LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Comment s’organisent les aides humanitaires sur internet ?

Moustapha Insiyah/ Pendariès Morgane – M1 MACOR

Introduction  

    Dans un contexte pesant de guerre, d’aggravation du réchauffement climatique, d’accroissement des catastrophes naturelles et des crises qui s’en suivent, l’aide humanitaire devient une nécessité dans le monde du XXIème siècle. L’aide humanitaire se caractérise comme une aide d’urgence ou une aide ponctuelle mise en place lors d’une situation de crise exceptionnelle ou de catastrophe naturelle. Or, dans ce contexte de crise internationale, l’aide humanitaire devient de plus en plus une aide considérée comme étant globale et indispensable. Ainsi, en France, nous dénombrons 40 000 associations humanitaires dont 400 oeuvrent sur la scène internationale selon le Ministère des Affaires étrangères. Ces associations, ou organisations non gouvernementales (ONG), ont une taille et une influence plus ou moins importantes. Elles oeuvrent sur un ensemble de sujets comme la scolarisation, l’aide militaire, l’alimentation, le droit des femmes, les droits de l’Homme, etc… Nous pouvons en citer quelques une connues mondialement comme l’UNICEF, WWF ou encore Médecins Sans Frontières (MSF). Selon le sociologue Alain Accardo, dans Le petit bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes publié en 2009, “l’essor sans précédent des associations humanitaires doit sa vigueur au fait que le malaise moral des classes moyennes s’est considérablement accentué avec le reflux des espérances révolutionnaires et l’abandon du projet politique de transformation des rapports sociaux”. L’essor de l’aide humanitaire ne serait alors qu’en partie dûe à la condition mondiale actuelle.

Nous nous sommes alors demandés comment s’organisent et se développent les missions humanitaires dans le Monde via Internet ? Quelles sont les facteurs de motivation des individus réalisant de l’aide humanitaire sur Internet ? Correspondent-ils avec les valeurs humanitaires ?

Afin de répondre à ces questions, nous avons choisi de réaliser plusieurs entretiens avec différents individus ayant participé à des missions humanitaires. Aussi, nous avons choisi de mobiliser un ensemble de corpus de données tirées d’Internet (forums, réseaux sociaux, études de sites internet, etc…) tout en les complétant par quelques ouvrages scientifiques nous permettant de mieux comprendre la réalité de l’aide humanitaire. Nous avons également mené quelques courts entretiens avec certains de nos proches ayant réalisé des missions humanitaires; Théo, Thomas et Johanna.

De ce fait, dans un premier temps, nous allons tenter de définir ce qu’est l’aide humanitaire puis, nous verrons comment s’organisent les missions humanitaires via Internet. Dans un dernier temps, nous étudierons plus précisément le mouvement de la Love Army, crée par Jérôme Jarre, via l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux.

Sommaire

Introduction

Sommaire

I- Qu’est ce qu’une aide humanitaire ?

A- L’aide humanitaire : définition

B- Les différents acteurs de l’aide humanitaire

1) Les institutions internationales

2) Les gouvernements

3) Les associations et organisations non gouvernementales (ONG)

4) Les acteurs privés

C- Les enjeux de l’aide humanitaire

II- L’organisation des missions humanitaires via Internet

A- L’organisation des missions humanitaires sous le prisme des organisations

1)La mise en place des offres

2) Le financement des missions

B- L’organisation des missions humanitaires par les individus

III-  Le développement de l’action humanitaire via Internet : le cas de la Love Army de Jérôme Jarre

A- Les débuts de Jérôme Jarre et son ambition

B- L’apparition de la Love Army

1)La Somalie

2) Les Rohingyas

C- La poursuite des ambitions de la Love Army aujourd’hui

Conclusion

Bibliographie :

Sitographie :

I- Qu’est ce qu’une aide humanitaire ?

    Au sein de cette première partie, nous allons tenter de définir ce qu’est l’aide humanitaire. Les définitions de l’aide humanitaire sont multiples et proviennent d’une diversité d’acteurs qu’il est important d’identifier pour mieux comprendre la réalité des organisations humanitaires. Celles-ci sont nombreuses notamment dans un monde qui nécessite l’intervention humanitaire de la part d’un ensemble d’institutions, d’organisations et d’acteurs en raison de la condition mondiale malmenée par les guerres, les inégalités ou encore les catastrophes naturelles. Ces enjeux constituent le coeur des actions humanitaires et se regroupent sous un même objectif : améliorer la situation des populations concernées par l’intervention de différents acteurs. C’est pourquoi, nous nous intéresserons également aux représentations véhiculées par l’humanitaire et aux valeurs diffusées.

A- L’aide humanitaire : définition

    La définition de l’aide humanitaire est relativement complexe. Elle fait l’objet de multiples redéfinitions, collectives ou individuelles, selon les objectifs et actions envisagées par les différents acteurs. Pour nous permettre de mieux comprendre ce qu’il en est vraiment, nous avons choisi de nous intéresser à l’histoire de l’aide humanitaire.
Originellement, l’aide humanitaire, tel que nous la connaissons aujourd’hui, n’existe pas. Elle découle du courant du development anthropology qui apparaît au XXème siècle suite aux nombreuses critiques adressée au colonialisme qui renvoie à la doctrine visant à légitimer l’occupation, l’exploitation économique et la domination politique d’un Etat par un autre. Le courant du development anthropology s’oppose alors à cette doctrine dénonçant un but de domination et d’exploitation des pays colonisateurs sur les pays colonisés. Le discours des pays colonisateurs visant à convaincre les nations des bienfaits du colonialisme en exposant des aides au développement est alors totalement remis en cause. Il ne s’agit pas d’aide humanitaire. Pour le courant du development anthropology, l’aide humanitaire tient à l’intervention d’acteurs pour le développement envers des bénéficiaires qui ont les mêmes volontés concernant les fins de l’intervention envisagée. Pourtant, cette définition est rapidement remise en cause car elle apparaît comme simpliste. Elle ne permet pas de rendre compte de la difficulté qui tient au fait que les priorités des acteurs de l’aide et les priorités des bénéficiaires divergent plus souvent que prévu. Les bénéficiaires sont résistants aux interventions extérieurs et les actions produites par les intervenants ignorent souvent les spécificités des populations aidées. L’aide humanitaire, au sens du courant du development anthropology s’avère alors complexe et témoigne encore de la réalité des missions actuelles. Les différents acteurs des missions humanitaires ne sont pas tout le temps en accord et certaines s’opposent aux interventions prévues permettant aux autres acteurs de légitimer l’échec de leurs actions en dénonçant un

manque de participation des populations aidées. Pour parer à ces divergences de point de vue, nous avons pu assister à la mise en place de social soundness analysis par l’institution américaine USAID ; agence du gouvernement américain du gouvernement américain chargée de fournir l’assistance économique et humanitaire des Etats-Unis. Ces analyses ont pour but de développer les démarches participatives en analysant les besoins des bénéficiaires afin de faire correspondre les actions des ingénieurs de l’ingénierie sociale. Pour autant, ces mesures sont apparues comme idéalistes et ont été fortement critiquées. Dans Anthropologie de l’aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques publié en 2009 sous la direction de Laëtitia Atlani-Duault et de Laurent Vidal, un ensemble de reproches sont faites à cette approche du development anthropology la jugeant comme souffrant d’un biais culturaliste (considérant les cultures des autres comme fixes et dominées par des traditions sur-déterminantes et des savoirs locaux impliquant que les populations aidées sont réfractaires à l’aide proposée), comme sous-estimant les relations de pouvoir et les conflits existants et comme utilisant la participation des acteurs à des fins d’ingénierie sociale. La définition de l’aide humanitaire a alors régulièrement fait l’objet de critiques, de redéfinition et relève, historiquement, d’une complexité déconcertante.

Aujourd’hui, la définition que l’on retient de l’aide humanitaire est la suivante. L’aide humanitaire renvoie à une aide d’urgence et ponctuelle mise en place lors d’une situation de crise exceptionnelle ou de catastrophe naturelle. Selon Marc Antoine Pérouse de Montclos, dans un article intitulé Quelques éléments de définition et beaucoup de controverses paru en 2012 dans la revue Questions Internationales, “Il est généralement admis que l’aide humanitaire vise à sauver des vies, à alléger les souffrances et à assister des victimes en cas de détresse.”. Cette aide prend place sur la scène internationale bien que la majorité des aides humanitaires aient lieu dans les pays du Sud ; soit dans les pays pauvres. Ainsi, comme nous pouvons le voir ci-dessous, en 2012, selon l’Organisation des Nations-Unies (ONU), les aides humanitaires versées dans le monde concernent principalement les pays d’Afrique et du Moyen-Orient. Nous retrouvons alors des pays comme le Soudan du Sud, Djibouti, les territoires Palestiniens, etc…

Les aides humanitaires versées dans le monde en 2012
Aides humanitaires versées dans le monde en 2012, selon l’ONU

En 2016, comme nous pouvons le voir ci-dessous, l’aide humanitaire versée par l’ONU vise sensiblement les mêmes pays à défaut d’y avoir intégrer la Birmanie ou encore la Syrie.


