LES MONDES NUMERIQUES

Blog des Masters en Sciences Sociales de l'Université Gustave Eiffel

Le néo-paganisme à l’heure d’internet

Charlène MARQUES – Morgane MAMOU

Vous avez déjà rêvé d’être une sorcière mais ne savez pas comment vous y prendre ? Wikihow détient la réponse ! Avec un parcours initiatique en quinze étapes facilement réalisables, vous pouvez devenir une sorcière (ou un sorcier). Rien de plus simple !

Pourtant est-ce vraiment si simple ? Cet article consulté 55 893 fois en Français, 192 939 fois en Espagnol (troisième ou quatrième langue la plus parlée au monde selon les estimations) et 884 697 fois en Anglais, témoigne d’un engouement ou du moins d’un certain intérêt pour les religions néo-païennes, notamment la Wicca. En effet, on assiste depuis plus d’une dizaine d’année à un « revival », un renouveau des religions polythéistes qui existaient avant le Christianisme ou, plutôt, qui sont apparentées aux religions antiques (d’un point de vue purement religieux mais également moral et philosophique). L’historien Stéphane François, historien des idées et spécialiste des droites extrêmes, explique d’ailleurs « Il s’agit de néo-paganisme, car c’est une réinvention d’une religion qui n’a jamais existé telle quelle. »

Les différents mouvements des années 70 (New Age, mouvement Hippie et importance de la nature) ont permi à ses religions et à ses adeptes de se développer. Stéphane François estime que les courants néo-païens identitaires existent depuis 1968. Cependant la fin des années 1990 marque un renouveau des pratiques néo-païennes et une influence plus forte dans notre culture populaire. Pendant cette décennie les téléspectateurs et lecteurs de nombreux pays font connaissance avec Sabrina l’apprentie sorcière (1996), Harry Potter (1998), Charmed (1998). Depuis, le néo-paganisme semble toujours plus présent. Début 2004 nous constatons un pic de recherche du mot « paganism » sur Google. Peu de temps auparavant, le Québec reconnaissait La Communauté des druides comme une communauté religieuse, puis en Novembre 2003 la religion Ásatrú fut officiellement reconnu par le Danemark. Il existe même depuis 1998 le Congrès Européen des Religions Ethniques.

Pour mener à bien cette enquête, nous avons commencé par analyser des corpus web. Parmi eux, il y avait bien entendu des forums spécialisés dans le néo-paganisme (d’une religion en particulier) mais également des topics de forum qui, de base, ne sont pas destiné à ce type d’échange (forum jeux-vidéo.com par exemple). Nous nous sommes également penchés sur des contenus particuliers : des photographies mises en ligne sur instagram, des témoignages que l’on retrouve sur des sites comme Madmoizelle.com, des vidéos publiées sur Youtube ou encore des groupes et des pages Facebook, comme celle de La Communauté du rite celtique.

Nous sommes également entrées en contact avec des néo-païens ou des personnes s’y intéressant fortement mais ne se considérant pas comme néo-païens. Pour cela, nous avons conçu un questionnaire. Cela nous a semblé la manière la plus simple d’entrer en contact avec eux puisque nous ne faisons pas parties de leurs communautés. Grâce à ce questionnaire nous avons pu viser un public large (notamment grâce aux partages de notre lien) et cela nous a permis d’obtenir des statistiques intéressantes, que nous exploiterons au mieux dans ce dossier. Ce questionnaire était également une première approche. A la fin de celui-ci nous avons laissé l’opportunité aux enquêtés de nous laisser un mot. Les plus intéressés par notre enquête nous ont invités à les recontacter pour échanger et obtenir plus d’informations. Cependant, il y avait plusieurs obstacles nous empêchant de les rencontrer en vrai pour procéder à un entretien. Nos emplois du temps étant incompatible nous avons dû improviser. Ainsi, nous avons créé une grille d’entretien la plus précise possible et nous avons désiré procéder à un entretien par email, n’hésitant pas à demander à l’enquêté de répondre le plus largement possible et de développer un maximum ou bien à le relancer. Cependant, après quelques échanges nous n’avons pas eu de retour et nos questions sont restées sans réponses. Heureusement, les nombreux corpus, et le site internet du druide que nous avions contacté étaient accessibles et nous ont permis de pallier ce manque d’information.

Lors de la réalisation de cette enquête, nous nous sommes demandées comment se manifestent et se présentent les néo-païens ainsi que leurs différentes pratiques à l’heure d’internet. Nous souhaitons préciser que nous allons tout particulièrement nous intéresser aux néo-païens se réclamant du druidisme ainsi qu’à ceux qui se réclament de religions telles que la Wicca.

Pour répondre à notre problématique, nous commencerons par nous questionner sur le néo-paganisme comme un phénomène de mode, mode notamment véhiculée par les réseaux sociaux et la culture populaire. Puis, nous nous intéresserons aux croyances des néo-païens, à leurs pratiques mais également à leur présence sur internet. Enfin, nous analyserons le prisme politique du néo-paganisme, le lien entre la résurgence de ces religions et l’implication politique de ses adeptes.

I – D’une revanche à une commercialisation ?

Une imagerie présente sur les réseaux sociaux


Publication qui témoigne de la présence massive des wiccans et des néo-druides sur internet

Des réseaux sociaux à des blogs en passant par des chaînes sur Youtube, l’imagerie néo-païenne est bien présente sur internet. Nous pouvons ainsi noter la diffusion de religion connaissant une résurgence comme celle des vikings par l’Ásatrú et l’Odinisme, des Grecs et Romains de l’Antiquité par l’Hellénisme, du Néo-druidisme, et de manière encore plus massive des croyances liées à la sorcellerie comme la Wicca. Toutefois, de prime abord, une véritable impression d’effet de mode semble exister autour de certaines religions.

En effet, l’imagerie néo-païenne semble fasciner comme en témoigne les nombreuses publications sur internet. Par exemple, sur Instagram, le hashtag pagan comprend plus de 2 700 000 publications, pour #neopagan nous en comptons plus de 39 000 et pour #asatru c’est plus de 181 000. Toutefois, ce sont les sorcières des temps modernes qui sont le plus massivement présentes sur la toile. Toujours sur Instagram, le hashtag witch comprend plus de 7 500 000 publications, en plus des plusieurs hashtag witchesofinstagram dont les deux premiers comprennent plus de 2 300 000 et plus de 39 000 publications. Ces nombreux postes et mentions sont autant visibles sur les autres réseaux sociaux comme Twitter, Facebook ou encore Youtube. Sur ce dernier, de nombreuses vidéos existent version sorciers et sorcières. Ils y partagent leurs pratiques, quotidien, réactions et même conseils. Parmi les vidéos les plus vues, ce sont celles qui nous indiquent si nous somme une sorcière. Nous pouvons prendre l’exemple de la vidéo réalisée par la vidéaste américaine Anais Alexandre (« ur witchy bff ») portant pour titre 6 Signs You’re a Witch ou encore, du côté français, celle de Witchy Lana Corvus nommée Êtes-vous une sorcière ? comment le devenir ? … en deux parties. Pour la première, plus de 397 000 vues sont atteint contre plus de 22 000 pour la seconde, ce sont pour chacune leur vidéo la plus vue. La présence de ces néo-païens dès le début du web 2.0 a participé à une certaine diffusion de leur religion. Enfin, sur ces publications, il est possible de remarquer de manière plus globale que sont associées à l’image des sorcières un certain style de vie et même vestimentaire.

Des pierres et cristaux, des plantes, des cartes de divination, des livres anciens… autant d’images qu’il nous est possible de retrouver dans ces publications. Ces éléments renvoient à la pratique de la sorcellerie et à travers ces postes une certaine image de style de vie se diffuse, tout comme une certaine mode vestimentaire. Ici, ce sont les robes noirs, les bijoux en forme de lunes et pentacles qui dominent. Autant de symboles qui caractérisent les sorcières à travers leur culte de la déesse mère, symbolisant la lune, et de la vénération de la nature que caractérise le pentacle (quatre branche renvoie aux quatre éléments et la dernière à l’esprit). En témoigne les postes de femmes, essentiellement, sur les réseaux sociaux mais également de marques de vêtement ainsi que certains articles en ligne.

