des limites dans le système d’apprentissage des langues à l’école ?
Les langues ne peuvent pas s’apprendre entièrement dans le cadre scolaire. Il faut tout une vie pour maîtriser une langue parfaitement, c’est un apprentissage continu. C’est pour cela qu’il est préférable de faire une apprentissage autonome en parallèle, en complément des études ou bien se spécialiser en licence de langues après le lycée, pour pouvoir apprendre une ou plusieurs langues de manière plus exhaustive.
18 personnes sur les 47 ayant répondu ne pas avoir pris de LV3 ont préféré en apprendre une par eux-mêmes. La plupart d’entre-eux affirment ne pas avoir l’occasion d’utiliser leur LV2. Faut-il supprimer ou changer le système de LV3 ? Faut-il proposer plus de choix de langues en LV3 dans toutes les écoles ? Ou même proposer d’autres langues hors européennes en LV2 ?
Parmi les personnes ayant répondues non ici :
Certaines estiment ne pas les utilisées car :
- Les langues ne sont pas assez maîtrisées (d’où l’apprentissage autonome)
- Les langues sont encore en apprentissage
- Ils n’ont pas l’occasion de les utilisées donc ils perdent la maîtrise
- Beaucoup de problème de compréhension subsistent depuis l’apprentissage
Ces affirmations concernent le plus souvent les langues ayant eu les plus gros résultats en LV2 (Espagnol et Allemand) ou celles apprises de façon autonome, soit car elles sont toujours en cours d’apprentissage ou qu’ils n’ont pas l’occasion de les utiliser.
Annexes :
- Résultats du questionnaire quantitatif réalisé en 1 mois de janvier à février 2018 sur 61 personnes (https://docs.google.com/forms/d/17_zKRx_ubL58at4xEloPS3gtw1vIhdPEWJskrXVv80g)