Aide humanitaire versée par l’ONU en 2016

    Les pays bénéficiaires de l’aide humanitaire ne sont pas choisis au hasard. Ils sont souvent touchés par des conditions de vie difficile. Ainsi, l’aide humanitaire se tourne majoritairement vers les pays touchés par la guerre, la famine, les catastrophes naturelles, les catastrophes politiques (tels que les génocides par exemple), les violations des droits de l’Homme et du citoyen, etc… Nous pouvons alors donné l’exemple de la Syrie qui bénéficie de l’aide humanitaire internationale en raison de la guerre civile, de la Birmanie qui bénéficie de l’aide humanitaire internationale en raison des violations des droits de l’Homme et du Citoyen envers la population des Rohingyas, de la Somalie qui bénéficie de l’aide humanitaire internationale en raison de la famine qui touche le pays, etc…

Néanmoins, il est important de préciser qu’il ne faut pas confondre aide humanitaire et aide au développement qui désigne une action volontaire par un acteur extérieur pour impulser le développement d’un pays tiers. Les activités liées à l’aide au développement concerne principalement les champs de l’éducation, les champs de la santé, les champs de l’agriculture, etc… L’aide humanitaire prend, elle, plutôt la forme d’envoi de marchandises et d’équipements de première nécessité, de don d’argent, d’envoi de personnel réalisant des interventions sur place, de renforcement des acteurs locaux, etc…

B- Les différents acteurs de l’aide humanitaire

    Comme nous avons pu le voir précédemment, l’aide humanitaire prend majoritairement la forme de dons d’argent, d’envoi de marchandises et d’équipements de première nécessité, d’envoi de personnel réalisant des interventions sur place, de renforcement des acteurs locaux, etc… Pour autant, nous pouvons nous demander qui organise l’aide humanitaire et quels sont les acteurs qui participent à cette “aventure humaniste” ?

Les acteurs oeuvrant pour l’aide humanitaire sont nombreux. Nous pouvons citer les gouvernements, les institutions internationales, les organisations non-gouvernementales (ONG), les associations, les acteurs privés, etc… Ces acteurs, diverses, agissent tous dans un même but. Pour autant, ils souffrent d’une visibilité différente notamment car ils ne jouissent pas tous de la même importance sur la scène humanitaire internationale.

1) Les institutions internationales

    Les principaux acteurs de l’aide humanitaire sont les institutions internationales.

Un des principaux acteurs est l’Organisation des Nations Unies (ONU). Elle regroupe 193 états sous la charte des Nations Unies adoptée en 1945. Les objectifs principaux de cette organisation consiste au maintien de la paix et de la sécurité internationale ; objectif initial puisque cette organisation fût créer au lendemain de la Seconde guerre mondiale pour reprendre les ambitions de la Société des Nations qui avait échoué à ses objectifs. Afin de promouvoir ses objectifs, l’ONU agit sur un ensemble de domaine à travers la fourniture de l’aide humanitaire, la protection des droits de l’Homme et du citoyen, la garantie du droit international et le développement durable. L’ONU organise l’action humanitaire à l’aide du bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui agit par l’intermédiaire du Comité permanent interorganisations (IASC) qui est un forum unique inter-agences pour la coordination, l’élaboration des politiques et la prise de décisions des principaux partenaires humanitaires des Nations-Unies. C’est cet impératif de coopération qui permet l’intervention rapide essentielle aux évènements qui nécessite l’aide humanitaire. L’intervention est financée par le fond central d’intervention d’urgence (CERF) qui aide les agences humanitaires à obtenir un financement immédiat sans attendre la donation d’autres acteurs. Ce fond est principalement constitué des donations des gouvernements et des contributions d’acteurs privés comme les individus. En 2013, l’ONU obtient 22 milliards de dollars de financements de la part de ces différents acteurs pour financer ses actions et son financement. En 2017, c’est un financement de 22,2 milliards de dollars qui est demandé. Grâce à ces financements, l’ONU agit principalement sur le développement, l’aide aux réfugiés, l’alimentation mais aussi sur les enfants ou encore la santé. Cinq entités principales s’occupent de ces enjeux, nous pouvons citer le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ces financements permettent également aux casques bleus d’agir à l’international pour garantir la paix. Les casques bleus,  ce sont des militaires prêtés par les pays membres de l’ONU pour garantir la paix dans certains pays.

Une autre institution internationale importante agissant pour l’aide humanitaire est l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Il s’agit d’une organisation d’étude internationale d’études économiques dont les pays membres ont un système démocratique et économique semblable. Cette organisation regroupe moins d’états que l’ONU et dispose alors de moins de fonds pour agir. Elle est principalement composée de pays développé. Cette organisation a pour but de réaliser des études, qui parfois mènent à des interventions, sur plusieurs thèmes comme l’économie, la société (éducation, migrations, emploi, etc…), la gouvernance (lutte contre la corruption, gestion publique, etc…) , la durabilité (développement durable, énergie, environnement, etc…), les innovations (biotechnologies, technologies de l’information et de la communication,etc…) etc… Pour agir sur l’aide humanitaire, en 2016, l’OCDE dispose de 16,7 milliards de fonds publics.

2) Les gouvernements

Un second acteur important de l’intervention humanitaire est alors les gouvernements. Ils agissent principalement par le biais de l’ONU mais il arrive qu’ils agissent de façon autonome bien que cela reste relativement rare. En 2013, les Etats-Unis ont représenté le plus grand donateur des Nations Unies en donnant 4,7 milliards de dollars. Suit ensuite le Royaume Uni avec 1,8 milliard de dollars de dons, la Turquie avec 1,6 milliard de dollars, le Japon avec 1,1 milliard de dollar et l’Allemagne avec 949 millions de dollars. Cet investissement des états est supposé être proportionnel aux capacités des états. Pour autant, le montant du don laisse un libre arbitre aux états pour donner une plus grande somme tout en établissant un minimum requis par rapport aux ressources dont disposent les pays. De plus, les pays peuvent également agir individuellement. Nous pouvons donner l’exemple du gouvernement français qui dispose d’un centre de crise et de soutien (CDCS) qui constitue le principal outil de l’aide humanitaire d’urgence du Ministère des Affaires étrangères. Le CDCS assure un suivi des zones géographiques à risque et peut agir, en cas d’urgence, grâce au Fond d’Urgence Humanitaire mis à sa disposition. De ce fait, il pourra soutenir les organisations non gouvernementales (ONG) avec lesquelles il entretient un dialogue régulier notamment en finançant leurs projets. Ci-dessous, nous pouvons observer l’ensemble des organisations non gouvernementales (ONG), ou organisations de solidarité internationales (OSI) avec lesquelles le CDCS entretenait des relations étroites, en 2010.


Ensemble des ONG partenaire du CDCS en 2010, selon www.diplomatie.gouv.fr

3) Les associations et organisations non gouvernementales (ONG)

Le troisième type d’acteur de l’aide humanitaire important, ce sont les associations et les organisations non gouvernementales (ONG). Selon le dictionnaire Larousse, les associations, ce sont des groupements d’individus qui s’associent à des fins déterminées. Les associations peuvent nécessiter une contribution financière de la part de ses adhérents ou des bénévoles afin de réaliser des actions humanitaires. Les ONG, ce sont des associations à but non lucratif, d’intérêt public, qui ne relève pas de l’Etat ni des institutions internationales. Il existe différentes sortes d’ONG. Concernant l’humanitaire, il existe les ONG caritatives comme Médecins Sans Frontières (MSF) ou encore Handicap International, souvent spécialisées dans l’aide d’urgence, et les ONG de développement comme Plan France par exemple. Les ONG sont financées grâce à l’appel aux dons qu’ils soient l’origine de donateurs privés ou publics. Souvent, sur leurs sites internet, il est alors indiqué l’existence d’un espace donateur. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous sur les pages d’accueil du site d’Action contre la Faim, une ONG créée en 1979 dont le but est de lutter contre la famine et de détecter la sous-nutrition. A haut en droite de la page d’accueil, les visiteurs ont la possibilité d’accéder à un espace donateur.


Page d’accueil du site de l’ONG Action contre la faim ( www.actioncontrelafaim.org )

Cette façon d’essayer d’obtenir des donations se retrouvent chez toutes les organisations non gouvernementales. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous sur le site de l’ONG Medair qui est une ONG créée en 1989 et qui provide une aide humanitaire d’urgence dans le domaine de la santé, de l’eau, de la nutrition, de l’assainissement, de l’hygiène, des infrastructures, etc… Là encore, l’onglet donateur est situé en haut à droite de la page d’accueil de façon visible pour inciter les visiteurs du site à réaliser un don qui leur permettra de financer leurs interventions et leur fonctionnement.


Page d’accueil du site de l’ONG Medair ( https://us.medair.org )

Une autre des stratégies mises en place par les ONG pour obtenir des financements tient au fait que le don permet à la réduction des impôts, notamment en France. Cette stratégie a notamment été utilisée par l’association Médecins sans Frontières. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous. Cela a un but totalement incitatif à la donation de la part des visiteurs du site.