En effet, certaines marques s’inspirent de ces images néo-païennes comme Killstar, Disturbia ou encore la récente Descended From Odin. A cette liste, peut s’ajouter certains utilisateurs d’Etsy qui vendent toute sorte d’objets de rituel, de décoration mais encore des vêtements et bijoux d’inspiration païenne. Concernant Killstar et Disturbia, il est possible de souligner leur forte présence sur les réseaux sociaux et notamment Instagram ce qui souligne l’importance de ce réseau social dans la diffusion d’une certaine imagerie. De plus, certains magazines permettent de se rendre compte de ce phénomène. Par exemple, le site web à tendance féministe qu’est Mademoizelle.com, a consacré un article de mode ayant pour titre Deux looks « witchy » pour mettre ton esprit de sorcière dans tes tenues. Cet univers de sorcière est encore plus appuyée par le chapeau « Sors tes cristaux et tes runes, c’est le moment de te donner un look mystérieux et envoûtant avec ces deux silhouettes aux allures “witchy” ». De manière plus globale, il est possible de se rendre compte que de nombreux articles de presse circulent sur internet témoignant de la popularité de ces sujets. Par exemple, Mademoizelle.com en a également publié un ayant pour objet un entretien avec une wiccane.

Mais d’où vient cet engouement pour cette imagerie néo-païennes ? Une première partie de réponse peut se trouver dans la diffusion des images néo-païennes sur internet. Nous l’avons vu, le néo-paganisme a connu plusieurs résurgences mais avec internet, il existe une visibilité plus importante de ces religions où les pratiquants y participent également et échanges autour de leurs croyances. Toutefois, il s’agit d’une question plutôt complexe. Il est possible d’avancer que la visibilité et la diffusion d’images néo-païennes sur internet répondent également à l’influence de notre culture populaire.

La force de diffusion dans notre culture populaire

D’après Stéphane François, le néo-paganisme trouve ses origines dans la « vénération de la Nature et de la conception immanente du sacré propres au romantisme et au panthéisme ». Ces mouvements du XVIIIe mais surtout du XIXe siècle ont influencé le néo-paganisme sur le plan doctrinal mais il faut aussi noter que l’ésotérisme et l’occultisme l’ont marqué sur les pratiques rituelles. Une certaine imagerie a ensuite été véhiculée par la littérature ou encore la peinture du XIXe siècle. Ces œuvres ont donc été influencés par ce nouveau regain d’intérêt des anciennes religions mais également par l’héritage des représentations antérieures.


John William Waterhouse, Le Cercle magique, 1886, Tate Britain, Londres

Le XIXe siècle est alors une période où les images païennes sont redécouvertes et diffusées de manière importante. N’oublions pas également qu’en France un roman national s’écrit et que l’ascendance est faite avec les gaulois indépendants de l’Antiquité. A la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, notons également le rôle de certains occultistes célèbres comme Aleister Crowley dans cette diffusion ou encore de l’intérêt qu’a le nazisme pour la mythologie germanique. Toutefois, cette fascination continue tout au long de ce siècle. Dans les années 1950, l’ésotériste britannique Gerald Gardner redéfini l’ « Ancienne Religion Païenne » et fonde ainsi la Wicca. Cette religion se diffuse assez largement dans les années 1960 et 1970 pendant le mouvement hippie. L’occultisme et l’ésotérisme marque plus globalement la musique de cette époque. Un exemple assez évocateur se trouve autour de Led Zeppelin. En effet, ce groupe anglais est connu pour l’intérêt que ses membres, en particulier le guitariste Jimmy Page, portent à l’occultisme. En témoigne la pochette de leur album Led Zeppelin IV où figure des logos occultes notamment inspirés de religions antiques. D’autres groupes s’inspirent d’un univers occulte comme Coven qui est une influence majeure du Metal, un genre musical qui se développe essentiellement dans les années 1980. Ce genre se constitue d’ailleurs par des sous-genres influencés par l’univers païen. Notons par exemple le groupe Wardruna fondé en 2003 et marqué par la culture viking. D’ailleurs, le membre principal, Einar Selvik, se revendique du paganisme moderne. La popularité de ce sous-genre donne même lieu à des festivals comme le Cernunnos Pagan Fest organisé en France, à Noisiel depuis plusieurs années. Ici, quelques exemples ont été utilisé afin de mettre en évidence qu’une imagerie païenne se diffuse largement dans la culture et notamment dans la musique. Sachant qu’il est possible de retrouver toutes ces œuvres sur des plateforme gratuite comme Youtube, internet facilite donc l’accès à une variété de musique plus ou moins emprunte à l’imagerie néo-païenne. Sur Youtube, existe même des compositeurs qui y postent leurs œuvres et qui, pour certaines, sont directement inspirées d’images païennes et occultes comme Adrian Von Ziegler (il s’inspire essentiellement des cultures celtiques), ou encore Peter Gundry qui avec sa vidéo intitulée 1 Hour of Witchcraft Music | Black & White  comptabilise plus de 3 600 000 vus.

Face à cet intérêt actuel autour de ces images, nous pouvons aussi retrouver l’influence des films et séries. Notons par exemple Ma sorcière bien aimée, série télévisée américain diffusée entre 1964 et 1972 ayant connu d’autres déclinaisons comme un film en 2005, ou encore Excalibur de John Boorman qui met en scène Merlin, figure druidique, et la magie. La fin du XXe siècle continue d’être marquée ainsi, plusieurs séries influentes sont diffusées comme Charmed ou encore Buffy Contre les Vampires où l’amie de l’héroïne découvre qu’elle est une sorcière. Notons également des séries plus récente comme Salem, inspirée des procès qu’il y a eu en 1692, ou encore plus récemment Les Nouvelles Aventures de Sabrina, diffusée sur Netflix. Plusieurs de ces séries connaissent ou vont connaître des remakes témoignant de l’intérêt actuel. De la littérature au cinéma, nous retrouvons également Harry Potter et son univers magique. En 2015 est également sorti un film s’inspirant de contes et procès de sorcières, The Witch. L’univers viking est aussi marqué par cela, notons l’influence importante de la série Vikings diffusée sur la chaîne américaine History depuis 2013.

Depuis le XIXe siècle et de manière plus importante, pendant tout le XXe siècle, les images inspirées de représentations païennes sont donc bien présentes dans notre culture populaire. Des films et séries aux musiques en passant par la littérature et même les jeux vidéo, ces images sont partout autour de nous. Etablir une liste serait bien trop longue mais nous pouvons donc voir que les oeuvres culturelles véhiculent certaines images et ont permis une certaine réhabilitation de figures considérées comme païennes et comme ayant souffert de l’évangélisation et de la modernité. C’est donc là que nous pouvons peut-être trouver une origine de cet effet de mode, si nous pouvons parler ainsi.

Toutefois, face à cet intérêt, nous avons voulu savoir l’avis des personnes concernées par le néo-paganisme, celles qui se sont converties à une de ces religions. Par rapport aux réponses que nous avons eues, nous avons vus que tous n’avaient pas le même ressentis. 50% de nos répondants ressentent un effet de mode autour du néo-paganisme, 25% pensent qu’il n’y en a pas et 25% autre estiment que le terme « effet de mode » n’est pas juste. Ces derniers parlent, pour la plupart, d’un regain d’intérêt. Parmi ceux qui ne trouvent pas qu’un effet de mode existe, nous retrouvons une jeune femme qui pratique la Santeria Cubaine, croyance provenant de plusieurs influences comme le Christianisme et également le culte vénéré par le peuple africain Yoruba. Sa réponse est révélatrice sur le fait qu’elle ne perçoit pas d’effet de mode autour de sa religion puisqu’elle est peu connu notamment en France. Au contraire, la majorité des wiccans ont répondu de manière positive. Ces réponses permettent de mettre en évidence qu’une visibilité de certaines religions néo-païennes existe aujourd’hui sans toutefois parler d’effet de mode à grande échelle. Cette visibilité véhicule des images sans toutefois amené à une conversion systématique mais plutôt à un intérêt, à une fascination de ces images. Cet aspect, peut-être superficiel, est un facteur qui a déplu à certains de nos répondants. En effet parmi ceux qui trouvent qu’un certain effet de mode existe, une moitié ne trouve pas que ce soit un mal, certains n’ont pas d’avis particulier et respectent la liberté de chacun mais d’autres trouvent cela désolant voir agaçant. Ils le justifient par le fait que leur religion n’est pas montrée comme ce qu’elle est réellement voir qu’un véritable commerce existe. Une de nos répondantes a d’ailleurs dit à ce sujet : « Oui… et je trouve ça agaçant. Beaucoup dénature ces symboles sans savoir ce qu’ils représentent et ce n’est pas agréable quand ils sont utiliser par exemple pour des choses purement commerciale. » Il est important de noter que ce sont surtout des réponses concernant la Wicca et pour souligner leur propos, en témoigne d’ailleurs un produit qui devait être commercialisé par Sephora : le Starter Witch Kit.

Une commercialisation ?

En effet, Sephora en partenariat avec la marque de parfum Pinrose avait prévu de sortir un kit de sorcière débutante en septembre 2018 aux Etats-Unis. Ce coffret devait contenir des cartes de tarot, de la sauge, du parfum et du quartz rose. Toutefois, l’annonce de ce produit a entraîné de fortes contestations sur les réseaux sociaux ce qui a amené à son annulation. Les sorcières se sont mobilisées notamment sur Twitter et même sur Youtube où elles témoignaient de l’outrage que leur faisait ressentir ce produit. A ce sujet, l’auteure, Gabriela Herstik, de l’ouvrage Inner Witch : A Modern Guide to the Ancient Craft a partagé avec le site américain pour femme HelloGiggles un avis évocateur : « Urban [Outfitters], Free People, a bunch of those stores have already been selling white sage and crystals for years. But what makes this kit different is one, the name, and two, the fact that white sage is being overharvested and not as easily available to the indigenous people it’s sacred to. Three, there’s no context to help people explore witchcraft in a way that’s deep and meaningful. » Gabriela Herstik met ainsi en évidence les problématiques de cette commercialisation comme le nom, la perte de sens autour de certains éléments comme la sauge, sacré chez les amérindiens, ou encore la superficialité du kit. Finalement, le fond du problème qui a été soulevé par plusieurs internautes, dont Gabriela Herstik, est la forme d’appropriation culturelle qu’inspire le kit. Le titre, l’aspect esthétique et le manque d’informations concernant les véritables croyances dont s’inspire ce produit ont amené les internautes à cette conclusion.


Capture d’écran sur Twitter d’une réaction suite à l’annonce du kit

Nous avons pu voir ici que les sorcières et les néo-païens en général forment une véritable population avec des croyances et des pratiques sérieuses qui font l’objet d’une fascination et d’un véritable sujet actuel. Intrinsèquement lié aux mouvements politiques et culturelles, certaines images de religions néo-païennes inspirent des marques. Certaines se sont spécialisées dans cet univers comme Killstar qui, en plus des habits et bijoux « witchy », propose maintenant des pierres et des cristaux. D’autres proposent des produits de manière plus ponctuels, nous avons eu un exemple avec le Starter Witch Kit mais d’autres existent comme la box Sexy Witch de Beautiful Box aufeminin. N’oublions pas les autres domaines comme le cinéma ou encore les livres. Nous l’avons vus, il existe une quantité d’objets culturels s’inspirant de l’univers païen et néo-païen. Face à cette prolifération d’objets et d’œuvres culturelles, se pose alors la question du respect de la croyance des néo-païens et du rapport qu’ont les consommateurs à cela. Une de nos répondantes qui ressentait un effet de mode, nous a confié : « En effet, j’ai parfois cette impression [d’effet de mode]. Et cela me désole, parce que je n’ai pas l’impression d’y voir un réel investissement, et qu’on se rend bien compte de ce que ce choix implique dans notre vie et notre spiritualité. En bref, que les gens prennent l’appellation de « sorcier/sorcières », ou « wiccan », ou autres, à la légère. Ou dans l’unique besoin d’appartenir à un mouvement dit « cool », pour flatter son égo. » Cette diffusion d’images inspirées du néo-paganisme, et de manière encore plus marquée de la Wicca, ne se caractérise pas complètement par une prise de conscience complète des croyances et pratiques.

D’un univers assez underground, nous voyons aujourd’hui beaucoup d’intérêt qui leur est porté. Toutefois, ce n’est pas forcément un mal selon certains de nos répondants. Cette diffusion permet de véhiculer une autre image des religions liées à l’occulte, une image positive de leur croyance. Un exemple de réponse par un de nos répondants : « Oui, je trouve ça intéressant dans le sens où ça permet aux gens de se renseigner et de ne plus être effrayés des croyances peu connues. » Un aspect qui peut permettre d’appuyer ce propos est le succès que connaît cette imagerie. Un succès positif si nous comparons ce qui se passe aujourd’hui par rapport aux répressions des païens et des sorcières des époques antérieures.

Finalement, une certaine ouverture existe et internet est un moyen de s’informer. Sur un groupe Facebook qui réunit des wiccans de France, des nouvelles admissions sont fréquentes, quasiment quotidiennes. Ces nouveaux membres se présentent, ils sont plutôt jeunes et témoignent qu’un certain intérêt existe dans la génération qui a grandi avec des séries comme Charmed et internet. D’ailleurs une majorité de nos répondants avait entre 21 et 30 ans mais il faut nuancer ces données par le fait que notre questionnaire s’est surtout diffusé dans notre réseau de connaissance. Pour revenir à ce groupe sur Facebook, il révèle que de véritables lieux d’échanges existent sur internet autour des croyances et pratiques néo-païennes.

II – Croyance et pratiques religieuses

Devenir néo-païen

On ne naît pas néo-païen, on le devient. C’est la première chose que nous avons pu constater au cours de notre enquête. En effet, aucun des interrogés n’était néo-païen à l’origine, c’est-à-dire né dans une famille néo-païenne. La plupart semble être né dans une famille chrétienne dont ils ne partageaient qu’une foi traditionnelle plus qu’une croyance personnelle. Il n’est donc pas étonnant de voir que la grande majorité des enquêtés sont des nouveaux néo-païens entre 20 et 30 ans, encore étudiants ou jeunes actifs. Ces derniers se sont surtout questionnés pendant leur adolescence avant d’adopter une nouvelle croyance. La plupart vivent en ville, ou en zone périurbaine. Cela n’est pas étonnant dans la mesure où la ville apparaît comme un lieu plus ouvert, un espace dans lequel nous sommes anonymes contrairement à la campagne où tout le monde se connaît. La ville est par excellence un espace cosmopolite, intellectuel (les universités) qui permet d’accéder aux différents évènements autour du néo-paganisme plus facilement. L’espace urbain est donc le lieu de prédilection pour la diffusion d’idées mais également de nouvelles croyances. Fondée par le Britannique Gerald Gardner dans les années 1950, la Wicca est un des principaux courant religieux néo-païens avec plus de 1.2 millions d’adeptes dans le monde (rapport ARIS de 2008) mais ce chiffre est en constante augmentation. Ainsi, 57% des interrogés se réclament de la Wicca. Ces croyants sont majoritairement des femmes. Parmi les croyances de nos enquêtés, nous trouvons notamment la Santeria Cubaine et le Rite Celtique. Les 21,3% restants ne s’apparentent à aucune religion néo-païenne en particulier mais expliquent croire à des forces naturelles supérieures, à la magie ou encore aux dieux du panthéon nordique et grec. On assiste en fait à un problème de définition religieuse, ce qui s’explique par le fait que « c’est une réinvention d’une religion qui n’a jamais existé telle quelle. » (Stéphane François). Les croyants sont donc très libres de choisir ce qui leur plaît dans chaque religion. Comme il n’existe pas de liturgie commune et organisée, on observe une forme de syncrétisme religieux. En effet, parmi les personnes observées nous avons remarqué des sorcières juives, musulmanes et même chrétiennes. « La sorcellerie étant une pratique, elle n’a pas besoin d’être accompagnée d’un culte religieux mais peut parfaitement se combiner à lui » explique une sorcière française. Il n’y a donc, selon eux, aucune incompatibilité fondamentale.