Page d’accueil du site de l’ONG Médecins Sans Frontières ( www.msf.fr )

4) Les acteurs privés

    Un dernier type d’acteur important renvoie aux acteurs privés qui se composent des individus eux-mêmes. Ces acteurs n’agissent pas directement sur le terrain ; du moins pour la majorité d’entre eux. Leur participation aux aides humanitaires constitue principalement un don d’argent ou encore, pour les individus, une implication sur le terrain. Certains offrent leurs compétences pour intervenir sur le terrain. De ce fait, ils s’engagent pour une mission d’aide humanitaire notamment à travers les associations ou les ONG. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous sur le site de l’ONG Médecins sans frontières qui cherche à recruter des individus selon leurs compétences. Ils témoignent alors de leur besoin sur le terrain de gynécologues obstétricien, de psychiatres, de coordinateur RH, etc… Il suffit de postuler et de témoigner de son engagement pour espérer rejoindre, ou non, les équipes d’une ONG.


Demande de personnel sur le terrain sur le site de l’ONG Médecins sans Frontières ( www.msf.fr )

La participation des acteurs privés se basent alors essentiellement sur la participation financière ou sur la participation physique et intellectuelle à des activités auprès des ONG oeuvrant dans le domaine de l’aide humanitaire.

C- Les enjeux de l’aide humanitaire

Mais pourquoi les individus s’engagent-ils dans l’aide humanitaire ? Selon le sociologue Alain Accardo, les individus s’engagent dans les associations humanitaires notamment après l’abandon d’ambitions révolutionnaires pour faire “changer le monde” de façon positive. Pour autant, ils ne renoncent pas à tenter de faire changer le monde pour autant. C’est notamment ce dont témoignent Thomas et Théo, deux hommes de 21 ans habitant en Ile-de-France et ayant réalisé des missions humanitaires au sein d’associations. Thomas, parti en Inde avec l’association Sambhali France nous fait part de son envie d’aider les autres, de contribuer à l’amélioration des droits des femmes en Inde. Théo, parti au Togo, nous fait part lui de son envie d’aider les autres notamment en contribuant à l’amélioration de leurs conditions de vie. Au cours de son expérience, il avait pris part à des missions d’éducation et des missions de rénovation de campements.

Ce besoin d’aider les autres se retrouve notamment dans les discours des individus qui souhaitent partir réaliser des missions humanitaires. Jeanne, une jeune collégienne de 14 ans, témoigne de son attirance envers l’aide humanitaire à Solidarité Internationale en mobilisant un argumentaire portant sur le besoin d’aider les autres, sur l’incapacité à concevoir que des personnes souffrent dans le monde. Cet envie d’être utile se retrouve notamment sur plusieurs forums où les internautes discutent sur l’intérêt de partir réaliser des missions humanitaires. Ci-dessous, l’internaute Nhadijé témoigne de son envie de faire de l’humanitaire car elle veut agir, se sentant concerné par ce qui se passe sur la planète. Elle fait part de la valeur d’humanité qui constitue l’élément moteur de sa motivation.


Réponse de l’internaute Nhadijé sur le forum VoyageForum sur le thème “Pourquoi vous voulez faire de l’humanitaire ?”

Les ambitions des individus sont donc profondément humanistes et sont constamment réutilisées par les acteurs de plus grande échelle (ONG ou institutions par exemple) pour justifier de leur engagement et intervention. Ainsi, selon l’Organisation des Nations Unies, “l’aide humanitaire est basée sur ces quatres principes fondateurs : l’humanité, l’impartialité, la neutralité et l’indépendance.”. Ces principes se retrouvent également au sein des sites Internet de nombreuses ONG comme La Croix Rouge par exemple. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous avec la valorisation de valeurs comme l’humanité, l’universalité, la neutralité, l’impartialité, l’indépendance, le volontariat et l’unité.


Valeurs véhiculées par La Croix Rouge sur leur site Internet (www.croixrouge.fr)

    La motivation des individus naît également d’un contexte mondial où les crises humanitaires connaissent un fort accroissement ; qu’ils s’agissent de guerres, de catastrophes naturelles. Les individus témoignent de leur sensibilité à ces sujets notamment en s’engageant et en diffusant un discours éthique sur l’humanité. Leur engagement repose souvent sur le fait de “ne pas fermer les yeux” sur ce qu’il se passe ailleurs dans le monde. C’est notamment ce dont nous témoigne Thomas, 21 ans : “J’ai toujours voulu faire de l’humanitaire car c’est important d‘être au courant des inégalités dans le monde et de tout faire pour les réduire.”. Le fait de mettre la lumière sur des évènements qui sont parfois cachés ou oubliés, volontairement ou pas, par le reste du monde constitue un des principaux leitmotiv des individus. L’engagement qu’ils mettent au service des associations et des bénéficiaires de l’aide humanitaire leur apparaît comme nécessaire mais encore peu réalisée par le reste des individus.

Ainsi, il existe de nombreuses techniques pour sensibiliser les individus aux crises humanitaires, aux conditions de vie difficile de certains individus par rapport à d’autres, etc… C’est notamment pour sensibiliser le monde à ces questions que la journée mondiale de l’aide humanitaire a été créée le 11 décembre 2008 par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Depuis cette date, chaque 19 août, la journée mondiale de l’aide humanitaire a pour but d’honorer la mémoire des individus ayant perdu la vie durant leurs missions d’aide humanitaire tout en honorant ceux qui oeuvrent encore. Cette journée a également pour ambition de mettre en lumière les besoins humanitaires dans le monde et d’expliquer le travail des humanitaires et ce qu’il implique. Cette journée est relativement peu connue par le grand public même si elle connaît un essor d’intérêt après la diffusion et médiatisation de la chanson “I Was Here” de Beyoncé sur Youtube. Cette vidéo, dont nous pouvons voir quelques images ci-dessous, cumule un nombre impressionnant de visionnages s’élevant à 102 millions de vues. Elle commence par le message suivant “19 Août 2012 Journée Mondiale de l’aide humanitaire. Un jour, un message, un but. Pour inciter les individus, partout dans le monde, à réaliser des bonnes actions, peu importe si elles sont de grandes ou petites ampleurs, pour les autres”. A la suite de ce message commence la prestation de la chanteuse américaine au sein du siège des Nations Unies. Derrière elle, un grand écran où est projeté un ensemble d’images de crises humanitaires importantes avec l’action des humanitaires sur place.


Vidéo I Was Here, Beyoncé sur www.youtube.com

L’ONU et les institutions/associations usent également de stratégies pour inciter à l’engagement humanitaire via l’utilisation de la notoriété de personnes connues pour faire passer leur message. Ici, il s’agit de Beyoncé mais d’autres personnalités ont été sollicitées pour prendre la parole et s’engager auprès d’ONG dans l’action humanitaire ou auprès d’organisations importantes comme l’ONU ou l’UNICEF. Nous pouvons citer Angelina Joli, une actrice américaine, ou encore Selena Gomez, une actrice et chanteuse américaine, connues mondialement, qui sont des ambassadrices de l’UNICEF. Nous pouvons également citer Amal Clooney, avocate des droits de l’Homme, qui agit notamment à l’ONU en défendant la situation d’individus touchés par des graves crises humanitaires.

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Angelina Joli, en haut, et Selena Gomez, en bas, pour l’UNICEF

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Nadia Murad (prix Nobel de la Paix), à gauche, et Amal Clooney, à droite, au siège de l’ONU

Ces personnalités, connues mondialement, s’engagent mais sont aussi sollicitées par les institutions pour inciter les individus à s’engager et à s’investir dans les besoins humanitaires. Les besoins humanitaires deviennent visibles dans le Monde.  Ces stratégies de visibilité contribuent alors à renforcer la demande croissante des individus à participer aux missions humanitaires, indirectement ou directement sur le terrain. Les individus font alors de plus en plus part de leur envie de partir, de “tout plaquer” pour faire de l’humanitaire.

Là réside alors le commencement de l’action des individus dans l’aide humanitaire mais aussi parfois leur fin. En effet, la volonté des individus ne suffit pas. Il réside là alors l’un des principaux enjeux de l’aide humanitaire. Pour participer à une mission, il faut souvent s’engager financièrement parlant. La participation aux missions fait l’objet d’un bénévolat, dans la majorité des cas, de la part de l’individu qui offre sa force de travail pour oeuvrer. Les bénévoles sont alors soumis à des coûts car ils n’ont pas de compétences valorisantes indispensables aux missions auxquelles ils vont participer (par exemple ils ne sont pas gynécologues, médecins ce qui reste important pour Médecins Sans Frontières par exemple). Pour autant, ce coût financier reste relativement élevé. C’est notamment ce que nous pouvons voir avec la grille tarifaire de ProjectsAbroad ci-dessous pour un départ en Afrique du Sud sur une durée de temps variable (1 à 26 semaines).


Grille tarifaire Project Abroad pour un volontariat en Afrique du Sud (www.projects-abroad.fr)

Les tarifs incluent un ensemble de prestations telles que l’hébergement, la nourriture, l’assurance médicale et de voyage, le transfert à l’aéroport, l’équipement et le matériel nécessaire au projet, etc… Pour autant, il n’inclut pas le prix des billets d’avion ni le prix du visa. Il naît alors ici une grande controverses à propos du prix d’une mission humanitaire. Les ONG ont besoin de main d’oeuvre mais les prix peuvent constituer un frein. Certains individus ont alors dû abandonner leurs projets, chercher d’autres alternatives quand d’autres ont dû remettre leurs projets à plus tard. Ce fût notamment le cas de Thomas, parti avec l’association Sambhali France, qui retarda son départ de un an durant lequel il travailla, il créa une cagnotte Leetchi en expliquant sa démarche pour bénéficier de fonds. C’est notamment ce que nous pouvons voir avec la page d’accueil de sa cagnotte qui explique son projet et incite les individus à y contribuer. Il mobilise notamment l’argumentaire expliquant que la contribution a son projet de façon financière pourrait l’aider d’autant plus que le coût du départ est élevé.