Souvent monothéistes de base, chaque individu a fait un parcours différent. A l’origine, une question et un intérêt pour l’Europe pré-chrétienne, suivis de recherches personnelles. D’abord celles-ci s’effectuent auprès des connaissances des individus. Ainsi deux enquêtés expliquent : [je l’ai connu parce que] « Ma grand-mère et ma grande soeur la pratiquent » ou bien encore « une amie m’en a parlé ». Cependant, comme il est rare d’obtenir des réponses dans le cercle proche, les futurs adeptes se tournent d’abord vers des livres, parfois des livres de fictions. William Blanc, historien spécialisé dans les légendes arthuriennes, explique l’importance des symboles féminins arthuriens comme Morgane et Viviane qui sont de véritables influences pour les femmes s’intéressant à la Wicca. Ainsi, Marion Zimmer Bradley est une romancière connue pour avoir écrit Les Brumes d’Avalon. Au premier abord, ce livre ne semble être qu’une réécriture des récits arthuriens. Pour les adeptes de la Wicca, ce livre est bien plus que cela. En effet, la romancière est une wiccane pratiquante et proche du mouvement Starhawk (mouvement de la Wicca féministe). Ce livre est en fait un appel à revivifier la religion païenne, mélangeant fiction ainsi que réflexions wiccanes, tout en propageant l’idée que la chrétienté est une parenthèse négative, moderne et industrielle. Néanmoins, les livres ne sont pas la seule source de renseignement. En effet, les enquêtés répondent que pour comprendre et se renseigner sur les religions néo-païennes, ils se sont aidés « des livres surtout et un peu des réseaux sociaux », tout en se « renseignant davantage sur ce mouvement, sur internet et avec des témoignages ». Après en avoir « entendu parler [ils ont fait] quelques recherches sur internet et des livres ». Ici, les deux semblent intimement liés. En fait, il faut savoir qu’internet est souvent le révélateur. En effet, il permet de connecter les gens entre eux et lorsqu’un nouveau croyant est seul et mal informé, les réseaux sont le meilleur moyen de contacter des personnes qui en savent plus que nous. C’est à ce moment-là que nous nous apercevons que les sites internet, pages et groupes Facebook ont une grande importance : ils permettent de constituer un groupe et de s’entraider.

Chose intéressante, malgré le fait que les nouveaux adeptes rejoignent des groupes particuliers, il n’y a que très rarement des parcours initiatiques à proprement parlé. Seul 7.1% des néo-païens ayant répondu à notre questionnaire semble avoir réalisé un véritable parcours initiatique, c’est-à-dire encadré par des aînés/des croyants plus expérimentés  qui balisent et font passer un certain nombre d’étapes avant d’accepter le nouveau venu dans la communauté. Parmi eux, le druide interrogé explique avoir vécu un parcours en plusieurs étapes. Sans être très explicite, il dit avoir fait de nombreuses recherches avant d’intégrer et d’être coopté dans une obédience néo-druidique. Apprenant qu’elle était issue de la franc-maçonnerie et donc bien éloignée des pratiques antiques, il s’en est éloigné pour fonder sa propre communauté : la Communauté du Rite Celtique, dans laquelle il occupe une fonction sacerdotale et est en charge des rituels. Il est compliqué d’en savoir plus, car malgré une ouverture apparente, les néo-païens restent très méfiants.

De la pratique physique…

Si les parcours différents surtout selon la religion en question, il existe une pluralité et une diversité de pratiques qui dépendent uniquement de l’individu. Principalement nous pouvons constater qu’il s’agit d’une pratique de l’occasion, c’est-à-dire que la pratique n’est pas régulière et n’a lieu qu’à des moments précis. En effet, on peut constater que 57% des interrogés expliquent qu’ils ne pratiquent que lorsqu’ils en sentent le besoin et qu’il y a une occasion spécifique qui nécessite d’avoir recours à des rites particuliers: « selon nos besoins et nos envies, on peut faire des sortes de prières qu’on appelle esbats » ou bien « On célèbre également nos réussites et celles de nos proches. » Seuls 35.7% disent avoir une pratique hebdomadaire, le reste ayant des pratiques quotidiennes. Les individus ayant des pratiques plus régulières expliquent qu’il faut faire la distinction entre deux types de pratiques: les grands rituels mais également les pratiques du quotidien, telles que « le yoga, la méditation, la divination » ou encore « les prières, respecter la nature et être à son contact ». Ces pratiques se retrouvent majoritairement chez les néo-païens de longue date (à partir de 5/10 ans).

Cependant, nous pouvons également distinguer d’autres manières de pratiquer. En effet, les enquêtés nous ont permis de comprendre que tous les rituels ne se font pas en groupe. Nous sommes bien loin des sorcières ou des celtes se réunissant la nuit tombée et dansant autour d’un feu ! Ainsi, seul 21.4% dit pratiquer les deux types de rituels (c’est-à-dire parfois seul et parfois en groupe) tandis que 78.6% estiment ne jamais se réunir pour pratiquer. Il faut comprendre qu’il n’y a aucune obligation (comme le dit la loi du Rede en Wicca « Si nul n’est lésé, fais ce que tu veux ! ») et dans un témoignage trouvé sur le site Madmoizelle, un wiccan nous explique d’ailleurs: « Précisons que dans la wicca, un rituel religieux solitaire a autant de valeur, intrinsèquement, qu’un rituel de groupe. » En effet, le but n’est pas d’être en groupe et de constituer une communauté. Comme la Wicca prône l’invention de rituels en fonction des besoins, le fait d’être seul ou non n’a aucune importance. La journaliste Jack Parker dans sa newsletter des sorcières disait le 16 Juillet 2017 « l’important c’est que ça marche et que ça nous fasse du bien, non ? ». Le but est en quelque sorte de « découvrir sa déesse intérieure » (Mona Chollet). Néanmoins être avec une communauté peut être utile pour certaines célébrations. Ainsi, Allison une wiccane dit que « les célébrations en commun afin d’améliorer l’énergie mystique (c’est très important pour les sorciers wiccans adeptes de la magie). »

Comme la plupart des rituels se font de manières individuelles, les pratiques influencent la vie quotidienne des pratiquants. 62.6% des interrogés expliquent effectivement qu’ils ont vu des changements dans leur vie depuis qu’ils ont adopté cette nouvelle croyance. Les individus restant affirment que leur vie n’est pas influencée par leurs croyances, pourtant leurs réponses suivantes montrent une tendance inverse. Tout d’abord, les néo-païens (que ce soit les wiccans ou bien les personnes se réclamant du rite celtique) accordent une grande place aux objets. Ainsi, certains expliquent « Je ne sors jamais sans mes fétiches, mes totems » ou encore « J’ai des pierres de différents types chez moi ». Cette importance donnée aux objets se remarquent également lors d’évènements organisés à l’extérieur. Par exemple en février 2017, un groupe de sorcières se réunit au pied de la Trump Tower à New York. Les organisateurs avaient demandé aux participantes de ramener « un fil noir, du soufre, des plumes, du sel, une bougie orange ou blanche ou encore une photo “désavantageuse” de Donald Trump ». Le but de ces objets est de remplir un rôle lors des rituels. Chaque objet dispose d’une symbolique et a un effet. Par conséquent, ils participent constamment aux rituels qui ne sont, en quelque sorte, jamais interrompus. Intimement liés, les rituels encadrent la vie quotidienne par les objets « je programme beaucoup mes rituels (bougies à brûler à certains moments, type d’encens selon le problème, couleurs à porter » mais également par les différents aliments: « Je consomme certaines herbes ou des aliments en fonction de mes rituels ». Sans même qu’ils s’en rendent compte (puisqu’ils n’estiment pas tous que leur vie est affectée par leurs croyances) leurs rituels, même plus basiques, occupent plusieurs dimensions de leur vie.