CagnottedeThomassurwww.leetchi.com

Il a également mis en place des procédures lui permettant de bénéficier d’aides notamment avec le Service Civique français, etc… Pour autant, toutes ces démarches rendent compte de la difficulté des individus à partir pour des raisons financières mais aussi administratives. Thomas nous fait part du fait que la directrice de l’association Sambhali France a été d’une grande aide dans ses démarches notamment en prenant en charge les démarches de visas. Il nous fait part du fait que sans elle, cela aurait été bien plus compliqué et que son projet aurait pu être compromis. Ces difficultés entravent alors à l’aboutissement de projets humanitaires pourtant si nécessaires du point de vue des associations.  

    Pour conclure cette partie, nous avons donc pu voir que la notion d’aide humanitaire reste une notion complexe de par la diversité d’acteurs qui se l’approprient et qui y participent mais aussi de par la diversité des missions qui lui sont attribuées. Nous avons également pu voir que la demande des individus de réaliser des missions humanitaires a grandi au fur et à mesure du temps bien qu’elles fassent l’objet de difficultés dans sa réalisation. Face à ces difficultés, comment les acteurs de l’aide humanitaire recrutent et organisent les missions d’aide humanitaire ? C’est ce que nous allons voir dans la seconde partie de ce dossier.

II- L’organisation des missions humanitaires via Internet

A- L’organisation des missions humanitaires sous le prisme des organisations

1)La mise en place des offres

Comme nous l’avons vu précédemment, plusieurs structures se proposent d’offrir leur services à des individus désirants participer à des missions d’aide humanitaire à l’étranger. Par ailleurs, leur manière d’attirer cette proportion de la population se base sur des techniques bien définies, qui peuvent ne pas épouser les convictions des bénévoles. De ce fait, nous allons, dans cette partie, tenter de mettre en évidence les stratégies de recrutement de ces différentes organisations, et les mettre en parallèle avec les aspirations des individus qui souhaitent partir, ainsi que l’organisation qu’ils préconisent pour arriver à leur fins.

A l’ère d’internet, de plus en plus de recrutement pour différentes causes (travail, stage, job étudiants) se font par le biais d’internet. En effet, le cabinet de conseil expert EmPatient a recensé, comme pratiques essentielles de recrutement des bénévoles, le bouche-à-oreille, la publication d’annonces dans le journal, sur le site Internet de l’association et/ ou sur la page Facebook de l’association. La publication des offres en temps réel, grâce à Twitter, Facebook ou Instagram permet d’attirer les plus connectés. Les réseaux sociaux sont en effet un des piliers de ces publications d’offres. Grâce aux publicités “sponsorisées”, les ONG, associations et d’autres entreprises partagent à une majorité de la population les offres dont elles disposent. Aussi, des forums gratuits sont mis en place pour attirer le maximum de bénévoles et surtout les mobiliser à leur cause.

De plus en plus de plateformes spécialement consacrées à la mise en relation entre les bénévoles et les structures pouvant les accueillir se créent. Nous pouvons prendre plusieurs exemples : France Bénévolat permet depuis maintenant 30 ans de trouver les bénévoles adéquats pour une association selon les critères qu’elle privilégie, et vice versa. Aussi, nous pouvons citer Tous Bénévoles qui est une plateforme payante pour les associations (de 75 € à 260 € par an en fonction de la taille de l’association), mais qui promet ainsi à ces associations une totale indépendance dans leurs démarches de recrutement par le biais du site. Sur le site de Tous Bénévoles, les bénévoles ont l’opportunité de regarder les offres mises en ligne par les associations via l’onglet “Tous bénévoles, un site pour trouver une mission”. Au sein de cet onglet, les bénévoles peuvent faire une recherche avancée, selon les zones géographiques d’intervention, à propos des missions qui les intéressent. C’est notamment ce que nous pouvons voir ci-dessous.


Offres de missions pour les bénévoles sur le site Tous Bénévoles

Par ailleurs, les plus grosses organisations mettent directement à disposition des individus les offres sur leur sites internet. Les Organisations Non Gouvernementales ou ONG qui sont les plus connues passent directement pas leur propre site web ou encore par les plateformes mettant en relation les bénévoles et ces structures pour attirer les recrues. Ainsi, ils peuvent directement poster une annonce, avec la durée de l’aide humanitaire, les compétences, ainsi que les compétences qu’ils privilégient. Prenons l’exemple de l’ONG “Oxfam International” qui lutte contre les inégalités dues à la pauvreté à travers le monde. Sur leur site web, nous pouvons en effet choisir le pays dans lequel nous souhaitons partir, ainsi que les offres relatifs à ce pays. Pour faire partie de l’équipe bénévole, les individus doivent tout simplement remplir une petite fiche d’informations, avec le nom, le prénom, l’âge, etc…

Les pays qui proposent les offres de bénévoles ne concernent pas directement les missions humanitaires. Souvent, le besoin de bénévoles concerne les tâches administratives, ou encore organisationnelles, dans le pays d’appartenance du bénévole. L’Australie par exemple propose sur le site web d’Oxfam une offre de “Fair Trade Volunteer 2018” (Perth), qui consiste à la vente de produits relatifs à l’association, et faire de la promotion pour l’association. Ces offres nécessitent par ailleurs une durée d’engagement (3 mois pour l’offre dont nous avons parlé plus tôt), mais aussi certaines qualifications, comme posséder des bases en mathématiques. Si aucune expérience n’est exigée, une formation de départ est tout de même demandée. Pour attirer les bénévoles, les offres sont présentées en anglais, et des règles d’équité, ainsi que d’ouverture à tout type de groupes ethniques, est précisée. Sur l’annonce de notre exemple, nous pouvons citer: “We promote diversity and practice equity. Aboriginal and Torres Strait Islander people are encouraged to apply”, qui signifie que la diversité et l’équité sont privilégiés, et que les aborigènes ainsi que les “Torres Strait Islander” sont encouragés à postuler.


La “fiche de poste” du “Fair Trade Volunteer” 2018 (Perth)

Pour autant, les bénévoles retenus par ces associations sont caractérisés par des critères bien précis. En effet, les associations privilégient les bénévoles ayant une expérience au préalable, mais aussi ayant un profil professionnel développé. Pour travailler dans l’humanitaire, certaines valeurs sont plus à même d’intéresser les associations comme la patience, la résistance physique et psychologique, l’autonomie, la réactivité, ou encore la persévérance.  

Les grandes organisations sont de véritables entreprises, et ont besoin de personnel pour gérer ces structures. De ce fait, les contrats proposées ne se limitent pas seulement à des contrats de volontariat. Souvent, ces mêmes bénévoles sont recrutés en CDI en tant que manager, ou salariés à temps plein. C’est une politique utilisée par les Restos du Coeur, qui propose souvent à ses bénévoles d’évoluer en interne. La Croix Rouge, grande ONG fonctionne de la même manière : elle met à la disposition des internautes les offres de bénévolat, et permet en plus d’affiner les recherches selon le secteur d’activité, le département, ainsi que les disponibilités selon les horaires et les jours. La Croix Rouge use aussi de la technique de l’individualité. En effet, sa plateforme projet solidaire permet à quiconque de proposer des projets d’aide dans plusieurs domaines, comme la santé ou encore l’environnement.


Le site web de l’association la Croix Rouge (www.croixrouge.fr)

Les offres proposées sont assez typées, avec des tâches bien définies. En effet, chaque mission est bien décrite, comme la mission de “bénévole au sein d’un accueil santé social”, qui de plus met en avant les compétences nécessaires pour “postuler”. En effet, le format d’offre ressemble beaucoup à une fiche de poste pour un emploi. Aussi, des liens vers des réseaux sociaux connus comme Facebook ou Twitter sont visibles sur le site web de la Croix Rouge. Ces réseaux leur permettent de donner des images à leurs causes, et ainsi inciter plus de personnes à participer. Par exemple, pour Noël, la Croix Rouge a mis comme photo de couverture une petite fille avec un regard attristé, avec un slogan “le père Noël n’existe pas, vous si”. Aussi, une vidéo avec la mythique chanson “Petit Papa Noël” est aussi présentée, avec des photos des enfants qui ont besoin d’aide, des enfants qui ont besoin d’un père Noël. Enfin, ils mettent à disposition des internautes les actualités du groupe, les initiatives qu’ils ont pris, les centres qu’ils ont ouverts… etc.