Les croyants expliquent également l’importance d’être à l’écoute à chaque instant de la journée. Si certains rituels sont pour eux parfaitement codifiés, ils laissent une place importante au ressenti. « Je sens […] que c’est le bon moment. Je poursuis du fait d’un ressenti. C’est sur le moment que j’invoque les dieux ».  Cette phrase dit par une enquêtée témoigne d’une disponibilité. Il n’y a pas de moment particulier pour faire des rituels, c’est au pratiquant de savoir quand il est entièrement disponible et que le moment est véritablement opportun.

Si les pratiques rituelles sont importantes et ancrées dans le quotidien des néo-païens, ces derniers ne négligent pas pour autant le domaine virtuel. En effet, les néo-païens ont une grande pratique des réseaux sociaux et d’internet. Ce dernier devient un espace qu’ils investissent tout particulièrement tout en restant prudents. Internet et les réseaux sociaux ont la particularité d’être à la fois dans la sphère privée (on le fait dans un cadre intime) et public (ce que l’on publie est à la vue de tous), ce qui peut parfois créer des conflit.  Les néo-païens ont de nombreux objectifs qu’ils essaient d’atteindre avec le web.

… A la pratique virtuelle

Souvent lorsque nous parlons de pratiques religieuses, nous pensons en premier lieu aux rites, aux prières. Ce sont des pratiques qui s’ancrent dans le réel. Cependant au cours de notre étude, nous avons pu remarquer l’importance du virtuelle pour les néo-païens. Ils ont des pratiques particulières dans l’espace virtuel, notamment sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs en étant sur internet que nous avons eu l’idée d’enquêter sur les pratiques néo-païennes. Les pratiques diffèrent d’un individu à un autre mais globalement nous pouvons observer certaines tendances. Parmi les personnes ayant répondu à notre questionnaire, 75% se sont déclarés comme « actifs » sur les réseaux sociaux et seulement 12,5% ont déclaré être complètement inactif. Quant aux autres, ils disent se situer dans la norme, c’est-à-dire plus comme des « actifs passifs » qui observent régulièrement sans pour autant participer directement. Cependant parmi les personnes qui se considèrent comme actives sur les réseaux, seul une personne dit partager publiquement et largement autour de ses croyances, notamment en partageant le calendrier liturgique celte. Ainsi, les véritables croyants néo-païens ne partagent que très peu sur leurs pages personnelles et n’ont qu’une très faible visibilité sur les réseaux sociaux. Lorsque l’on demande pourquoi ils ne partagent pas à propos de leurs croyances, deux raisons apparaissent. La majorité invoque le motif de laïcité: les croyances étant personnelles, elles n’ont pas à être exposé à la vue de tous sur les réseaux. Néanmoins, nous pouvons penser qu’il existe une autre possibilité à ce refus de partager. En effet, une des interrogées explique : « Quand j’en ai l’occasion, parce que je trouve cela plaisant et très enrichissant. Mais uniquement avec des personnes concernées. Je n’ai pas encore fait mon Coming-Out auprès de mon entourage, et je redoute de faire face à la fermeture d’esprit de certains. » Une autre ajoute également : « Un peu, mais je reste discrète sur le sujet car ce n’est pas forcément bien vu par tous ». Plus loquace sur ce point, un interrogé évoque les deux raisons précédentes: « la raison pour laquelle je ne partage que très peu de chose sur ma spiritualité est que je trouve cela assez personnel, la religion relève du domaine privé… (+ l’image que les religions néo-païenne dégagent, on est pas très pris au sérieux et en plus mal vu par les extrémistes des religions monothéistes principales, vu comme des « sorciers », des « hérétiques » etc.) ».

L’espace virtuel est-il un champ de bataille entre croyants des religions majoritaires et croyants néo-païens ? S’il n’y a pas beaucoup de cas virulents, on peut effectivement voir les différents croyants se mobiliser sur les réseaux sociaux face aux néo-païens. Ainsi, face aux évènements de février 2017 à la Trump Tower. De nombreux chrétiens américains ont réagi. Ces derniers ont alors invité à faire une contre-offensive en récitant un psaume de David. Pour faire circuler leur message, ils se sont notamment mobilisés sur les réseaux et ont créé le hashtag #PrayerResistance sur Twitter. L’ensemble des réactions sur internet sont bien souvent des appels à la prière « pour la conversion de nos frères – et amis pour certains – égarés dans une impasse spirituelle, en espérant qu’ils soient un jour touchés par la Grâce divine, pour peu que leurs cœurs cessent d’être endurcis » (Chouan Orphelin pour Le Rouge et le Noir, une « gazette en-ligne qui se veut dans l’Eglise »). Une personne catholique, ayant répondu à notre questionnaire, dit d’ailleurs « Oui [je perçois un effet de mode]. Cela m’exaspère car les personnes ne savent pas forcément de quoi ils parlent. » Il faut savoir que pour les religions monothéistes, notamment pour les Chrétiens, le renouveau du paganisme révèle un certain échec de l’évangélisation. Là où certains parlaient de « génie du christianisme » (le christianisme tentant de s’adapter aux coutumes et traditions locales en gardant la forme et changeant le fond), il y a aujourd’hui des individus souhaitant retourner à leurs racines païennes. Ainsi, le druide avoue s’être demandé «mais pourquoi les Druides ont-ils disparus ?». C’est ensuite que j’ai appris la vérité sur leur génocide et leur extinction forcé, ce qui m’a amené à réfléchir sur le pourquoi, le comment et bien sûr, sur ma religion de l’époque « le catholicisme ». Voilà comment le paganisme a commencé à vibrer en moi. » C’est également le cas pour beaucoup d’autres néo-païens qui étaient à l’origine issus des trois grandes religions monothéistes. Cela explique pourquoi 57.1% des interrogés sont des nouveaux néo-païens (néo-païens de quelques mois jusqu’à 5 ans). De plus, en ce qui concerne d’autres croyances néo-païennes, telles que la Wicca, les membres sont directement associés aux sorciers et donc au diable. Apparaissant comme à l’opposé des croyances monothéistes, notamment chrétiennes, ils ont longtemps été violemment rejetés par les différentes sociétés occidentales, comme nous le rappellent les chasses aux sorcières, le procès des sorcières de Salem… Aujourd’hui encore l’ombre de la sorcière plane toujours, comme nous l’explique Mona Chollet, lorsque les jeunes filles ont peur d’être des « vieilles filles à chats » ou encore lorsqu’on rejette les vieilles femmes aux cheveux blancs qui ramènent à nous l’image des sorcières ou des antagonistes de fiction (comme Cruella d’Enfer, des 101 Dalmatiens).

Ces différents faits peuvent nous permettre d’expliquer la réticence des néo-païens à partager autour de leur croyance. Pourtant, au cours de notre enquête nous avons pu voir que certains néo-païens partageaient activement. La seule personne partageant sur les réseaux et qui a répondu à notre enquête se trouve être le druide qui occupe une fonction sacerdotale au sein de la Communauté du rite celtique, c’est-à-dire qu’il officie et qu’il est habilité à exécuter les différents rites. Il n’est cependant pas le seul à partager activement autour du néo-paganisme. En effet, il se trouve qu’entre l’été 2017 et le printemps 2018 la journaliste et autrice Jack Parker crée la « newsletter des sorcières » (plusieurs milliers d’abonnés). Dans celle-ci, elle diffusait des photos de son autel, de ses grimoires, des interviews d’autres sorcières, conseils astrologiques et concernant les rituels. Ainsi, nous pouvons supposer que ceux qui partagent à ce propos sont les croyants qui possèdent une certaine influence et une certaine visibilité de par leur statut. Étant installés depuis de nombreuses années dans le « paysage » néo-païen, ils n’ont plus à se justifier et au contraire, souhaitent expliquer et attirer les autres individus vers leur croyance. C’est pourquoi lors de notre premier contact le druide nous dit : « Si ce sujet vous intéresse n’hésitez pas à me contacter, je suis pour l’ouverture de notre religion au grand public. » Il agit ainsi comme n’importe quel croyant qui se sent en accord avec sa foi. En effet, cela fait plus de 20 ans qu’il s’est engagé dans cette voie et se documentant sans cesse depuis ses 21 ans.

La deuxième tendance que nous avons observé est la création de multiples groupes (fermés pour la plupart) dédiés aux néo-païens. Ici, seuls les administrateurs peuvent ajouter quelqu’un dans le groupe ou accepter un individu à condition qu’il explique ses motivations auparavant. Pour les besoins de l’enquête, nous avons intégré un groupe fermé très actif sur Facebook (nous ne nommons pas ce groupe par respect du fait qu’il soit fermé). Pour cela, nous avons simplement envoyé une demande, sans explications, en espérant être accepté dans le groupe. En effet, pour les raisons précédemment citées les néo-païens, et notamment les wiccans, sont particulièrement prudents sur leurs échanges et qui peut les consulter. A l’origine nous souhaitions poster un message pour contacter une ou plusieurs personnes dans l’optique de mener des entretiens. Mais nous avons vu que nous n’étions pas les premières à tenter et les autres offres avaient été catégorisées « Arnaques ». Nous nous sommes donc contentées d’observer passivement leurs échanges par respect de leurs habitudes. En arrivant sur le groupe, nous avons constaté l’existence d’un règlement. Les règlements sont une chose très courante sur les groupes Facebook et permettent de le gérer pour que chacun puisse avoir une bonne expérience dans le groupe. Ici, nous retrouvons un certain nombre de règles communes aux autres groupes. Ces règles concernent le respect, mais aussi la présentation. Chaque nouveau membre se doit de faire une brève présentation avant de pouvoir participer. Ensuite il y a, par exemple, l’interdiction de faire de la « publicité ». Ce sont des règles élémentaires, comme un règlement intérieur, qui permet une bonne cohésion et une bonne dynamique dans le groupe. Il existe également des règles propres liées à la Wicca. Par exemple, il est interdit de demander sur ce groupe des rituels ou des coven (des communautés/assemblées de sorcières) et les membres redirigent vers d’autres groupes qu’ils gèrent. Ces différents éléments montrent bien qu’il y a une tentative d’organisation du groupe religieux qui de base est non-organisé. Cette non-organisation est d’ailleurs une des raisons pour laquelle les néo-païens choisissent la Wicca plutôt qu’une autre religion.

Ces groupes sont importants pour les néo-païens. D’abord, ils leur fournissent un cadre « sécurisé » dans lequel ils peuvent échanger sans crainte. Ces groupes permettent également d’obtenir des conseils de membres plus expérimentés, réunissant les adeptes éclatés aux quatre coins de la France. Plus largement, ces groupes participent à l’instruction des croyants. Le druide partage très régulièrement autour du calendrier liturgique celte, sur les vertus des plantes. Dans le groupe Facebook wiccan, l’instruction occupe également une grande place puisque les administrateurs du groupe postent de nombreuses ressources bibliographiques qu’ils estiment fiables et utiles.

A travers l’observation de ces pratiques virtuelles, nous assistons en fait à la structuration et à l’organisation d’un nouveau groupe religieux pourtant fondé sur la liberté et l’égalité de chaque membre.

III – Un lien étroit entre néo-paganisme et revendication politique

Guinnevere drew pentagrams
Like yours, mi’lady like yours
Late at night when she thought
That no one was watching at all
On the wall
She shall be free
SCrosby, Stills & Nash, Guinnevere

Rapport à la politique : entre concordance et divergence

Les religions néo-païennes sont des religions complexes qui semblent se construire selon les croyances et les valeurs de chacun. Contrairement aux religions monothéistes largement diffusées comme le Christianisme, il n’existe pas de textes saints, de dogme ce qui permet une certaine souplesse dans la croyance et la pratique. Ce sont des religions qui, pour la plupart, semblent être le fruit d’une construction propre, d’un « bricolage » que Stéphane François rapproche notamment de la définition qu’en fait Claude Lévi-Strauss : « Le propre de la pensée mythique, comme du bricolage sur le plan pratique, est d’élaborer des ensembles structurés non pas directement avec d’autres ensembles structurés, mais en utilisant des résidus et des débris d’événements : “Odds and ends”, dirait l’anglais, ou en français, des brides et des morceaux, témoins fossiles d’un individu ou d’une société. » Les religions néo-païennes sont alors le fruit d’une construction qui peut être propre à chaque groupe voir individus mais également d’une forme de reconstitution historique. Par exemple, par rapport au druidisme d’aujourd’hui, il est plus juste d’appeler cela Néo-druidisme du fait que le druidisme celte et plus globalement les sociétés celtiques, cultivaient une tradition orale. Le druidisme actuel se base alors sur des pratiques reconstruites qui ne sont pas forcément fidèles à celles qui existaient à l’époque. Le néo-paganisme témoigne ainsi plus globalement une fascination pour des religions antiques et des sociétés traditionnelles.

Dans les croyances actuelles, le néo-paganisme est toujours lié au polythéisme mais aussi à un fort rapport à la nature. Ainsi, ces religions suivent un certain mouvement écologique ce qui est un point commun entre la plupart de celles-ci. Elles ont également en commun un refus du christianisme voir de la modernité. Ce refus est plus ou moins important en fonction des individus. En effet, comme nous l’avons vu, la plupart des convertis le sont plus parce qu’ils ne se sentaient pas en accord avec la religion qui leur avait été inculqué, chrétiens pour la plupart. Toutefois nous avons quand même eu une réponse assez révélatrice de ce rapport à l’histoire païenne et sa répression : « Un effet de mode je ne sais pas mais un regain d’intérêt. Ce qui n’est pas une mauvaise chose qu de savoir que ce que certains ont voulu éteindre, existe toujours. » Toutefois plus globalement, le refus du christianisme et de la modernité caractérise plutôt ces religions dans leur raison d’exister, en témoigne la résurgence pendant le mouvement New Age dans les années 1960 et 1970.

Un certain lien existe alors entre le néo-paganisme et la politique. Tous les pratiquants ne sont pas forcément engagés mais la visibilité actuelle de ces religions est notamment dû à l’implication politique de certains individus ou groupes d’individus. Stéphane François a distingué plusieurs formes du néo-paganisme où il est possible de voir les tendances politiques de chacune.

Il en distingue trois : la première renvoie à un paganisme faisant référence à « une tradition cultuelle précise et a généralement un fondement ethnique, il s’agit la plupart du temps d’une reconstruction d’une religion pré-chrétienne fondée sur des recherches historiques ou pseudo-historiques », la seconde est liée à « un discours écolo-panthéiste de nature universaliste et à un paganisme créé de toutes pièces » et enfin, la dernière se caractérise plus comme un paganisme par choix purement politique. Dans les faits, certaines formes qu’il distingue se répondent.

Ainsi, nous avons voulu ici nous pencher sur deux tendances qui se diffusent largement et qui sont particulièrement visibles sur internet. En effet, deux mouvements semblent plus ou moins s’opposer : un néo-paganisme lié à un aspect identitaire et un autre qui l’est aux contestations féministes actuelles.

Des revendications néo-païennes en accord avec des convictions identitaires

Au néo-paganisme est donc lié des idées politiques plus ou moins importantes en fonction des religions et des individus. L’aspect écologique est un point commun entre les différentes religions du fait de leur rapport à la nature et de leur vision de la place que l’homme dans celle-ci, c’est-à-dire une partie de l’univers à l’égal des autres vivants. Le rapport à la terre est donc important d’un point de vu écologique pour tous, mais il reste des divergences sur d’autres points.

En faisant des recherches sur le sujet et par la réponse d’un de nos répondants, ces deux tendances, identitaire et féministe pour faire simple dans un premier temps, nous a semblé intéressant à étudier pour comprendre les différentes dynamiques du néo-paganisme. Par rapport à cette première tendance, nous avons eu la réponse d’un jeune homme sensible aux images néo-païennes. Il percevait l’effet de mode autour du paganisme comme « une manière d’être plutôt proche envers certaines personnes. En termes d’échanges humains, sociaux, politiques et éthiques. » Et à la question sur ses engagements, il nous a répondu « La préservation des frontières est une valeur que je soutiens de manière naturelle car elle concerne mon peuple, ma patrie. Le développement social et économique de mon peuple est une question importante pour moi en tant que citoyen français. » Cette réponse a été très intéressante pour nous car elle s’opposait aux nombreuses réponses de wiccans qui se revendiquaient féministes et écologistes. Nous avons donc vu qu’un lien existait entre la résurgence de religions païennes et la question de la terre comme héritage historique d’un peuple en particulier. Toutefois, en faisant des recherches sur cette forme de néo-paganisme, nous avons vu que ce rapport navigue entre préjugés et véritables idéaux.