2) Le financement des missions

Dans l’ouvrage de Philippe Ryfman, intitulé Les ONG et publié en 2014, les sources de financements de ces organisations sont mises en évidence. Tout d’abord, les ONG peuvent faire appel à des fonds publics nationaux . Ce sont des aides octroyées par l’Etat pour le développement de ces ONG, et celles-ci peuvent varier selon le rapport entretenu par l’ONG ou l’association en question avec l’Etat, ou encore selon la taille de cette ONG/ association. En 2004, toutes les ONG du champs de l’humanitaire, ainsi que de l’environnement, ont reçu une aide totale de 58,4 millions d’euros. Des aides internationales peuvent aussi aider ces ONG, comme l’association Médecins du Monde, qui reçoit des fonds étrangers de la part de l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International, ou encore du Department of International Development du Royaume-Uni. En 2005, les aides octroyées par l’Union Européenne avoisinaient 40 % du financement public total. Les aides internationales comptaient 56,1% des aides publiques totales. Par ailleurs, le total des ressources (nationales, européennes et internationales) accordées aux ONG françaises représente seulement 36% des ressources qu’elles utilisent pour financer leurs activités. De plus, ces fonds publics ne sont pas acceptés par toutes les ONG. L’association des Médecins Sans Frontières (en France), mais aussi l’association Greenpeace refusent de recevoir des financements de ces organismes publics. Comment font-ils alors pour financer leurs activités ? Les associations se tournent alors vers les fonds privés. En 2005, les fonds privés représentaient 64% des aides reçues par les ONG. Ces fonds privés sont en fait la contribution du public à travers les collectes de fonds, ou encore par le biais de legs de produits divers réalisés par ces associations. Pour faire appel aux dons, les associations mettent en oeuvre plusieurs stratégies. Tout d’abord, elles sensibilisent le public par le biais de bénévoles qui interagissent avec le public, leur parlent de leurs expériences, et les persuadent de verser une petite somme pour sauver des vies, ou la planète. Les associations se servent aussi beaucoup des réseaux sociaux, notamment pour organiser des collectes de fonds pour les causes qu’elles défendent. Sur la page Facebook de la Croix-Rouge, nous pouvons en effet voir plusieurs types d’événements aux noms divers, pour lesquelles il est possible de contribuer en cliquant sur la rubrique concernée. Les associations font appel à la sensibilité des donateurs aussi: souvent les messages sont accompagnés de vidéo ou d’images sensibles, des slogans qui placent les donateurs dans une position de sauveur, d’héros venant à la rescousse de celui qui en a besoin.


La page Facebook de la Croix Rouge

Une nouvelle catégorie de financement a aussi émergé ces dernières années, sous le nom de “grands bailleurs”, comme la Fondation Gates aux Etats-Unis (du célèbre Bill Gates et de sa femme Melinda Gates). Ce sont des personnalités influentes, notamment économiquement parlant, qui versent à des associations des sommes inédites pour qu’elles puissent bien fonctionner. Par exemple, depuis sa création en 1994 jusqu’à 2008, la Fondation Gates a mis à disposition des programmes sur la santé un montant total de 9,9 milliards de dollars. Les personnalités, sans passer par de grosses fondations incitent les individus à participer à ces activités en accordant d’importantes sommes aux causes qui les touchent. Aussi, l’actualité des personnalités influentes ayant posté une vidéo sur les réseaux sociaux par rapport à une pétition pour agir au nom de la planète montre à quel point ces individus peuvent avoir du poids dans la mobilisation des donateurs.


Article montrant l’influence des Youtubeurs sur la prise en compte des questions climatiques

Malgré les stratégies déployées pour attirer des bénévoles par les ONG ou encore les diverses associations, les individus préfèrent partir pour aider ceux qui ont en besoin seuls, ou bien accompagnés de deux trois amis, ou collègues. Nous allons alors essayer de comprendre les raisons qui poussent ces individus à partir par leurs propres moyens. Ce genre de “voyages humanitaires” de “type artisanal” sont pour la plupart en plein essor. De ce fait, la littérature n’en parle que très peu. Pour appuyer nos propos, nous avons donc recueillis les informations au niveau des forums mais aussi par le biais des entretiens réalisés.

B- L’organisation des missions humanitaires par les individus

Les individus préfèrent en effet partir par eux-mêmes. Mais pour quelles raisons ? Tout d’abord, les missions proposées par les ONG ne plaisent pas forcément aux individus qui souhaitent partir. En effet, chacun étant embauché pour des missions spécifiques, les bénévoles ne peuvent pas développer beaucoup de compétences. Les bénévoles sont ainsi cantonnés à des tâches préétablies, et surtout portent l’étiquette d’un type de bénévole. De plus, les aides ne rapportent pas de reconnaissance personnelle. Lorsque les individus réalisent des missions humanitaires pour les ONG, et si la mission est couronnée d’un succès, c’est surtout l’ONG en question qui est mise sur le devant de la scène, et non ceux qui sont partis. Aussi, les ONG recherchent de plus en plus de profils ayant une image professionnelle valorisante, et des compétences bien précises qu’ils n’hésitent pas à mettre en avant sur les offres qu’ils publient. De ce fait, les individus ne se sentent pas assez aptes pour postuler à ce genre de propositions. Souvent, les associations ciblent un public particulier de bénévoles, comme les Médecins Sans Frontières par exemple. De ce fait, les individus préfèrent ne pas se restreindre à ces ONG et trouvent le moyen de partir seul, selon un projet qui leur tient à coeur. Souvent des étudiants, ces individus souhaitent vivre une expérience riche, tout en n’étant pas prisonniers d’un engagement quelconque, et ainsi de revenir continuer leurs études une fois cette petite parenthèse humanitaire réalisée. Au niveau des valeurs, Lucy Cuny, étudiante ayant réalisé deux missions humanitaires (une en Thaïlande et une autre en Indonésie) nous rapporte que le volontariat, comme elle le pratique, lui permet de découvrir une nouvelle culture, de pouvoir vivre avec ceux qui sont dans le besoin. C’est une expérience “riche” qui lui permet de rencontrer de nouvelles personnes et de procéder à une ouverture d’esprit. Elle dit aussi reprendre confiance en l’humanité grâce aux aides qu’elle apporte. Pour organiser leur voyages, ces individus doivent tout d’abord choisir les pays ainsi que les villes qui les attirent. Pour ce faire, certains procèdent comme Victoria c’est-à-dire au hasard. Elle est partie au Cambodge pour une mission humanitaire accompagnée d’une de ses amies. D’autres détiennent une valeur sentimentale à l’égard du lieu choisi, comme Johana qui a habité à Madagascar pendant 18 ans, et qui a souhaité venir en aide aux enfants de sa ville natale pour leur apprendre à lire. Par ailleurs, la meilleure des manières pour prendre connaissance du milieu où l’on va poser ses bagages est Internet. Grâce à Google, les individus peuvent prendre connaissance des conditions pour voyager dans le pays, les conditions pour faire une demande de visa si besoin, ou encore les diverses associations locales qui peuvent avoir besoin d’aide. Aussi, il est possible de réserver le logement, de réserver des traducteurs ou encore de télécharger une carte pour mieux se déplacer sur place.

Pour partir, ces individus ont besoin de financements: en effet, n’ayant pas d’associations pouvant les aider à collecter des fonds pour leurs diverses activités, ils doivent organiser leur voyage du départ à la fin par leurs propres moyens. Dans le cas de Victoria, elle a décidé de créer une cagnotte en ligne, “kisskissbankbank”, qui lui a permis d’acheter des cadeaux pour les enfants dont elle allait s’occuper.


L’expérience de Victoria

D’autres cagnottes, comme leetchi.com permet à ces individus de collecter des fonds pour leur voyage humanitaire. Un autre avantage de la cagnotte leetchi est sa gratuité. Pour ce faire, ils publient un lien sur les réseaux sociaux, et demandent à leurs amis de contribuer à leur cause, et de partager à leurs amis aussi. Le texte qui justifie la demande de don est alors très important: en effet, le projet doit sembler crédible pour qu’un maximum de donateurs puissent leur apporter de l’aide. L’exemple du texte de Johana pour collecter des fonds pour réaliser son projet de bibliothèque à Madagascar pourrait servir d’exemple pour illustrer cette idée:

“Bonjour et bienvenue à tous!

Nous sommes un groupe d’étudiants de l’ENSGSI, une école d’ingénieur à Nancy et nous avons pour projet d’aménager une bibliothèque à Tananarive, la capitale de Madagascar. Nous avons l’intention de réaliser ce projet pendant l’été 2018. Notre projet est rattaché à une école franco-malgache « La Règle d’Or » ainsi qu’à plusieurs associations humanitaires en France et à Madagascar : Tsiky qui est l’association solidaire de notre école et Mahafaly qui est une association locale.

D’où vient ce projet?

Johana, l’une d’entre nous, a grandi à Madagascar et a eu la chance de faire des études dans un lycée français. Elle nous a transmis son désir de vouloir contribuer au développement de son pays et à offrir à tous les enfants malgaches une éducation leur permettant de réaliser leurs rêves et ceux de leurs proches. En effet, on constate que sur l’ensemble de l’île, 40% des enfants n’ont pas accès à l’éducation.

Pourquoi une bibliothèque?

Il y a très peu de bibliothèque à Tananarive et le prix d’entrée de certaine correspond à 1/4 du salaire mensuel moyen d’un habitant, ce qui est inabordable. Les enfants n’ont donc accès aux livres que grâce aux écoles, qui elles-mêmes aimeraient créer des bibliothèques en accès libre pour leurs enfants.