Dans les événements qui ont participé à une forme de préjugés envers le néo-paganisme, notons notamment la période de construction d’un roman national au XIXe siècle avec la figure des gaulois et donc des druides également. Et, nous l’avons vu, cette période voit aussi le néo-paganisme se développer comme une manifestation de l’ésotérisme occidental. La fusion entre ces différents aspects a participé à l’association du néo-paganisme à l’extrême droite. Plus tard, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’intérêt porté par la politique nazie à la mythologie germanique mais aussi à l’occultisme et la présence de certains païens au sein de la SS ont complètement nourrit la légende noire du néo-paganisme. Toutefois, Stéphane François insiste sur le fait que d’autres néo-païens se sont opposés au nazisme et qu’il ne faut donc pas réduire systématiquement le néo-paganisme à l’extrême droite. De plus, il semblerait assez inexacte de parler d’extrême droite ou gauche dans les tendances politiques de certains néo-païens. En effet, cela ne semble pas compatible avec leur volonté de traditions et de rupture avec le monde moderne.

Toutefois, l’association est encore faite fréquemment par les idées politiques dont se réclament certains néo-païens. Internet est d’ailleurs un lieu de visibilité mais aussi de diffusion de ceux-ci. Un exemple fréquemment utilisé est celui de l’association Terre et peuple fondée par Pierre Vial. Se réclamant néo-païenne, elle prône un ethno-communautarisme qui se lit en partie par la devise de l’association « une terre, un peuple ». La principale argumentation est que chaque peuple est adapté à un environnement dont il serait originaire. Ces peuples devraient alors se réunir et vivre selon cet ordre. Selon Stéphane François, ce discours ethniciste implique un recours au nationalisme entendu comme ethnonationalisme. Existe également une dimension importante qu’est celle de l’Europe. Ainsi, dans cette mouvance du néo-paganisme, le but est de réaffirmer ses racines païennes et celtique des peuples européens.

Ce discours se retrouve défendu par plusieurs individus sur internet dont Varg Vikernes, pseudonyme de Kristian Vikernes, un musicien. Ce dernier connaît une certaine popularité sur internet. Cette dernière s’explique par le fait que Varg Vikernes est une figure majeure du black métal norvégien. A la fin des années 1980, le black metal s’est développé en Norvège et a donné naissance à un ensemble de groupes de musique considérés comme fondateurs de ce sous-genre musical. Toutefois, ce développement musical s’est accompagné d’un discours et d’un comportement largement antichrétien comme témoigne l’incendie de plusieurs églises dont les jeunes membres de ces groupes furent accusés et notamment Varg Vikernes. Ce discours est soutenu comme une réaction à l’évangélisation de la Norvège et la lutte de l’Eglise contre les païens. Varg Vikernes diffuse aujourd’hui ses idées par le biais de son blog, Thulean Perspective, mais surtout par Youtube où il met quotidiennement en ligne des vidéos sur sa chaîne du même nom. Cette dernière comptabilise plus de 223 000 abonnées ce qui est assez important mais qui peut s’expliquer par la notoriété de son créateur. Il y parle essentiellement de néo-paganisme, de traditionalisme, de son mode de vie survivaliste et de politique. Une vision politique qui, comme nous l’avons vu, est marquée par un discours ethniciste qu’il justifie par la nécessité d’être traditionnel dans son pays. Finalement, c’est aussi un exemple évocateur d’un mouvement entre culture par un sous-genre musical et vision néo-païenne marquant encore celui-ci.

Nous avons donc vu ici qu’internet peut être un lieu de diffusion de certaines idées politique pour les néo-païens. Ici, il s’agissait d’un discours plutôt lié à une politique identitaire, défendant une vision du traditionalisme mais une autre tendance est visible, celle de l’acceptation totale de l’autre et de la défense des plus dominés.

Un néo-paganisme qui fait face aux rapports de domination

Le paganisme, et donc le néo-paganisme, entretien un certain lien avec les rapports de domination. Nous pouvons penser à son histoire où les croyances païennes des sociétés antiques se sont progressivement réduites sous l’influence d’un christianisme prenant de plus en plus d’ampleur. Ces croyances païennes ne se sont pas complètement éteintes sous cette influence et des individus voir même des cultures ont continué à cultiver des éléments païens comme des fêtes par exemple, la plus connue et diffusée étant Halloween, fête de Samain. Parmi les figures païennes mélangé au christianisme notons Merlin, figure druidique qui a gardé cette dimension même avec les réécritures chrétiennes. Une figure encore plus complexe se trouve chez la sorcière.

La figure de la sorcière rappelle les structures sociales celtiques notamment gauloises où les femmes étaient plus indépendantes et même consultées pour certaines décisions politiques. Des femmes représentées dans les textes antiques avec une certaine force comme l’évoque la figure de Chiomara dont l’histoire nous a notamment été transmise par Plutarque. La sorcière rappelle également les guérisseuses et sages-femmes qui avaient de grandes connaissances. Il est étonnant de voir que de nombreuses cultures ont associé des connaissances des forces de la nature et occultes à la figure féminine, en témoigne également la déesse Hécate dans la mythologie grecque. Finalement, la sorcière représente une figure féminine indépendante et libre, une figure réprimée pendant de nombreux siècles comme en témoigne les persécutions des sorcières aux XVIe et du XVIIe siècles. Toutefois, cette image de la sorcière a connu un destin nouveau avec les religions néo-païennes et notamment la Wicca, les années 1970 ayant fortement contribué à ce nouveau regard. A cette époque, s’est alors associée Wicca, féminisme et écologie.

Il s’agit d’une dimension que nous retrouvons aujourd’hui comme peut en témoigner les réponses que nous avons eu à notre questionnaire. La majorité de nos répondantes étaient des femmes wiccanes ayant pour engagement politique le féminisme, l’écologie et la protection des animaux. D’autres ont répondu d’une manière un peu différente en nous disant qu’ils sont pour le respect d’autrui, de la nature et des êtres qui la compose. Il s’agit d’une dimension importante de la Wicca qui est symbolisé dans la devise de ce culte : « Fais ce que tu veux tant que cela ne nuit à personne ». Nous voyons alors la notion de la liberté, du respect de la nature et des êtres vivants.

A l’heure du #Metoo et du réveil d’un réveil d’un nouveau féminisme, la figure de la sorcière était inévitable. Des articles se multiplient rendant visible l’engagement des sorcières modernes dans la politique actuelle. Aux Etats-Unis, des sorcières lancent des sorts à Trump, d’autres prennent part au mouvement Black Lives Matter. En France, le phénomène est autant visible. Prenons l’exemple du rassemblement des membres de le Witch Bloc Paris le 12 septembre 2017 contre la réforme du code du travail et qui ont brandit des pancartes « Macron au chaudron ». Leur nom et leur mouvement témoignent de l’héritage des mouvements politiques des années 1970. En effet, ce collectif, qui se présente comme luttant contre toutes les formes d’oppressions et notamment celles découlant du patriarcat (racisme, sexisme, transphobie, homophobie entre autres) rappelle le mouvement de la Women’s International Terrorist Conspiracy from Hell (W.I.T.C.H.). Il s’agit de groupes féministes qui ont agit aux Etats-Unis pendant les années 1960 dans le cadre du mouvement de libération des femmes. Une résurgence de ce mouvement existe depuis 2016 avec le groupe W.I.T.C.H. de Portland. Les sorcières sont bien présentes dans les actions politiques et se battent pour que les droits des femmes et des minorités.