Notre but commun est de donner aux enfants l’envie d’apprendre et de découvrir les livres, de développer leur curiosité tout en les ouvrant à des cultures différentes et en leur offrant l’opportunité de s’ouvrir au monde et aux autres.

Nos démarches :

En France : Nous collectons des livres auprès de particuliers et d’institutions (écoles, associations, éditeurs, bibliothèques, librairies, etc…).

A Madagascar : Grâce au local mis à disposition par l’école partenaire, notre travail sera d’y aménager et d’achalander une bibliothèque pour des enfants de la petite section à la classe de CM2. Dans l’idéal et si nous parvenons à lever assez de fonds, nous aimerions aménager un espace de projection et mettre en place un ciné-club.

Pour l’inauguration de la bibliothèque, nous aimerions animer des ateliers artistiques et éducatifs (jeux de société, initiation à l’apprentissage du français ainsi que de l’anglais, peinture, dessin, etc…).

Sur du plus long terme, les bénévoles de l’association Mahafaly s’engagent à faire vivre la bibliothèque et l’école partenaire envisage même d’y engager une personne pour accueillir les enfants.

A quoi serviront vos dons ?

– acheter des meubles à Madagascar pour favoriser l’économie locale

– payer le transit du matériel (livres, stylos, matériel scolaire, etc…)

– avancer de l’argent pour des actions de collecte de fonds (emballage de cadeaux dans les grandes surfaces, vente de nourriture au sein de notre école, organisation d’un loto, etc… ).

– rembourser une partie des frais de voyage des participants les moins aisés.

Si notre projet vous intéresse et si vous voulez nous contacter, nous sommes ouvertes à tous vos conseils, vos bons plans et vos idées (notre mail : ).

Nous vous remercions pour l’attention que vous porterez à notre projet et pour votre générosité !”.


La page d’accueil du “crownfunding” de Johana et ses amies (Leetchi.com)

Cette idée de justification montre bien les raisons pour lesquels ce projet est né, mais aussi comment celui-ci s’est développé. En effet, une des participantes a un lien particulier avec le pays où celles-ci sont parties. Le projet est bien précis, et la gestion de l’ensemble des tâches est attribuée aux participantes. Aussi, avec les dons, sont demandés des conseils, des idées pour améliorer le projet. La finalité des dons est aussi précisée, pour mettre en confiance les donateurs. En effet, sans la notoriété d’une ONG pouvant servir d’intermédiaire pour rallier le public à leur cause, ces bénévoles “artisanaux” se doivent de mettre en confiance leur donateurs afin de pouvoir aboutir leur projet. Cette méthode de justification, nous pouvons également la retrouver chez Thomas qui justifie son action par rapport à une association sur sa cagnotte Leetchi. Il nous a également fait part de ce besoin de justification pour ne pas passer pour un “charlatan” car la demande de financement constitue un sujet sensible pour les individus.


Cagnotte de Thomas sur www.leetchi.com

Pour paraître plus sérieux, le jeune homme n’hésite pas à donner son identité, à faire part de son histoire, à impliquer l’association. Comme énoncé précédemment, ces mécanismes de justification sont cruciaux pour le départ des individus dont le seul soutien d’une association ne permet pas le départ. Le départ implique alors la participation de nombreux acteurs qui se réunissent tous au sein des valeurs diffusées par le projet.

    Pour conclure cette seconde partie du dossier, nous avons pu voir que l’organisation des missions humanitaires par Internet passe majoritairement par la mise en ligne d’offres de missions, d’offres de bénévolat, d’offres d’emplois sur les sites des associations. Pour autant, la mise en ligne de ces offres passent également par l’existence de plateformes recensant leur diversité. Les individus n’ont alors qu’à faire leur choix. Pour autant, certains individus sont motivés de participer à des missions de façon seuls. Ils ne veulent pas passer par des organismes et souhaitent réaliser leurs missions, souvent associées à un rêve ou un enjeu professionnel (comme dans le cas de Thomas qui souhait devenir chef de projet et dans le cas de Théo qui souhaite devenir infirmier militaire), de façon autonome bien qu’ils nécessitent l’appui d’associations pour leur première mission. Cet engouement individuel et cette construction solitaire des missions, nous pouvons la retrouver chez Jérôme Jarre qui va constituer notre étude de cas et la troisième partie de ce dossier.

III-  Le développement de l’action humanitaire via Internet : le cas de la Love Army de Jérôme Jarre

Jérôme Jarre est un français vivant à Los Angeles, aux Etats-Unis, et est un influenceur, un humanitaire mais aussi un philanthrope et un entrepreneur. Ce jeune homme de 28 ans a su mener des actions de sensibilisation à travers le monde, avec la contribution et le support de plusieurs personnalités importantes comme Omar Sy. Mais comment a t-il réussi à mener son projet à un tel succès ?

Il faudrait commencer par comprendre qui est Jérôme Jarre, et mettre des mots sur son ambition, pour ensuite déboucher sur la Love Army, qui est le projet phare de l’aide humanitaire qu’il souhaite apporter, et ensuite finir sur les ambitions actuelles de la Love Army, pour comprendre ce qu’il en est de ce projet aujourd’hui.

A- Les débuts de Jérôme Jarre et son ambition

    Jérôme Jarre est tout d’abord un entrepreneur. En effet, après avoir laissé ses études en école de commerce, il décide de partir en Chine où il crée quelques startups à l’âge de 19 ans. Il décide ensuite de partir à Toronto où il fonde une société de planification d’évènements, du nom de LOgiciel Atendy, avec Christopher Carmichael. Pour autant, celui qui est qualifié “d’entrepreneur féroce” par sa mère ne rencontre pas le succès. Toutes ses entreprises échouent et disparaissent les unes après les autres. C’est l’échec de sa dernière société, Logiciel Atendy, qui va bouleverser sa vie. A la suite de cet échec, Jérôme Jarre prend un aller simple pour la ville de New York où il alternera des périodes de vie en tant que sans-abris.

En parallèle de sa vie de sans-abris, Jérôme Jarre s’occupe à sa passion découverte en 2013 : créer des vidéos sur Vine, un réseau social qui consiste à publier de courtes vidéos (6 secondes) tournant en boucle et qui sont partagées avec les abonnés et utilisateurs de la plateforme. Grâce à ce réseau social, au sein duquel Jérôme Jarre publie un nombre conséquent de vidéos, le français connaît une notoriété grandissante.


Quelques vidéos de Jérôme Jarre sur sa page Vine

En raison de son succès grandissant, il parvient à rencontrer, en 2013, l’entrepreneur et critique de vin Gary Vaynerchuk. Il va alors le convaincre de créer une agence publicitaire centrée sur Vine sous le nom de Grapestory. Cette agence va concevoir des micro-contenus pour mettre en avant des marques au travers d’histoires ludiques. En parallèle de cette nouvelle entreprise, Jérôme Jarre gagne de plus en plus rapidement des abonnés. En raison de sa notoriété croissante, une agence de publicité va alors lui proposer 1 million de dollars pour soutenir une grande marque d’alimentation sur Vine. Celui-ci va refuser estimant le produit comme un produit de “malbouffe”.

La plupart des vidéos que le français postera sur Vine sont de type humoristique ou relaient un message positif. Sa première vidéo à succès “Don’t be afraid of love” le met en scène énonçant cette phrase puis criant “Love” auprès d’une passante qui sursautera. Il réalisera d’autres vidéos auprès de passants véhiculant des messages d’amour leur disant par exemple qu’ils sont beaux, etc… Ses abonnés apprécient alors ses vidéos tant pour son humour que pour leurs messages positifs.

Sa notoriété grandissante, il sera invité au sein d’émissions télévisées connues comme “The Ellen DeGeneres Show” à deux reprises. L’apparition du jeune français dans cette émission, qui est visionné en moyenne par 4 millions de téléspectateurs, donne de l’impulsion à sa “carrière” d’influencer. Avant son passage dans l’émission, il cumulait 20 000 abonnés. Après son passage, il atteignait le million. Grâce à cela, le jeune français commença à se faire connaître du grand public mais aussi des célébrités. Il participa à la 86ème édition des Oscars, au Festival de Cannes ; sera embauché par Canal +. Sa participation à ces évènements, connus de tous, lui permettra de faire des vidéos avec des personnalités influentes comme Robert de Niro ou encore Kristen Bell. Cela lui permettra également d’acquérir un total de sept millions d’abonnés. En l’espace d’une année, la vie du jeune homme a alors considérablement changée.

Pour autant, le jeune homme n’utilise pas sa notoriété de façon à faire de l’argent. Il ne devient pas un véritable businessman des réseaux sociaux. Il en profitera simplement pour faire passer les messages qui lui apparaissent important voyant les réseaux sociaux comme une opportunité de faire entendre sa voix. En 2013, il lance le projet Humans où il implique le public en leur posant la question suivante “Quel est le message le plus important que vous souhaiteriez partager avec le monde tout de suite ?”. Ce projet rencontrera un vif succès et disposera de sa propre page Vine. Les médias, eux, s’en empareront et le décriront comme le projet qui redonnera foi en l’humanité.

Avec l’abandon progressif de Vine, le français continuera ses vidéos sur d’autres plateformes comme Snapchat, Youtube, Twitter, Instagram en faisant passer de plus en plus de messages humanistes. Sur Youtube, le jeune homme cumule 1 million d’abonnés et publient essentiellement des vidéos de ses voyages. Sur Twitter, il cumule 1,54 millions d’abonnés. Sur Instagram, il cumule 1,7 millions d’abonnés et diffuse un contenu essentiellement de ses actions sur le terrain. Les photos le mettent en scène auprès des bénéficiaires de son aide et le jeune français raconte régulièrement les histoires qui le touche lui et ses populations. C’est notamment ce que nous pouvons voir avec les publications ci-dessous, tirées de son compte Instagram.


Publication Instagram de Jérôme Jarre

Publication Instagram de Jérôme Jarre

Sur la première publication, Jérôme Jarre intègre le message suivant “Happiness comes from helping other people” signifiant que le bonheur vient en aidant les autres. Dans la deuxième publication, le français de 28 ans raconte comment il a pu aider Muhammad qui souffrait d’une blessure au pied. Deux publications ne suffiront pas à montrer l’étendue du message diffusé mais l’influencer cherche à diffuser un message d’amour, de paix, de solidarité à ses abonnés. Ce message humaniste, incitant à aider les autres et surtout ceux dans le besoin, est omniprésent et fait parti de l’identité de ses comptes de réseaux sociaux. C’est notamment ce que nous pouvons voir avec les deux tweets tirés de son compte Twitter ci-dessous.

Tweets issus du compte de Jérôme Jarre

Le Français, qui s’exprime en plusieurs langues sur les réseaux sociaux (anglais, espagnol, français), souhaite diffuser un message universel d’amour et d’entraide. Ce message va rencontrer un vif succès dans un monde rythmé par les crises humanitaires. Il va alors se constituer une communauté via ses followers, via des célébrités touchées par son projet, via un réseau professionnel souhaitant participer et diffuser ce message plein d’espoir envers l’humanité. Grâce à la notoriété que lui ont permis les réseaux sociaux, grâce à la notoriété accentuée par la participation à des émissions connues et grâce au soutien de plusieurs personnalités importantes (comme Omar Sy ou encore Ben Stiller), Jérôme Jarre va voir sa communauté grandir. L’apogée de sa communauté a été atteinte avec la constitution de ce qu’il va appeler la Love Army en 2017 et qui va lui valoir la diffusion d’un reportage à son sujet par France 5.

B- L’apparition de la Love Army

    Il faut attendre 2017 pour que Jérôme Jarre commence à faire appel à son public pour réagir à des causes humanitaires. Il va alors créer la Love Army qui regroupe différentes personnes ayant pour but de dénoncer les inégalités et les crises humanitaires “oubliées” par les gouvernements tout en ayant pour but d’agir pour améliorer les conditions de vie des populations touchées. Il ne s’agit d’agir via les likes, il s’agit de montrer ce qu’il se passe, d’en parler, de tenir au courant sa communauté et de l’alarmer, de les inciter à participer, de montrer les actions réalisées par la Love Army.

1)La Somalie

La première cause qui lui a en permis de créer sa Love Army, début 2017, fût la famine en Somalie. En effet, la Somalie, ainsi que l’Afrique de l’Est dans sa plus grande partie, est touchée par la famine, due entre autre à la sécheresse. Cette situation a été rapportée à Jérôme Jarre de par un bénévole qui avait été sur place et qui avait vu une petite fille de six ans mourir de déshydratation. Cette histoire, qui devait sûrement se répéter à l’infini dans ce pays et dans d’autres pays du monde, et qui pour autant n’éveillait pas la conscience de la communauté internationale bien qu’elle en fut avertie par l’ONU, a marqué la mémoire du français de 28 ans. Pour lui, il n’était pas concevable de laisser les choses se passer ainsi. Pour agir, le français a alors lancer un défi à sa communauté leur implorant leur aide pour le réaliser. Le jeune homme souhaite lancer le défi fou de faire décoller un avion rempli de nourriture et d’eau vers la Somalie. Il fait part du fait qu’il dispose de contacts sur le terrain qui pourront distribuer les vivres aux bonnes personnes sur le terrain. Pour cela, Jérôme Jarre va s’adresser à la seule compagnie aérienne qui dessert le pays : Turkish Airlines. Il va alors créer le hashtag TurkishAirlinesHelpSomalia pour que celle-ci accepte de réaliser le transport de nourriture et d’eau vers la Somalie. Après un nombre de tweets incommensurable de la part des internautes avec ce hashtag, la compagnie assure avoir pris conscience du message et acceptera de prêter un avion cargo pour affréter les 6O tonnes d’eau et de nourriture achetées grâce aux 2 millions de dollars récoltés par la mise en ligne de la cagnotte ; partagée 304 000 fois via Twitter et 88 000 fois sur Facebook. La mise en visibilité de ce mouvement a également été permis grâce au ralliement de plusieurs célébrités comme par exemple Norman Thavaud (youtuber français), Ben Stiller (acteur américain), Omar Sy (acteur français).

2) Les Rohingyas

Ses actions ne s’arrêteront pas qu’aux portes de la Somalie puisque, quelques mois plus tard, fin 2017/début 2018, l’influencer français tente de porter l’attention sur une autre cause : celle des Rohingyas. Les Rohingyas sont un groupe ethnique musulman vivant en Birmanie. Persécutés en raison de leur religion depuis de nombreuses années, la situation est devenue critique ces derniers mois obligeant les membres de ce groupe à fuir et à se réfugier dans d’autres pays comme par exemple le Bangladesh. Dans leur pays, les Rohingyas sont massacrés et contraints de fuir n’ayant personne pour les aider bien que la communauté internationale ait eu vent de leur situation. Avec la médiatisation de ces évènements en août 2017, l’ONU tente d’intervenir sur le gouvernement birman sans grand succès. C’est alors que Jérôme Jarre s’empare du sujet dénonçant, encore un peu plus que les médias, les conditions atroces dans lesquelles les Rohingyas ont été contraints de quitter leur pays, dans quelles conditions ils sont obligés de vivre en tant que réfugiés, etc… Il se rendra en novembre 2017 dans le plus grand camp de réfugié au monde, à Cox’s Bazar au Bangladesh. Encore une fois, le jeune français sera soutenu par d’autres célébrités comme Omar Sy (acteur français), DJ Snake (artiste français) ou encore Mister V (youtuber français).

Avec leur soutien, Jérôme Jarre va monter une cagnotte en ligne sur le site GoFundMe pour sensibiliser l’opinion publique sur le sort des Rohingyas et sur le massacre ethnique qu’ils subissent. La diffusion de cette cagnotte passe notamment par le relai sur les réseaux sociaux via les différents comptes des personnes soutenant ce projet et Jérôme Jarre. C’est ce que nous pouvons voir ci-dessous.

Diffusion de la cagnotte dédiée aux Rohingyas via le compte Twitter de Jhon Rachid

La première fonction de la cagnotte est alors d’aider les réfugiés de ces camps à vivre dans de meilleures conditions. Comme énoncé précédemment, elle vise également à sensibiliser le public à des causes importantes. Ainsi, Mister V déclarera s’être senti utile pour la première fois de sa vie en participant à ce projet. Au bout de quelques jours en ligne, les organisateurs déclarent avoir récolté 800 000 dollars. Au 31 décembre, soit un mois après l’ouverture de la cagnotte, ils déclarent avoir reçu 2 millions de dollars. Ces financements permettront à la Love Army d’agir sur le terrain et de poursuivre ses ambitions initiales concordant avec les ambitions de l’humanitaire : aider, faire le bien, améliorer la condition de ceux qui sont dans le besoin.

C- La poursuite des ambitions de la Love Army aujourd’hui

Après avoir connu un réel succès couronné par la contribution de milliers de personnes à l’appel de Jérôme Jarre via la Love Army, celle-ci a commencé à porter ses fruits après un mois de son apparition. En effet, Jérôme Jarre a pu collecter un montant total de 2 millions de dollars grâce à 57.000 donateurs pour la cause des Rohingyas. Jérôme Jarre a utilisé cet argent pour créer des centres pour enfants, des cliniques, réparer les puits et d’autres actions en collaboration avec la population sur place pour améliorer leur condition. Encore une fois, Jérôme Jarre a usé des réseaux sociaux pour montrer aux donateurs comment leur dons ont été investis. Aussi, une certaine somme est octroyée aux Rohingya eux-mêmes, pour qu’ils puissent en user pour faire l’achat de ce qu’ils ont besoin.

Publication de Jérôme Jarre pour justifier l’investissement des dons

Toujours dans le but de montrer ce que ces deux millions de dollars sont devenus une fois sur place, Natoo, une Youtubeuse connue des adeptes du Youtube français a posté une vidéo sur le réseau social au logo rouge sur ce qui était en train de se réaliser sur place. D’après elle, durant trois mois, l’équipe de Jérôme Jarre a pris la peine d’écouter les dires des Rohingyas, et a également rencontré les associations locales. Par ailleurs, un des meilleurs investissements des dons concerne la création du centre hospitalier. Après trois mois de cet appel à l’aide, la Love Army prévoit aussi de construire une maternité. Cette création de clinique a un autre avantage : elle permet à des médecins venant d’autres pays de réaliser de l’aide humanitaire, car ils sont conviés à aider la population sur la seule base de la générosité. Aussi, le nombre de centre d’éducation a atteint le nombre de trente-trois, ce qui montre encore une fois le bon investissement de l’argent collecté. Les dons servent aussi a construire des maisons robustes pour les Rohingyas, ainsi qu’à rémunérer ceux qui contribuent de manière volontaire à la reconstruction d’une vie normale pour eux et leur pairs. Au bout de trois mois, la cagnotte toujours active a permis de collecter plus de 2, 170 millions de dollars qui ont servis à plus de 59 000 personnes.