Dans ce grand mouvement de prise de parole, internet occupe une place importante. Il s’agit d’un lieu d’expression et de revendications où les sorcières partagent leur mobilisation pour le droit de tous.


L’artiste Psychara sur Instagram pendant la marche des femmes à Amsterdam le 11 mars 2017

Cette mobilisation passe également par une organisation partant sur internet. Le Witch Bloc Paris par exemple, signal sur son compte Tumblr qu’il est possible de les rejoindre lors d’actions ouvertes signalées sur leurs réseaux sociaux.

Un dernier aspect est celui de l’éco-féminisme. Ce mouvement témoigne de la prise de conscience par rapport aux similitudes et aux causes communes touchant le féminisme et l’écologie. Nous l’avons vu, ce sont deux éléments qui constituent des engagements chez les sorcières principalement. En témoigne l’écrivain Starhawk, référence majeure du néo-paganisme, notamment de la Wicca, et de l’écoféminisme. Toutes ces revendications ont donné naissance à des nouvelles branches néo-païennes comme le dianisme, ou Wicca dianique, dans les années 1970. Il s’agit d’un exemple assez parlant dans la mise en évidence du fait que ces religions néo-païennes sont, pour certains, une expression de croyances et de convictions personnelles ainsi que de revendication politique.

Récemment, ces mouvements se sont fait d’autant plus visibles par la diffusion d’œuvres s’y inspirant. Un exemple se trouve dans la série Les Nouvelles Aventures de Sabrina où la dimension anti-patriarcale, féministe et de représentation de minorités par des personnages forts occupent une place importante dans la série.  Un autre exemple s’incarne dans le livre de Mona Chollet Sorcières. La puissance invaincue des femmes. Ce livre, qui connaît un certain succès, témoigne par les différentes représentations qui ont été faites des sorcières de leur figure profondément féministe et inspiratrice d’émancipation.

Conclusion

Pour conclure, nous avons pu observer que les néo-païens ont une grande présence sur internet notamment les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) ainsi que sur les plateformes comme Youtube. Appropriées par les marques, leurs croyances sont l’objet d’une véritable fascination pour beaucoup de jeunes. Les néo-païens en ont conscience mais ne se considèrent pas comme des « produits » de cet engouement. Internet apparaît cependant comme révélateur et moteur pour les groupes et les adeptes du néo-paganisme puisqu’il permet de se renseigner mais également de former une communauté plus ou organisée. Les pratiques sont fortement influencées par leur présence sur les réseaux puisqu’ils viennent y chercher des avis et des rituels précis. Ils tentent également d’avoir une certaine visibilité pour instruire les néo-païens. Leur visibilité porte aussi un message politique, même de manière inconsciente, car il permet de revendiquer leurs idées, notamment écologiques, mais également féministes ou identitariste.

Bibliographie :

Ouvrages spécialisés :

BLANC William, Le roi Arthur, un mythe contemporain, Libertalia, 2016

CHOLLET Mona, Sorcières. La puissance invaincue des femmes, La Découverte, 2018

FRANÇOIS Stéphane, Le néo-paganisme : une vision du monde en plein essor, Editions de la Hutte, 2012 (Récension faite par Nicolas Boissière : http://www.religiologiques.uqam.ca/recen_2014/2014_p_SFrancois.pdf)

HACHE Emilie, RECLAIM. Recueil de textes écoféministes, Cambourakis, 2018 (Podcast du 10 Juillet 2018 concernant son oeuvre dans Présage: https://youtu.be/LI-nEgvqevA)

Starhawk, Rêver l’obscur – Femmes, magie et politique, Cambourakis, 2015 (Récension faite par Mona Chollet : http://www.peripheries.net/article215.html)

Articles scientifiques :

CHOLLET Mona, « Construire une puissance au féminin », Revue Ballast, 10 septembre 2018.URL: https://www.revue-ballast.fr/mona-chollet-construire-une-puissance-au-feminin/?fbclid=IwAR36CFmTVzx_hjyETAFm4nrp7MvH3AksgISgO5zhUdGoGM59vpbSxMB2ZrA

FRANÇOIS Stéphane, « Le néo-paganisme et la politique : une tentative de compréhension », Raisons politiques, 2007/1 (no 25), p. 127-142. DOI : 10.3917/rai.025.0127. URL : https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2007-1-page-127.htm

PERE-NOGUES Sandra, « Chiomara, Camma, et autres princesses… Une histoire des femmes dans les sociétés « celtiques » est‑elle possible ? », Pallas [En ligne], 90 | 2013, mis en ligne le 21 janvier 2015, consulté le 04 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/pallas/647

STENGERS Isabelle, «Une politique de l’hérésie», Vacarme, 19, 2 avril 2002, consulté le 08 février 2019. URL : https://vacarme.org/article263.html?fbclid=IwAR3t9QBecya4M0dmnpIOWlTWcE4019DGrv7cT9dU5fLhhiFO0CIO4jyifuM

Corpus web :

Néo-paganisme en général :

Le site de l’European Congress of Ethnic religion : http://ecer-org.eu/

Résurgence de religions de l’Antiquité grecque et romaine :

Le site du Conseil Suprême des Hellènes Gentils : https://www.ysee.gr/html/fre/index.html (En anglais mais plus complet : https://www.ysee.gr/index-english.html)

Le site de Nova Roma : http://www.novaroma.org/

Un article sur Ellinais : http://www.lefigaro.fr/international/2007/02/03/01003-20070203ARTFIG90830-les_dieux_de_l_olympe_de_retour_a_athenes.php

Un article sur l’hellénisme :  https://www.vice.com/fr/article/kwdn5y/tonnerre-de-zeus-472

Ásatrú et Odinisme :

Le site d’Ásatrú Folk Assembly : http://www.runestone.org/

Un article sur des croyants de l’Ásatrú : https://www.vice.com/fr/article/5gxaqk/asatru-religion-des-vikings-812

Le site de Felag Ásatrú Francophone : http://www.felag-asatru.org/

Le blog de Varg Vikernes : https://thuleanperspective.com/page/2/

Interview de Varg Vikernes sur Radio Metal : http://www.radiometal.com/article/varg-vikernes-burzum-lhomme-qui-savait-se-faire-detester,67699

Wicca / sorcellerie :

Tumblr du Witch Bloc Paris : https://witchblocparis.tumblr.com/FAQ

L’article de Wikihow sur comment être une sorcière : https://fr.wikihow.com/%C3%AAtre-une-sorci%C3%A8re#

Des publications marquées par #witchesofinstagram : https://www.instagram.com/explore/tags/witchesofinstagram/?hl=fr

Un témoignage d’une wiccane : http://www.madmoizelle.com/sorciere-wiccane-248658

Un second témoignage sur la Wicca : http://www.madmoizelle.com/wicca-temoignage-wiccan-270707

Un article sur le e-shop « Daughters of Witches » : https://www.la-wtf.com/article/mode-lifestyle-on-fond-pour-le-e-shop-feministe-daughters-of-witches_833.html

Un article sur le retour des sorcières : http://mi.lapresse.ca/screens/ced4dd28-4d1e-41b7-8b18-83774d324adf__7C___0.html

Un article sur le rapport entre sorcières et féminisme : http://www.slate.fr/story/155654/sorcellerie-feminisme

Un article sur la commercialisation du Starter Witch Kit : https://hellogiggles.com/news/sephora-starter-witch-kit-pulled/?utm_campaign=hellogiggles_hellogiggles&utm_term=70EF744E-B619-11E8-9A66-9BD04744363C&utm_medium=social&utm_content=photo&utm_source=twitter.com

Une web radio wiccane : http://ecole-des-sorcieres.wiccaradio.net/

Un forum sur la Wicca : http://wiccandomhanda.forumactif.org/

Néo-druidisme :

Des topics sur le druidisme sur jeuxvideo.com qui montrent qu’un lien existe entre la diffusion de pratiques néo-païennes par la culture et l’intérêt porté sur cela : http://www.jeuxvideo.com/forums/42-3005597-47883299-1-0-1-0-ca-sert-a-quoi-le-druidisme.htm

Le blog d’un druide : https://druidekerzher.wordpress.com/

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