La vidéo de Natoo sur la Love Army postée sur Youtube

Jérôme Jarre a aussi utilisé le réseau social Facebook pour faire appel à des dons. C’est d’ailleurs de par ce réseau que son ami, et fondateur du blog de photographie “Humans Of New York” a pu recueillir un montant de 2,1 millions de dollars pour la cause de Jérôme Jarre. Au bout de huit mois, Jérôme Jarre a déménagé sur place, et a annoncé la création de 1000 maisons en cours en plus des 3000 déjà construits. Aussi, 200 puits ont été réparés et quatre-vingts ont été forés. Un centre de couture ainsi qu’un centre d’éveil ont aussi vu le jour. Une fois tous les dons distribués, la Love Army a prévu d’autres projets, pour venir à d’autres personnes dans le besoin. En effet, à l’heure d’aujourd’hui, le dernier don date de fin Novembre, ce qui montre la baisse de l’engouement de cette lutte.

La page d’accueil de la cagnotte de Jérôme Jarre à l’intention des Rohingyas

Ce ralentissement de l’aide apportée est due aux nombreuses critiques dont il a été victime. En effet, Jérôme Jarre est dénoncé comme n’ayant pas assez d’expérience et ne connaissant pas assez le terrain par les professionnels de l’humanitaire. Son aide humanitaire “artisanal” existant grâce à sa notoriété sur les réseaux sociaux ne peut en effet permettre à la situation des Rohingyas de s’améliorer juste en leur fournissant du riz. Le problème reste politique, et leur camp est une “prison à ciel ouvert” même aujourd’hui. De ce fait, ce type de bénévolat sans étude du territoire, et sur la base d’un projet est éphémère, il ne peut sauver l’humanité entière. Mais il est tout de même intéressant pour initier les prises d’actions d’aide à des populations comme les Rohingyas.

Le dernier tweet de Jérôme Jarre permettant de fêter le premier anniversaire de la Love Army

Pour autant, même subissant un ralentissement, Jérôme Jarre continue de diffuser des messages inspirants pour les internautes valorisant l’humanité, la paix, l’entraide, la solidarité, etc… L’influencer s’est alors constitué une communauté partageant et diffusant les mêmes valeurs. Il est alors difficile de prédire si celle-ci connaîtra une perte d’engouement envers la figure du français ou non. Cela paraît peu probable d’autant plus de l’admiration que lui porte les individus, lui ayant même valu la création d’un documentaire à son image par France 5. Même souffrant de controverses, Jérôme Jarre restera celui qui a réalisé la première fois autant, presque l’impossible, en soulevant autant de dons via les réseaux sociaux pour une cause prédéfinie.

Pour conclure sur cette dernière partie, nous avons pu voir que le cas de Jérôme Jarre et de la Love Army est fondé sur l’utilisation active des réseaux sociaux pour sensibiliser le public à certaines causes. Cette volonté de sensibiliser amène les internautes à participer aux actions de façon indirecte, notamment en soulevant les fonds, en relayant le mouvement, en faisant des dons sans lesquels ces actions n’auraient jamais eu lieu. Profitant de sa notoriété, le jeune français a pu disposer du soutien de célébrités permettant à sa demande d’acquérir de la visibilité mais aussi un statut légitime. Cet accroissement de la visibilité a également permis aux individus de vouer une certaine admiration au jeune français que l’on qualifie de profondément humain et sensible au monde. Pour autant, cette mobilisation envers des actions humanitaires de la part de Jérôme Jarre fait l’objet de plusieurs critiques quant à la transparence du reversement des dons, quant à la sincérité de ses ambitions, quant à sa réelle connaissance sur le terrain ; certains l’accusant de ne réaliser que des coups de communication ne permettant pas ou altérant l’aide humanitaire nécessaire à la situation.

Nous pouvons alors nous demander si l’aide humanitaire, tout au moins son organisation et sa diffusion, ne devrait pas se couper d’Internet pour ne pas être soumise à de possibles effets néfastes contradictoires avec les valeurs de l’aide humanitaire que sont la neutralité, la transparence, l’impartialité et l’humanité. Nous pouvons également nous demander si l’organisation de l’aide humanitaire ne devrait pas mettre en place des dispositifs stratégiques visant à mieux utiliser Internet et ses possibilités pour les accorder aux valeurs et aux fins ciblées par l’humanitaire.

Conclusion

L’aide humanitaire se développant beaucoup par le biais d’internet dans cette ère technologique, nous nous sommes posés des questions relatives à l’organisation et au développement de ces aides via internet, les facteurs ayant motivé les individus à y participer et les obstacles qu’ils ont du faire faire pour développer leurs ambitions.

Notre analyse nous a permis de mettre en évidence quelques résultats intéressants. En définissant l’aide humanitaire et en recensant les différents acteurs ayant une part dans son appropriation, il a été démontré que cette aide ne peut avoir une définition universelle. La multitude d’acteurs y contribuant (les ONG, les acteurs privés, les institutions internationales) et la diversité des missions fait de l’aide humanitaire un processus complexe. Par ailleurs, la situation actuelle du monde marqué par des populations persécutées, la famine ou encore la prépondérance des aléas naturels et technologiques a permis une hausse du souhait des individus à venir en aide à ceux qui sont dans le besoin.

Face à cette hausse de la demande, les ONG et les association privilégient des outils et stratégies passant par Internet pour publier leurs offres, et même choisir les bénévoles qui conviennent à leurs attentes. En proposant des offres déjà nominés, avec des tâches préétablies, ces organisations structurent l’aide qu’ils souhaitent apporter.

Pour autant, par souci d’individualisation, ou par croyance d’une efficacité partielle de ces grandes organisations, les individus commencent aussi de plus en plus à partir seuls. Ce bénévolat “artisanal” repose sur la confiance des donateurs, et nécessitent de la part de ceux qui ont construit le projet, de le “vendre” auprès de son public dont il doit gagner la confiance. Encore une fois, internet est énormément mobilisé, dont une part importante doit être attribuée aux réseaux sociaux.

Pour illustrer cette nouvelle technique d’organisation des aides humanitaires passant par internet, nous avons pris d’exemple de Jérôme Jarre et de sa Love Army. Grâce à sa notoriété, et l’utilisation des réseaux sociaux, ce dernier a pu mobiliser un maximum de donateurs pour aider les Rohingyas et/ou les Somaliens.

Par ailleurs, cet exemple nous a introduit à une limite : celle de l’incapacité des aides humanitaires solitaires et réalisées par Internet à rendre compte de la réalité du terrain qui reste complexe et relient plusieurs acteurs. L’action humanitaire par un unique individu fait l’objet de controverses autour de la transparence avec le financement, de son ambition humaniste avec la possibilité de faire de la communication, de son impartialité et de sa neutralité avec le fait d’exposer son avis politique motivant son implication à la vue de tous. Ces principes fondateurs de l’aide humanitaire véhiculées par l’ONU peuvent alors être mis à mal par le développement de l’aide humanitaire sur Internet ; qui ne véhicule pas toujours les valeurs fondamentales de l’humanitaire ni la réalité du terrain et des actions menées.

De ce fait, nous pouvons alors conclure en disant que les aides humanitaires sur Internet s’organisent sur la base des réseaux sociaux, de la notoriété, et des sites Internet des organisations. Pour autant, les aides humanitaires sont instables et souffrent de la motivation individuelle pouvant laisser de côté le caractère profondément humaniste et collectif qui habite l’aide humanitaire. Ainsi, pour répondre aux exigences du terrain, pour disposer de plus d’aide, les actions d’aide humanitaire doivent apprendre à user d’Internet de façon productive comme pour recruter ou pour obtenir des financements. Or, ils doivent se méfier des effets vertueux d’Internet en ne tombant pas dans la communication et en protégeant les valeurs initiales de leur activité.

Bibliographie :

ACCARDO Alain, Le petit bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques des classes moyennes, Les comptes rendus, 2009

ATLANI-DUAULT Laëtitia & VIDAL Laurent (dir.), Anthropologie de l’aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques. Paris, Armand Colin, 2009, 311 p

PEROUSE DE MONTCLOS Marc-Antoine, “Quelques éléments de définition et beaucoup de controverses”, Questions Internationales, n°56, juillet-août 2012

RYFMAN Philippe, Les ONG, Paris, La Découverte, 2014, 124 p

Sitographie :

La Documentation Française  :

Site de L’ONU :

Site du gouvernement français :

Site d’ONG :

Wikipédia :

Réseaux sociaux de Jérôme Jarre :

Presse écrite :

Forums :

Témoignages :

Plateformes de financements :

Actions en cours :

Autre :


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